Critiques pour l'événement Rouge, Niels Arestrup
21 janv. 2020
6,5/10
14
On ne peut rien dire sur la qualité du jeu de Niels Arestrup et je me faisais une joie de découvrir cet immense acteur sur scène.
Mais malheureusement j’ai trouvé que la pièce n’avait pas de grand intérêt, qu’elle tourne en rond avec les dialogues quelque peu convenus. Dommage, peu d’émotion et Alexis de Moncorgé est écrasé par Niels Arestrup.
Je me suis ennuyée à bien des moments.
2 janv. 2020
9/10
37
A New-York, un jeune peintre, Ken, postule pour un poste d'assistant auprès du célèbre Rothko, artiste connu de toute la haute société, qui a reçu une commande de plusieurs tableaux rouges pour l'un des plus grands restaurants New-yorkais à la mode, le Four-seasons.
Celui-ci, accepte de le prendre à ses côtés mais à l'unique condition qu'il garde un rôle d'assistant "à tout faire", ne le prenne pas pour son professeur car il ne lui donnera aucun cours, et lui intime l'ordre de ne rien attendre de lui.
Mal dans sa peau, désagréable, égocentrique et acariâtre, l'artiste humilie constamment le jeune homme qui lui obéit patiemment.
Mais petit à petit, le jeune Ken prend confiance en lui. Jusqu'au jour où...

Une grande interprétation des deux comédiens, Niels Arestrup et Alexis de Moncorgé, digne petit fils de Jean Gabin, qui monte en puissance, sur un très beau texte de John Logan.
Tout d'abord personnage gauche, insignifiant et timide, on voit l'évolution d'Alexis de Moncorgé, Ken, qui petit à petit, prend de l'assurance et s'affirme dans un tête à tête final.
Niels Arestrup interpréte avec puissance et perfection l'artiste capricieux et égocentrique.
Nous connaissons tous l'immense Niels Arestrup mais je vous invite à découvrir le jeune Alexis de Moncorgé, bourré de talent, que j'ai découvert dans Amok de Zweig.
7 nov. 2019
8,5/10
29
Nous allons aller à la rencontre de Mark Rothka, peintre américain classé parmi les représentants de l'expressionnisme abstrait américain, mais Rothko refusait cette catégorisation jugée « aliénante ». Il est peu exposé en France (la dernière rétrospective ayant eu lieu en 1999).

Nous sommes à New York dans les années 50. Rothko vient d’avoir la commande d’un grand restaurant New-Yorkais « Les Quatre Saisons » pour une grande fresque murale abstraite.

Nous pénétrons dans l’atelier de Mark Rothko, homme solitaire, misanthrope, au caractère difficile, en désaccord avec ses contemporains et en admiration pour Van Gogh, Rembrandt et Caravage.
Rothko allume une cigarette, jette un œil sur quelques esquisses, fait jaillir la musique. Nous sommes dans son univers : des châssis, un établi, des pots de peinture, des poulies permettant de relever ou d’abaisser les toiles, quelques pinceaux…
Il accueille son jeune et nouvel assistant Ken en le questionnant sévèrement et en le sermonnant pour son manque de culture philosophique, littéraire, musicale et poétique.

Dans un combat et une discussion endiablée fusent leurs questionnements sur la peinture et sur l’art en général.
Le commerce de l’art offusque Rothko, il souhaite que l’on contemple ses œuvres avec dévotion mais...
« Je veux une forme plane car elle détruise l’illusion et révèle la vérité »
Ken déclare sans ménagement à son maitre que le Pop art est le nouveau mouvement innovant…
Malgré leurs divergences, on sent naître un attachement sincère entre eux.


Nous découvrons des brides de leur vie, leurs angoisses, leurs désirs, leurs déceptions.

Niels Arestrup incarne avec force, sensibilité et passion Mark Rothka dont Louise Bourgeois disait « On ne l’a jamais vu sourire »
Alexis Moncorgé interprète avec grande justesse et brio Ken. Ce jeune assistant qui prendra de l’assurance jusqu’à contredire son maitre qu’il admire.

Très beau moment de théâtre qui donne envie de découvrir plus intensément Mark Rothko.
11 oct. 2019
7/10
17
Belle confrontation entre le maître du Rouge et son jeune employé sur l'essentiel de l'art de la peinture, version Rothko.
Puissance des échanges et du jeu théâtral. Mais un peu trop intello à mon goût !
8 oct. 2019
7/10
41
Une performance sur la thématique de l'Art! Un bon jeu d'acteurs même si Niels Arestrup semblait parfois avoir du mal à suivre le rythme.

Quelques petites longueurs mais très sympathique dans l'ensemble!
Alors ?
Si on ne discute pas des goûts et des couleurs, soyez ici servis ! Carmin, cramoisi, écarlate, ... Prenez le temps de choisir le terme adéquat avant de répondre à la question du maître Mark Rothko (Niels Arestrup) : "Qu'est-ce que vous voyez ?".

Un deuxième conseil, ayez du discernement et suffisamment de recul pour ne pas tout aimer. Enfin, bannissez le mot "sympa". Impossible de lister tous les points de vigilance pour avertir Ken (Alexis Moncorgé), le nouvel assistant de l'artiste, mais ces trois conseils lui seront précieux. Dans son atelier, en 1958, Mark Rothko travaille sur la livraison de ses œuvres au très prestigieux restaurant Four Seasons à New York. Le patron annonce la couleur : l'assistant s'occupera du boss sans rechigner. Deal conclu. Impressionné et engoncé dans son costume, Ken deviendra son sparring partner. Sans surprise, le texte est imprégné d'une musicalité américaine où le petit nouveau coincé parviendra à prendre de l'assurance, n'hésitant pas à défier les plus grands. Fort heureusement, la carrure et la gouaille du comédien Niels Arestrup renverse d'un revers de coup de pinceau ce minot qui monte sur ses grands chevaux. Le texte offre de belles réflexions sur notre rapport à l'art avec le prisme de l'écart générationnel des protagonistes. Si le fils doit tuer le père, que devient le fils ? Que doit-il créer pour honorer le sang répandu ? Loin de l'ambiance muséale, le spectateur a la chance de s'imprégner des toiles présentes sur scène et d'écouter les joutes. La mise en scène intègre des morceaux de musique qui rendent hommage au culte de l'art. Le plus profane est le bienvenu puisqu'il n'est nullement nécessaire d'avoir des références en histoire de l'art, en particulier celles couvrant la fin du 20ème siècle, pour apprécier la pièce.

La leçon philosophique évidente peut se résumer à : l'art fait partie de notre vie afin de "ne pas mourir de la vérité" - pour reprendre les mots de Nietzsche. Mais l'art vit avec son époque - en l'espèce, celle du pop art, du consumérisme et du has-been. C'est une conclusion bien tragique pour celui qui refusait d'être "superflu de son vivant".
27 sept. 2019
6,5/10
24
Je me suis un peu lassée à la longue de ce duo qui parle beaucoup.

Ceci n'enlève rien à la grande qualité des acteurs (présence et rythme).
La scène large et profonde, est parfaite pour cet atelier d'artiste.

La mise en scène est réussie, tout comme les décors.
25 sept. 2019
6/10
22
Pièce plutôt banale sur la peinture et l’art en général.

En bref, l’auteur de la pièce raconte une conversation entre Rothko et son élève, sur l’art en général.

Deux grands thèmes sont abordés :
- L’incohérence de la création artistique : celui qui consiste à vouloir faire un art libre de toute visée mercantile et de toute contrainte, alors qu’en même temps l’artiste doit vendre son art aux temples de la consommation pour en vivre.
- La querelle des anciens et des modernes : l’élève lui apprend que le pop art détrône l’expressionnisme, ce que Rothko, adepte des couleurs et du mouvement refuse catégoriquement.
- Le complexe d’Oedipe : l’élève cherche partout son père, qu’il reconnait en Rothko

Ce que je trouve dommage c’est que :
1. Les thèmes sont communs à chaque artiste. La pièce traitait de Rothko, mais elle aurait été la même si elle traitait de Picasso, Picabia ou Van Gogh. Je n’ai pas bien saisi la vision particulière de Rothko sur l’art, ni dans son époque. J’ai manqué de détails spatio temporels pour bien individualiser la pièce
2. Rothko et l’élève échangent de belles punchlines, ils s’expriment beaucoup en répartie, mais j’ai regretté que les dialogues ne soient pas plus « commun ». Ce que je veux dire c’est que quand deux personnes échangent sur un sujet, ils ne sont pas dans le perpétuel cri. Leur conversation n’était en ce sens pas très plausible.

J’ai également manqué d’émotion : le seul moment émouvant de la pièce est quand l’élève raconte la mort de ses parents. Or, ce n’est pas le sujet central de la pièce.

Ce que j’ai bien aimé :
- La vision décloisonnée des arts : parallèles avec littérature, philosophie qui inspirent l’artiste
- La peinture au milieu de la pièce : c’était la suite logique de la pièce, mais je n’étais pas certaine que ca allait arriver. Plus largement, la mise en scène est bien
- La mise en scène : un bel atelier d’artiste

Les avis autour de moi étaient très positifs. Bon spectacle à tous !
24 sept. 2019
6,5/10
23
Avant d’assister à cette pièce, il est prudent de savoir un peu à quoi s’attendre. L’aspect didactique, un brin intello peut en effet surprendre un peu au début. Car dès le commencement, Mark Rothko magistralement interprété par Niels Arestrup se lance dans un cours magistral auprès de son « employé ».
« Il faut que tu ailles à la rencontre du tableau », « les tableaux méritent la compassion », « Il faut savoir discerner ce que l’on aime et ce que l’on respecte, ce qui a de la valeur », « "on ne peut pas peindre sans avoir lu Nietzsche, Freud, Young et sans connaître la musique, la philosophie, la psychologie, la tragédie grecque… », « peintre c'est penser »
Cette accumulation de poncifs peut rebuter mais les théories sont intéressantes et si l’on accepte de vivre ça un peu comme une conférence sur l’art, on passera un bon moment. D’ailleurs le comédien se permet de casser le quatrième mur en s’adressant directement au public, le prenant à partie pour étayer ses propos, au moins c'est clair, nous ne sommes pas ici pour découvrir une histoire ou ressentir des émotions mais bien pour écouter un discours sur l'art.

On assiste donc successivement au questionnement sur le marché de l’art et sur le positionnement du peintre vis-à-vis de la vente de ses tableaux. Sur le rapport entre le public et l’art, l’art a-t-il besoin d’être populaire ? L’art doit-il être beau ou pas ? Qui a le droit de juger l’art ? L’art doit-il être sacralisé ou au contraire banalisé ? Quel est le but de l’art ? Est-il décoratif ? A-t-il vocation d’être montré ? Critiqué ? Admiré ? Doit-il apporter quelque chose ? Et ainsi de suite...

Tous les thèmes classiques soulevés par les questions sur l'art et les artistes sont abordés et l'ensemble donne effectivement l’impression d’un exposé bien préparé. Cela n’enlève pas à son intérêt, mais mieux vaut être prévenu.

Soyons honnête, la pièce n’est pas composée que de ça. La trame de fond, même si elle est à notre grand regret trop peu développée, est basée sur la relation entre le maître et l’élève/employé, relation évoluant au fur et à mesure des années qui passent. Le jeune peintre finit par se révolter contre l’ordre établi et par se retourner contre le maitre qu’il admire. La construction des nouveaux courants ne pouvant se faire que par la destruction des anciens : le Pop Art se construisant sur les ruines de l’expressionnisme abstrait qui lui-même avait écrasé le cubisme.

Alexis Moncorgé se révèle au fur et à mesure de la pièce avec un jeu tout en justesse et en finesse et le duo avec Niels Arestrup fonctionne parfaitement bien.
La mise en scène est fluide est agréable, les choix de musiques judicieux et la scénographie magnifique. On retiendra en particulier la superbe scène où les deux comédiens peignent une toile ensemble.
24 sept. 2019
6/10
21
Mark Rothko ? Tout au plus un nom déjà entendu. Ses peintures ? Certainement déjà aperçues. Bien heureusement, il n'est pas nécessaire de s'y connaître pour comprendre la pièce : un peintre renommé mais à son avis incompris prend pour l'aider un assistant lui aussi peintre à qui, entre deux tâches ingrates, il tente d'inculquer sa vision de l'art.

D'abord tout penaud, épaules rentrées, comme ratatiné devant le maître dans ses habits du dimanche, Ken (interprété par Alexis Moncorgé) finira par exploser mais tard, si tard et après tant de scènes que je m'interroge sur l'intérêt de la pièce...

Convenons-en d’emblée : la mise en scène de Jérémie Lippman  est soignée et la scénographie de Jacques Gabel majestueuse et imposante avec ces reproductions grandeur nature de ce qu’aurait pu être des Rothko pour sa commande extra-ordinaire du Four Seasons. Il se dégage de scène une atmosphère effectivement propice à la contemplation et à la réflexion sur l’art. La scène de préparation de la couleur avant de peindre le tableau est magnifique.

Mais après, que dit-on vraiment d’intéressant ? Les échanges sur l’art sont assez convenus et peu originaux. Niels Arestup joue la carte du privilège de l'âge qui n'en est pas un. Il campe ce rôle de peintre bougon et misanthrope et Alexis Moncorgé le jeune élève qui se déploie petit à petit et fait face à l’ombre du maître.

Et après ?

La mise en scène embellit plus qu’elle n’enrichit le propos car le cœur de tout, le texte, plie, insuffisant. Le talent des acteurs ne suffit pas à redresser la barre car il manque dans ces discussions sur l’art et dans le rapport des deux artistes une pointe d’inattendu. Quelque chose qui ne serait pas déjà écrit, un rebondissement, un virage dans le scénario, une étincelle...

Je suis de toutes les pièces récentes avec Niels Arestup : Acting, Skorpios au loin. Je l’aime et je le suis. Mais il faut aussi se rendre à l’évidence : c’est un acteur dont on ne peut plus attendre qu’une même excellence dans le jeu, s’en délecter mais sans s’attendre à de la nouveauté. L’acteur irradie et ne peut désormais que se tenir au sommet, pas innover. Alexis Moncorgé pourrait, il le fait, mais bien trop tard dans ce texte de John Loggan qui les piège.

De plus, il reste des zones d'ombre, des tensions inexpliquées et donc superflues car jamais creusées à fond. Pourquoi nous parler du père ? Que doit-on comprendre quand Rothko, le Rothko intransigeant, hautain voir odieux vient poser sa tête sur l’épaule de son assistant ? Que n’a-t-on pas compris, nous public ? Pourquoi ces fausses pistes ?

Non, face à cet énorme potentiel d’acteur sur un thème qui aurait pu être passionnant, je suis un peu déçue. J’attendais plus de profondeur et de densité!
23 sept. 2019
7,5/10
8
Années 50, à New York. Le célèbre peintre Mark Rothko vient de recevoir une importante commande : réaliser d’immenses fresques d’un restaurant chic. Dans son atelier, Rothko donne des instructions à son nouvel assistant assez effacé, Ken, pour réaliser les mélanges de peintures, assembler les châssis, préparer les toiles... Le rapport de force entre Ken et Rothko va évoluer sur 3 ans et prendre un virage inattendu.

La pièce aux 6 Tony Awards de l’américain John Logan est un texte qui interroge, sur la relation du maître à l’élève, la reconnaissance artistique et du travail d'artiste, et aussi la définition de ce qui est de l'art, sa nature profonde. Nous découvrons tour à tour les doutes et les certitudes du maître et de son apprenti. Il y a aussi les compromissions en opposition avec les principes intransigeants du maître qui sont pointés par l’assistant au regard de plus en plus acéré.

L'évolution des deux personnages est agréable et est interprétée avec justesse. Une mention particulière pour Alexis Moncorgé qui incarne brillamment cet assistant un peu timide et qui va s’affirmer. Niels Arestrup possède le personnage de Rothko avec ferveur, le rôle est taillé pour lui et Alexis Moncorgé (qui m’avait déjà séduite dans Amok il y a quelques temps) sait trouver sa place face à ce monstre sacré. Juste si on pouvait remplacer les vraies cigarettes par des fausses, ce serait encore plus sympathique.

La mise en scène de Jérémie Lippmann m’a semblé un peu légère car les personnages sont assez statiques et cela m’a dérangé un temps mais il y a de grands tableaux qui descendent sur scène et soudain on se retrouve au cœur de la toile attiré irrésistiblement par ce Rouge superbement mis en valeur par les lumières de Joël Hourbeigt. Enfin, c’est ce que j’ai fait et j‘ai apprécié cette plongée : je ne suis pas sure d’avoir écouté tout le texte lors de ma contemplation.

« Qu'est-ce que tu vois ? - Du rouge ! »
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22 sept. 2019
9/10
6
Totalement ignare sur l’art abstrait, je découvre grâce à cette pièce, un peintre pour moi totalement inconnu (moi à part Mondrian, de Staël, Delaunay…).

Mark Rothko, peintre de renom, égocentrique, cultivé, recrute un jeune homme, peintre aussi, mais il s’en fiche, il a besoin de renfort pour mélanger les pigments, assembler les châssis, et enduire d’immenses toiles, ce qu’il ne peut plus faire dans l’instant, il semble fatigué.

Ken, s’est mis sur son trente-et-un, il est intimidé, Rothko descend une grande toile rouge et lui demande ce qu’il voit devant lui, quelle couleur ? du “rouge” bien évidemment, et là commencera une éducation artistique façon Rothko, littérature, peinture, observation d’une toile, de sa vie, de la philosophie, des gens, du public. Pour l’heure, Rothko a accepté la commande d’un restaurant très chic, et il ne peut pas tout assurer.

Ken est subtilement joué par Alexis Moncorgé, du jeune homme timide, à l’homme fort qu’il deviendra et qui osera affronter le “Maître” pour lui asséner toutes ses vérités. Niels Arestrup, exceptionnel, drôle parfois dans la démesure, c’est la douche écossaise avec lui, il est odieux et parfois humain. Les toiles ont évidemment une place de choix, et la mise en scène de Jérémie Lippmann sert très bien le texte.

Une pièce à voir pour une sacrée leçon de théâtre !
21 sept. 2019
4/10
24
Je suis un peu un mouton. Quand je vois Niels Arestrup sur une affiche, j’oublie mes déceptions passées. J’oublie que la pièce est américaine, j’oublie le prix de la place, j’oublie que le metteur en scène m’a rarement convaincue, j’oublie que les choix artistiques récents de Niels Arestrup divergent des miens, j’oublie que le sujet me paraît si peu dramatique, j’oublie que la pièce n’a que deux personnages, j’oublie la difficulté à rendre une conversation de ce genre intéressante. J’oublie tout. Le rappel est d’autant plus rude.

Un jeune homme débarque dans l’atelier de Marc Rotkho un matin pour devenir son employé. Les règles imposées par le peintre sont claires : il ne sera ni son apprenti, ni son ami, mais bien son aide à tout faire, il doit accepter de satisfaire toutes ses demandes, même ses caprices. Le jeune homme accepte.La présence de ce nouvel individu dans son atelier perturbera les habitudes misanthropes du vieux peintre et un lien finira par se nouer. Pas toujours aimable, pas toujours bienveillant, mais un lien quand même.

Lorsqu’une pièce ne fonctionne pas, lorsqu’on a du mal à accrocher, lorsqu’on se met à observer le moindre détail du plafond du théâtre – témoin ma grande expérience ! – notre manque d’implication est souvent imputable au texte. Et ici, malgré les 6 tony awards affichés en gloire sur l’affiche du spectacle – un prix américain, on aurait dû se méfier ! – je dois dire que la pièce m’est apparue sans grand intérêt.

Je n’ai pas du tout été emballée par cette histoire. Si elle traite de l’évolution dans la relation entre les deux hommes, c’est plutôt raté : elle n’est pas linéaire, donc pas réellement interprétée puisque c’est dans les noirs elliptiques que passent toute l’ambiguité de leur rapprochement. Or même les noirs sont ratés : ils sont longs sans être incarnés, et semblent décorrélés de la pièce, comme s’ils avaient été pensés à part. Ainsi, à chaque noir, on sort totalement du spectacle – ce qui n’aide pas à y rentrer. Ou y entrer, c’est selon.

Le résultat n’est pas beaucoup mieux si elle cherchait mettre en perspective l’acte artistique : les grandes phrases assénées par Rothko – « dans chaque coup de pinceau, il y a une tragédie » ou « la tragédie, c’est de devenir inutile de son vivant » – sont risibles tant elles font dans le cliché. Et puis de temps à autres, avec de grosses ficelles pour bien comprendre qu’on change de sujet vers un « il faut tuer le père » pas très subtil, les deux personnages se mettent à évoquer la mort des parents du jeune homme, qui n’aura pas vraiment d’impact sur l’histoire mais qui revient quand même à plusieurs reprises. Etrange.

Il faut dire aussi que la mise en scène n’aide vraiment au schmilblick. Certes, les lumières sont belles et font habilement échos au sujet de la pièce. Certes, le décor est somptueux – mais comment rater un atelier d’artiste quand on en a les moyens ? Si le décor semble vivre, la matière, elle, ne bouge pas : les acteurs sont souvent très statiques, se contentant d’allers-retours entre les toiles et le bord de scène, les musiques qui accompagnent les scènes m’ont semblé hors-propos, les échanges manquent de vie. C’est peut-être la scène, muette, où les deux personnages peignent ensemble qui m’a semblé la plus réussie. Et puis mince, mais c’est triste de voir pareil plateau occupé par seulement deux comédiens. Quand on voit en plus que le spectacle de première partie de soirée est un seul en scène – de Stéphane Bern, sans commentaire – on en vient un peu à déplorer les choix de Myriam de Colombi. D’autant que, vu le décor, on se doute que le spectacle tournera difficilement. Tout cela résonne à mon oreille comme un petit gâchis.

Néanmoins, aussi bougon que je sois, je dois reconnaître que Niels Arestrup reste le plus grand acteur que j’ai jamais vu. Je suis toujours aussi fascinée par la manière dont il devient son personnage sur scène – c’est très cliché d’écrire ça mais je ne vois pas comment l’exprimer autrement. On a vraiment l’impression qu’à tout moment il peut nous peindre un chef-d’oeuvre, que ses colères sont réelles, qu’il invente les mots au fil des conversations. Cette incarnation ne connaît pas d’égal sur la scène française et le voir reste un privilège dont je suis pleinement consciente. Face à ce monstre sacré, Alexis Moncorgé ne se démonte pas. Dans la première scène, où il est d’abord dos au public, muet, son attitude, quoique légèrement accentuée, est extrêmement parlante. Lorsqu’il se retourne, j’ai cru voir Linguini, ce personnage de Ratatouille tout timide et maladroit au début du film ; on retrouvait la même peur de mal faire, le même embarras. Dans l’évolution qui suit, on distingue deux moments : lorsqu’il tente l’émotion, pas vraiment convaincant, et lorsqu’il s’énerve. Alors il prend une réelle place sur le plateau et réussit à s’imposer face au maître devant lui, sans forcer. Et plutôt prometteur.
20 sept. 2019
8,5/10
21
« Rouge » de John Logan dans une version française de Jean-Marie Besset et mise en scène par Jérémie Lippmann au théâtre Montparnasse est la naissance d’un coquelicot fragile qui finira par exister.

Nous sommes à la fin des années 50, décennie où la carrière du célèbre peintre Marcus Rothkowitz, né Russe, devenu citoyen américain, adopta le pseudonyme de Mark Rothko.
Nous sommes dans son atelier, il reçoit un jeune homme, qui deviendra son assistant pendant plusieurs années, pour lui permettre de répondre à une commande importante du célèbre restaurant New-Yorkais le Four Seasons.

Une commande qui répond à son ego très développé. Ce peintre ne conçoit pas que ses œuvres soient mélangées avec d’autres tableaux, au risque d’être perturbé. Les yeux du « visiteur » ne doivent réfléchir que sur sa peinture. C’est un créateur qui veut apporter sa touche personnelle dans l’art pictural, il veut se différencier des autres peintres, lui qui a été marqué par les toiles de Matisse.

Oui réfléchir, car ce peintre, un homme très cultivé, que l’on peut placer dans la catégorie des intellectuels, relève le manque de culture générale de son futur assistant. Comment est-il possible de peindre, quand on sait que seulement 10% de son temps est consacré à appliquer la peinture sur la toile, sans avoir lu Nietzsche, être intéressé par la philosophie ou encore la mythologie grecque, sources d’inspiration inépuisables. La tragédie étant au cœur de l’action.

Une complexité du personnage rendue admirablement par l’interprétation sans faille de Niels Arestrup. Il est cet ours à la carapace fragile qui se doit d’être fort devant la jeunesse, devant ce public qui ne comprend rien à l’art moderne, qu’il méprise. Ce public qui ne s’interroge pas assez sur l’art.
Comme en témoigne le virage à 180 degrés de Picasso, qui flatta son tiroir caisse en répondant à la facilité, en exécutant des peintures dignes des demandes des bobos.
Un ours qui tente d’apprivoiser son « jeune protégé » mais qui finira par répondre à l’éducation souhaitée et prendre son envol, se rebeller.
Certes leurs divergences de la vie sont nombreuses, différence d’âge oblige, mais la peinture les réunit, enfin partiellement.

Dans l’instant présent c’est le rouge qui nous intéresse, ce rouge qui n’est pas rouge pour Mark Rothko, un rouge qui peut se définir sous différentes nuances, qui ont toutes leurs importances, tels que le magenta, l’amarante, le pourpre, l’ocre rouge.

Pour ma part c’est le rouge coquelicot qui m’intéresse, le personnage de Ken alias Alexis Moncorgé. Il est tel un coquelicot, fragile, délicat, en train de naître, de s’ouvrir, au milieu de cet immense champ rouge sans cesse labouré par Mark Rothko, l’artiste à la renommée établie, alias l’ogre Niels Arestrup.
Ce qui m’a séduit c’est ce rapport de force entre Niels Arestrup, à la carrière encensée et ce jeune Alexis Moncorgé, tout de même Molière de la révélation théâtrale en 2016 pour son monologue « Amok » de Stefan Zweig, qui tient tête, sans faiblir, dans sa tirade en particulier, où il finit par exister. Toutes les nuances de rouge passent dans sa voix, la passion, la colère, la raison, l’amour, et c’est beau.

Jean-Marie Besset signe une traduction riche, forte, un texte prenant qui vous tient aux tripes.
Le décor digne de Mark Rothko de Jacques Gabel, sous les lumières de Joël Hourbeigt, souligne la mise en scène de Jérémie Lippmann qui met en relief le côté anxiogène et irascible, la nonchalance de l’artiste toujours en mouvement, comme il veut que sa peinture soit, contrairement à la précision du geste du jeune Ken, pétrifié au début par tant de présence de l’Artiste aux multiples facettes très bien rendu par Niels Arestrup.

Un moment rouge, d’une intensité débordante de vitalité.
20 sept. 2019
9,5/10
21
... Un spectacle habilement mis en vie, imposant par la puissance du texte et par l’excellence manifeste des deux interprètes. Exceptionnelle pièce de la rentrée, à ne pas manquer sans aucun doute.
18 sept. 2019
9,5/10
8
Quand un monstre sacré (Niels Arestrup) et un petit-fils de monstre sacré (Alexis Moncorgé) nous font le cadeau de partager la même scène, on ne passe pas son chemin !
Cette histoire est celle de Mark Rothko, peintre à New York dans les années 50, intransigeant, sûr de lui et de son travail mais aussi torturé, face à Ken, son assistant qui, tout d'abord admiratif et réservé, l'amènera au terme d'une joute verbale à une remise en question. Les deux comédiens sont fabuleux.
Jérémie Lippmann, signe une très belle mise en scène dans le décor d'un atelier reconstitué.
18 sept. 2019
7/10
23
On sort de cette pièce comme du dernier film de Tarantino « Once upon a time... », déçu...

Certes la mise en scène et la scénographie sont belles, le décor nous plonge tout de suite dans l’atelier de Rothko dans les années 50. Le jeu avec les triptyques qui montent et descendent des cintres magnifiés par la lumière est assez réussi aussi.

Certes, Niels Arestrup joue parfaitement ce vieux peintre dépassé par son temps et en train de vendre son âme, mais comme chez Tarantino, il ne se passe pas grand chose et le propos sur l’art est convenu et peu original. On tourne vite en rond parce qu’on a vite fait le tour du peintre bougon qui critique son époque et rabaisse son assistant, qui se croit au dessus de tout et tous et donne des leçons de vie alors qu’il est juste dépassé par un monde qu’il ne comprend plus.

Dommage ...

J'ai adoré la pièce et le dernier Tarantino. Comme quoi, les goûts et les couleurs...

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Jeudi 2 janvier 2020
15 sept. 2019
9,5/10
9
L'art et l'artiste. Son ego, son importance, sa vie. Rien d'autre existe. Niels Arelstrup donne tout.
Ses cris, sa fumée, sa salive, sa sueur... Le peintre artiste dans toute sa splendeur dans une mise en scène musicale et flamboyante rendant hommage au rouge et noir de la pièce.

Un grand texte, un jeu d'acteur excellent, une salle comblée avec 6 rappels. Une des pièces de la rentrée à ne pas rater et promise aux Molières. Alexis Moncorgé s'en sort bien malgré un rôle de débutant et d'apprenti pas évident à jouer sans tomber dans la caricature au début de la pièce.
Deux très bons acteurs dans une magnifique mise en scène.