27 sept. 2023
8/10
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Année 1528. Pendant 1h20, Alexis Moncorgé nous embarque aux côtés du conquistador Alvar Nuñez Cabeza de Vaca pour faire la découverte des Amériques et de l’Eldorado. Son expédition finit rapidement en naufrage mais lui survit grâce à l’indulgence des autochtones qui l’épargnent pour ses dons de guérisseurs. S’ensuit alors pour lui une épopée où, pendant huit ans, il fera la découverte de ce nouveau monde et de sa véritable identité au contact des amérindiens qui l’ont recueilli.

Mis en scène par Caroline Darnay dans un texte qu’il a lui-même écrit à partir des récits du véritable Cabeza de Vaca écrits pour Charles Quint, Alexis Moncorgé se montre très investi. Même si parfois le changement saccadé de personnage prête à penser qu’il aurait pu partager ses rôles avec d’autres acteurs, il se sort admirablement bien de ce monologue à plusieurs voix (à une scène près peut-être, celle du naufrage, un peu brouillonne et qui ne produit pas l’effet escompté).

Sur scène, les personnages prennent donc vie devant nous dans ce seul et même corps totalement habité. Dans un décor des plus minimaliste, complété sobrement par un environnement sonore et visuel utilisé à bon escient, Alexis Moncorgé vibre et nous fait vibrer. Comme il l’explique après les applaudissements, il a vivement souhaité raconter ce personnage historique qui, pendant que ses contemporains semaient la terreur en Floride, trouva sa spiritualité et guérit de ses seules mains.

Un message humaniste et une belle interprétation d’un sujet que, globalement, beaucoup d’autres ont pu couvrir par le passé au cinéma ou dans la littérature.

Si le prestige n’est pas le même que lorsqu’il partageait l’affiche avec Niels Arestup dans « Rouge » au grand plateau, c’est réellement la prestation hypnotique du comédien-conteur qui marque. On salue son écriture et son incarnation de ce Cabeza de Vaca qu’il nomme lui-même le « vagabond céleste » !

Un voyage dans l’autre versant de l’Histoire qui, censure ou pas, nous rappelle à tous notre capacité à écrire librement la nôtre.
26 sept. 2023
8,5/10
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La bible du spectacle annonce d’emblée la couleur : au Poche-Montparnasse, Flaubert s’électrise !

Frédéric Moreau, le personnage principal de l’Education sentimentale de Flaubert, comme Lucien de Rubempré chez Balzac, vogue de désillusions en désillusions... En plus oisif encore ! Traversant la fin du 19eme siècle depuis les échos politiques de la Monarchie du Juillet jusqu’au second Empire, son histoire mêle ses pérégrinations amoureuses avec la « grande » Histoire. Un brin apathique, on suit ce brave Frédéric Moreau, notable de Nogent sans envergure, dans ses complaisants émois qui semblent l’occuper tout entier... En dépit des passions d'engagement et de courage auxquelles invite son époque !

Pour lui donner vie au plateau, Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps virevoltent d'un personnage de Flaubert à l'autre, allègres et habiles à brosser en une voix, en une posture, un nouveau caractère. Dans cette adaptation libre proposée par Paul Edmond, le récit est ramassé, dynamique, et même… pop ! Comme des phares, les deux acteurs-musiciens enveloppent la grande et la petite histoire de leur douce ironie. Car des similitudes avec notre époque, il n'y en a pas qu'une ! On sent poindre la lecture au temps présent, avec un regard à la fois indulgent sur le cycle de la vie et ses recommencements mais aussi critique face au désintérêt toujours plus grand des citoyens face aux événements déterminants de leur époque. On tente ainsi de nous secouer gentiment...

Dans cette « épopée de l’ordinaire » aux accents électro-rock (on note l’apparition à deux reprises de l’hypnotique chanson d’Alton Ellis « black man’s world »), on sent chez tous les membres du projet une ambition de justesse renouvelée après avoir adapté « Madame Bovary » , et un grand amour commun pour la littérature.

En ce jour d'automne annonciateur de jours plus courts, l'envie nous prend de redonner leur chance aux 668 pages de l' « Education sentimentale » .

Une adaptation qui ne manque définitivement pas de mordant !
23 sept. 2023
10/10
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Un vrai beau moment de théâtre si on aime les comédiens! Qualité de jeu exceptionnelle! Que c'est plaisant!

Un spectacle à l'anglo-saxonne! Bien produit (décors et costumes somptueux), bien monté, et merveilleusement joué.

La pièce se perd parfois un peu mais les comédiens emportent tout. Je me suis senti à New-York pendant une heure trente...

Du bon théâtre, classique certes, mais que c'est agréable!

Il y a beaucoup de spectacles à Paris qui flirtent un peu avec l'amateurisme, ça n'est pas le cas ici. Et ça fait du bien.

De la bel ouvrage!
21 sept. 2023
8/10
1
C'est le 14 septembre 2010 que le Repas des Fauves sera dressé pour la première fois, quelques mois avant de devenir la pièce incontournable de l'année 2011, couronnée de ses 3 Molières.

On ne change pas une recette qui gagne : Julien Sibre l'a bien compris en réunissant, 13 ans plus tard, la même équipe autour de la table de ce Repas.

La même magie opère : le texte, mordant, fuse, habillé de superbes projections vidéos et de la musique du spectacle, dont la mélodie fait frissonner la salle.

Les comédiens retrouvent ces personnages, brillamment, et les redécouvrent dans cette version 2023 : Julien Sibre avoue avoir modifié une partie importante de son texte, qui semble avoir gagner en rythme et en fluidité, en même temps qu'il vieillit un peu la bande d'amis.

On rit, on frémit, on se demande auquel de ces amis l'on ressemblerait le plus, face au même dilemme.
Fan de la première heure je suis repassée à table avec beaucoup de plaisir.

On leur prédit et leur espère le même succès que lors de leur création, et on vous recommande de réserver sans tarder.
18 sept. 2023
8/10
2
Quelle agréable soirée on passe en compagnie de ces deux acteurs qui donnent le meilleur d'eux même dans cette nouvelle pièce de Sébastien Thiery...

C'est une partie de Ping Pong verbale où chacun à tour de rôle doit répondre de ses petits et grands mensonges...nul n'est parfait...un portrait de couple dans lequel chacun se reconnaîtra !

Les répliques font mouche. La mise en scène est au cordeau. On sourit. On rit. ..

On est au spectacle. Au vrai.

Le public complice et voyeur ne s'y trompe pas pour ces premières représentations et en redemande en saluant la performance de tout ce beau monde !