Critiques pour l'événement Le Petit-Maître corrigé
23 mars 2018
8/10
59
Excellent moment en famille, comédiens au top, décor original, et pour finir : le plaisir retrouvé de la langue Française.
1 janv. 2018
0,5/10
64
On ne s'attendait pas à cela à la Comédie Française...
La pièce n'a pas eu de succès à ses début et à été rangée pendant longtemps.
On comprend mieux pourquoi maintenant elle reste aujourd'hui incomprise.
La mise en scène avec le fond technique est inapproprié, les acteurs pas convaincants et l'intrigue et les rebondissments pas crédibles.
On attend donc autre chose de la Comédie Française !!
7 mai 2017
6,5/10
80
Une pièce qui sort du placard
Cette comédie ne fut jouée que deux fois à sa création en 1734. Depuis, elle n'avait pas été rejouée. Eric Ruff a décidé de ressortir le texte du placard pour lui donner une nouvelle jeunesse.

Le "héros", Rosimond (Loïc Corbery), jeune aristocrate parisien, obsédé par les apparences est obligé, par sa mère (Dominique Blanc) d'épouser une gentille et très sage jeune fille de la province, Hortense (Claire de la Rüe du Can). Il la méprise d'emblée pour sa simplicité. Mais la jeune femme ne va pas se laisser traiter ainsi. Elle va le mettre à ces pieds ce petit-maître. C'est genoux à terre qu'il va lui faire sa demande en mariage et de façon sincère. Aider de sa suivante, Marton (Adeline d'Hermy) va déjà métamorphoser le valet de Rosimond (Christophe Montenez). Le jeune garçon va devenir plus honnête pour l'amour de Marton. Il va montrer ce qu'il ressent et va inciter son maître à faire pareil.

Tout aurait pu bien se passer sans l'arriver de Dorimène (Florence Viala), l'amante de Rosimond qui vient pour s'opposer au mariage pour le plaisir de la contrariété. Elle ne va pas venir seule. C'est avec un ami, Dorante (Pierre Hancisse) qui va avoir pour mission de séduire la belle Hortense. Ensemble vont-ils arriver à faire capoter l'alliance entre ce présomptueux petit-maître et la fille du comte (Didier Sangre)? Le véritable amour sincère va t'il naître dans le coeur de Rosimond pour Hortense?

Ne vous inquiétez pas l'amour triomphe de tout, même chez Marivaux.

Une mise en scène au service d'un texte pas si innocent
Marivaux aime bien écrire des textes qui opposent les maîtres et les valets. L'île des esclaves est son texte le plus connu et est encore étudié à l'école. Il remet en question les statuts des uns et des autres et de la valeur de ces derniers. D'ailleurs dans cette pièce, c'est grâce aux valets que la situation permet de trouver une fin favorable.

L'auteur montre les moeurs badines et les manières ridicules du 18ème siècle. Une critique pas très souvent bien accueilli du public. Ce qui explique peut-être pourquoi cette pièce n'a pu être jouée que deux fois. Ces frontières de nos jours sont maintenant presque abolies ce qui a pu permettre à la Comédie Française d'avoir du public tous les jours des représentations. Toutefois, le texte possède toujours un écho très moderne comme par exemple sur le rapport de classe, sur l'importance des apparences, du culte du soi...

Clément Hervieu- Léger à la mise en scène et Eric Ruf à la scénographie réalisent une étonnante surprise visuelle. C'est un étonnant décors aux accents champêtres, une bute de verdure où les comédiens se déplacent, se couvrent, s'enfuient, se cachent... Toute l'histoire se déroule dans ce lieu qui ne bougent pas. Adieu les salons chargées, les servants qui apportent le café et bonjour la nature. Le fond de scène est visible. On voit les grands ventilateurs qui s'activent et créé un fond mouvant sur cette dune sablonneuse. Plusieurs chemins mènent de bout en bout de la scène, les personnages peuvent ainsi se croiser ou s'éviter.

Les costumes réalisés par Caroline de Vivaise sont assez beaux et fidèles à une époque avec une touche de modernité.

Malgré quelques longueurs, les comédiens du français montre l'étendu de leur talent. Le brio de Loïc Corbery, Didier Sangre, Florence Viala ou Dominique Blanc ne sont plus à prouver. Quelques soient les personnages qu'ils incarnent, ils savent toujours le faire avec une grande justesse. Florence Viala est nominée aux Molières 2017 pour ce spectacle pour le Molière de la meilleure Comédienne dans un second rôle. Et ils doivent être heureux car la relève est là et la virtuosité est au rendez-²vous. Que cela soit Pierre Hancisse ou Claire de La Ruë du Can, ils ont incarné plus d'une dizaine de personnages depuis leur entrée en 2012 et 2013.

Mon coup de coeur a été pour le duo de valets d'Adeline d'Hermy et le très séduisant Christophe Montenez. J'ai adoré la variation dans leur jeu, leur complicité, leurs regards, leur rapport aux autres... Bref, j'ai aimé toute leur prestation. J'apprécie beaucoup le travail de Christophe Montenez que j'ai adoré dans l'Autre et dans Les Damnés. D'ailleurs, lui aussi est nominé aux Molières 2017 pour son incroyable prestation dans les Damnés pour Molière de la Révélation masculine. J'espère vraiment que les comédiens vont les recevoir.

C'est sur une dune aux longues herbes folles posé sur la grande scène nue de la salle Richelieu que les mots de Marivaux résonnent. Argent, mariage, sexe, ambivalence, valet/maître, province/paris, bourgeois/aristocrate, vrai/faux serments vont s'entremêler pour une réflexion. L'auteur a encore de beaux jours sur les planches du français.
12 févr. 2017
7/10
100
Clément Hervieu-Léger signe cette saison à la Comédie-Française une mise en scène très réussie du « Petit-Maître corrigé » de Marivaux, pièce jouée uniquement deux fois jusqu’ici !

Cette œuvre contient pourtant tous les ingrédients des comédies de caractère et de mœurs du 18ème siècle en général et de Marivaux en particulier. La passion que l’on ne veut pas avouer ni reconnaître, les oppositions sociales, l’ironie, la vérité psychologique, la fantaisie, les domestiques qui mènent le jeu et l’amour qui finit par triompher. « Le Petit-Maître », jeune parisien précieux et pédant est hostile au mariage. Rosimond doit épouser, pour obéir à sa mère, la fille d’un comte « campagnard » qu’elle lui a choisie. Il ne veut en aucun cas fâcher sa mère !

Il ne regarde même pas la jeune fille qui, elle, le trouve plutôt à son goût mais veut lui donner une leçon. Elle y parviendra, avec l’aide de Dorante, ami de Rosimond et des domestiques Marton et Fortin. Dans cette scénographie, l’action se déroule non pas dans le salon du comte mais dans un pré ! Les très beaux décors d’Eric Ruf évoquent des tableaux de Greuze et Fragonard. Les costumes d’époque sont très réussis. Tous les comédiens sont excellents, comme toujours avec l’actuelle troupe du Français. Leur humour, leur fantaisie, leur aisance contribuent à nous faire passer un moment très agréable à la (re)-découverte de ce texte de Marivaux.
Gageons que nous retournerons applaudir cette œuvre avant deux siècles d’attente… Et pourquoi pas l’année prochaine, avec une reprise de cette mise en scène ?
1 févr. 2017
2/10
86
Quel ennui, mais quel ennui !

Je n'ai jamais eu envie de partir de la salle au théâtre (et encore moins à la Comédie-Française) mais cette fois ci, si je n'avais pas été en plein milieu d'un rang, j'aurais quitté le théâtre avec grand plaisir.

Jamais de ma vie je ne pensais m'ennuyer au Français, et encore moins dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Alors oui, la mise en scène est très belle et innovante mais on aimerait que de temps en temps (pour nous réveiller lorsqu'on s'endort) le décor change... Mais non.

Les acteurs sont bons (mais vraiment juste "bons" rien de plus) et parfois trop anecdotiques à mon goût (Dominique Blanc et Didier Sandre sont invisibles dans la pièce), on nous sert un Loïc Corbery surjoué et ridicule (loin de son niveau de jeu habituel si bon), lorsqu'on s'ennuie au début de la pièce on attend avec impatience l'arrivée de Florence Viala... mais l'excitation retombe à plat très rapidement. Cependant Claire de la Rüe du Can, Adeline D'hermy, Christophe Montenez et Pierre Hancisse restent aussi doués que d'habitude et réussissent plus ou moins à relever le niveau de la pièce.

Pour moi c'est une pièce qui aurait mieux fait de rester en 1734 et de ne plus être jouée.
28 janv. 2017
8/10
47
Après des critiques d'une telle qualité, je vais faire court.

Du bon Marivaux ! De très bons acteur ! Un très beau décors végétal !
26 janv. 2017
8/10
50
Une pièce classique légère et accessible.

Cette pièce de Marivaux assez méconnue est dans le même style que celles plus célèbres de cet auteur. On y retrouve des histoires d’amour sur fond de différences sociales, et des domestiques, plus libres que leur maître, qui s’en donnent à cœur joie. Le tout porté par des dialogues classiques écrits avec finesse, qui restent cependant très accessibles.

Pourtant Le Petit-Maître corrigé présenté cette année à la Comédie-Française a quelque chose en plus. Clément Hervieu-Léger offre une mise en scène rafraichissante dans un décor naturel particulièrement réussi. Les jeunes gens portés par leurs tourments amoureux se cherchent, se séduisent, se repoussent, d’un bout à l’autre de ce qui ressemble beaucoup à une dune du bord de mer (que le metteur en scène présente comme un champ). Cet espace naturel apporte un réel charme à l’ensemble qui garde tout de même les codes (notamment vestimentaires) propres à l’époque de la pièce.

Évidemment (on est à la Comédie-Française) les comédiens tiennent particulièrement bien leur rôle et ont une diction parfaite. Ce qui n’enlève rien à la réussite de cette création.

On peut regretter quelques lenteurs à certains moments de l’intrigue, rien de bien méchant finalement.

En résumé, Le Petit-Maître corrigé version 2017 est une très bonne raison de courir pousser les portes de la « Maison de Molière ». Allez-y !
Pour finir dans la légèreté un début de saison relevé la Comédie Française sort des cartons un Marivaux oublié : LE PETIT MAÎTRE CORRIGE. Dans la scénographie champêtre imaginée par Eric RUF la troupe démontre une nouvelle fois sa qualité, notamment Adeline d'HERMY, Loïc CORBERY et Christophe MONTENEZ. Une comédie agréable malgré quelques longueurs.

UN MARIVAUX MÉCONNU

C'est en 1734 que fut créé par la troupe du Français cette comédie de MARIVAUX. Retirée de l'affiche après seulement deux représentations, elle fit un petit scandale puis disparu. Eric RUF et Clément HERVIEU-LEGER ont la bonne idée de la ressortir pour une mise en scène emplie de légèreté.

L'argument est simple : un jeune parisien, Rosimond, promis à Hortense, la fille d'un comte arrive chez sa fiancée. Empreint d’orgueil et d'arrogance et comme il sied aux mœurs parisiennes,il se refuse à faire état de ses sentiments à sa promise. Pourtant les deux jeunes gens se plaisent dès le premier regard. Hortense, vexée par l'attitude de son promis décide de corriger le petit-maître prétentieux, avec l'aide de sa servante et du valet du jeune homme. S'ensuit un marivaudage plaisant entre bourgeoisie de la ville et bourgeoisie des champs, avec ce qu'il faut de rebondissements générés par les trouble-fête, famille, serviteur, amis ou amantes jalouses.

UNE CRITIQUE BIEN ASSAGIE PAR LE TEMPS

La pièce fit l'objet d'une cabale en 1734, les ennemis de Marivaux réussissant à en faire arrêter les représentations. Il a fallu attendre 300 ans pour qu'elle soit à nouveau montrée au public par les comédiens du Français. Si elle résonnait d'accents révolutionnaires à la veille de la Révolution Française le propos en apparaît aujourd'hui bien assagi.

La direction d'acteur de Clément HERVIEU-LEGER en fait une comédie drôle et légère. Il est vrai que la position féministe de la jeune Hortense est une critique des mariages arrangés tandis que Rosimond est une caricature du jeune homme de cour. La langue Marivaux est savoureux, parsemé de bons mots accentués par le parti pris léger de la direction d'acteur.

A ce petit jeu c'est Adeline d'HERMY qui excelle. Sa composition de Marton, la suivante d'Hortense, est truculente. Elle minaude, pétille, se joue des hommes, tourbillonne et virevolte, est malicieuse et maligne. Une très belle performance qui donne beaucoup de relief au personnage de la suivante, damant souvent le pion à sa maîtresse Hortense. Celle-ci, interprétée avec justesse par Claire de la RÜE DU CAN, est une jeune femme moderne, provinciale qui ne se laisse par impressionner par le promis venu de la capitale. Loïc CORBERY est un caricatural promis soumis aux volontés de sa mère (très juste Dominique BLANC). Il est gauche dans sa suffisance mais fait évoluer son interprétation avec finesse révélant un jeune homme plus sensible qu'il n'y paraissait au premier abord et dont on comprend mieux comment Hortense peut en tomber amoureuse.

Tout comme Hortense est contrebalancée par Marton, Rosimond a son pendant avec Frontin, son valet, généreusement interprété par Christophe MONTENEZ. Après sa forte prestation dans LES DAMNES ce dernier se glisse avec réussite dans la comédie, donnant au personnage du valet presque autant de poids que celui de Marton. Christophe MONTENEZ est pour moi la révélation de l'année dans la troupe de la Comédie Française.

Gravitent autour de ce quatuor tout une série de personnages venant perturber ou accompagner le destin des promis. Florence VIALA est une réjouissante Dorimène, amante jalouse qui joue les aguicheuses pour faire capoter le mariage. Face à Dominique BLANC, maîtresse-mère de Rosimond, Didier SANDRE, Comte et père d'Hortense brille de toute sa noblesse et de la force de sa présence scénique. Pierre HANCISSE complète la distribution dans le rôle de l'ami de Rosimond.

SE PERDRE DANS LES DUNES

La scénographie de dunes et d'herbes jaunes d'Eric RUF donne un sentiment intemporel à cette comédie et en accentue l'impression de légèreté. Un décor champêtre ou de bord de mer où souffle le vent, dans lequel les provinciaux batifolent et s'envolent mais qui bouscule les parisiens.

Le regret est la lenteur de l'action, résultant principalement du texte qui joue beaucoup sur les redites.

Pour en savoir plus :
Pour le Dictionnaire de l'Académie Française un Petit-maître est un jeune homme de Cour qui se distingue par un air avantageux, par un tout décisif, par des manières libres et étourdies.

En bref : Un Marivaux joyeux mis en scène avec efficacité. Une bonne surprise qui offre une bouffée de légèreté pour finir 2016 ou commencer 2017. Adeline d'HERMY y compose une suivante pétillante et Christophe MONTENEZ confirme les grandes qualités démontrées notamment dans LES DAMNES.
30 déc. 2016
4,5/10
31
Je ne pensais pouvoir perdre ma soirée au Français avec Marivaux, et ce fut pourtant le cas avec ce "petit Maître corrigé", pièce "tombée" en 1734, jamais rejouée depuis dans ces murs... peut-être pas sans raison.

L'intrigue est du Marivaux classique : un mariage est programmé pour deux jeunes gens de bonne famille. Le jeune homme est accompagné par sa mère dans la famille de sa promise, à la campagne. Il plairait s'il n'avait des manières de snob parisien, pour qui il n'est pas de bon ton de tomber amoureux. Aussi ne déclare-t-il pas ses sentiments et se laisse-t-il manipuler par Dorimène, une amie de Paris (Florence Viala) qui voudrait faire échouer le mariage. Heureusement, le valet du petit maître et la servante de la jeune fille vont faire en sorte de le "corriger": il déclarera in extremis son vrai sentiment pour sa promise et sera agréé.

Sur ce schéma assez classique, la seule originalité est la relation entre jeunes Parisiens méprisants et poseurs (les "petits-maîtres"), et provinciaux plus près de l'authenticité et de la nature.
Peu importerait que la situation soit peu originale, si les personnages étaient bien dessinés et l'intrigue bien menée jusqu'à son dénouement. Or, ce n'est pas le cas: seul le couple de valets est vraiment intéressant. Le personnage de la jeune fille est à peine esquissé, celui du petit maître très caricatural, et les deux parents (la mère du jeune homme, le père de la jeune fille) n'ont quasiment rien à jouer : c'est bien la peine d'y avoir distribué Didier Sandre et Dominique Blanc...

Le couple d'amis parisiens (Florence Viala et Pierre Hancisse) n'a comme fonction que de différer le moment, tant attendu, où Rosimond avouera qu'amour et mariage sont compatibles.

La pièce est longue, quasiment aussi longue que "Le Jeu", sans avoir l'approfondissement, la variété des situations et l'humanité touchante de ce chef d'oeuvre. Elle paraît interminable: on croit que c'est fini, que le petit maître est enfin "corrigé", et voilà qu'une intervention d'un autre personnage le fait replonger dans l'erreur... Il aurait sans doute été possible de couper quelques scènes sans dommage, car il n'y a pas de réelle matière pour deux heures de représentation: si la pièce était aux oubliettes, ce n'est pas sans raison, a-t-on envie de dire... Dès le premier quart d'heure, j'ai regardé ma montre en pestant intérieurement.

De plus, la mise en scène ralentit le tempo. Clément Hervieu-Léger a choisi de représenter la campagne, avec un beau décor (Éric Ruf) représentant une dune escarpée, recouverte d'herbes folles. Il y fait beaucoup courir en tous sens ses "provinciaux", tandis que les Parisiens ne s'y déplacent qu'à petits pas, y glissent, prennent mille précautions... On a vite compris l'opposition, et cette gestuelle répétitive et simpliste finit par lasser.

Au moins, ce choix de mise en scène est-il clair, comme celui consistant à faire constamment éclater de rire Lisette (joué par l'excellente Adeline D'Hermy, ce personnage qui voit clair est comme un metteur en scène qui s'amuse de la posture de Rosimond). Mais certaines intentions sont inintelligibles: pourquoi Claire de la Rue du Cam (actrice bien faible, qui articule mal, et que l'on n'entend pas quand elle parle dos public, bien qu'elle crie) s'installe-t-elle au début avec un carton à dessin pour croquer sa servante ?
Ces dessins restent à terre pendant une bonne partie de la représentation, pourquoi? Pourquoi le petit-maître Rosimond (Corbery) a -t-il un jeu si outré (on dirait un pantin), qui rend invraisemblable sa "conversion" finale, comme le penchant qu'éprouve pour lui sa promise?

Le hic est là d'ailleurs: c'est une pièce qui doit montrer une évolution, tant du maître que du valet (qui au début imite le maître dans son affectation), et on a plutôt affaire à un passage brutal et, pour le valet, inexpliqué, de la posture à l'authenticité. Christophe Montenez, (remarquable) dit à un moment qu'il est désormais corrigé, mais cela tombe de nulle part -à moins que ce ne soient les faveurs de Lisette qui l'aient déniaisé? Oui, ce doit être la justification pour l'inévitable scène d'accouplement (interrompu) dans l'herbe folle entre les valets: comment l'esprit vient aux hommes... Ce n'est pas bien fin, en vérité.

On a parfois l'impression que tout cela est sans queue ni tête: pourquoi Dorimène cesse-t-elle soudainement de s'opposer au mariage? Il se passe des choses hors-scène, qui pèsent sur l'action (entretien entre Dorimène et la mère de Rosimond), mais la mise en scène ne rend pas claires ces interactions...

À l'exception de Claire de la Rue du Cam, la troupe est bonne -bien que Corbery soit un peu âgé pour être crédible en jeune évaporé. Mais entre les faiblesses du texte de Marivaux, et une mise en scène qui le ralentit et l'opacifie, et malgré quelques bons moments au début de la deuxième partie, on s'ennuie fort. Clément Hervieux-Léger souhaiterait sans doute qu'on en attribue la faute à Marivaux: c'est vrai, mais c'est aussi la sienne.
27 déc. 2016
6/10
28
Après les Damnés, place à un peu de légèreté avec Marivaux.

La pièce n’a que très peu été jouée : injuste oubli des frileux théâtres qui se contentent de monter ses classiques ou mauvais cru de l’auteur ? Si les principaux ingrédients sont réunis, fonctionnant sur un public qui n’a pas vu et revu ses pièces dont je fais partie, il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer.

Avec cette matière première moyenne, peut-on alors compter sur la comédie française pour en faire une grande pièce ? A première vue, le décor petite maison dans la prairie est très sympathique et réussie, je regrette juste le fond de salle apparent qui casse ce côté bucolique et rapidement, on se rend compte que ce décor finalement très vide ne laisse que peu de possibilités aux acteurs qui enchainent les entrées et sorties en courant.

Si le but recherché est la légèreté, on a de plus en plus l’impression qu’il ne s’agit que d’agitation à l’image du jeu des acteurs poussés à aller à l’excès et donc sonnant parfois faux. Ce jeu très démonstratif aura l’avantage de rendre la pièce encore plus accessible, idéal s’il s’agit de venir voir la pièce avec quelqu’un dont le théâtre n’est pas sa tasse de thé.
23 déc. 2016
8,5/10
29
Fallait-il vraiment corriger l'oubli dans lequel ce "petit-maître" avait plongé ?

Voyons d'abord la mise en scène: Clément Hervieu-Léger a accompli un très beau travail d’interprétation où les déplacements, les basculements des parisiens sur les dunes participent à la lecture du texte : le contraste entre les mœurs de Paris et de la province mais aussi le thème du « je t’aime mais je te fuis » et « attrape-moi si tu peux » sont ici littéralement « mis-en-scène ». Il n’est pas chose aisée de faire ainsi concorder la parole et le jeu mais pour Clément H-L, le pari est réussi! La scénographie d'Éric Ruf est un pur régal. Ce décor champêtre et ces croquis éparpillés m'ont fait plongés dans un tableau impressionniste, avec ce bleu du ciel en arrière plan, je m'imaginais déjà un lac par delà cette dune à la façon d’un déjeuner de canotiers entourés de belles dames (notons quand même l'anachronisme).

En début de pièce, ce ciel d’aquarelle tombe sur le plateau : c’est le lever rideau. Certes les structures métalliques de la machinerie restent visibles au fond mais cela ouvre le jeu sans pour autant gâcher la vue !

Dans de très beaux costumes d’époque qui font toujours ma joie, les acteurs sont constants dans leur talent, avec une petite faiblesse cependant pour Claire de la Rüe du Can qui n'articule pas toujours bien. J’aime tant la voix de mademoiselle d’Hermy et le jeu impeccable des futurs parents, Dominique Blanc et Didier Sandre. Et Loïc Corbery qui joue de tout son soul l’homme empêtré de son arrogante fierté. Et son formidable valet Frontin interprété par Christophe Montenez, qui n’est pour moi rien d’autre que la révélation de cette saison, comme le fut Pierre Niney il n’y a pas si longtemps. Quel talent il faut pour basculer de Martin von Essenbeck à ce joli matois ! Florence Viala est exquise en Dorimène, talentueuse dans toutes les pièces où un peu déjantée, elle joue une séductrice dangereuse pour les héros (cf Vania). Enfin Pierre Hancisse gagne du galon et en finesse de jeu !

Avec une telle distribution, ce dût être un travail passionnant pour le metteur en scène de trouver comment redorer le blason de cette pièce abandonnée après deux représentations. Toute la mise en scène était à imaginer mais le texte lui, n'est plus à écrire... Mis à part l'opposition provinciaux/ parisiens relevant surtout des préjugés liés au statut social qui parle d’hier comme d'aujourd’hui, qu'apporte ce marivaudage aux autres? Les trios et quatuors des intrigues amoureuses sont bien là, les valets qui donnent des leçons à leur maître aussi, les babils libertins des jeunes gens de bonnes familles également, les sentiments qu’on refoule par orgueil tout de go... Mais le texte se traîne, n’achevant pas et gâtant un peu la saveur du moment- un poil trop long voilà tout !

Une pièce à voir pour l’audace du pari et la fraîcheur de la mise en scène… Mais un texte que je ne prendrais pas comme livre de chevet !
22 déc. 2016
9/10
27
Rosimond est promis à Hortense, leur mariage est imposé par leurs parents. Mais Paris/Province ne vont pas faire bon ménage, et le jeune homme va l’apprendre à ses dépends ! Au 18ème siècle un petit-maître était l’arbitre des élégances, du savoir-vivre, joueur, enfin d’après ses critères et d’après Paris. Différence sociale, aristocratie de province contre celle de Paris, différence Paris/Province tout est là. De nos jours on peut dire aussi, qu’il y a un parisianisme aigu envers la province, qui nous le rend bien !

Son air hautain, ses manières précieuses, (quelle affaire lorsqu’il doit s’asseoir à même le sol !) Hortense est trop « nature » pour plaire au jeune homme, quoique ...

Dorimène a fait le voyage de Paris pour le retrouver et le forcer à l’épouser, le voilà bien pris au piège, sa mère veut le déshériter, Hortense veut un amour sincère et croit le trouver chez Dorante ami de Rosimond.
Frontin a la voix de Stéphane Bern, Marton est libertine et sans chichis, Rosimond snob mais pas trop et si touchant à la fin, Dorimène est bien parisienne, la marquise et le comte orchestrent tout ce petit monde à leur guise. Dorante sera bien sûr désespéré car il en faut un ! Je reste un peu sur la réserve pour Hortense, que j’ai trouvé un peu en deçà de ses partenaires.

Enfin une mise en scène qui respecte l’époque, pas de portable, pas d’attaché-case, un simple décor campagnard, des costumes 18ème. Un souffle léger de Fragonard.
Les plus, une mise en scène inventive, légère, drôlissime, les moins, il faut tendre l’oreille pour entendre le texte, ce qui est fort dommage, on en perd la subtilité.

Tout le style de Marivaux est là, cette pièce ne fut jouée à sa création que deux fois, victime d’une cabale orchestrée semble-t-il par Crébillon, le monde du théâtre est impitoyable ! La Comédie Française a eu une belle idée de ressortir ce petit bijou.
18 déc. 2016
6/10
22
Le Marivaux que Clément Hervieu-Léger apprécie ne joue pas dans la cour des paons. Après L’Épreuve, le pensionnaire du Français choisit encore une pièce plus secrète du grand dramaturge du XVIIIè siècle. Dans la salle Richelieu, Le Petit-Maître corrigé organise un match railleur et plein d’esprit entre les Parisiens snobs et les Provinciaux au cœur sincère. Après une demi-heure en feu d’artifice, le spectacle se délite. La faute à une construction dramatique artificiellement étirée qui gâche ses effets par péché de gourmandise. En dirigeant impeccablement ses comédiens, Hervieu-Léger s’en sort cependant avec les honneurs. Du marivaudage pétillant au crépuscule de l’aveu et de la conscience, il n’y a qu’un pas.

Dans un immense champ de foin, deux chipies arrivent sur le devant de la scène, épuisées. En sueur, elles dégagent une langueur moite et espiègle. Jeu et complicité s’échangent dans leurs regards. Hortense et sa suivante Marton concoctent un joli plan : elles décident de punir la fatuité ridicule et empesée de Rosemond, le promis parisien d’Hortense qui refuse de lui déclarer ouvertement sa flamme. Pour corser l’affaire, Dorimène, une ancienne amante de Monsieur a fait le voyage pour empêcher le mariage.

La pièce commence sur les chapeaux de roue : l’exposition, ultra fluide, se suit avec plaisir et les enjeux et l’esquisse des personnages se dessinent naturellement. Tout se complique ensuite : à force d’appuyer les indécisions du cœur et de l’esprit, Marivaux abuse de notre patience. Le Petit-Maître corrigé ne possède pas la puissance du Jeu de l’amour et du hasard. Un acte aurait dû être supprimé, la vivacité des débuts devient lassitude. Tout jeu doit finir un jour et Marivaux n’a pas su s’arrêter à temps. Hervieu-Léger n’y peut rien mais il aurait tout de même pu accélérer le rythme : il a volontairement opté pour le parti-pris inverse. La lumière champêtre du début s’obscurcit de plus en plus pour laisser place à un cadre trop austère et grave (presque mortifère), accentuant la dignité des personnages mais en contre-partie aussi un certain pathos de mauvais aloi.

Heureusement, le metteur en scène s’est entouré avec goût : Loïc Corbery, habitué à jouer les beaux garçons prétentieux, donne de sa personne et se révèle exquis en Marquis endimanché et maniéré. Il a de petits accents JohnnyDeepiens, entre dandysme et folie perturbante. Adeline d’Hermy est désarmante d’aise en soubrette rustique et cash : elle se transforme en hyène un brin hystérique mais tout à fait dans le ton. Christophe Montenez prend de plus en plus ses marques dans la maison de Molière : après son interprétation très remarquée de monstre humain dans Les Damnés, changement total de registre. Il est irrésistible en valet « prout-prout » et imite avec ravissement l’accent snob et ses « Péééris ». Florence Viala apporte un vent de « pimbècherie » salutaire dans le rôle de la vampire-diva-amante. Seule Claire de La Rüe du Can détonne : elle reste désespérément fade et l’on peine à s’attacher à son personnage.

En somme, l’entreprise menée par Hervieu-Léger est courageuse. La distribution est épatante, le début plus que prometteur. Seulement, la suite ne s’avère pas à la hauteur. Marivaux s’embourbe dans des prolongations sans fin que le maître d’orchestre souligne au lieu de les amoindrir.
17 déc. 2016
9,5/10
79
Clément Hervieu-Léger persiste et signe : décidément, le traitement de l'affrontement Paris / Province semble le captiver.

On se souvient en effet de son délicieux et irrésistible « Monsieur de Pourceaugnac », aux Bouffes-du-Nord, la saison passée, qui voyait monter à la capitale un notable de Province.
Un notable qui n'avait pas, c'est le moins que l'on puisse dire, les codes sociaux parisiens.

Cette fois-ci, il a choisi une pièce quasi-oubliée de Marivaux, que l'on n'avait pas vue montée au Français depuis... 1734.
(Elle n'y fut d'ailleurs jouée que deux fois. Ce fut un cuisant échec, dès la Première, suite à une cabale, l'auteur ayant de nombreux ennemis, dont un certain Voltaire...)

Clément Hervieu-Léger s'est donc armé de courage et de détermination pour re-créer cette pièce dans la grande Maison.
Courage, car comme il le laisse entendre dans sa note d'intention du dossier de presse, si l'on rate un « Misanthrope », d'autres le réussiront après vous.
En revanche, si l'on passe à côté d'une pièce jouée deux fois en trois cents ans, vous la ré-enterrez pour trois autres siècles.

Qu'on se rassure : cette mise en scène 2016 est ici lumineuse et très réussie.
Ce petit-maître là va se faire véritablement corriger. Il n'y aura pas que lui, d'ailleurs.
Il s'agit d'une correction d'une classe sociale par une autre. J'y reviendrai.

On le sait, Clément Hervieu-Léger a une formation de danseur classique.

A ce titre, il excelle une nouvelle fois à placer le corps des comédiens dans l'espace.
Il sait parfaitement les faire se mouvoir avec grâce, fluidité, précision, violence parfois.

Sur tout le plateau, les comédiens se courent après, se touchent, s'étreignent, s'attirent, se repoussent.
Tout ceci est très sensuel, très organique.
C'est une véritable chorégraphie qu'il nous propose.

Il a choisi, pour matérialiser cette dimension « province-terroir », de privilégier les positions assises, couchées dans le foin, allongées.
Les « parisiens » Rosimond-Loïc Corbery, Dorimène-Florence Viala trébuchent, glissent, tombent, dans cet espace peut-être propice à l'agoraphobie des gens de la capitale.
(En effet, à la différence de M. de Pourceaugnac, ici, ce sont les parisiens qui descendent en province.)

Bien entendu, et comme d'habitude, la troupe excelle.
Les aînés (Dominique Blanc, Didier Sandre), comme les « petits jeunes » sont simplement parfaits.

Loïc Corbery et Florence Viala sont d'une pédanterie et d'une fatuité drôlissimes, alors que Claire de la Rüe du Can est une Hortense délicate mais capable de dire son fait à son promis.

Mais deux comédiens ont particulièrement retenu toute mon attention.

Tout d'abord, Adeline d'Hermy que l'on n'attendait pas forcément en suivante, en soubrette espiègle.
On nous a peu habitués, au Français, à la faire endosser ce genre de rôle.

Elle y est purement et simplement remarquable.
De sa voix reconnaissable entre mille, elle domine souvent la situation.

Et puis surtout, j'ai été enthousiasmé par la partition de Christophe Montenez qui n'en finit pas de nous démontrer l'étendue, la richesse, la finesse de son jeu et de sa palette. (Passer du rôle de Martin Von Essenbeck à celui de Frontin demande beaucoup de talent, de savoir-faire et de métier.)

En valet tout d'abord pédant, singeant les manières de la haute, avec un accent délirant (Nous, à « Péris »...) puis en jeune homme d'une entière sincérité et vraiment humble, il m'a une nouvelle fois totalement séduit.

On l'aura compris, le metteur en scène a particulièrement soigné ces deux personnages.

Ce sont eux qui vont corriger les autres, qui vont montrer le droit chemin aux maîtres.
Ce sont eux qui détiennent la raison et la bonne parole.

Cette pièce, à ce titre, peut-être qualifiée de pièce la plus révolutionnaire de Marivaux, qui était parfaitement au fait des enjeux sociétaux de son temps et de ses contemporains.
Il sent bien que de grands bouleversements de société vont survenir, et que la violence va se déchaîner (à cet égard, la pièce relève souvent de cette violence).
Il sait bien que le peuple va finir par faire entendre sa voix.

Ce sont d'ailleurs ces deux personnages qui auront le tout dernier mot : « Aime-moi à présent, tant que tu voudras, il n'y aura rien de perdu. »

Mention spéciale et évidente à la scénographie du Patron.
Eric Ruf nous place face à cette dune d'herbes folles, avec des cyclos amovibles représentant des ciels à la Turner, laissant apparaître le fond de plateau, les machineries, des éléments d'autres décors (clin d'oeil : une fenêtre du Misanthrope monté par le même metteur en scène est bien là, côté jardin.)
Tout ceci renforce le côté organique évoqué plus haut.

Sans oublier les somptueux costumes de Caroline de Vivaise, matérialisant eux-aussi les classes sociales.

Au final, l'exhumation de ce Petit-Maître corrigé est une vraie bonne idée.
C'est même peut-être à une sorte de réhabilitation quasi historique que nous assistons.

Il fallait le grand talent de Clément Hervieu-Léger pour entreprendre et réussir un tel défi, un tel pari.
8 déc. 2016
9,5/10
38
Ici, pas de fausses confidences ni de surprises sorties du hasard ou de l’inconstance d’amoureux transis ou meurtris : On se joue de l’amour, on réclame avec insolence ses ardeurs voluptueuses, on se croit tout permis et on se permet tout ! L’indélicatesse est de mise chez ce jeune amoureux pédant, prétendant imposer sa vue et ses goûts, se gaussant des mœurs dans les bas-fonds de province !...

Mais le théâtre de Marivaux ne saurait se contenter de laisser ainsi un prétendu jeune homme d’honneur conter fleurette à sa guise et à qui bon lui semble, badinant pour son bon plaisir et marivaudant comme il joue aux cartes, insouciant et mauvais perdant ! Que nenni ! C’est d’une correction savante et savoureuse dont a besoin ce Petit-Maître, au nom de la vertu et de la morale qui lui seront rappelées.

Marivaux est de nouveau le combattant farouche et redoutable du ridicule des mœurs et de leurs égarements, dans cette pièce créée en 1734. L’histoire, son argument et ses messages rebondissent avec espièglerie sur les vagues et les vogues de notre temps, faisant résonner (OMG !), les "up-to-date" et autres "trop fashion" d'aujourd'hui.

Hortense, jeune fille de province, promise à un beau mariage, et sa suivante Marton, vont entreprendre de corriger le jeune promis Rosimond, imbu de lui-même et de sa condition de jeune homme de Paris venant à contrecœur à la campagne pour subir son mariage. Mais trop c’est trop ! Il n’a de cesse de railler et de tenter d’imposer ses habitudes galantes. Une leçon de politesse et d’amour s’impose, il lui en cuira donc !...

Clément Hervieu-Léger montre à nouveau avec cette mise en scène, son intérêt et son savoir-faire pour ce théâtre du 18ème siècle dont nous savons combien il contribua à diffuser des idées nouvelles, émancipatrices et annonciatrices d’une conscience sociale libératrice.

C’est avec finesse et perfidie qu’il nous invite à cheminer parmi de charmantes et rieuses séquences bucoliques frissonnantes d’amour badin ou au contraire vibrant, malgré un texte un rien étiré mais au final plaisant de sa malicieuse démonstration. La mise en scène qu’il signe, soignée et classieuse, nous ravit par son esthétisme d’ensemble et sa précision dans les jeux véloces et les postures travaillées. Les ambiances souvent ludiques et parfois poétiques comme les situations comiques aux pointes satiriques font ressortir la gourmandise des impatiences d’une jeunesse effervescente et l’éclat des feux qui animent tous les personnages.

Les comédiens de la troupe excellent comme d’habitude. La comtesse (Florence Viala, débridée et superbe) ; le promis (Loïc Corberey, fougueux et brillant) ; la suivante (Adeline d’Hermy, déchainée et magnifique) ; le bel-ami (Pierre Hancisse, discret et transi) ; la promise (Claire de la Rüe de Can, ingénue et sereine) ; le comte (Didier Sandre, impeccable et tendre) ; Le valet (Christophe Montenez, drôle et adorable) ; la marquise (Dominique Blanc, digne et délicate) et une autre suivante (Ji Su Jeong, muette mais présente). Ils nous emportent dans ce tourbillon d’amour et de turpitudes, avec malice, agilité et un dynamisme pétillant.

Comme le théâtre classique est bien servi, tout à son honneur. Nous vivons les émotions de cette histoire baignée de valeurs humaines et de regards sur la société qui traversent les époques sans perdre de leur acuité. Un spectacle réussi, vif et lumineux.
4 déc. 2016
8,5/10
62
Orgueil et préjugés.

Lui est marquis, de ces Messieurs du bel air (La critique de l’Ecole des femmes – Molière). Elle est comtesse, de la campagne. Ils s’aiment mais... Lui, ne peut le dire car cela reviendrait à renier son statut de petit-maître qui ne peut aimer ouvertement, et encore moins une provincial. «On nous aime beaucoup, mais nous n'aimons point : c'est notre usage.». Elle, fleur bleue, ne peut accepter l’extravagance d’un tel comportement. «Je n'accorderai mon cœur qu'aux soins les plus tendres, qu'à tout ce que l'amour aura de plus respectueux, de plus soumis : il faudra qu'on me dise mille fois : je vous aime, avant que je le croie, et que je m'en soucie ». Heureusement Marton, la soubrette, et Frontin, le valet, seront là pour redresser l’affaire.

Provinciale et femme que je suis, je ne peux qu’apprécier ce texte qui voit la défaite des préjugés interculturels et de l’orgueil masculine. Mais c’est aussi un livret fort bien écrit, galant, satirique et drôle que Clément Hervieu-léger a su conserver dans sa mise en scène. Le ridicule des genres et des sentiments y est précieux, malicieux et joyeux, le tout sur fond de romantisme avec un décor champêtre et des costumes d’époques. Le tableau prend vie le temps d’une soirée.

Et de la vie, les comédiens du Français en ont à revendre. Adeline d’Hermy qui joue Marton, la soubrette, rayonne sur scène par son sourire, ses rires, sa vitalité, Loïc Corbery, Rosimond, le marquis, papillonne avec excellence et Christophe Montenez, Frontin, le valet, « batifole » avec naturel.

Ah ! Mon fils ! Que cet événement me charme !