Critiques pour l'événement Fanny et Alexandre
Mais quelle pièce !
Décors sublimes, acteurs parfaits, on passe du rire aux larmes à toute vitesse. Certains plans mettent franchement mal à l'aise, mais pas une seule fois je n'ai décroché de cette pièce de 3 heures.
A voir absolument !
Décors sublimes, acteurs parfaits, on passe du rire aux larmes à toute vitesse. Certains plans mettent franchement mal à l'aise, mais pas une seule fois je n'ai décroché de cette pièce de 3 heures.
A voir absolument !
Moi je me suis ennuyée. Je ne suis pas une professionnelle de la critique. Je ne connais ni le film ni la série télé correspondants.
Je venais pour la première fois à la Comédie Française, de ma lointaine montagne ariégeoise je redescendais vers Paris. J'ai aimé en leur temps certains films de Bergman, alors j'étais curieuse de cette pièce. J'ai vu une plate mise en scène illustrant l'antagonisme entre mœurs de comédiens et mœurs de puritains. Comme au temps de Molière on se damnerait donc encore à monter sur scène? Pour 30€, le dos tordu par ma position assise ne me permettant de voir qu'une moitié de scène, les jambes coincées par la trop grande proximité du balcon, prêtant l'oreille dès qu'un comédien placé hors de ma vue s'exprimait, je n'ai à aucun moment décollé du plateau. Cette fête de Noël si mollement reconstituée, cet intérieur presbytérien habité par deux caricatures - la sœur de l'évêque particulièrement, si peu crédible - ces lieux semblaient peuplés de comédiens posés là et ne sachant trop comment se mouvoir. La maltraitance de l'adolescent qui s'oppose, l'amour de l'épouse disparu aussi vite qu'apparu, comment cela peut-il encore émouvoir aux larmes ? Ce serait du théâtre de l'entre-soi qui plaît aux comédiens amateurs ou professionnels, aux critiques dont c'est le métier d'aimer ou de détester une pièce ? Pour une spectatrice exclue de cet entre-soi ça s'appelle une soirée d'ennui.
Je venais pour la première fois à la Comédie Française, de ma lointaine montagne ariégeoise je redescendais vers Paris. J'ai aimé en leur temps certains films de Bergman, alors j'étais curieuse de cette pièce. J'ai vu une plate mise en scène illustrant l'antagonisme entre mœurs de comédiens et mœurs de puritains. Comme au temps de Molière on se damnerait donc encore à monter sur scène? Pour 30€, le dos tordu par ma position assise ne me permettant de voir qu'une moitié de scène, les jambes coincées par la trop grande proximité du balcon, prêtant l'oreille dès qu'un comédien placé hors de ma vue s'exprimait, je n'ai à aucun moment décollé du plateau. Cette fête de Noël si mollement reconstituée, cet intérieur presbytérien habité par deux caricatures - la sœur de l'évêque particulièrement, si peu crédible - ces lieux semblaient peuplés de comédiens posés là et ne sachant trop comment se mouvoir. La maltraitance de l'adolescent qui s'oppose, l'amour de l'épouse disparu aussi vite qu'apparu, comment cela peut-il encore émouvoir aux larmes ? Ce serait du théâtre de l'entre-soi qui plaît aux comédiens amateurs ou professionnels, aux critiques dont c'est le métier d'aimer ou de détester une pièce ? Pour une spectatrice exclue de cet entre-soi ça s'appelle une soirée d'ennui.
Impossible de passer à côté de l’information : 2018 était une année hommage à Ingmar Bergman. J’ai manqué certains spectacles encensés par la critique, comme la proposition des TG Stan au Théâtre de la Bastille, j’en ai vu d’autres, comme l’adaptation de Face à Face par Léonard Matton au Théâtre de l’Atelier. Ce n’était pas mon premier Bergman au théâtre mais, comme à chaque fois, je me dis qu’il serait temps que j’en voie un pour m’approcher au plus près de la substantifique moëlle de ce qui fait son oeuvre. Et, sans surprise, après ce Fanny et Alexandre, toujours la même réflexion, toujours la même curiosité, toujours la même envie.
Fanny et Alexandre conte l’histoire de cette Troupe de Théâtre menée par Oscar Ekdahl, cette Troupe familiale qui n’est pas sans rappeler la Troupe du Français. Dans l’ordre générationnel, on trouve d’abord Helena, doyenne de la Troupe et mère de Gustav Adolph, Oscar et Carl, mariés respectivement à Alma, Émilie et Lydia. Les deux premiers s’occupent du théâtre quand le troisième a endossé les habits de professeurs. Des deux premières unions ont donné naissance à Peter d’un côté et Fanny et Alexandre de l’autre. La famille vit heureuse jusqu’à la mort prématurée d’Oscar, laissant le théâtre sans directeur, Émilie sans époux, Fanny et Alexandre sans père. Se trouvant incapable de reprendre le jeu sans cette épaule qui l’accompagnait depuis toujours, elle décide de se remarier avec Edvard Vergerus, un évêque qu’elle croisait souvent au théâtre, et part donc de l’entreprise familiale pour aller s’installer dans l’évêché avec ses enfants. Edvard et sa famille se révèleront être de véritables tortionnaires, sources continues de souffrances pour le trio nouveau venu pour qui tout espoir semble devoir être abandonné.
Le spectacle se compose donc de deux parties parfaitement distinctes : d’abord, la présentation de la troupe et l’ambiance qui y règne, puis la nouvelle vie d’Emilie auprès d’Edvard. Il s’est passé sur la première partie quelque chose qui m’amuse – et me frustre a posteriori ; il faut savoir que je sortais d’une semaine très fatigante mais surtout d’une journée assez désagréable – difficile donc de me dérider, ce soir là. Or je me rends compte que, dans un autre état d’esprit, j’aurais pris beaucoup plus de plaisir devant cette première partie dont je n’ai su, ce soir-là, que relever les défauts qui me sautaient aux yeux. Voici donc une description teintée de mon état bourru du moment, à laquelle j’essaierai de faire suivre un pendant plus optimiste, analyse rétrospective d’une soirée globalement très réussie.
Mais débarrassons-nous d’abord des remarques négatives. Le début de la pièce est tout en joie, en fête et en frivolité, on apprend à découvrir la Troupe et les liens qui unissent chacun des personnages, on fête Noël, on est heureux. L’entrée en matière a des allures de Règle du Jeu qui me dérangent car Julie Deliquet n’en a gardé que la légèreté en omettant la profondeur qui faisait de cette pièce un spectacle total. Ici, la tension dramatique ne semble pas vraiment exister : on chante, on danse, on s’envoie des vannes, mais a quoi tout cela sert-il ? On comprend a posteriori l’utilité de cette partie qui fait sens lorsqu’on considère la pièce dans sa globalité, mais je reste quand même critique sur les facilités dans lesquelles peut tomber la mise en scène ; le moment est quand même un peu long, répétitif, et on aurait pu attendre un peu plus de diversité pour chauffer la salle. Mais soit.
D’autant que cette partie me semble incohérente par instants. Julie Deliquet prend donc le parti de nous amuser mais j’ai du mal à comprendre si elle nous montre la Troupe des Comédiens-Français ou la troupe de théâtre d’Oscar Ekdahl. Tout le jeu semble favoriser ma première hypothèse, mais le texte vient parfois déranger cette intuition en ancrant trop les personnages dans l’histoire qu’ils interprètent. Je regrette donc que l’idée n’ait pas été poussée à fond et que l’adaptation ne transforme intégralement le contexte, faisant de la dynastie Ekdahl l’actuelle Troupe de la Comédie-Française.
Une fois le parti pris « Comédiens-Français » accepté, il faut reconnaître que tout cela fonctionne très bien, en grande partie grâce à cette Troupe magnifique. Quel plaisir de les voir ainsi jouant à la limite du cabotinage, s’envoyant des répliques cinglantes à la figure, transcender les talents de chacun. Ainsi, Laurent Stocker est absolument délicieux en oncle proche de l’alcoolisme mais surtout atteint du syndrome Gilles de la Tourette lorsqu’il s’adresse à sa femme, merveilleuse Véronique Vella – elle nous avait manqué ! – qui encaisse les insultes de son mari avec une distance singulière dont le ton comique est renforcé par un accent allemand parfaitement tenu.
Hervé Pierre campe un Gustav Adolph au rire communicatif et à la bonhomie réjouissante, ces deux caractéristiques lui seyant si bien. Impossible de ne pas penser à Macha et Olga devant le duo formé par Florence Viala et Elsa Lepoivre dont la complicité ne fait aucun doute. Dominique Blanc semble prendre un malin plaisir à incarner celle qui dit en avoir fini avec le théâtre mais qui y revient toujours, pour le plus grand plaisir des siens comme des spectateurs ! Enfin, Noam Morgensztern, comme à son habitude, porte avec une singulière authenticité son personnage étrange de magicien, et parvient en peu de mots à lui donner sa juste place au sein du spectacle.
Cependant, tout parier sur ses comédiens peut s’avérer également risqué car on y perçoit d’autant mieux les disparités bien présentes au sein de la Troupe : lorsque le texte ne soutient rien, il faut un sacré talent pour parvenir à distraire le public – talent éternellement absent de la jeune Rebecca Marder qui, sur ces quelques moments, parvient une nouvelle fois à rester totalement en surface, se contentant de crier ses répliques sans aucune intériorisation.
Mais c’est Denis Podalydès qui rafle peut-être la mise de cette première partie. Dans un ton en décalage avec le reste de la troupe, plus ancré dans la réalité, moins festif, plus intellectuel – plus Denis Podalydès, quoi ! – il a su me tirer les larmes pour la scène de sa mort. Voyant arriver ses derniers instants, son regard porte alors en lui quelque chose de solennel et fataliste mais aussi de si profondément sincère qu’on croirait que l’acteur est près de mourir, là, devant nous. Consciente que cela faisait partie de la pièce et presqu’énervée que les comédiens ne s’inquiètent pas davantage, il m’a malgré tout provoqué ce frisson directement lié à la mort qui rôde, au soudain rappel de notre fin à venir, et à un certain non-sens de la vie. Un frisson annonciateur du deuxième acte.
Car tout de suite après vient cette deuxième partie, bien plus sombre, et qui, par son manque de liberté totale et son ton inquiétant, opère une rupture brutale avec ce qui a précédé. Elle semble d’ailleurs d’autant plus froide et sans espoir que la première est libérée et débraillée. Et elle donne tout son sens au spectacle : avec elle vient le fond, la tension dramatique, l’explication de quelques idées lancées ça et là dans la première partie. Mais avec elle vient également la grandeur du spectacle, son intensité, et une nouvelle preuve que Julie Deliquet est une grande directrice d’acteurs.
En effet, si les comédiens semblaient incarner leurs propres rôles, presque en roue libre, dans la première partie, il n’en est plus rien ici. Ceux qui entrent en scène sont méconnaissables, ceux qu’on retrouve sont transformés. A commencer par Thierry Hancisse, qui campe le rôle de l’évêque tyrannique qui emprisonne Émilie et ses enfants. On comprend la peur qu’il leur inspire et qui émane de lui jusqu’à nous atteindre, pourtant éloignés de la scène depuis nos fauteuils de spectateurs. Il est impressionnant, effrayant, incontrôlable. Mais, aussi tortionnaire soit-il, Thierry Hancisse parvient à donner plusieurs couleurs à son personnage : dans les premiers instants, il est ainsi parvenu à me faire douter de sa folie. Il est en effet si sincère dans sa démarche qu’il est difficile de croire qu’il va devenir celui qu’on pressent être. Et pourtant. A ses côtés, Anne Kessler fait preuve de la même austérité que celui qui incarne son frère, et fait de son personnage une sorte de monstre, détestable, mais surtout véritablement effrayant. La fratrie est renforcée par le double-jeu démoniaque de Anna Cervinka, qu’on n’attendait pas forcément dans ce registre et qui se révèle totalement angoissante. Un trio digne de mes pires cauchemars.
C’est aussi dans cette partie que Jean Chevalier montre l’étendue de sa palette. Plutôt effacé dans la première partie, il se fait bien plus présent dans la seconde en s’imposant comme le souffre-douleur principal d’Edvard. Sa douleur, sa peur et sa profonde tristesse diffusent sans obstacle jusqu’aux spectateurs qui se crispent sur leurs fauteuils en partageant ses peines. Mais ces sentiments ne sont pas incompatibles avec une combativité et une ardeur qu’il met courageusement en avant à plusieurs reprises, venant redorer une âme qui à aucun moment ne se veut totalement meurtrie. Mais c’est probablement dans le dialogue avec son père, incarné par Denis Podalydès, qu’on peut le mieux appréhender son talent. Parce que, lors de cet affrontement, je n’ai pas vu pas un jeune comédien face à un autre qui aurait plus de bouteille. J’ai vu deux hommes opposer avec autant de coeur deux conceptions de vie différentes. Et ils m’ont donné la chair de poule.
Me voilà donc finalement convaincue par le travail de Julie Deliquet et surtout ravie que le théâtre ait pu remplir sa fonction première à mes yeux, à savoir me faire voyager dans une autre dimension le temps d’un spectacle. Je garderai de ce Fanny et Alexandre un amour toujours grandissant pour la Troupe du Français, mais tout de même une pointe de déception : sans doute à cause des coupures imposées par la longueur de l’oeuvre originale, certaines idées semblent moins fouillées qu’elle auraient pu être et laissent en moi une certaine frustration. Par ailleurs, je suis plutôt étonnée de ne pas retrouver l’ambiance bergmanienne propre à l’auteur et que j’avais pensé avoir saisie après les deux adaptations théâtrales que j’ai vues de lui. Une chose est sûre : le spectacle m’a donné envie de découvrir la série télévisée, et un spectacle qui donne envie n’est jamais un spectacle perdu.
Fanny et Alexandre conte l’histoire de cette Troupe de Théâtre menée par Oscar Ekdahl, cette Troupe familiale qui n’est pas sans rappeler la Troupe du Français. Dans l’ordre générationnel, on trouve d’abord Helena, doyenne de la Troupe et mère de Gustav Adolph, Oscar et Carl, mariés respectivement à Alma, Émilie et Lydia. Les deux premiers s’occupent du théâtre quand le troisième a endossé les habits de professeurs. Des deux premières unions ont donné naissance à Peter d’un côté et Fanny et Alexandre de l’autre. La famille vit heureuse jusqu’à la mort prématurée d’Oscar, laissant le théâtre sans directeur, Émilie sans époux, Fanny et Alexandre sans père. Se trouvant incapable de reprendre le jeu sans cette épaule qui l’accompagnait depuis toujours, elle décide de se remarier avec Edvard Vergerus, un évêque qu’elle croisait souvent au théâtre, et part donc de l’entreprise familiale pour aller s’installer dans l’évêché avec ses enfants. Edvard et sa famille se révèleront être de véritables tortionnaires, sources continues de souffrances pour le trio nouveau venu pour qui tout espoir semble devoir être abandonné.
Le spectacle se compose donc de deux parties parfaitement distinctes : d’abord, la présentation de la troupe et l’ambiance qui y règne, puis la nouvelle vie d’Emilie auprès d’Edvard. Il s’est passé sur la première partie quelque chose qui m’amuse – et me frustre a posteriori ; il faut savoir que je sortais d’une semaine très fatigante mais surtout d’une journée assez désagréable – difficile donc de me dérider, ce soir là. Or je me rends compte que, dans un autre état d’esprit, j’aurais pris beaucoup plus de plaisir devant cette première partie dont je n’ai su, ce soir-là, que relever les défauts qui me sautaient aux yeux. Voici donc une description teintée de mon état bourru du moment, à laquelle j’essaierai de faire suivre un pendant plus optimiste, analyse rétrospective d’une soirée globalement très réussie.
Mais débarrassons-nous d’abord des remarques négatives. Le début de la pièce est tout en joie, en fête et en frivolité, on apprend à découvrir la Troupe et les liens qui unissent chacun des personnages, on fête Noël, on est heureux. L’entrée en matière a des allures de Règle du Jeu qui me dérangent car Julie Deliquet n’en a gardé que la légèreté en omettant la profondeur qui faisait de cette pièce un spectacle total. Ici, la tension dramatique ne semble pas vraiment exister : on chante, on danse, on s’envoie des vannes, mais a quoi tout cela sert-il ? On comprend a posteriori l’utilité de cette partie qui fait sens lorsqu’on considère la pièce dans sa globalité, mais je reste quand même critique sur les facilités dans lesquelles peut tomber la mise en scène ; le moment est quand même un peu long, répétitif, et on aurait pu attendre un peu plus de diversité pour chauffer la salle. Mais soit.
D’autant que cette partie me semble incohérente par instants. Julie Deliquet prend donc le parti de nous amuser mais j’ai du mal à comprendre si elle nous montre la Troupe des Comédiens-Français ou la troupe de théâtre d’Oscar Ekdahl. Tout le jeu semble favoriser ma première hypothèse, mais le texte vient parfois déranger cette intuition en ancrant trop les personnages dans l’histoire qu’ils interprètent. Je regrette donc que l’idée n’ait pas été poussée à fond et que l’adaptation ne transforme intégralement le contexte, faisant de la dynastie Ekdahl l’actuelle Troupe de la Comédie-Française.
Une fois le parti pris « Comédiens-Français » accepté, il faut reconnaître que tout cela fonctionne très bien, en grande partie grâce à cette Troupe magnifique. Quel plaisir de les voir ainsi jouant à la limite du cabotinage, s’envoyant des répliques cinglantes à la figure, transcender les talents de chacun. Ainsi, Laurent Stocker est absolument délicieux en oncle proche de l’alcoolisme mais surtout atteint du syndrome Gilles de la Tourette lorsqu’il s’adresse à sa femme, merveilleuse Véronique Vella – elle nous avait manqué ! – qui encaisse les insultes de son mari avec une distance singulière dont le ton comique est renforcé par un accent allemand parfaitement tenu.
Hervé Pierre campe un Gustav Adolph au rire communicatif et à la bonhomie réjouissante, ces deux caractéristiques lui seyant si bien. Impossible de ne pas penser à Macha et Olga devant le duo formé par Florence Viala et Elsa Lepoivre dont la complicité ne fait aucun doute. Dominique Blanc semble prendre un malin plaisir à incarner celle qui dit en avoir fini avec le théâtre mais qui y revient toujours, pour le plus grand plaisir des siens comme des spectateurs ! Enfin, Noam Morgensztern, comme à son habitude, porte avec une singulière authenticité son personnage étrange de magicien, et parvient en peu de mots à lui donner sa juste place au sein du spectacle.
Cependant, tout parier sur ses comédiens peut s’avérer également risqué car on y perçoit d’autant mieux les disparités bien présentes au sein de la Troupe : lorsque le texte ne soutient rien, il faut un sacré talent pour parvenir à distraire le public – talent éternellement absent de la jeune Rebecca Marder qui, sur ces quelques moments, parvient une nouvelle fois à rester totalement en surface, se contentant de crier ses répliques sans aucune intériorisation.
Mais c’est Denis Podalydès qui rafle peut-être la mise de cette première partie. Dans un ton en décalage avec le reste de la troupe, plus ancré dans la réalité, moins festif, plus intellectuel – plus Denis Podalydès, quoi ! – il a su me tirer les larmes pour la scène de sa mort. Voyant arriver ses derniers instants, son regard porte alors en lui quelque chose de solennel et fataliste mais aussi de si profondément sincère qu’on croirait que l’acteur est près de mourir, là, devant nous. Consciente que cela faisait partie de la pièce et presqu’énervée que les comédiens ne s’inquiètent pas davantage, il m’a malgré tout provoqué ce frisson directement lié à la mort qui rôde, au soudain rappel de notre fin à venir, et à un certain non-sens de la vie. Un frisson annonciateur du deuxième acte.
Car tout de suite après vient cette deuxième partie, bien plus sombre, et qui, par son manque de liberté totale et son ton inquiétant, opère une rupture brutale avec ce qui a précédé. Elle semble d’ailleurs d’autant plus froide et sans espoir que la première est libérée et débraillée. Et elle donne tout son sens au spectacle : avec elle vient le fond, la tension dramatique, l’explication de quelques idées lancées ça et là dans la première partie. Mais avec elle vient également la grandeur du spectacle, son intensité, et une nouvelle preuve que Julie Deliquet est une grande directrice d’acteurs.
En effet, si les comédiens semblaient incarner leurs propres rôles, presque en roue libre, dans la première partie, il n’en est plus rien ici. Ceux qui entrent en scène sont méconnaissables, ceux qu’on retrouve sont transformés. A commencer par Thierry Hancisse, qui campe le rôle de l’évêque tyrannique qui emprisonne Émilie et ses enfants. On comprend la peur qu’il leur inspire et qui émane de lui jusqu’à nous atteindre, pourtant éloignés de la scène depuis nos fauteuils de spectateurs. Il est impressionnant, effrayant, incontrôlable. Mais, aussi tortionnaire soit-il, Thierry Hancisse parvient à donner plusieurs couleurs à son personnage : dans les premiers instants, il est ainsi parvenu à me faire douter de sa folie. Il est en effet si sincère dans sa démarche qu’il est difficile de croire qu’il va devenir celui qu’on pressent être. Et pourtant. A ses côtés, Anne Kessler fait preuve de la même austérité que celui qui incarne son frère, et fait de son personnage une sorte de monstre, détestable, mais surtout véritablement effrayant. La fratrie est renforcée par le double-jeu démoniaque de Anna Cervinka, qu’on n’attendait pas forcément dans ce registre et qui se révèle totalement angoissante. Un trio digne de mes pires cauchemars.
C’est aussi dans cette partie que Jean Chevalier montre l’étendue de sa palette. Plutôt effacé dans la première partie, il se fait bien plus présent dans la seconde en s’imposant comme le souffre-douleur principal d’Edvard. Sa douleur, sa peur et sa profonde tristesse diffusent sans obstacle jusqu’aux spectateurs qui se crispent sur leurs fauteuils en partageant ses peines. Mais ces sentiments ne sont pas incompatibles avec une combativité et une ardeur qu’il met courageusement en avant à plusieurs reprises, venant redorer une âme qui à aucun moment ne se veut totalement meurtrie. Mais c’est probablement dans le dialogue avec son père, incarné par Denis Podalydès, qu’on peut le mieux appréhender son talent. Parce que, lors de cet affrontement, je n’ai pas vu pas un jeune comédien face à un autre qui aurait plus de bouteille. J’ai vu deux hommes opposer avec autant de coeur deux conceptions de vie différentes. Et ils m’ont donné la chair de poule.
Me voilà donc finalement convaincue par le travail de Julie Deliquet et surtout ravie que le théâtre ait pu remplir sa fonction première à mes yeux, à savoir me faire voyager dans une autre dimension le temps d’un spectacle. Je garderai de ce Fanny et Alexandre un amour toujours grandissant pour la Troupe du Français, mais tout de même une pointe de déception : sans doute à cause des coupures imposées par la longueur de l’oeuvre originale, certaines idées semblent moins fouillées qu’elle auraient pu être et laissent en moi une certaine frustration. Par ailleurs, je suis plutôt étonnée de ne pas retrouver l’ambiance bergmanienne propre à l’auteur et que j’avais pensé avoir saisie après les deux adaptations théâtrales que j’ai vues de lui. Une chose est sûre : le spectacle m’a donné envie de découvrir la série télévisée, et un spectacle qui donne envie n’est jamais un spectacle perdu.
Le théâtre est une grande famille !
Et qui mieux que la troupe du "Français" pour nous le prouver de manière si éblouissante ?
Bergman était autant un grand homme de théâtre qu'un immense cinéaste.
Ainsi, la troupe des Ekdahl - personnages de la pièce - et celle de la Comédie Française fusionnent et se confondent. Les comédiens jouent leurs rôles de comédiens avec un talent formidable, bluffants de naturel ...et pour cause !
L'un des moments les plus brillants est le numéro de mauvais acteur de Denis Podalydès. Un grand moment ... de théâtre !
La beauté, le talent et le verbe. Tout est là.
Et qui mieux que la troupe du "Français" pour nous le prouver de manière si éblouissante ?
Bergman était autant un grand homme de théâtre qu'un immense cinéaste.
Ainsi, la troupe des Ekdahl - personnages de la pièce - et celle de la Comédie Française fusionnent et se confondent. Les comédiens jouent leurs rôles de comédiens avec un talent formidable, bluffants de naturel ...et pour cause !
L'un des moments les plus brillants est le numéro de mauvais acteur de Denis Podalydès. Un grand moment ... de théâtre !
La beauté, le talent et le verbe. Tout est là.
Julie Deliquet signe une mise en scène éblouissante, ingénieuse, mêlant la magie, le mystère, le théâtre dans le théâtre, avec le décor modulable, on participe à la fête du début, puis à l'enfermement d'Emilie et des enfants.
La distribution est absolument parfaite, Denis Podalydes est un Oscar touchant, drôle. Les enfants sont joués par les jeunes comédiens de la troupe, dans le rôle d'Alexandre, Jean Chevalier, c'est de la graine de grand comédien, Rebecca Marder n'est pas en reste non plus.
Dominique Blanc, je ne m'en lasse pas, elle ne joue pas à la comédienne, elle l'est totalement, il faut l'entendre dans le monologue de Nora de "Maison de poupée" (rôle qui lui a valu un Molière en 1998) ! Elsa Lepoivre est poignante. Toute la troupe est à citer, on les sent heureux de donner vie à cette pièce.
Un très beau spectacle, une adaptation intelligente, on rit, on pleure, on est ému, c'est du théâtre et de la belle ouvrage !
La distribution est absolument parfaite, Denis Podalydes est un Oscar touchant, drôle. Les enfants sont joués par les jeunes comédiens de la troupe, dans le rôle d'Alexandre, Jean Chevalier, c'est de la graine de grand comédien, Rebecca Marder n'est pas en reste non plus.
Dominique Blanc, je ne m'en lasse pas, elle ne joue pas à la comédienne, elle l'est totalement, il faut l'entendre dans le monologue de Nora de "Maison de poupée" (rôle qui lui a valu un Molière en 1998) ! Elsa Lepoivre est poignante. Toute la troupe est à citer, on les sent heureux de donner vie à cette pièce.
Un très beau spectacle, une adaptation intelligente, on rit, on pleure, on est ému, c'est du théâtre et de la belle ouvrage !
Dès les premiers instants nous rentrons par magie dans le monde des Ekdah.
Sous la lumière de la salle, Denis Podalydès apparaît, nous demande si le spectacle nous a plu et nous annonce son prochain spectacle Hamlet.
Les rideaux s’ouvrent, la famille Ekdah fête Noël et réveillonne gaiement au théâtre comme tous les ans.
Ils viennent de jouer le spectacle de Noël. Ce spectacle où tous participent : les parents, les enfants, les domestiques et quelques amateurs…
Nous sommes happés dans leur monde, nous sommes au milieu d’eux. C’est gai, dynamique, chaleureux.
La famille prie La veuve Ekdah (Dominique Blanc) ancienne actrice à la retraite de leur rejouer pour eux, rien que pour leur plaisir une scène de son ancien répertoire.
Après quelques hésitations, juste pour se faire prier, elle récite le magnifique monologue de Nora de La maison de poupée d’Ibsen.
Les enfants Fanny et Alexandre (Jean Chevalier et Rebecca Marder) sont autorisés à dormir au théâtre où à la lumière de la servante, ils s’adonnent eux aussi au jeu de la comédie…
C’est le théâtre dans le théâtre.
Le lendemain nous assistons à la répétition d’Hamlet. Hamlet joué par Oscar Ekdahl (Denis Podalydès) succombe à une crise cardiaque, c’est la panique sur le plateau, le rideau tombe sous l’émotion de la salle..
Après l’entracte, Emilie (Elsa Lepoivre) vient nous annoncer qu’elle abandonne la direction de la troupe que lui avait confiée Oscar son époux.
Elle en a assez de jouer, elle veut vivre la vraie vie. Elle va épouser l’évêque Edvard.
Les rideaux s’ouvrent, une atmosphère d’austérité à fait place à la joyeuseté des premières scènes.
Fanny et Alexandre vont vivre un calvaire sous l’autorité cruelle de l’évêque (Thierry Hancisse) secondé par son horrible sœur (Anne Kessler).
Emilie vit une tragédie, l’évêque se révèle d’une grande intransigeance et d’une immense férocité. C’est une réelle tragédie, elle n’est plus comédienne.
Le fantôme d’Oscar va venir rendre visite à Alexandre hors dans Hamlet on le voit jouer le spectre d’Hamlet…
La famille s’inquiète, comment agir contre cette tragédie et sauver ses enfants.
Carl Ekdahl (Laurent Stocker), Adolphe Ekdahl (Hervé Pierre Gustav) leurs oncles, ainsi que toute cette joyeuse troupe y parviendront-ils ?
Véronique Vella, Cécile Brune, Florence Viala, Julie Sicard Maj, Hervé Pierre, Gilles David, Noam Morgensztern, Anna Cervinka, Gaël amilindi, Noémie Pasteger.
Le théâtre rejoint la fiction.
C’est magnifique, les scènes s’enchainent avec fluidité du domaine puritain et barbare de l’évêque au monde enjoué et bienveillant de cette famille de comédiens. La mise en scène de Julie Deliquet est percutante et efficace.
Tous les comédiens sont d’un talent remarquable.
Quel plaisir et quelle chance de déguster un si merveilleux moment de théâtre.
Sous la lumière de la salle, Denis Podalydès apparaît, nous demande si le spectacle nous a plu et nous annonce son prochain spectacle Hamlet.
Les rideaux s’ouvrent, la famille Ekdah fête Noël et réveillonne gaiement au théâtre comme tous les ans.
Ils viennent de jouer le spectacle de Noël. Ce spectacle où tous participent : les parents, les enfants, les domestiques et quelques amateurs…
Nous sommes happés dans leur monde, nous sommes au milieu d’eux. C’est gai, dynamique, chaleureux.
La famille prie La veuve Ekdah (Dominique Blanc) ancienne actrice à la retraite de leur rejouer pour eux, rien que pour leur plaisir une scène de son ancien répertoire.
Après quelques hésitations, juste pour se faire prier, elle récite le magnifique monologue de Nora de La maison de poupée d’Ibsen.
Les enfants Fanny et Alexandre (Jean Chevalier et Rebecca Marder) sont autorisés à dormir au théâtre où à la lumière de la servante, ils s’adonnent eux aussi au jeu de la comédie…
C’est le théâtre dans le théâtre.
Le lendemain nous assistons à la répétition d’Hamlet. Hamlet joué par Oscar Ekdahl (Denis Podalydès) succombe à une crise cardiaque, c’est la panique sur le plateau, le rideau tombe sous l’émotion de la salle..
Après l’entracte, Emilie (Elsa Lepoivre) vient nous annoncer qu’elle abandonne la direction de la troupe que lui avait confiée Oscar son époux.
Elle en a assez de jouer, elle veut vivre la vraie vie. Elle va épouser l’évêque Edvard.
Les rideaux s’ouvrent, une atmosphère d’austérité à fait place à la joyeuseté des premières scènes.
Fanny et Alexandre vont vivre un calvaire sous l’autorité cruelle de l’évêque (Thierry Hancisse) secondé par son horrible sœur (Anne Kessler).
Emilie vit une tragédie, l’évêque se révèle d’une grande intransigeance et d’une immense férocité. C’est une réelle tragédie, elle n’est plus comédienne.
Le fantôme d’Oscar va venir rendre visite à Alexandre hors dans Hamlet on le voit jouer le spectre d’Hamlet…
La famille s’inquiète, comment agir contre cette tragédie et sauver ses enfants.
Carl Ekdahl (Laurent Stocker), Adolphe Ekdahl (Hervé Pierre Gustav) leurs oncles, ainsi que toute cette joyeuse troupe y parviendront-ils ?
Véronique Vella, Cécile Brune, Florence Viala, Julie Sicard Maj, Hervé Pierre, Gilles David, Noam Morgensztern, Anna Cervinka, Gaël amilindi, Noémie Pasteger.
Le théâtre rejoint la fiction.
C’est magnifique, les scènes s’enchainent avec fluidité du domaine puritain et barbare de l’évêque au monde enjoué et bienveillant de cette famille de comédiens. La mise en scène de Julie Deliquet est percutante et efficace.
Tous les comédiens sont d’un talent remarquable.
Quel plaisir et quelle chance de déguster un si merveilleux moment de théâtre.
Excellent moment de théâtre !
Dimanche 17 février 2019
Je n'irai pas par quatre chemins : Julie Deliquet dans ce cri d'amour au théâtre, nous donne une leçon dramaturgique !
Mademoiselle Julie, dont j'avais tant aimé le travail sur « Vania », la saison passée au Vieux-Colombier, Mademoiselle Julie donc, nous propose une remarquable transposition du chef-d'œuvre d'Ingmar Bergman.
Le film-culte, certes, mais surtout l'adaptation du roman que le cinéaste « par vocation », comme il aimait à se qualifier, avait écrit au préalable.
Mais avant tout l'homme de théâtre « de métier » Bergman.
Adapter un tel ouvrage n'est pas une mince affaire !
Avec Florence Seyvos et Julie André, Julie Deliquet a scindé son spectacle en deux parties, séparées par un entracte.
Dans la première, nous allons faire la connaissance de la famille Ekdhal. Des théâtreux, s'il en est !
C'est d'ailleurs Oscar (Denis Podalydes) qui se plante avant tout chose devant le rideau pour... nous remercier d'avoir assisté au spectacle qui vient de s'écouler. Et de nous souhaiter dans la foulée un joyeux Noël !
Et nous de suivre la vie de ces comédiens qui réveillonnent, avec également les confessions de la grand-mère (Dominique Blanc) et une hilarante répétition.
Dans ce premier acte, Julie Deliquet observe à la loupe cette troupe de l'intérieur.
Est-ce la famille Ekdahl ou la troupe de la Comédie-Française ?
Les grands discours sur le théâtre, ces déclarations relatives à ce métier étonnant, prononcés par ces acteurs, qui les dit vraiment ? Les personnages ? Les comédiens-français ?
Et faut-il les croire ?
Tous diront le texte adapté, évidemment, mais improviseront, également. Il y a là ce que la metteure-en-scène appelle à juste titre une « hyper-matière » du texte.
Tout ceci participe à mettre en abyme ce regard sur le théâtre.
Nous sommes mis devant nos propres interrogations et nos propres responsabilités en matière de « consommation théâtrale ».
Nous avons même dans ce premier acte le sentiment d'être des voyeurs, comme si nous violions une intimité théâtrale.
Et puis Oscar meurt. Rideau.
L'entracte laisse passer une année.
Sa veuve, Emilie (Elsa Lepoivre) s'est remariée avec l'austère et intransigeant évêque Vergerus (Thierry Hancisse), emmenant avec elle ses enfants, les deux ados Fanny (Rebecca Marder et Alexandre (Jean Chevalier).
Ce faisant, Julie Deliquet nous plonge dans le « vrai » monde du théâtre, c'est à dire... le monde du « faux » !
Le décor est là, désormais, alors que précédemment, nous étions à même la « cage » de la salle Richelieu, sur le plateau quasi nu, laissant apparaître murs noirs, machineries, décors entreposés et tout un fourbi d'accessoires.
On l'aura compris, nous sommes en présence d'un vertigineux jeu de miroirs entre ces deux actes.
Là, plus d'improvisation. Les comédiens s'en tiennent au texte.
Le drame se déroule, l'action avance, impitoyablement.
Bien entendu, la metteure-en-scène a pu s'appuyer sur une troupe une nouvelle fois en état de grâce.
Je n'en finirais pas de vous raconter les morceaux de bravoure d'Hervé Pierre, Elsa Lepoivre, Thierry Hancisse, Florence Viala, Laurent Stocker, Gilles David, Dominique Blanc, Véronique Vella, Anne Kessler et consorts...
(Avec un petit regret, le sous-emploi de Cécile Brune. C'est la règle de la maison. Même les immenses acteurs peuvent avoir de tout petits rôles. C'est finalement un luxe.)
Mais il en est un, de ces comédiens, qui m'a particulièrement enthousiasmé.
Parce que c'est son premier grand rôle au Français.
Celui-ci, c'est le jeune pensionnaire Jean Chevalier, qui campe un magnifique Alexandre.
Le jeune comédien est parfait dans cette composition d'ado qui se rebelle contre un tyran domestique flanqué de sa perfide sœur.
Jean Chevalier, plutôt discret dans la première partie, irradie ensuite le plateau.
Il est alors bouleversant. Quel talent, quelle justesse, quelle crédibilité, quel engagement, quelle fraicheur de jeu !
Quelle belle découverte (pour moi en tout cas...) que ce jeune pensionnaire !
On comprend alors de façon limpide et sans équivoque aucune pourquoi il se retrouve dans cette troupe. `
L'impitoyable et terrible affrontement Alexandre / Vergerus contribue à cette mis en perspective de la dualité mensonge / vérité. Cette vérité, ce mensonge qui constituent le paradoxe du théâtre. Toujours cette mise en perspective...
Avec cette adaptation maligne, subtile, intelligente au possible, avec cette vision aux parti-pris tous plus intéressants les uns que les autres d'un chef d'œuvre littéraire et cinématographique, Julie Deliquet nous invite à un passionnant spectacle, qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Mademoiselle Julie, dont j'avais tant aimé le travail sur « Vania », la saison passée au Vieux-Colombier, Mademoiselle Julie donc, nous propose une remarquable transposition du chef-d'œuvre d'Ingmar Bergman.
Le film-culte, certes, mais surtout l'adaptation du roman que le cinéaste « par vocation », comme il aimait à se qualifier, avait écrit au préalable.
Mais avant tout l'homme de théâtre « de métier » Bergman.
Adapter un tel ouvrage n'est pas une mince affaire !
Avec Florence Seyvos et Julie André, Julie Deliquet a scindé son spectacle en deux parties, séparées par un entracte.
Dans la première, nous allons faire la connaissance de la famille Ekdhal. Des théâtreux, s'il en est !
C'est d'ailleurs Oscar (Denis Podalydes) qui se plante avant tout chose devant le rideau pour... nous remercier d'avoir assisté au spectacle qui vient de s'écouler. Et de nous souhaiter dans la foulée un joyeux Noël !
Et nous de suivre la vie de ces comédiens qui réveillonnent, avec également les confessions de la grand-mère (Dominique Blanc) et une hilarante répétition.
Dans ce premier acte, Julie Deliquet observe à la loupe cette troupe de l'intérieur.
Est-ce la famille Ekdahl ou la troupe de la Comédie-Française ?
Les grands discours sur le théâtre, ces déclarations relatives à ce métier étonnant, prononcés par ces acteurs, qui les dit vraiment ? Les personnages ? Les comédiens-français ?
Et faut-il les croire ?
Tous diront le texte adapté, évidemment, mais improviseront, également. Il y a là ce que la metteure-en-scène appelle à juste titre une « hyper-matière » du texte.
Tout ceci participe à mettre en abyme ce regard sur le théâtre.
Nous sommes mis devant nos propres interrogations et nos propres responsabilités en matière de « consommation théâtrale ».
Nous avons même dans ce premier acte le sentiment d'être des voyeurs, comme si nous violions une intimité théâtrale.
Et puis Oscar meurt. Rideau.
L'entracte laisse passer une année.
Sa veuve, Emilie (Elsa Lepoivre) s'est remariée avec l'austère et intransigeant évêque Vergerus (Thierry Hancisse), emmenant avec elle ses enfants, les deux ados Fanny (Rebecca Marder et Alexandre (Jean Chevalier).
Ce faisant, Julie Deliquet nous plonge dans le « vrai » monde du théâtre, c'est à dire... le monde du « faux » !
Le décor est là, désormais, alors que précédemment, nous étions à même la « cage » de la salle Richelieu, sur le plateau quasi nu, laissant apparaître murs noirs, machineries, décors entreposés et tout un fourbi d'accessoires.
On l'aura compris, nous sommes en présence d'un vertigineux jeu de miroirs entre ces deux actes.
Là, plus d'improvisation. Les comédiens s'en tiennent au texte.
Le drame se déroule, l'action avance, impitoyablement.
Bien entendu, la metteure-en-scène a pu s'appuyer sur une troupe une nouvelle fois en état de grâce.
Je n'en finirais pas de vous raconter les morceaux de bravoure d'Hervé Pierre, Elsa Lepoivre, Thierry Hancisse, Florence Viala, Laurent Stocker, Gilles David, Dominique Blanc, Véronique Vella, Anne Kessler et consorts...
(Avec un petit regret, le sous-emploi de Cécile Brune. C'est la règle de la maison. Même les immenses acteurs peuvent avoir de tout petits rôles. C'est finalement un luxe.)
Mais il en est un, de ces comédiens, qui m'a particulièrement enthousiasmé.
Parce que c'est son premier grand rôle au Français.
Celui-ci, c'est le jeune pensionnaire Jean Chevalier, qui campe un magnifique Alexandre.
Le jeune comédien est parfait dans cette composition d'ado qui se rebelle contre un tyran domestique flanqué de sa perfide sœur.
Jean Chevalier, plutôt discret dans la première partie, irradie ensuite le plateau.
Il est alors bouleversant. Quel talent, quelle justesse, quelle crédibilité, quel engagement, quelle fraicheur de jeu !
Quelle belle découverte (pour moi en tout cas...) que ce jeune pensionnaire !
On comprend alors de façon limpide et sans équivoque aucune pourquoi il se retrouve dans cette troupe. `
L'impitoyable et terrible affrontement Alexandre / Vergerus contribue à cette mis en perspective de la dualité mensonge / vérité. Cette vérité, ce mensonge qui constituent le paradoxe du théâtre. Toujours cette mise en perspective...
Avec cette adaptation maligne, subtile, intelligente au possible, avec cette vision aux parti-pris tous plus intéressants les uns que les autres d'un chef d'œuvre littéraire et cinématographique, Julie Deliquet nous invite à un passionnant spectacle, qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
... Une fresque féérique et lumineuse qui dépeint une remarquable histoire d’amour du théâtre et un beau propos sur l’enfance. De succulentes scènes aux jeux éblouissants de sincérité, de drôlerie et de passion. Un grand spectacle.
Le monde du rêve et le monde de l’art
« Je n’ai qu’un talent, c’est celui d’aimer le petit monde qu’abritent les murs épais de cette bâtisse […] Au dehors, il y a le monde. Et parfois notre petit monde réussit à le refléter, afin que nous le comprenions mieux. Et peut-être donnons-nous aux gens l’occasion d’oublier un bref instant, pendant quelques secondes… pendant quelques secondes… la dureté du monde extérieur. »
L’histoire de Fanny (Rebecca Marder) et Alexandre (Jean Chevalier), c’est d’abord une sorte de conte de Noël, une saga familiale qui démarre dans le théâtre de leur parent Oscar (Denis Podalydes) et Emilie (Elsa Lepoivre), le paradis de leur enfance. Mais à la mort de leur père, ce monde s’écroule et devient un enfer lorsque leur mère se remarie avec l’épouvantable évêque Edvard Vergerus (Thierry Hancisse). Heureusement le pouvoir de l’imagination est grand. Il sauvera ces 2 enfants.
« Tout est possible. Le temps et l’espace n’existent pas. Sur une mince couche de réalité, l’imagination ne cesse de tisser et dénouer ses motifs. ». Le Songe. August Strindberg
Pour être tout à fait franche, je ne connaissais pas l’œuvre d’Ingmar Bergman, son livre ou son film, avant aujourd’hui. Et quand je suis sortie de la salle Richelieu, mes pensées étaient tournées vers une seule question, Pourquoi. Pourquoi ce titre ? Pourquoi le théâtre et la religion ? Pourquoi cette histoire ? Une pièce à la forme magistrale par la mise en scène par Julie Deliquet et une troupe au sommet de son art mais qui manque de fond.
Peut-être la faute aux comédiens qui ne sont plus des enfants et la transparence de Fanny sur scène. Mais maintenant que je me suis documentée, j’ai les réponses et je comprends mieux certaines scènes. Ma faim a besoin d'être contentée, j'y retournerais donc.
« Les forces créatrices accourent quand l'âme est menacée »
«Je crois être celui qui s'en est le mieux tiré, avec le moins de dégâts, en me faisant menteur » Ingmar Bergman – Laterna magica
« Je n’ai qu’un talent, c’est celui d’aimer le petit monde qu’abritent les murs épais de cette bâtisse […] Au dehors, il y a le monde. Et parfois notre petit monde réussit à le refléter, afin que nous le comprenions mieux. Et peut-être donnons-nous aux gens l’occasion d’oublier un bref instant, pendant quelques secondes… pendant quelques secondes… la dureté du monde extérieur. »
L’histoire de Fanny (Rebecca Marder) et Alexandre (Jean Chevalier), c’est d’abord une sorte de conte de Noël, une saga familiale qui démarre dans le théâtre de leur parent Oscar (Denis Podalydes) et Emilie (Elsa Lepoivre), le paradis de leur enfance. Mais à la mort de leur père, ce monde s’écroule et devient un enfer lorsque leur mère se remarie avec l’épouvantable évêque Edvard Vergerus (Thierry Hancisse). Heureusement le pouvoir de l’imagination est grand. Il sauvera ces 2 enfants.
« Tout est possible. Le temps et l’espace n’existent pas. Sur une mince couche de réalité, l’imagination ne cesse de tisser et dénouer ses motifs. ». Le Songe. August Strindberg
Pour être tout à fait franche, je ne connaissais pas l’œuvre d’Ingmar Bergman, son livre ou son film, avant aujourd’hui. Et quand je suis sortie de la salle Richelieu, mes pensées étaient tournées vers une seule question, Pourquoi. Pourquoi ce titre ? Pourquoi le théâtre et la religion ? Pourquoi cette histoire ? Une pièce à la forme magistrale par la mise en scène par Julie Deliquet et une troupe au sommet de son art mais qui manque de fond.
Peut-être la faute aux comédiens qui ne sont plus des enfants et la transparence de Fanny sur scène. Mais maintenant que je me suis documentée, j’ai les réponses et je comprends mieux certaines scènes. Ma faim a besoin d'être contentée, j'y retournerais donc.
« Les forces créatrices accourent quand l'âme est menacée »
«Je crois être celui qui s'en est le mieux tiré, avec le moins de dégâts, en me faisant menteur » Ingmar Bergman – Laterna magica
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