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  • Comédie Française - Studio Théâtre
  • Paris 1er

Le mariage forcé, Louis Arene

Le mariage forcé, Louis Arene
De Molière
  • Comédie Française - Studio Théâtre
  • 99, rue de Rivoli
  • 75001 Paris
  • Louvre-Rivoli (l.1)
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S'il est une maison de théâtre où l'on ne sait pas comment on doit jouer Molière, c'est bien la sienne.

Ce n'est pas une boutade, aucune ou aucun des sociétaires ou pensionnaires de la Comédie-Française n'affirmera jamais rien le concernant, la fréquentation quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, annuelle, décennale, séculaire de son théâtre imposant avant tout la modestie.

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2 critiques
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Toutes les critiques
3 juin 2022
9/10
7
Noces rebelles !

Cette courte pièce de Molière est d'une modernité et d'un féminisme surprenant.

Tout y est inversé.

Ainsi c'est Sganarelle, vieux barbon libidineux et cocufié que l'on force à se marier.
C'est également lui qui est exploité, vaincu et humilié.

Tandis que Dorimène, sa promise, est elle une femme émancipée - du moins pour l'époque - et qui a ouvertement un amant.

Point ici donc de jeune épouse soumise à un bourgeois dominateur.

Mais l'inversion ne s'arrête pas là.
Louis Arène brouille les cartes et donne les rôles féminins aux hommes, et les rôles masculins aux comédiennes.

Mis en scène dans un décor presque carcéral, les cinq interprètes sont étonnants.
Masqués, troublants et ambigus, brouillant ainsi les frontières du genre, sujet ô combien d'actualité.

Julie Sicard incarne un incroyable et obscène Sganarelle, dont la concupiscence fait rire, mais aussi interpelle.

Christian Hecq nous offre une Dorimène sûre d'elle et drôlissime comme il sait si bien le faire.
Son travestissement nous fait lui aussi réfléchir sur cette libération de la femme.

Benjamin Lavernhe quant à lui est abracadabrant dans ses délires philosophico-rocambolesques.
Un rôle dont il a le secret.

Sylvia Bergé et Gaël Kamilindi sont totalement débridés et hilarants.

La scène finale, où les ardeurs sont poussées à l'extrême peut paraître un peu excessive, voire osée.

Mais qui donc a dit que la Comédie Française était poussiéreuse et dépassée ?

Revoyez donc vos classiques .....
2 juin 2022
10/10
7
Un spectacle et une mise en scène de rêve pour illustrer un cauchemar !

Celui que nous montre Molière, et celui que nous « monstre » Louis Arène.

On ira tous au paradigme, surtout quand le grand Jean-Baptiste le renverse et le retourne avec une une force et une délectation véritables.

Ce mariage forcé, c’est celui de Sganarelle, ce vieillard de 53 ans, qui s’est mis en tête d’épouser la belle et toute jeune Dorimène.
Cette idée va aboutir pour lui à un cauchemar, à une obsession, et, appelons un chat un chat, à une névrose : la peur de devenir cocu.

Le renversement de paradigme, c’est le retournement même de la notion de patriarcat.

Dans cette pièce « à sketches », écrite en 1664 dans l’urgence et la hâte, aux emprunts assumés au Tiers-Livre de Rabelais, M. Poquelin a réussi à faire rire ses contemporains avec deux personnages hors du commun pour l’époque : une jeune femme qui devrait se montrer totalement soumise selon les mœurs du temps et qui en réalité fait figure de prédatrice sauvage, et un bourgeois qui, au lieu d’être un macho et un mâle dominant est une pauvre proie.
Pour Dorimène, le mariage sera le symbole de la lutte et de la conquête de la liberté !

Louis Arène, ex-pensionnaire de la maison, et co-patron dorénavant de la compagnie Munstrum théâtre, a reçu pour mission d’Eric Ruf de nous rappeler l’impact qu’avait eu pour Molière la Commedia Dell’arte.

Mission on ne peut plus réussie, avec ce spectacle brillant, fascinant et sidérant (au sens noble du terme), ce spectacle qui va nous plonger au plus profond du cauchemar de cet homme.

Pour ce faire, Louis Arène a eu recours à toute une série de parti-pris plus judicieux les uns que les autres.

L’espace est cauchemardesque : la scénographie que l’on doit au patron du Français évoque un endroit angoissant, glacial, comme une tranchée sous terre, poussiéreuse au possible, un lieu oppressant où l’on n’aimerait pas se retrouver. Un monde tout plein de chausse-trappes et de secrets.

La dramaturgie épatante de Laurent Mulheisen nous rappelle que cette pièce est pour l’auteur l’occasion de faire une synthèse de tous ses personnages.
Pour ce faire, le conseiller littéraire de la Maison n’a pas hésité à saupoudrer le texte de citations empruntées à d’autres chef d’œuvre de Molière.
Le procédé fonctionne à merveille et nous fait beaucoup rire. Quelle belle trouvaille !


La musique et le son de Jean Thevenin seront angoissantes, eux aussi, avec les « trois coups » décalés, des nappes d’infrabasses, des sons sourds ou intenses, étranges et mystérieux.

Les belles lumières de François Menou, générées par des projecteurs à changement de gélatine (et non pas à LED) sont crues, violentes, aux couleurs primaires assumées et très signifiantes.

Les masques de Louis Arène (on se souvient de son beau travail en la matière sur Lucrèce Borgia, salle Richelieu), ses masques fins très différents de ceux utilisés au XVIème siècle en Italie, sans cheveux (pas de signifiant de classe sociale), nous renvoient à notre propre monstruosité : nous avons devant nous des personnages monstrueux, certes, mais ce sont nos caractères humains qui sont dépeints devant nous, dans un impitoyable miroir.


Les costumes magnifiques de Colombe Lauriot Prévost participent également à la vision horrifique du propos général : des tissus usés, élimés, dont on voit toutes les coutures, des fringues poussiéreuses sur des rajouts corporels de mousse, des accessoires vieillots ou anachroniques, tout ceci nous édifie, voire nous effraie.
La robe et l’ombrelle de Dorimène sont à cet égard très parlantes. (L’entrée en scène du personnage est épatante, au cours de laquelle « la demoiselle » fait durer au maximum le suspens concernant la révélation de sa silhouette.)

Autre riche idée : aller jusqu’au bout de l’inversion évoquée ci-dessus : Sganarelle sera joué par une comédienne, la formidable Julie Sicard et Dorimène par le toujours inénarrable et hilarant Christian Hecq.

A leurs côtés trois autres comédiens français participent à cette jouissive mise en scène.
Durant presque une heure et quinze minutes, ils vont nous plonger dans un véritable maëlstrom, ne nous laissant que très peu souffler.
Melles Sicard, Bergé, MM. Hecq, Kamilindi et Lavernhe vont à la fois nous glacer et nous faire hurler de rire.

Mené à un train d’enfer par le metteur en scène, dans une dynamique très « burtonienne », le quintet jouant de façon très physique, très outrée, nous ravit.
Les cinq ne ménagent ni leur énergie, ni leur engagement : la partition est viscérale, le sang, les humeurs couleront, on fera sentir des parfums très intimes…
Tous les cinq, en jouant pour quatre d'entre eux plusieurs personnages, nous rappellent notre appartenance à notre pauvre genre humain, mené par ses pulsions sexuelles, destructrices et dérisoires.

De très grands moments et de grandes scènes de comédie nous sont réservés.
Un sabat rougeoyant d’un trio de bohémiennes fait partie de ceux-ci, nous glaçant, avec un tourbillon chorégraphié au millimètre et des poursuites infernales et sépulcrales.
Une époustouflante énergie est alors dépensée, pour notre plus grand plaisir.

Tout comme pour cette scène de "duel", dans laquelle les lames des couteaux sifflent aux oreilles de Sganarelle.


De la même manière, un banquet final verdâtre va nous sidérer, tout en faisant fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Les amateurs de crème chantilly se régalent… Julie Sicard aussi, j’espère...
Les couteaux seront ressortis, les attributs vont valser, les cris et les hurlements vont retentir…
On rit encore et une dernière fois énormément.

Ce spectacle est conseillé à partir de 15 ans. C’est une farce pour les grands.
Une farce jubilatoire, délicieusement monstrueuse et régressive, furieusement moderne et d’actualité, où l’on comprend combien Louis Arène excelle à mélanger l'humour le plus débridé et le plus jouissif à une parfaite capacité à nous montrer l’effroi et la sidération.

Ce Mariage forcé restera pour moi comme l’un des spectacles-phares incontournables de cette année Molière à la Comédie française.
Il faut absolument et coûte que coûte assister à cette réussite totale !


Un spectacle et une mise en scène de rêve pour illustrer un cauchemar !

Celui que nous montre Molière, et celui que nous « monstre » Louis Arène.

On ira tous au paradigme, surtout quand le grand Jean-Baptiste le renverse et le retourne avec une une force et une délectation véritables.

Ce mariage forcé, c’est celui de Sganarelle, ce vieillard de 53 ans, qui s’est mis en tête d’épouser la belle et toute jeune Dorimène.
Cette idée va aboutir pour lui à un cauchemar, à une obsession, et, appelons un chat un chat, à une névrose : la peur de devenir cocu.

Le renversement de paradigme, c’est le retournement même de la notion de patriarcat.

Dans cette pièce « à sketches », écrite en 1664 dans l’urgence et la hâte, aux emprunts assumés au Tiers-Livre de Rabelais, M. Poquelin a réussi à faire rire ses contemporains avec deux personnages hors du commun pour l’époque : une jeune femme qui devrait se montrer totalement soumise selon les mœurs du temps et qui en réalité fait figure de prédatrice sauvage, et un bourgeois qui, au lieu d’être un macho et un mâle dominant est une pauvre proie.
Pour Dorimène, le mariage sera le symbole de la lutte et de la conquête de la liberté !

Louis Arène, ex-pensionnaire de la maison, et co-patron dorénavant de la compagnie Munstrum théâtre, a reçu pour mission d’Eric Ruf de nous rappeler l’impact qu’avait eu pour Molière la Commedia Dell’arte.

Mission on ne peut plus réussie, avec ce spectacle brillant, fascinant et sidérant (au sens noble du terme), ce spectacle qui va nous plonger au plus profond du cauchemar de cet homme.

Pour ce faire, Louis Arène a eu recours à toute une série de parti-pris plus judicieux les uns que les autres.

L’espace est cauchemardesque : la scénographie que l’on doit au patron du Français évoque un endroit angoissant, glacial, comme une tranchée sous terre, poussiéreuse au possible, un lieu oppressant où l’on n’aimerait pas se retrouver. Un monde tout plein de chausse-trappes et de secrets.

La dramaturgie épatante de Laurent Mulheisen nous rappelle que cette pièce est pour l’auteur l’occasion de faire une synthèse de tous ses personnages.
Pour ce faire, le conseiller littéraire de la Maison n’a pas hésité à saupoudrer le texte de citations empruntées à d’autres chef d’œuvre de Molière.
Le procédé fonctionne à merveille et nous fait beaucoup rire. Quelle belle trouvaille !


La musique et le son de Jean Thevenin seront angoissantes, eux aussi, avec les « trois coups » décalés, des nappes d’infrabasses, des sons sourds ou intenses, étranges et mystérieux.

Les belles lumières de François Menou, générées par des projecteurs à changement de gélatine (et non pas à LED) sont crues, violentes, aux couleurs primaires assumées et très signifiantes.

Les masques de Louis Arène (on se souvient de son beau travail en la matière sur Lucrèce Borgia, salle Richelieu), ses masques fins très différents de ceux utilisés au XVIème siècle en Italie, sans cheveux (pas de signifiant de classe sociale), nous renvoient à notre propre monstruosité : nous avons devant nous des personnages monstrueux, certes, mais ce sont nos caractères humains qui sont dépeints devant nous, dans un impitoyable miroir.


Les costumes magnifiques de Colombe Lauriot Prévost participent également à la vision horrifique du propos général : des tissus usés, élimés, dont on voit toutes les coutures, des fringues poussiéreuses sur des rajouts corporels de mousse, des accessoires vieillots ou anachroniques, tout ceci nous édifie, voire nous effraie.
La robe et l’ombrelle de Dorimène sont à cet égard très parlantes. (L’entrée en scène du personnage est épatante, au cours de laquelle « la demoiselle » fait durer au maximum le suspens concernant la révélation de sa silhouette.)

Autre riche idée : aller jusqu’au bout de l’inversion évoquée ci-dessus : Sganarelle sera joué par une comédienne, la formidable Julie Sicard et Dorimène par le toujours inénarrable et hilarant Christian Hecq.

A leurs côtés trois autres comédiens français participent à cette jouissive mise en scène.
Durant presque une heure et quinze minutes, ils vont nous plonger dans un véritable maëlstrom, ne nous laissant que très peu souffler.
Melles Sicard, Bergé, MM. Hecq, Kamilindi et Lavernhe vont à la fois nous glacer et nous faire hurler de rire.

Mené à un train d’enfer par le metteur en scène, dans une dynamique très « burtonienne », le quintet jouant de façon très physique, très outrée, nous ravit.
Les cinq ne ménagent ni leur énergie, ni leur engagement : la partition est viscérale, le sang, les humeurs couleront, on fera sentir des parfums très intimes…
Tous les cinq, en jouant pour quatre d'entre eux plusieurs personnages, nous rappellent notre appartenance à notre pauvre genre humain, mené par ses pulsions sexuelles, destructrices et dérisoires.

De très grands moments et de grandes scènes de comédie nous sont réservés.
Un sabat rougeoyant d’un trio de bohémiennes fait partie de ceux-ci, nous glaçant, avec un tourbillon chorégraphié au millimètre et des poursuites infernales et sépulcrales.
Une époustouflante énergie est alors dépensée, pour notre plus grand plaisir.

Tout comme pour cette scène de "duel", dans laquelle les lames des couteaux sifflent aux oreilles de Sganarelle.


De la même manière, un banquet final verdâtre va nous sidérer, tout en faisant fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Les amateurs de crème chantilly se régalent… Julie Sicard aussi, j’espère...
Les couteaux seront ressortis, les attributs vont valser, les cris et les hurlements vont retentir…
On rit encore et une dernière fois énormément.

Ce spectacle est conseillé à partir de 15 ans. C’est une farce pour les grands.
Une farce jubilatoire, délicieusement monstrueuse et régressive, furieusement moderne et d’actualité, où l’on comprend combien Louis Arène excelle à mélanger l'humour le plus débridé et le plus jouissif à une parfaite capacité à nous montrer l’effroi et la sidération.

Ce Mariage forcé restera pour moi comme l’un des spectacles-phares incontournables de cette année Molière à la Comédie française.
Il faut absolument et coûte que coûte assister à cette réussite totale !
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor