- Comédie Contemporaine
- Théâtre de Paris, Salle Réjane
- Paris 9ème
Tu te souviendras de moi
- Patrick Chesnais
- Nathalie Roussel
- Théâtre de Paris, Salle Réjane
- 15, rue Blanche
- 75009 Paris
- Trinité (l.12), Blanche (l.2)
A son âge, Edouard commence à perdre la boule.
Les souvenirs de ce professeur émérite d’histoire à l’université s'envolent peu à peu.
Ils s'entremêlent, le passé refait surface pour se confondre avec le présent. Pourtant, Edouard, en professeur qui se respecte, même s’il oublie parfois où il est, n’oublie jamais une date !
Sa famille, ses étudiantes, son passé et l’avenir, tout est un peu brumeux pour lui et cela donne lieu à des rencontres poétiques.
Entre rires et larmes, tu te souviendras de moi, nous raconte que même lorsque la mémoire s’efface, le principal reste. Patrick Chesnais nous livre une interprétation toute en tendresse de cet homme qui oublie qui il est mais pas ce qu’il est.
A chaque saison, nous retrouvons Patrick Chesnais sur les planches. Récemment, il a joué dans Honneur à Notre élue au Théâtre du Rond Point et dans Tant qu'il y a de l'amour au Théâtre de la Michodière.
François Archambault est un auteur québécois. Dans ce même théâtre, avait été représentée sa pièce La société des loisirs.
La critique de la rédaction : 6/10. Avis nuancé sur cette pièce à mi-chemin entre le drame et la comédie.
J’ai apprécié le traitement du sujet d’Alzheimer. Le malade, joué par Patrick Chesnais, montre qu’on peut continuer à avoir de grandes réflexions sur l'évolution du monde même si la mémoire ne suit plus. Les différents personnages apportent tous quelque chose d’intéressant à l’histoire.
J’ai bien apprécié la première partie de la pièce avec des passages à la fois touchants et amusants. Néanmoins, j’ai trouvé que la seconde moitié était de moins bonne qualité. L’histoire stagne, les dialogues ont tendance à devenir répétitifs et les rebondissements un peu moins convaincants.
Le jeu des acteurs est bon. Les transitions entre les scènes avec musique et vidéo permettent de ne pas trop casser le rythme.
Je n’ai pas passé un mauvais moment mais je ne ne pense pas m’en souvenir longtemps.
Par contre j’ai été gênée par le jeu de sa fille Émilie Chesnais qui surjoue beaucoup trop ça a gâché à mon sens la pièce.
C’est vraiment dommage.
Edouard (Patrick Chesnais), universitaire à La Sorbonne, perd la tête. Il se souvient des dates et radote des histoires (un comble pour un professeur d'Histoire). Il a des problèmes de mémoire sans que l'on sache précisément ce dont il souffre. De vieillesse ? d'Alzheimer ? On l'ignore.
Nous savons uniquement qu'Edouard est conscient de sa maladie et que celle-ci s'est manifestée il y a suffisamment longtemps pour que sa femme (Nathalie Roussel) ait "juste envie qu'il meure, qu'il crève !". Difficile de vivre avec un homme qui oublie ce qu'il a fait de sa journée. L'instant présent lui échappe complètement. Il n'est pas en phase avec l'époque actuelle, avide de sensations, de flash, de buzz, de temps qui va très vite. Le bon vieux papi qui méprise "la démocratisation de la connerie". Il en regretterait presque les années Mitterrand.
Ce pan de la pièce est un peu grotesque et simpliste (sans compter sur les répétitions inexorables à la maladie). Humain, cruel et répétitif, la pièce traite un sujet tragique. Patrick Chesnais incarne un homme cynique qui, malgré son amour propre, se laisse garder par des "nounous" (sa fille, interprétée par... sa propre fille, Emilie Chesnais, et son compagnon, joué par Frédéric de Goldfiem). Entre légèreté et gravité, le message délivré est salutaire : il est toujours possible de s'en sortir, même dans la difficulté.
Edouard est souffrant, et - paradoxalement - sa maladie, et l'aide complice d'une jeune fille (Fanny Valette), panseront ses blessures enfouies.
Par contre le jeu d E. Chesnais est très décevant et même dérangeant à certains moments.
Tout est surjoué... Même au moment du salut final on avait l'impression que ça la "gonflait" d’être sur scène... C'est vraiment dommage car du coup c'est ce qui reste en tête a la sortie.
François Archambault a renversé les codes. Certes Edouard, prestigieux professeur d’histoire à l’université, a perdu la faculté de la mémoire de court terme mais rien de sa capacité d'analyse et a des éclairs de perspicacité. Lorsque son gendre prétend avoir pris une année sabbatique il rétorque qu'à quarante ans on appelle cela un burn-out. Certes il entre dans des furies mais il offre de beaux moments de complicité. Il faut le voir faire griller des chamallows. Certes il est souvent fatigué et prompt à divaguer dans la campagne mais il sait écouter les confidences. Certes il a des pensées obsessionnelles mais il peut concéder leur remise en question.
Les caractéristiques médicales de la maladie d'Alzheimer sont présentes. Mais il est tout de même amusant de noter que lorsqu'elle touche une personne extrêmement cultivée (ici un professeur d’histoire à l’université) les dégâts sont moins visibles puisqu'elle n'altère pas la faculté d'entretenir une conversation qui peut avoir du sens. L'homme a une phénoménale mémoire des dates et il est capable de tenir des heures sur des sujets comme le règne d'Akhenaton, marqué par la révolution des dogmes égyptiens ancestraux.
Si le patient fait preuve d'un certain humour comme c'est aussi le cas d'Edouard, on peut goûter de savoureux moments, par exemple lorsqu'il raconte sa première journée d'enseignant à l'université. Et si l'individu fait preuve aussi d'un minimum de malice il usera de je ne sais pas pour faire passer ce qu'il ne veut pas, en vertu de l'adage qu'il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Patrick Chesnais est confondant de naturel et le public se régale à suivre ses joutes oratoires. L'homme s'exprime désormais sans filtre et la vérité sort brutalement de sa bouche. Il nous livre une interprétation toute en tendresse de cet homme qui oublie qui il est mais pas ce qu’il est.
Il n'a pas tort bien sur. Nous sommes nombreux à estimer comme lui que les gens ne lisent plus et ne réfléchissent plus. Que les sensations ont supplanté la réflexion. On like à tour de pouce, sans songer aux conséquences et si on n'existe pas si on n'est pas sur Amstragram (on rit de la confusion avec Instagram). On partage son opinion : la révolution est devenue numérique.
Comme il est malin d'avancer l'hypothèse que son cerveau aurait peut-être tiré le rideau face à la bêtise humaine.
Le sujet n'est pas nouveau mais il est traité avec une certaine originalité à la manière d'un thriller psychologique avec une direction d'acteurs très fine que l'on doit à Daniel Benoin. Madeleine (Nathalie Roussel), son épouse, craque et réclame le droit à prendre de l'air, avec le risque qu'elle ne finisse par respirer définitivement ailleurs, ce qui, après tout ne serait pas une mauvaise chose tant elle est effrayante quand elle exprime ses pulsions négatives à l'égard de son mari : j'ai juste envie qu'il meure, j'ai hâte qu'il crève !
La fille (Emilie Chesnais) prend le relai car le bonhomme, bien que n'ayant rien perdu de son intelligence, a besoin d'une surveillance étroite. Elle aussi a sa vie à mener et son aide est loin d'être sans faille. Alors elle délègue à Patrick (Frédéric de Goldfiem), son nouveau compagnon, plein de bonne volonté mais vite repris par ses démons, à savoir sa passion du jeu. Il va donc devoir s'appuyer sur une personne ressource et ne trouve rien de mieux que de demander à sa fille (Fanny Valette), laquelle est en difficulté d'insertion professionnelle, de jouer la baby-sitter, ce qu'elle accepte contre de l'argent.
Ce jeu de balle chaude donnerait le tournis à quelqu'un de bien portant. Edouard fait heureusement preuve d'une certaine placidité et accepte de bon coeur la valse de ses accompagnateurs. Sa mémoire étant défaillante chaque instant est nouveau et il faut souvent reprendre les présentations. On appréciera le second degré quand Edouard, Patrick dans la vraie vie, ne parvient pas à mémoriser le prénom de l'ami de sa fille, alors que c'est le même que le sien. Egalement de voir Patrick et Emilie père et fille sur scène comme dans la vraie vie.
L'auteur établit un parallèle intéressant entre la propagation de la culture de masse, étouffante, et celle du phragmite commun, une grande graminée robuste et traçante, extrêmement colonisante qui tue la diversité de la flore partout où il s'installe. Le plateau est d'ailleurs littéralement envahi par ces roseaux qui jouent le rôle d'une métaphore esthétique. Et l'usage de la vidéo renforce le phénomène.
La bande son agit finement. On entendrait presque fredonner retiens la vie au lieu de Retiens la nuit à chaque fois que résonne la musique du grand succès de Johnny Hallyday.
Ce qui est original c'est qu'il n'y a pas de vrai rôle principal. Chaque personnage compte et tente d'être maitre de sa trajectoire.
Rien ne se passe donc comme le spectateur imagine jusqu'à la fin où Edouard accepte la situation sans plus en souffrir, allant jusqu'à cette confidence à la jeune fille dont il s'est fait une amie et qui aurait pu être son enfant : Je m'excuse d'avoir essayé d'arrêter de penser à toi.
Son dernier cri : Je m'en fous ! J'ai envie d'oublier de toute façon, peut être entendu comme un signe de sagesse ... Entre rires et larmes, tu te souviendras de moi, nous raconte que même lorsque la mémoire s’efface, le principal reste.
Quand la mémoire vient à disparaitre seul le corps reste. L’excellent Patrick Chesnais est criant de vérité dans ce personnage sans avenir qui vit le présent en oubliant le passé. Enfin Fanny Vallette est touchante dans le rôle de « Bérénice » et, comme elle, on a la larme à l’œil à la fin de cette bouleversante comédie.