- Théâtre contemporain
- Théâtre La Bruyère
- Paris 9ème
Suite Française

- Cédric Revollon
- Samuel Glaumé
- Guilaine Londez
- Béatrice Agenin
- Florence Pernel
- Gaëtan Borg
- Théâtre La Bruyère
- 5, rue La Bruyère
- 75009 Paris
- St-Georges (l.12)
1941, à Bussy, petite cité de Bourgogne. Suite à l'invasion de la France par les Allemands, madame Angellier, dont l'enfant est détenu par l'ennemi, est obligée d'accueillir sous son toit un officier de la Wehrmacht.
Ce militaire, Bruno von Falk, a un charme fou.
Dans cette sombre maison, le jeune soldat fait connaissance de Lucile, la belle-fille de Madame Angellier. Il tombe aussitôt amoureux. La jeune femme semble lui résister. Mais comment rester fidèle à un mari absent et ne pas succomber à l'homme séduisant qu’elle devrait pourtant détester ?
Un fait de résistance dans le village va révéler de façon surprenante la nature profonde de tous les personnages.
D’après le roman best-seller d’Irène Némirosky, écrit en 1942, publié à titre posthume par sa fille et Prix Renaudot en 2004.
Florence Pernel est une actrice très souvent sur la scène parisienne, elle a été nommée deux fois pour le Molière de la comédienne.
Béatrice Agenin est elle aussi beaucoup sur les planches. Elle a été nommée une fois pour le Molière de la comédienne et trois fois pour le Molière de la comédienne dans un second rôle.
Tempête en Juin, tirée de la même série de romans, est jouée dans le même théâtre à 19h.
Peut-on dès lors considérer chacune comme des individus à part entière, on ne restent-ils que des uniformes?
On pense au Silence de la mer de Vercors, on plonge au coeur des tourments et des contradictions de l’âme humaine.
Je l’avoue, je n’ai pas lu le roman d’Irène Némirovsky (et cette adaptation confirme qu’il faut que je le fasse, pour découvrir ce qui forcément a été coupé pour que cette pièce ait une durée raisonnable), mais j’ai beaucoup aimé cette mise en scène, merci à Virginie Lemoine de contribuer à ce qu’on n’oublie pas l’auteure!
Bien sûr, il est difficile de ne pas songer au destin tragique de son auteure, bien sûr, certaines répliques prennent un sens différent. Bien sûr. Elle ne reviendra pas.
Alors il faut oublier l’après, et accepter de rire aussi, en particulier aux interventions de la servante et de la femme du maire ( Emmanuelle Bougerol et Christiane Millet) qui contrastent avec la droiture de la mère ( Béatrice Agenin, vraiment, une distribution idéale!).
Ecrivain réaliste au regard acéré, Irène Némirovsky nous livre une peinture lucide et acide de l'âme humaine en temps de guerre.
Se côtoient et se heurtent lâcheté et solidarité, sentiments et devoir ....désir individuel et destin collectif.
Virginie Lemoine a fait un choix de mise en scène classique, où avec beaucoup de sensibilité, elle restitue parfaitement cette atmosphère "d'occupation paisible" .
La violence est latente mais n'explose pas, la résistance s'organise tout juste.
Tout n'est pas noir ou blanc dans ce paysage de 1940 : le mari prisonnier est un sale type infidèle, l'officier allemand est prévenant et musicien.
Une histoire d'amour impossible et universelle , formidablement jouée par les comédiens qui ont parfaitement compris l'enjeu, et nous offrent sans tapage inutile une vraie humanité !
Dans cette histoire, chaque acteur connaît son rôle et les tensions qui anime son personnage. La pièce est superbement interprétée de bout en bout, avec la juste tonalité des succès bien rodés. C'est agréable pour le spectateur.
Guilaine Londez (que j’adore!) s’amuse et égaie la salle dans son rôle de femme du maire, personnage délicieusement odieux et opportuniste, soucieux de garder coûte que coûte ses privilèges de notable de campagne quitte à prendre parti pour le maréchal ou à s'arranger avec les allemands.
Béatrice Agenin qui interprète la mère séparée de son fils paraît drapée d'orgueil et de douleur. L'actrice joue d'abord tout en force, ombrageuse et fière avant de laisser se fendiller sa carapace bourgeoise pour la cause patriotique. C'est le personnage qui évolue le plus dans la pièce : la sensibilité et le talent de l'actrice y étant pour beaucoup.
Florence Pernel, la jeune épouse délaissée et méprisée par sa belle mère, vibre elle d'un désir d’émancipation face au carcan familial et par la guerre si bien qu'elle rentre peu à peu en amitié avec l'officier logeant chez eux, Bruno von Falk. Samuel Glaumé qui l'interprète est lui aussi très bon : soldat dur, autoritaire et à la fois jeune homme apatride privé d'avenir et de rêves. Les deux se lient, se cherchent, plus tout à fait étrangers mais toujours ennemis. Leur relation est en tout vraisemblable.
Dans le rôle de la servante paysanne, Emmanuelle Bougerol est parfaite. Ses répliques bien senties sont un bonheur, elles ajoutent juste ce qu'il faut de touche comique à la pièce. Cédric Revollon qui joue son cousin est lui aussi convaincant.
Il y a dans tout cela un petit air de "Silence de la mer" du Vercors (récit que j’adore) qui n'est pas désagréable.
Paraît-il que la pièce ne rivalise ni avec le livre, ni avec le film… Sans l’avoir vu, je soutiens pour ma part que cette pièce tient ses promesses.
L'adaptation intelligente de Virginie Lemoine & Stéphane Laporte est servie par une distribution au cordeau qui présente toute la force des succès déjà bien rodés.
Un choix sûr pour une sortie de théâtre réussie !
Voilà un thème qui semble tenir à cœur à Virginie Lemoine. En effet, après s’être penchée sur le quotidien des infirmières d’un hôpital lors de la Première Guerre mondiale avec Comme en 14, elle plonge le spectateur en plein second conflit mondial et braque le projecteur sur le sort d’une famille contrainte d’héberger un officier nazi.
S’appuyant sur le roman d’Irène Némirovsky, cette adaptation théâtrale, signée par Virginie Lemoine et Stéphane Laporte, fait la part belle à l’émotion. Attention, j’ai bien écrit émotion et non mièvrerie. Avec un tel sujet, il serait simple de se laisser lentement dériver vers une œuvre caricaturale, mettant en scène d’un côté les gentils et de l’autre les méchants. Non, ici, rien de tout cela. Bien au contraire, car les supposés gentils dévoilent rapidement une part sombre, tandis que le méchant attendu se révèle étonnant de politesse. De quoi brouiller les cartes. Les gentils seraient-ils méchants et le méchant gentil ? Ou bien les gentils laisseraient-ils entrapercevoir une part de méchanceté tout en étant gentils et le méchant, bien que gentil, conserverait-il son âme de méchant ? N’y a-t-il finalement ni gentil, ni méchant ? Toutes ces questions ont-elles vraiment un sens ?
Mystère …
Bon, il n’en demeure pas moins que le texte est particulièrement soigné et intelligent, servi par une belle distribution. L’ambiance est souvent lourde, pesante, mais régulièrement allégées par les répliques, pleines d’humour, de Guilaine Londez et Emmanuelle Bougerol. Oui, car Suite française a beau être une pièce au sujet grave, le spectateur rit.
C’est par conséquent encore une réussite pour Virginie Lemoine. Elle démontre, s’il en était encore besoin, que derrière la comédienne, il y a aussi une metteure en scène de talent.
Du beau (et bon) théâtre à ne pas manquer.