Critiques pour l'événement Suite Française
2 mars 2020
7,5/10
5
Dans l’oeil du cyclone, tout est calme, ou presque. Dans cette petite bourgade, la guerre semble bien lointaine, jusqu’au jour où les soldats allemands doivent être hébergés chez les habitants.
Peut-on dès lors considérer chacune comme des individus à part entière, on ne restent-ils que des uniformes?
On pense au Silence de la mer de Vercors, on plonge au coeur des tourments et des contradictions de l’âme humaine.

Je l’avoue, je n’ai pas lu le roman d’Irène Némirovsky (et cette adaptation confirme qu’il faut que je le fasse, pour découvrir ce qui forcément a été coupé pour que cette pièce ait une durée raisonnable), mais j’ai beaucoup aimé cette mise en scène, merci à Virginie Lemoine de contribuer à ce qu’on n’oublie pas l’auteure!
Bien sûr, il est difficile de ne pas songer au destin tragique de son auteure, bien sûr, certaines répliques prennent un sens différent. Bien sûr. Elle ne reviendra pas.

Alors il faut oublier l’après, et accepter de rire aussi, en particulier aux interventions de la servante et de la femme du maire ( Emmanuelle Bougerol et Christiane Millet) qui contrastent avec la droiture de la mère ( Béatrice Agenin, vraiment, une distribution idéale!).
2 janv. 2020
7,5/10
15
L'un doit suivre les ordres de la hiérarchie et l'autre doit suivre le chemin de son coeur. Aucun des deux ne mènent au même endroit. Ce jeu du chat et de la souris, s'orchestre à merveille dans cet espace du salon de la maison domestique. Un habile éclairage permet d'illuminer les lieux cachés dans les moments sensibles comme celui où est caché un homme recherché. Une fois que le spectacle débute, nous sommes captivés. Les comédiens trouvent toujours les justes émotions, le juste ton. Surtout avec le duo Florence Pernel et Béatrice Agenin qui expriment avec finesse, rectitude et affection la tension et la rivalité entre deux femmes, de deux générations différentes. Tout repose d'ailleurs sur leur inimitié. Florence Pernel apporte la touche d'humour permettant de détendre l'atmosphère. Tout comme Guilaine Londez qui interprète la femme du maire, une personne opportuniste que rien n'arrête. Et si la collaboration lui permet d'avoir ce qu'elle veut, elle n'hésite pas. Une façon de montrer que les limitations entre le bien et le mal restent flous. Elles ne sont pas aussi net que certains livres d'Histoire veulent le faire croire. Une nuance magnifiquement illustrée par des artistes qui mettent leur talent au service d'une pièce touchante et réaliste.
29 sept. 2019
5/10
11
La mise en scène est plutôt réussie bien que très classique, les acteurs jouent plutôt bien à part la comtesse qui est inutilement caricaturale et essaie de tirer la pièce vers la comédie cassant le peu d’émotions que l’on aurait pu ressentir.

Tout cela reste bien sage et bien lisse et le texte de la pièce participe à cette fadeur générale.

Il n’y a pas beaucoup d’émotions ni de conviction dans le jeu des acteurs et le spectateur reste sur le bord de cette histoire, sans jamais entrer dedans ni se sentir concerné.
15 juil. 2019
7/10
8
Belle pièce, très filmogénique. On se croirait au cinéma !

En bref, un soldat allemand de la Wehrmarcht est logé chez une famille francaise, dont le fils Léon est prisonnier de guerre allemand. La femme Lucie, habite donc chez sa belle-mère, en attendant que son mari revienne, avec Marthe la bonne. Le cousin de Marthe, tue un allemand, il est recherché dans toute la région. Les femmes le cache, Lucie obtient du soldat allemand un laisser-passer pour Paris, et emène le fugitif rejoindre les réseaux de la résistance. On apprend qu'elle ne reviendra jamais de ce voyage.

Ce qui est beau : c'est l'histoire d'amour entre le soldat allemand et Lucie, qui reste au stade d'amour non consumé, d'amour interdit. C'est terrible, ils sont beaux, ont la même sensibilité musicale, se ressemblent, mais c'est interdit. J'aurai rêvé qu'ils craquent ensemble, mais la raison prend le dessus à chaque fois sur leur amour.

C'est assez dingue aussi de voir que les résistants reposent en réalité sur les "collabos". Dès que les résistants sont en dangers, ils viennent voir Lucie, qui est traitée de collabo car elle discute avec le soldat allemand, et ils demandent à Lucie d'obtenir des faveurs de l'allemand.

Ce qui est too much :
- la femme du maire : elle est pénible, c'est un personnage issu de la farce qui n'a en réalité pas d'intérêt dans la pièce. Elle est too much est casse le côté historique de la pièce.
- l'harmonie des personnages/comédiens : c'est vrai qu'ils collent tous parfaitement au rôle. La belle-mère est pincée et sévère physiquement, la belle-fille est belle comme le jour, Marthe a la tête de la bonne, l'allemand à la gueule du chic type. On se croirait dans un film tellement les personnages sont clichés, c'est très cinématographique cette perfection de rôle ! Peut être un poil trop lisse du coup.

Bravo pour l'émotion, les décors, les costumes, la mise en scène.
12 nov. 2018
7/10
9
Ce fut un des spectacles qui ont compté cet été en Avignon et on espère qu'il sera programmé bientôt dans une salle parisienne.

Virginie Lemoine connait bien l'oeuvre d’Irène Némirovsky dont elle avait déjà adapté (et co-mis en scène) Le bal que l'on a vu la saison dernière au Théâtre Rive Gauche.

Des images d'archives situent l'action en 1941 alors que l'Allemagne envahit la France. Nous sommes dans un petit village bourguignon. Madame Angellier, dont le fils unique est prisonnier de guerre, se voit contrainte d’accueillir chez elle un officier de la Wehrmacht, le séduisant Bruno von Falk. La vie s'organise et chacun fait de son mieux pour vivre selon ses convictions.

La maitresse de maison (Béatrice Agenin) restera longtemps inflexible, murée dans la mémoire de son héros de fils. L'officier (Samuel Glaumé) respecte autant que faire se peut les convictions de ses hôtesses tout en exprimant ses sentiments le plus délicatement possible envers Lucile (Florence Pernel), vite torturée entre son désir et son devoir de fidélité à un mari qu’elle n’a pourtant jamais aimé.

Des personnages hauts en couleur apportent une note d'humour. En particulier la bonne (Emmanuelle Bougerol) qui s'exprime avec une franchise désarmante, où la bourgeoise patronnesse (Christiane Millet) odieuse dans sa manière de chercher à tout prix l'arrangement qui lui conviendra. N'oublions pas le bon sens paysan incarné par Cédric Revollon.

C'est incroyable ce que les maisons françaises sont vides ? fera remarquer l'officier en découvrant son nouveau logement dont on sait que tous les objets de valeur ont soigneusement été camouflés. Plus tard Lucile comprendra qu'une interdiction n'est pas une impossibilité.... On suit les joutes oratoires et la valse des sentiments en se posant l'inévitable question : qu'aurions-nous fait à leur place ?

Virginie Lemoine s'est s'attachée, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, à restituer fidèlement les mots de l'auteure, en n'inventant aucun dialogue, ce qui les rend encore plus précieux. On sait aussi ce que l'on doit à sa fille Denise, qui a sauvé et retranscrit le texte de sa mère. Irène Némirovsky est morte à Auschwitz en août 1942 alors qu'elle n'avait que 39 ans. Denise n'avait que 13 ans.

Dans Suite française, chacun révèle sa force ou sa faiblesse de caractère, en s'arrangeant de son mieux avec les contradictions auxquelles il est soumis. La mesquinerie côtoie le courage. Ce n'est pas nouveau mais c'est mis en scène avec beaucoup de justesse et interprété par d’excellents comédiens.

Le décor imaginé Grégoire Lemoine sert la dimension dramatique en permettant de jouer quelques scènes en transparence renforcées par un éclairage en demi-teintes travaillé par Denis Koransky pour restituer l'atmosphère étouffante et provinciale de cette période difficile où, malgré tout, des sentiments pouvaient éclore.