- Classique
- Théâtre Marigny
- Paris 8ème
Le Petit-Maître corrigé

- Théâtre Marigny
- Carré Marigny
- 75008 Paris
- Franklin D. Roosevelt (l.1, l.9)
« La notion de Petit-Maître peut nous sembler bien étrangère, mais ne connaissons-nous pas, nous aussi, de jeunes élégants et élégantes, aux manières affectées ou prétentieuses, pour qui la mode est le seul guide ? Si on le caricaturait un peu, c’est ce que l’on appellerait aujourd’hui un fashion addict. »
Clément Hervieu-Léger fait revivre une pièce de Marivaux que l’on n’a plus vue à la Comédie-Française depuis sa création en 1734. L’histoire est celle d’ un jeune Parisien à qui ses parents ont trouvé un bon parti, fille de comte. Mais à son arrivée chez eux, le beau garçon – dont les codes parisiens sont à mille lieues des règles de bienséance en vigueur céans – ne saurait ouvrir son cœur à la charmante personne qui lui est destinée. Piquée, cette dernière décide de le corriger de son arrogance tandis qu’une ancienne amante fait le voyage pour empêcher le mariage. Alliance du maître et du valet, complicité de la maîtresse et de la servante, ce chassé-croisé amoureux s’emballe entre conspirations badines et ébullition des sentiments.
Reconnu pour l’acuité de ses mises en scène du Répertoire auquel il est très attaché, Clément Hervieu-Léger, pensionnaire, a dernièrement mis en scène la Troupe dans Le Misanthrope, repris cette saison. Avec Le Petit-Maître corrigé, il met le XVIIIe siècle en résonance avec 2016, d’autant que la langue y est « plus simple que dans d’autres pièces de Marivaux, toujours aussi fine, juste et pleine d’humour ». Et il relève l’atemporalité de ce théâtre qui « nous parle de nous, intimement ».
La pièce n'a pas eu de succès à ses début et à été rangée pendant longtemps.
On comprend mieux pourquoi maintenant elle reste aujourd'hui incomprise.
La mise en scène avec le fond technique est inapproprié, les acteurs pas convaincants et l'intrigue et les rebondissments pas crédibles.
On attend donc autre chose de la Comédie Française !!
Cette comédie ne fut jouée que deux fois à sa création en 1734. Depuis, elle n'avait pas été rejouée. Eric Ruff a décidé de ressortir le texte du placard pour lui donner une nouvelle jeunesse.
Le "héros", Rosimond (Loïc Corbery), jeune aristocrate parisien, obsédé par les apparences est obligé, par sa mère (Dominique Blanc) d'épouser une gentille et très sage jeune fille de la province, Hortense (Claire de la Rüe du Can). Il la méprise d'emblée pour sa simplicité. Mais la jeune femme ne va pas se laisser traiter ainsi. Elle va le mettre à ces pieds ce petit-maître. C'est genoux à terre qu'il va lui faire sa demande en mariage et de façon sincère. Aider de sa suivante, Marton (Adeline d'Hermy) va déjà métamorphoser le valet de Rosimond (Christophe Montenez). Le jeune garçon va devenir plus honnête pour l'amour de Marton. Il va montrer ce qu'il ressent et va inciter son maître à faire pareil.
Tout aurait pu bien se passer sans l'arriver de Dorimène (Florence Viala), l'amante de Rosimond qui vient pour s'opposer au mariage pour le plaisir de la contrariété. Elle ne va pas venir seule. C'est avec un ami, Dorante (Pierre Hancisse) qui va avoir pour mission de séduire la belle Hortense. Ensemble vont-ils arriver à faire capoter l'alliance entre ce présomptueux petit-maître et la fille du comte (Didier Sangre)? Le véritable amour sincère va t'il naître dans le coeur de Rosimond pour Hortense?
Ne vous inquiétez pas l'amour triomphe de tout, même chez Marivaux.
Une mise en scène au service d'un texte pas si innocent
Marivaux aime bien écrire des textes qui opposent les maîtres et les valets. L'île des esclaves est son texte le plus connu et est encore étudié à l'école. Il remet en question les statuts des uns et des autres et de la valeur de ces derniers. D'ailleurs dans cette pièce, c'est grâce aux valets que la situation permet de trouver une fin favorable.
L'auteur montre les moeurs badines et les manières ridicules du 18ème siècle. Une critique pas très souvent bien accueilli du public. Ce qui explique peut-être pourquoi cette pièce n'a pu être jouée que deux fois. Ces frontières de nos jours sont maintenant presque abolies ce qui a pu permettre à la Comédie Française d'avoir du public tous les jours des représentations. Toutefois, le texte possède toujours un écho très moderne comme par exemple sur le rapport de classe, sur l'importance des apparences, du culte du soi...
Clément Hervieu- Léger à la mise en scène et Eric Ruf à la scénographie réalisent une étonnante surprise visuelle. C'est un étonnant décors aux accents champêtres, une bute de verdure où les comédiens se déplacent, se couvrent, s'enfuient, se cachent... Toute l'histoire se déroule dans ce lieu qui ne bougent pas. Adieu les salons chargées, les servants qui apportent le café et bonjour la nature. Le fond de scène est visible. On voit les grands ventilateurs qui s'activent et créé un fond mouvant sur cette dune sablonneuse. Plusieurs chemins mènent de bout en bout de la scène, les personnages peuvent ainsi se croiser ou s'éviter.
Les costumes réalisés par Caroline de Vivaise sont assez beaux et fidèles à une époque avec une touche de modernité.
Malgré quelques longueurs, les comédiens du français montre l'étendu de leur talent. Le brio de Loïc Corbery, Didier Sangre, Florence Viala ou Dominique Blanc ne sont plus à prouver. Quelques soient les personnages qu'ils incarnent, ils savent toujours le faire avec une grande justesse. Florence Viala est nominée aux Molières 2017 pour ce spectacle pour le Molière de la meilleure Comédienne dans un second rôle. Et ils doivent être heureux car la relève est là et la virtuosité est au rendez-²vous. Que cela soit Pierre Hancisse ou Claire de La Ruë du Can, ils ont incarné plus d'une dizaine de personnages depuis leur entrée en 2012 et 2013.
Mon coup de coeur a été pour le duo de valets d'Adeline d'Hermy et le très séduisant Christophe Montenez. J'ai adoré la variation dans leur jeu, leur complicité, leurs regards, leur rapport aux autres... Bref, j'ai aimé toute leur prestation. J'apprécie beaucoup le travail de Christophe Montenez que j'ai adoré dans l'Autre et dans Les Damnés. D'ailleurs, lui aussi est nominé aux Molières 2017 pour son incroyable prestation dans les Damnés pour Molière de la Révélation masculine. J'espère vraiment que les comédiens vont les recevoir.
C'est sur une dune aux longues herbes folles posé sur la grande scène nue de la salle Richelieu que les mots de Marivaux résonnent. Argent, mariage, sexe, ambivalence, valet/maître, province/paris, bourgeois/aristocrate, vrai/faux serments vont s'entremêler pour une réflexion. L'auteur a encore de beaux jours sur les planches du français.
Cette œuvre contient pourtant tous les ingrédients des comédies de caractère et de mœurs du 18ème siècle en général et de Marivaux en particulier. La passion que l’on ne veut pas avouer ni reconnaître, les oppositions sociales, l’ironie, la vérité psychologique, la fantaisie, les domestiques qui mènent le jeu et l’amour qui finit par triompher. « Le Petit-Maître », jeune parisien précieux et pédant est hostile au mariage. Rosimond doit épouser, pour obéir à sa mère, la fille d’un comte « campagnard » qu’elle lui a choisie. Il ne veut en aucun cas fâcher sa mère !
Il ne regarde même pas la jeune fille qui, elle, le trouve plutôt à son goût mais veut lui donner une leçon. Elle y parviendra, avec l’aide de Dorante, ami de Rosimond et des domestiques Marton et Fortin. Dans cette scénographie, l’action se déroule non pas dans le salon du comte mais dans un pré ! Les très beaux décors d’Eric Ruf évoquent des tableaux de Greuze et Fragonard. Les costumes d’époque sont très réussis. Tous les comédiens sont excellents, comme toujours avec l’actuelle troupe du Français. Leur humour, leur fantaisie, leur aisance contribuent à nous faire passer un moment très agréable à la (re)-découverte de ce texte de Marivaux.
Gageons que nous retournerons applaudir cette œuvre avant deux siècles d’attente… Et pourquoi pas l’année prochaine, avec une reprise de cette mise en scène ?
Je n'ai jamais eu envie de partir de la salle au théâtre (et encore moins à la Comédie-Française) mais cette fois ci, si je n'avais pas été en plein milieu d'un rang, j'aurais quitté le théâtre avec grand plaisir.
Jamais de ma vie je ne pensais m'ennuyer au Français, et encore moins dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Alors oui, la mise en scène est très belle et innovante mais on aimerait que de temps en temps (pour nous réveiller lorsqu'on s'endort) le décor change... Mais non.
Les acteurs sont bons (mais vraiment juste "bons" rien de plus) et parfois trop anecdotiques à mon goût (Dominique Blanc et Didier Sandre sont invisibles dans la pièce), on nous sert un Loïc Corbery surjoué et ridicule (loin de son niveau de jeu habituel si bon), lorsqu'on s'ennuie au début de la pièce on attend avec impatience l'arrivée de Florence Viala... mais l'excitation retombe à plat très rapidement. Cependant Claire de la Rüe du Can, Adeline D'hermy, Christophe Montenez et Pierre Hancisse restent aussi doués que d'habitude et réussissent plus ou moins à relever le niveau de la pièce.
Pour moi c'est une pièce qui aurait mieux fait de rester en 1734 et de ne plus être jouée.