- Comédie Contemporaine
- Théâtre du Gymnase
- Paris 10ème
La conversation, Jean d'Ormesson

- Alain Pochet
- Théâtre du Gymnase
- 38, boulevard de Bonne-Nouvelle
- 75010 Paris
- Bonne Nouvelle (l.9)
Adaptation du livre de Jean D’Ormesson.
Napoléon n’est le fils que de ses propres œuvres. Il s’engendre lui-même. Il est un mythe vivant, une légende qui se crée, un dieu en train de surgir.
Il est cette chose si rare à la source de toute grandeur : une ambition au moment même où elle se change en histoire, un rêve sur le point de devenir réalité. Jean d’Ormesson, à travers une soirée improvisée et imaginaire en décembre 1803 entre Bonaparte et son fidèle deuxième consul Cambacérès, a tenté de saisir l’instant où Napoléon, adulé par les Français qu’il a tiré de l’abîme, décide de devenir Empereur !
Un coup de folie, un pari fou et apparemment impossible sur l’avenir de notre pays. Il est vrai que depuis on en a vu d’autres… Une soirée instructive, ludique et mutine à l’image de cet auteur que nous avons tant aimé.
Bonaparte pas encore Napoléon se confie à Cambacérès sur ses soucis ménagers avec sa famille et en vient à parler de ses rêves de grandeur...
Cambacérès tout d'abord timoré et craignant de perdre son statut est petit à petit convaincu par Bonaparte qui lui fait la promesse de l'élever au titre de Prince...
Les dialogues sont savoureux, parfois drôles, enlevés et jubilatoires.
Les 2 acteurs campent impérialement leur rôle.
Une pièce à caractère historique à ne pas manquer !!
Le décor nous plonge tout de suite dans l’ambiance. Aurélien Wiik est impérial dans le rôle du futur Empereur. Le talentueux Alain Pochet se glisse avec noblesse dans le personnage du flatteur Cambacérès. C’est la petite histoire de l’histoire de France dans une imaginaire conversation entre le père du code civil et l’orgueilleux Premier consul avide de pouvoir, ce mégalomane à l’ambition démesurée. Il a la folie des grandeurs en se prenant pour Jules César prêt à tout pour conquérir le Monde.
Une instructive évocation de cette soif de pouvoir.
Aurélien Wiik (Bonaparte/ futur Napoléon) et Alain Pochet (Cambacérès 2ème consul) nous invitent en leur compagnie, à cette soirée imaginaire et improvisée de l’hiver 1803 où toute l’ambition (quelque peu)démesurée de Bonaparte prend ainsi tout son sens.
La conversation se passe à un moment où Bonaparte est le « Maître » de la France, adulé par la population, réorganisateur du pays. Il est et a le pouvoir.
Toutefois, une seule question se pose: « Comment garantir sa pérennité, sa succession et ne faire qu’un avec la France? »
Désireux de s’entretenir avec le 2ème consul, Bonaparte convie Cambacérès à prolonger la soirée en sa compagnie.
Débute alors une discussion amicale, en apparence anodine où Bonaparte s’amuse de la réputation de bon mangeur et de la prétendue homosexualité de son hôte.
Celle-ci prend une tournure bien plus sérieuse au fil de la soirée lorsque Bonaparte expose à Cambacérès son ambition de faire de la France, un Empire.
De nature prudente, posé et loin d’être aussi fougueux, Cambacérès assiste au plaidoyer de Bonaparte, qui use d’astuces, de rhétoriques pour le rallier à sa cause (Etant même prêt à le nommer Archichancelier), lui qui sera couronné par le Pape lui-même...
Alain Pochet joue à la perfection le rôle de Cambacérès, à la fois ironique, malicieux mais plein de sens et réfléchit.
Quant à Aurélien Wiik, il campe bien le personnage de Bonaparte.
Leur complicité est évidente et profite à la mise en scène.
Jean d’Ormesson nous livre une œuvre pleine d’humour, d’ironie et de finesse. C’est à la fois historique et ludique... ce moment au Bonaparte devient Napoléon...
Je vous conseille de prendre vivement part à « La Conversation »
La mise en scène, les costumes et décors sont soignés.
L’action se situe au moment précis où Bonaparte, Général et jeune Premier Consul de 34 ans, entend à la fois étouffer toute idée d’un retour de la monarchie et tourner la page de la période révolutionnaire. Une seule volonté l’anime : penser l’avenir de la France. Un avenir qui passera bien évidemment d’abord par le sien tant il est persuadé que les deux sont intimement liés. Lorgnant sur la Rome antique, il veut un Empire. Il veut être Empereur.
Visiteur du soir, convié à une réunion de travail, Cambacérès, Deuxième Consul, sera le premier témoin de ce projet. Tel un espion que n’aurait certainement pas renié Fouché, le spectateur est, lui aussi, invité à assister à ce rendez-vous. Une fois les derniers paraphes apposés au bas des courriers en souffrance, Bonaparte propose à Cambacérès de rester un peu en sa compagnie pour une conversation amicale. Bien que devant regagner son hôtel particulier pour un souper avec Talleyrand, ce dernier ne résiste pas à la proposition. Après tout, Talleyrand peut bien attendre …
Fervent défenseur de la République, Cambacérès sera-t-il un rempart contre l’Empire ou un soutien ? Alors que le personnage de Bonaparte pourrait constituer, au premier abord, l’élément principal de la pièce, à mon sens, ce rôle est plutôt dévolu à Cambacérès. L’attitude de Cambacérès est, en effet à bien des égards, plus intéressante à regarder. Face à la certitude de l'un, on voit une mécanique de l'esprit s'enclencher chez l'autre. Renier ou défendre ses idées ? Plaire au puissant, c’est assurer son avenir. Oui mais, combattre pour sa cause, c’est promouvoir l’intérêt supérieur du peuple.
C’est donc un Cambacérès habité par cette dualité qu’interprète Alain Pochet. Déjà présent dans la première version montée en 2012, il donne à voir un Deuxième Consul maniéré, complaisant, mais très intelligent. Face à lui, figure bien connue du petit écran notamment, Aurélien Wiik prête ses traits à un Bonaparte bouillant d’émotions, aux idées très arrêtées, ayant foi en son destin. Se consacrant entièrement à son rêve de gloire immortelle, il s’agace des tracasseries quotidiennes, et particulièrement celles de sa famille, dont il se retrouve le malheureux conciliateur.
Entre les deux comédiens, l’alchimie fonctionne parfaitement. Une distribution de qualité mettant en valeur un texte plein d’humour. La culture et le talent de l’auteur ne sont, depuis bien longtemps, plus à démontrer. A l’image de ses romans, Jean d’Ormesson offre là un texte riche en répliques savoureuses et en joutes verbales. Une véritable gourmandise à laquelle il est bien difficile de résister (du reste, le faut-il ?).
Un moment d’histoire conté de manière ludique. Pour un peu, le spectateur aura presque le sentiment d’écouter deux amis « refaire le monde ». Dans le cas présent, pour l’un des deux au moins, c’était le cas.
Une pièce qui se laisse agréablement savourer.