Son balcon
SAISON 2021-2022
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Mini Molières
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Laurent Moulin
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La Nouvelle Claque
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Les californiens sont de retour sur scène pour leur nouvel album ‘Unlimited Love’ et nous le présentent au travers de quatre morceaux dont le premier single ‘Black Summer’ lors de ce week end au Stade de France.
Les fans attendaient avec impatience une nouvelle tournée afin de retrouver John Frusciante à la guitare : présent dans le groupe entre 1988 à 1992 puis de 1998 à 2009, il fait de nouveau parti du groupe depuis 2020 mais le Covid a empêché le groupe de reprendre la route.
A 19h30, la première partie ‘Anderson Paak & the free Nationals’ ouvre le bal et met l’ambiance au stade avec un son funk bien rythmé qui donne envie de danser qui n’est pas sans rappeler Jamiroquai. C’est un beau succès !!!
20h40, la scène s’illumine et c’est peu de le dire : le dispositif lumineux est totalement impressionnant ! On sent que spectacle est bien maitrisé. Le light show aux couleurs psychédéliques est fantastique : il coule de l’écran du fond de la scène pour glisser vers le public grâce à une avancée de scène comme si la lumière voulait se répandre dans la fosse. C’est le seul effet qu’utilise le groupe pour mettre le feu au public et c’est réussi. Les tubes s’enchainent en distillant au milieu des hits déjà connus quatre nouvelles chansons du dernier album, néanmoins les transitions entre les morceaux sont parfois un peu lentes et l’ambiance retombe entre deux morceaux. Chad Smith à la batterie donne pourtant de sa personne avec force et brio, son énergie est communicative. Flea est un toujours excellent bassiste qui aime le live, ça se sent aussi quand il interpelle le public entre deux chansons. Anthony Kiedis au chant se balade sur la scène comme s’il était chez lui. Reste donc le retour de John Frusciante à regarder de plus près. Il est vrai que John Frusciante est un talentueux guitariste et excellent technicien : ses improvisations à la Stratocaster et ses duos avec Flea le bassiste furent excellents, mais sa guitare nous a semblé largement sous mixée par rapport à la basse justement. D’autre part, le guitariste n’a pas l’air d’être si bien réintégré que ça avec son sage look polo + jean alors que les autres portent des tenues de scène assez voyantes.
Au bout d’une heure quarante de set, le bilan est légèrement décevant même si tous les tubes ont été joués, on reste un peu sur sa faim, d’autant qu’il n y a qu’un seul rappel avec deux chansons. Le public gronde de déception quand les lumières se rallument. C’est un peu court !
Red Hot Chili Peppers, nouvel album ‘Unlimited love’
Les fans attendaient avec impatience une nouvelle tournée afin de retrouver John Frusciante à la guitare : présent dans le groupe entre 1988 à 1992 puis de 1998 à 2009, il fait de nouveau parti du groupe depuis 2020 mais le Covid a empêché le groupe de reprendre la route.
A 19h30, la première partie ‘Anderson Paak & the free Nationals’ ouvre le bal et met l’ambiance au stade avec un son funk bien rythmé qui donne envie de danser qui n’est pas sans rappeler Jamiroquai. C’est un beau succès !!!
20h40, la scène s’illumine et c’est peu de le dire : le dispositif lumineux est totalement impressionnant ! On sent que spectacle est bien maitrisé. Le light show aux couleurs psychédéliques est fantastique : il coule de l’écran du fond de la scène pour glisser vers le public grâce à une avancée de scène comme si la lumière voulait se répandre dans la fosse. C’est le seul effet qu’utilise le groupe pour mettre le feu au public et c’est réussi. Les tubes s’enchainent en distillant au milieu des hits déjà connus quatre nouvelles chansons du dernier album, néanmoins les transitions entre les morceaux sont parfois un peu lentes et l’ambiance retombe entre deux morceaux. Chad Smith à la batterie donne pourtant de sa personne avec force et brio, son énergie est communicative. Flea est un toujours excellent bassiste qui aime le live, ça se sent aussi quand il interpelle le public entre deux chansons. Anthony Kiedis au chant se balade sur la scène comme s’il était chez lui. Reste donc le retour de John Frusciante à regarder de plus près. Il est vrai que John Frusciante est un talentueux guitariste et excellent technicien : ses improvisations à la Stratocaster et ses duos avec Flea le bassiste furent excellents, mais sa guitare nous a semblé largement sous mixée par rapport à la basse justement. D’autre part, le guitariste n’a pas l’air d’être si bien réintégré que ça avec son sage look polo + jean alors que les autres portent des tenues de scène assez voyantes.
Au bout d’une heure quarante de set, le bilan est légèrement décevant même si tous les tubes ont été joués, on reste un peu sur sa faim, d’autant qu’il n y a qu’un seul rappel avec deux chansons. Le public gronde de déception quand les lumières se rallument. C’est un peu court !
Red Hot Chili Peppers, nouvel album ‘Unlimited love’
Le reporter envoyé par la RTF dans les années 50 en a par-dessus la tête et il y a de quoi, il est parti en Angleterre, pour une interview de Lady Robert Brooke Campbell Scarlett-Abinger, vous la connaissez ? si, si vous la connaissez, sous un autre nom, en fait son défunt mari a été assassiné, oui ce médiocre personnage ne méritait pas cette fin tragique, mais c’est un fait et on ne saura jamais ce qu’il s’est passé en 1908, car nous avons affaire à une manipulatrice, menteuse de génie ! Pourtant le journaliste veut absolument savoir la vérité sur le crime de l’impasse Ronsin…
Revenons sur le passé sulfureux de Marguerite Japy, née dans une très bonne famille. Elle épouse le peintre Steinheil, ouvrira son salon, recevra des personnalités politiques, et la peu farouche Marguerite deviendra la maîtresse de Félix Faure, Président de la République française. Mais voilà qu’un après-midi de 1899, dans un salon de l’Elysée, Félix passera de vie à trépas dans ses bras, je vous passe tous les surnoms équivoques que l’on a donné à Marguerite… « la pompe funèbre » étant le plus parlant !
Nous voici à nouveau dans sa cuisine elle est aidée par une charmante servante (un brin polissonne), elle adore cuisiner, surtout des plats de sa composition, avec d’étranges ingrédients… Elle se confie aussi, apparemment elle a aimé Félix, elle a des mots très durs sur la politique, sur les hommes. A-t-elle tous ses esprits on pourrait en douter.
Un plaisir de retrouver Andréa Ferréol qui donne vie, sensualité, humour et émotion à Marguerite, Pauline Phelix pousse la chansonnette, elle sait être coquine sans dépasser les limites, Vincent Messager a bien du courage avec ses deux femmes qui lui donne du fil à retordre, sa mise en scène est habile, le décor aux couleurs criardes, mais rien ne pouvait être sobre pour « la connaissance » de Félix !
A voir à Avignon Le Chien qui fume à 17h.
Revenons sur le passé sulfureux de Marguerite Japy, née dans une très bonne famille. Elle épouse le peintre Steinheil, ouvrira son salon, recevra des personnalités politiques, et la peu farouche Marguerite deviendra la maîtresse de Félix Faure, Président de la République française. Mais voilà qu’un après-midi de 1899, dans un salon de l’Elysée, Félix passera de vie à trépas dans ses bras, je vous passe tous les surnoms équivoques que l’on a donné à Marguerite… « la pompe funèbre » étant le plus parlant !
Nous voici à nouveau dans sa cuisine elle est aidée par une charmante servante (un brin polissonne), elle adore cuisiner, surtout des plats de sa composition, avec d’étranges ingrédients… Elle se confie aussi, apparemment elle a aimé Félix, elle a des mots très durs sur la politique, sur les hommes. A-t-elle tous ses esprits on pourrait en douter.
Un plaisir de retrouver Andréa Ferréol qui donne vie, sensualité, humour et émotion à Marguerite, Pauline Phelix pousse la chansonnette, elle sait être coquine sans dépasser les limites, Vincent Messager a bien du courage avec ses deux femmes qui lui donne du fil à retordre, sa mise en scène est habile, le décor aux couleurs criardes, mais rien ne pouvait être sobre pour « la connaissance » de Félix !
A voir à Avignon Le Chien qui fume à 17h.
1956, Louise Rouvier, sa valise à la main, entre au commissariat, elle pleure, elle s’accuse, le jeune inspecteur est bien embarrassé, elle s’accuse de quoi ? ses propos sont confus.
Mais revenons en arrière, Louise retrouve son mari, il est directeur de théâtre à Paris, il n’a guère le temps de s’occuper d’elle, mais exige qu’elle soit à ses côtés lors de manifestations mondaines. Non, pas question, elle le provoque, le nargue. Philippe perd patience et la gifle, mais il ne s’attend pas à la vengeance de Louise, et quel horrible sort elle lui réserve.
Louise connait depuis peu, le secret de son mari. Oui, pendant l’Occupation comment a-t-il pu obtenir ce poste prestigieux ?
François Rivière nous a concocté une histoire intéressante, un thriller, l’après-guerre a été le théâtre de nombreux règlements de comptes, de secrets qui sont ressortis, pas toujours glorieux.
La scénographie est bien réalisée, on passe du passé au présent avec adresse, Aurélie Camus est convaincante, Yann Coeslier fringuant et abject, Nicolas Argudin-Clavero est le jeune policier dépassé par les événements !
Une bonne pièce que vous pourrez voir à Avignon au Grand Pavois à 10h30.
Mais revenons en arrière, Louise retrouve son mari, il est directeur de théâtre à Paris, il n’a guère le temps de s’occuper d’elle, mais exige qu’elle soit à ses côtés lors de manifestations mondaines. Non, pas question, elle le provoque, le nargue. Philippe perd patience et la gifle, mais il ne s’attend pas à la vengeance de Louise, et quel horrible sort elle lui réserve.
Louise connait depuis peu, le secret de son mari. Oui, pendant l’Occupation comment a-t-il pu obtenir ce poste prestigieux ?
François Rivière nous a concocté une histoire intéressante, un thriller, l’après-guerre a été le théâtre de nombreux règlements de comptes, de secrets qui sont ressortis, pas toujours glorieux.
La scénographie est bien réalisée, on passe du passé au présent avec adresse, Aurélie Camus est convaincante, Yann Coeslier fringuant et abject, Nicolas Argudin-Clavero est le jeune policier dépassé par les événements !
Une bonne pièce que vous pourrez voir à Avignon au Grand Pavois à 10h30.
Un polar théâtral réussi. Une énigme à rebondissements. Des personnages dessinés avec précision et dont l’évolution nous tient en haleine grâce à une adroite progression dans un récit subtilement ficelé.
« Un soir, un commissariat, dans le Paris de l’Après-Guerre. Louise Rouvier porte plainte auprès d’un jeune policier. Sa déposition bouleverse les idées reçues d’une société patriarcale, encore empreinte du grand traumatisme mondial. Huis-clos entre une victime et son bourreau, huis-clos entre une femme et un policier. »
Le récit dépeint une narration troublante dans le contexte obscur de l’après-guerre. Une époque qui se relève à peine des troubles ravageurs de l’Histoire. Une époque où le temps venu de la libération et de l’épuration conduit à des révélations brutales et inattendues, à des rancœurs qui explosent, à des vérités qui voient enfin le jour.
Mais une époque aussi, et ici surtout, où la parole des femmes reste fondue dans la norme patriarcale et machiste, qui perdure toujours aujourd’hui, et où il faudra à Louise tout le courage et l’appétit de justice pour faire entendre sa voix, découvrir les caches et lutter pour sa liberté et le dévoilement de la vérité.
L'humiliation, l'esclavage mental, les violences physiques et morales dont l’outrance nous rappelle à l'urgence de les combattre, sont décrits avec un implacable volontarisme. Une écriture qui donne corps et nourrit la prise de conscience de Louise face à Philippe, ce mari goujat sûr de lui, perclus de mondanité crasse, en tension permanente pour sa veille, qui n'hésite pas à recourir à la cruauté de son agressivité pour consolider la carapace qui le protège.
Jusqu’où la peur peut-elle s’allier au profit ? Quelle niveau de cynisme aveugle et conscient faut-il atteindre pour commettre l’irréparable ? Faut-il du courage pour condamner ? La vengeance est-elle la justice de l'emprise ?
La mise en scène de l’auteur François Rivière, avec la participation de Edwige Després et la scénographie de Agathe Mondani, construisent deux huis-clos parallèles avec une épure efficace. Adroitement présents en parallèle et parfois en simultané, ces huis-clos enchaînent les scènes, déjouant les règles de l’espace et du temps, centrant l’attention du récit sur les personnages, laissant les comédiens nous entreprendre.
La puissance d’évocation, et il en faut, repose alors sur l’interprétation. C’est carton plein. Aurélie Camus, Yann Coeslier et Nicolas Argudin-Claver sont véritablement crédibles et convaincants. Elle et ils tissent l’histoire en s’appropriant les personnages et leurs mues narratives avec une densité et une profondeur remarquables. Leurs jeux complémentaires et équilibrés filent tout en évidence, nous cueillent et nous surprennent tout le long.
Une pièce captivante et habile. Une mise en vie tout en finesse et une interprétation tout à fait brillante. Je recommande ce spectacle !
« Un soir, un commissariat, dans le Paris de l’Après-Guerre. Louise Rouvier porte plainte auprès d’un jeune policier. Sa déposition bouleverse les idées reçues d’une société patriarcale, encore empreinte du grand traumatisme mondial. Huis-clos entre une victime et son bourreau, huis-clos entre une femme et un policier. »
Le récit dépeint une narration troublante dans le contexte obscur de l’après-guerre. Une époque qui se relève à peine des troubles ravageurs de l’Histoire. Une époque où le temps venu de la libération et de l’épuration conduit à des révélations brutales et inattendues, à des rancœurs qui explosent, à des vérités qui voient enfin le jour.
Mais une époque aussi, et ici surtout, où la parole des femmes reste fondue dans la norme patriarcale et machiste, qui perdure toujours aujourd’hui, et où il faudra à Louise tout le courage et l’appétit de justice pour faire entendre sa voix, découvrir les caches et lutter pour sa liberté et le dévoilement de la vérité.
L'humiliation, l'esclavage mental, les violences physiques et morales dont l’outrance nous rappelle à l'urgence de les combattre, sont décrits avec un implacable volontarisme. Une écriture qui donne corps et nourrit la prise de conscience de Louise face à Philippe, ce mari goujat sûr de lui, perclus de mondanité crasse, en tension permanente pour sa veille, qui n'hésite pas à recourir à la cruauté de son agressivité pour consolider la carapace qui le protège.
Jusqu’où la peur peut-elle s’allier au profit ? Quelle niveau de cynisme aveugle et conscient faut-il atteindre pour commettre l’irréparable ? Faut-il du courage pour condamner ? La vengeance est-elle la justice de l'emprise ?
La mise en scène de l’auteur François Rivière, avec la participation de Edwige Després et la scénographie de Agathe Mondani, construisent deux huis-clos parallèles avec une épure efficace. Adroitement présents en parallèle et parfois en simultané, ces huis-clos enchaînent les scènes, déjouant les règles de l’espace et du temps, centrant l’attention du récit sur les personnages, laissant les comédiens nous entreprendre.
La puissance d’évocation, et il en faut, repose alors sur l’interprétation. C’est carton plein. Aurélie Camus, Yann Coeslier et Nicolas Argudin-Claver sont véritablement crédibles et convaincants. Elle et ils tissent l’histoire en s’appropriant les personnages et leurs mues narratives avec une densité et une profondeur remarquables. Leurs jeux complémentaires et équilibrés filent tout en évidence, nous cueillent et nous surprennent tout le long.
Une pièce captivante et habile. Une mise en vie tout en finesse et une interprétation tout à fait brillante. Je recommande ce spectacle !
Envoûtante performance de Denis Lavant. Halluciné, fou, ailleurs. Dans une mise en scène implacable et têtue dans son parti-pris de Jacques Osinski, cette « Dernière Bande » est un spectacle mémorable, captivant du début à la fin.
C’est la journée anniversaire de Krapp, le jour où il enregistre sur bande les moments marquants de l’année.
Le spectacle commence par un noir très long qui nous plonge dans l'expectative et nous force à se concentrer, à se couper des repères du temps. Tout à coup, une lumière crue au dessus de Krapp, immobile, assis devant un bureau encombré de boites en carton et d’un magnétophone à bande.
Il reste ainsi longtemps, face public, figé dans l’image arrêtée d’un vieux fantôme placide. Son immobilité devient envoûtante tant elle perdure et nous fait nous illusionner de ses raisons probables et de la suite possible. Alors, comme un automate à ressorts qu’il faudra bientôt remonter, il se lève et cherche dans les tiroirs du bureau.
Comme un cérémonial qui commence, il sort une bobine de bande enregistrée, la regarde, semble hésiter et la remet en place. D'un autre tiroir, une banane qu'il caresse avec délectation et qu'il mange, puis une autre qu'il chérit à nouveau, l'épluche et après un nouveau temps suspendu, la range dans sa poche, pour la route, pour plus tard.
Il retourne s’asseoir et écoute une bande avant d’enregistrer la nouvelle. Pas n’importe laquelle. La bobine 5 de la boite numéro 3, celle sans doute de souvenirs marquants. Il va commenter, réagir, contester, soupirer et revivre les mots dits dans sa 39ème année. Le tout entrecoupé de pauses où il ira boire. Krapp semble vouloir déchirer son histoire pour redire sa vie. Il reste là, pétri et meurtri par les remords et les douleurs qu'il fait ressurgir, obnubilé par ses propres pensées.
Cette pièce de Samuel Beckett, qualifiée de monodrame, a été jouée pour la première fois en France en 1960, reprise ensuite de nombreuses fois (notamment par les magnifiques Serge Merlin et Jacques Weber, que nous avons vus). Le style volontairement dépouillé du récit permet à Krapp, seul sur le plateau, de construire une forme de dialogue avec lui-même et avec son histoire par le truchement de ce magnétophone et de ses enregistrements, témoins de son passé et de lui-même. Une dérision permanente, sourde et ricaneuse, nourrie de rancœur, baigne la pièce.
La mise en scène de Jacques Osinski met en exergue délibérément le texte pour qu’il s’immisce avec ajustement dans la bouche de Krapp et nous empreigne aussitôt. Le parti-pris est centré sur le personnage avant tout, ses mots, son débit, ses digressions, sa puissance d’évocation. La situation ne prévaut jamais même si elle se fait spectaculaire par instants. Une volonté manifeste d'imprégnation lente et profonde se distingue, un élargissement du temps de la narration s'impose, poussé par les silences.
Denis Lavant nous subjugue, vibrant et incarné. Les nombreux silences habités, les mouvements subtils et métrés de son corps nous parlent autant que sa voix. Sa narration nous saisit. Minutie de l'intonation, des gestes et des mouvements, de leurs répétitions jamais lassées. Façonnant d'une expressivité impressionnante les rituels de Krapp, qui scandent l'attente de la vieillesse ou l'annonce de sa fin à venir. Il nous montre un Krapp pris dans le tourbillon de la démence ou de la sénilité, les deux peut-être, on ne sait pas. Il est ce vieux fou malheureux, un demi-clown, trouvant refuge dans l’alcoolisme et la manie pour supporter la souffrance et le renoncement.
Une époustouflante performance de comédien, d’une intensité pure. Un moment rare de théâtre.
C’est la journée anniversaire de Krapp, le jour où il enregistre sur bande les moments marquants de l’année.
Le spectacle commence par un noir très long qui nous plonge dans l'expectative et nous force à se concentrer, à se couper des repères du temps. Tout à coup, une lumière crue au dessus de Krapp, immobile, assis devant un bureau encombré de boites en carton et d’un magnétophone à bande.
Il reste ainsi longtemps, face public, figé dans l’image arrêtée d’un vieux fantôme placide. Son immobilité devient envoûtante tant elle perdure et nous fait nous illusionner de ses raisons probables et de la suite possible. Alors, comme un automate à ressorts qu’il faudra bientôt remonter, il se lève et cherche dans les tiroirs du bureau.
Comme un cérémonial qui commence, il sort une bobine de bande enregistrée, la regarde, semble hésiter et la remet en place. D'un autre tiroir, une banane qu'il caresse avec délectation et qu'il mange, puis une autre qu'il chérit à nouveau, l'épluche et après un nouveau temps suspendu, la range dans sa poche, pour la route, pour plus tard.
Il retourne s’asseoir et écoute une bande avant d’enregistrer la nouvelle. Pas n’importe laquelle. La bobine 5 de la boite numéro 3, celle sans doute de souvenirs marquants. Il va commenter, réagir, contester, soupirer et revivre les mots dits dans sa 39ème année. Le tout entrecoupé de pauses où il ira boire. Krapp semble vouloir déchirer son histoire pour redire sa vie. Il reste là, pétri et meurtri par les remords et les douleurs qu'il fait ressurgir, obnubilé par ses propres pensées.
Cette pièce de Samuel Beckett, qualifiée de monodrame, a été jouée pour la première fois en France en 1960, reprise ensuite de nombreuses fois (notamment par les magnifiques Serge Merlin et Jacques Weber, que nous avons vus). Le style volontairement dépouillé du récit permet à Krapp, seul sur le plateau, de construire une forme de dialogue avec lui-même et avec son histoire par le truchement de ce magnétophone et de ses enregistrements, témoins de son passé et de lui-même. Une dérision permanente, sourde et ricaneuse, nourrie de rancœur, baigne la pièce.
La mise en scène de Jacques Osinski met en exergue délibérément le texte pour qu’il s’immisce avec ajustement dans la bouche de Krapp et nous empreigne aussitôt. Le parti-pris est centré sur le personnage avant tout, ses mots, son débit, ses digressions, sa puissance d’évocation. La situation ne prévaut jamais même si elle se fait spectaculaire par instants. Une volonté manifeste d'imprégnation lente et profonde se distingue, un élargissement du temps de la narration s'impose, poussé par les silences.
Denis Lavant nous subjugue, vibrant et incarné. Les nombreux silences habités, les mouvements subtils et métrés de son corps nous parlent autant que sa voix. Sa narration nous saisit. Minutie de l'intonation, des gestes et des mouvements, de leurs répétitions jamais lassées. Façonnant d'une expressivité impressionnante les rituels de Krapp, qui scandent l'attente de la vieillesse ou l'annonce de sa fin à venir. Il nous montre un Krapp pris dans le tourbillon de la démence ou de la sénilité, les deux peut-être, on ne sait pas. Il est ce vieux fou malheureux, un demi-clown, trouvant refuge dans l’alcoolisme et la manie pour supporter la souffrance et le renoncement.
Une époustouflante performance de comédien, d’une intensité pure. Un moment rare de théâtre.