- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Porte-Saint-Martin
- Paris 10ème
Cendrillon, par Joël Pommerat

- Théâtre de la Porte-Saint-Martin
- 18, boulevard Saint-Martin
- 75010 Paris
- Strasbourg-Saint-Denis (l.4, l.8, l.9)
Souvent improvisé sur un simple canevas, ouvertement destiné à son auditoire qu’il prend à témoin et invite à participer, le conte prêche par l’exemple l'autonomie fictionnelle. Pour ses auditeurs enfantins, il ouvre au jeu entre imagination et réflexion critique ; il en réveille le souvenir et le charme pour les moins jeunes.
Comme l'écrit François Flahault, les grands contes sont initiatiques : «Comment ne pas devenir l’otage des liens dans lesquels nous nous sommes constitués ? comment nous en détacher suffisamment pour en former de nouveaux ? comment devenir soi ?».
Rituels, donc, mais rituels d’ouverture à la liberté, les contes sont faits pour être constamment réinventés par leurs conteurs, et qu’il s’agisse du Petit Chaperon rouge, de Pinocchio ou de Cendrillon, leurs héros ne se laisseront jamais enfermer une fois pour toutes dans un texte – jamais leurs aventures ne cesseront de se transformer, d’un livre ou d’un soir à l’autre.
Cendrillon a été récompensée de 2 Molières : de la création visuelle et du metteur en scène de théâtre privé pour Joël Pommerat (2018).
La critique de la rédaction : 7.5/10. Un conte entièrement revisité pour plaire aux adultes et aux enfants téméraires.
Nous ne nous attendions pas à ça, et avons été surpris de découvrir une histoire à ce point différente de l'adaptation popularisée par Walt Disney.
Ici tout est sombre. Les visages des personnages restent du début à la fin dans la pénombre. Leur physique est ingrat, ils parlent mal, à coups de jurons. Ils fument, cassent les codes, à l'image de la fée blasée, lassée par son immortalité.
C'est bien joué. La mise en scène esthétique déboussole. Seuls les dialogues déçoivent par moments, même si d'amusantes répliques valent le détour.
L'intrigue s'appuie plutôt sur le deuil de la mère de Cendrillon, le fait que cette dernière s'empêche de vivre et ne veuille pas passer à autre chose. Une vision intéressante, avec plusieurs pistes de réflexions...
Curieux de plus de 14 ans, n'hésitez pas.
En bref, Joel Pommerat adapte le conte Cendrillon à la modernité actuelle : une belle-mère qui martyrise sa belle-fille Sandra (ou Cendrier), les deux belles-soeurs qui la martyrisent également, sous le nez du père de Sandra impuissant. Jusqu'au jour ou une bonne fée, apparait et soutient Sandra, ce qui permet à Sandra de rencontrer un prince, avec qui elle devient amie.
Ce qui m'a beaucoup plu :
- le message de la pièce : toute la pièce porte sur le deuil de Sandra de sa mère. Sandra a cru, que pour honorer sa mère, elle devait penser à elle sans cesse, afin que la mémoire de sa mère subsiste. Sandra s'empêchait de vivre, d'avoir droit au bonheur. D'ailleurs son père lui a offert un montre, qui sonne dès qu'elle ne pense plus à sa mère pendant 5 min d'affilée. La bonne fée lui apprend qu'en fait, une bonne manière de faire le deuil c'est de penser à sa mère avec le sourire, c'est à dire uniquement dans les moments heureux de sa vie. Et de reprendre la vie.
- la pièce porte aussi beaucoup sur l'importance des mots : Sandra avait mal compris les dernières volontés de sa mère, ce qui est fréquent dans la vie, on se trompe de sens, de mot, on n'entend pas. Pommerat désacralise la parole dans son conte.
- le théâtre électronique : les effets spéciaux, micros, la musique. L'expérience sensorielle est multiple : visuelle et sonore. La technologie modernise la pièce
- le personnage de la bonne fée : j'ai trouvé son personnage très drole, son texte est bien écrit, elle joue très bien, j'ai trouvé ce personnage très tendre. Avec de l'humour, notamment le fait qu'elle apprend les tours de magie des humains sans pouvoirs magiques, car "c'est plus drole vu qu'on peut les louper". On veut tous une bonne fée.
- la fin de la pièce : Sandra et le prince deviennent amis, et s'écriront toute leur vie
Ce qui m'a moins plu :
- j'ai trouvé le début du conte anxiogène. J'étais très angoissée par l'oppression des décors (noirs avec des flashs, très violents, orages etc), des personnages (belle-mère / belle-fille), et je trouvais le début difficilement supportable moralement (sur le thème de la violence infantile). Pour moi, la pièce a décolé avec l'arrivée de la bonne fée.
- je n'ai pas compris certains effets de style : la narratrice a un accent étranger lointain, il y a un personnage qui fait des mimes lorsque la narratrice parle, la narratrice parle de "la belle-mère de la plus jeune fille" ou "l'ex belle-mère de la plus jeune fille" ce qui alourdit un peu le texte
- je ne comprends pas la métaphore des pigeons qui s'écrasent contre la maison de la belle-mère, je n'ai pas compris ce détail de la pièce
Un très beau texte, je recommande
Une qu'on connaitrait déjà, mais que tu aurais un peu transformée quand même, avec ton immense talent.
Où ce serait triste et drôle à la fois.
Où y aurait une fée pas très douée mais trop rigolote.
Et une méchante dame qui crierait sur tout le monde, peut être parce qu'elle est malheureuse ?
Et où le Prince, ben y se sentirait pas Prince du tout.
Avec plein de lumières, plein de décors trop beaux, et même de la musique.
Et nous on seraient captivés, émus, entraînés, conquis, envoutés, enchantés, fascinés, séduits.
Oh Joël, c'était trop trop bien !
On n'a pas sommeil ....
On peut en avoir une autre ?
La scénographie est splendide, le jeu des acteurs efficace et parfait et la mise en scène inventive et belle. Ce spectacle nous emporte et nous émeut… A voir !!
Si on ne le sait pas avant de venir, on le sait dès les premières minutes. Le spectacle débute avec un homme qui danse sur scène sur un fond sonore avec des images sur les trois autres faces de la scène.
Puis après on voit la projection sur le mur du fond de la mère de Cendrillon en train de mourir qui murmure. Les trois murs de scène sont occupés et de se transforment au besoin de l'histoire. Lorsqu'ils sont dans la maison on voit une baie vitrée qui donne sur l'extérieur. Des oiseaux viennent s'y écraser. La BNF avait le même souci dans l'espace jardin. Maintenant, avec des oiseaux collés sur les façades le problème est résolu. Il se transforment avec des miroirs, des écrans géants ou des murs avec des portes. C'est un système très ingénieux.
Le metteur en scène fait aussi le choix de comédiens hors norme. Ils ont des corps, des tronches, des timbres de voie ouvertement différents. Là où la plupart font un casting avec des gens représentant la norme, Pommerat affirme la différence pour donner plus de relief à ses personnages. De plus, 5 comédiens vont incarner 9 personnages. Catherine Mestoussis joue la belle-mère, horrible qui a un charisme étonnant et une voix grave qui résonne. Elle m'a fait penser à Marine le Pen dans le son de sa voix. En face, le choc de génération avec Déborah Rouach, petit avec une voix fragile qui s'habille avec aisance dans le personnage de Cendrillon.
Sans oublier les autres comédiens plus secondaires. Noémie Carcaud incarne une des pestes de soeur et aussi la bonne fée de la fillette. Caroline Donnelly, incarne l'autre soeur et aussi le jeune prince. Alfredo Canavate interprète à la fois le père de Cendrillon et le roi. D'ailleurs, il est le seul homme dans ce spectacle. Ainsi cela met en valeur le sujet de la féminité et la rivalité que cela engendre.
Il s'affirme par la modernité des personnages. Les soeurs sont toujours connectées sur leur smartphone. Leur obsession n'est pas uniquement de trouver un prince. Elles sont odieuses, cruelles et moqueuses. Le père ne dit rien. Sandra subit et accepte. C'est inacceptable. On voudrait l'aider et mettre un coup de pied dans la fourmilière. Le salut viendra à la fin avec la rencontre d'un prince. Mais l'enthousiasme, l'amour fou n'est pas au rendez-vous. Deux âmes esseulées se rencontrent et c'est tout. Pas de scène sentimentale à part le fait qu'ils dansent tout deux à un bal. Pas de mariage et pas pleins d'enfants. Mais cette histoire cruelle n'est pas dénuée d'humour. Bien au contraire, on rit bien souvent. Joël Pommerat change des éléments avec le prince qui donne sa chaussure à la Sandra, c'est la belle-mère qui fait du charme au prince, la fée est dépressive et pas très douée...
Une belle pièce où Joël Pommerat met en valeur les liens irréductibles entre le chagrin et la culpabilité. Le tout avec des comédiens talentueux et une mise en scène très originale.