Ses critiques
205 critiques
10/10
Enfin ! Enfin, la Comédie-Française remonte un Racine ! Le dernier vu en date, Bérénice, monté par Muriel Mayette, ne m’a laissé qu’un vague souvenir.
Ici, Eric Ruf a fait appel à son rival Braunschweig pour la mise en scène, contre lequel il avait disputé la place d’Administrateur de la Comédie-Française. D’abord réticente à sa transposition dans ces hauts lieux de pouvoir, avec des acteurs en costumes cravate – Comment ? Ne pas monter Racine en toges ? – j’ai finalement laissé sa chance au spectacle. Brillante résolution.
Si Britannicus prend pour titre celui d’un personnage de la pièce, il n’est pas toujours au premier plan. Certes, Britannicus aime Junie et est aimé d’elle. Bien sûr, son demi-frère Néron va l’enlever car il s’éprend d’elle à son tour. Mais tout cela n’est qu’une excuse pour appuyer l’intrigue : c’est d’abord une histoire de pouvoir, de passage de pouvoir, de désir de pouvoir, de trahisons pour le pouvoir… C’est une véritable pièce politique. Si une intrigue amoureuse est présente, elle n’est pas l’essentiel : on ne voit que Néron, empereur romain, tendre lentement vers une folie sûre, et rejeter peu à peu toute sa famille : son frère, Britannicus, et sa mère, Agrippine. Ce goût du pouvoir qu’il acquiert pendant la pièce, nulle doute qu’il le tient d’elle : redoutable, immorale, sans scrupule, elle écarte de son passage tout ce qui ne va pas dans son sens.
C’est dans le rôle d’Agrippine que Dominique Blanc fait son entrée comme pensionnaire à la Comédie-Française. Entrée très attendue… et très réussie. Elle est sur la scène de la Salle Richelieu comme une reine : imposante, belliqueuse, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Mais tout ne glisse pas sur elle sans l’atteindre, et l’on sent que malgré tout, ce pouvoir qui l’échappe ne la laisse pas indifférente et la rage de le conserver fait parfois place à la peur de le perdre. A ses côtés, le reste de la distribution excelle tout autant : Georgia Scalliet est une Junie sensible et attachante, brûlant d’un amour pour l’excellent Stéphane Varupenne qui incarne un Britannicus qui monte en assurance au fil de la pièce. Hervé Pierre est un Burrhus attachant, raisonné et troublé, dont la souffrance face à l’évolution de César a su me troubler. Benjamin Lavernhe continue de monter en puissance : il est ici un Narcisse angoissant, redoutable et sans scrupule ; et sa voix, notamment dans la scène où il semble contrôler Néron, prend une tournure sombre et menaçante qu’on ne lui connaissait pas.
Il y a longtemps que je ne doute plus du talent de Laurent Stocker. A l’annonce de sa future interprétation de Néron, contre-emploi pour l’acteur qu’on voit peut dans ce registre, je me suis vue le défendre à plusieurs reprises, arguant qu’il avait plus d’une corde à son arc et qu’il pouvait continuer à nous surprendre. J’étais encore loin de la vérité. Quelle transformation ! La composition de Stocker en Néron est d’une perfection absolue. Réglé au millimètre, son regard de faucon le précède partout où il entre, sa moue trahissant une amertume profonde. En un quart de seconde, son visage passe d’un plein éclairage, révélant l’amertume et la rage de ses prunelles, à la pénombre plus inquiétante encore qui le rend presque démoniaque. Le geste est mesuré et l’effet angoissant. Tyran aux éclats d’enfant gâté, il compose un Néron effrayant, impulsif, basculant peu à peu dans la folie.
La mise en scène de Braunschweig est d’une extrême rigueur : sous cette apparente simplicité, tous les détails sont pensés, minutés, parfaitement effectués. Les lumières créent une ambiance inquiétante en éclairant habilement chaque visage, les scènes d’affrontement sont réglées à la seconde, les placements anticipent les paroles, comme cet alignement total entre Néron et Narcisse lors de l’acte V, qui vient compléter le dialogue sans équivoque. Belle idée également de transposer la pièce dans ces grandes pièces qui évoquent des lieux de pouvoir à la House of Cards : l’alexandrin naturel des acteurs s’y adapte parfaitement, et même l’histoire romaine ne choque pas dans ce décor pourtant inhabituel chez Racine. Mais la pièce, plus actuelle que jamais, épouse parfaitement les contours amenés par Braunschweig, qui la porte ainsi à son sommet.
Ici, Eric Ruf a fait appel à son rival Braunschweig pour la mise en scène, contre lequel il avait disputé la place d’Administrateur de la Comédie-Française. D’abord réticente à sa transposition dans ces hauts lieux de pouvoir, avec des acteurs en costumes cravate – Comment ? Ne pas monter Racine en toges ? – j’ai finalement laissé sa chance au spectacle. Brillante résolution.
Si Britannicus prend pour titre celui d’un personnage de la pièce, il n’est pas toujours au premier plan. Certes, Britannicus aime Junie et est aimé d’elle. Bien sûr, son demi-frère Néron va l’enlever car il s’éprend d’elle à son tour. Mais tout cela n’est qu’une excuse pour appuyer l’intrigue : c’est d’abord une histoire de pouvoir, de passage de pouvoir, de désir de pouvoir, de trahisons pour le pouvoir… C’est une véritable pièce politique. Si une intrigue amoureuse est présente, elle n’est pas l’essentiel : on ne voit que Néron, empereur romain, tendre lentement vers une folie sûre, et rejeter peu à peu toute sa famille : son frère, Britannicus, et sa mère, Agrippine. Ce goût du pouvoir qu’il acquiert pendant la pièce, nulle doute qu’il le tient d’elle : redoutable, immorale, sans scrupule, elle écarte de son passage tout ce qui ne va pas dans son sens.
C’est dans le rôle d’Agrippine que Dominique Blanc fait son entrée comme pensionnaire à la Comédie-Française. Entrée très attendue… et très réussie. Elle est sur la scène de la Salle Richelieu comme une reine : imposante, belliqueuse, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Mais tout ne glisse pas sur elle sans l’atteindre, et l’on sent que malgré tout, ce pouvoir qui l’échappe ne la laisse pas indifférente et la rage de le conserver fait parfois place à la peur de le perdre. A ses côtés, le reste de la distribution excelle tout autant : Georgia Scalliet est une Junie sensible et attachante, brûlant d’un amour pour l’excellent Stéphane Varupenne qui incarne un Britannicus qui monte en assurance au fil de la pièce. Hervé Pierre est un Burrhus attachant, raisonné et troublé, dont la souffrance face à l’évolution de César a su me troubler. Benjamin Lavernhe continue de monter en puissance : il est ici un Narcisse angoissant, redoutable et sans scrupule ; et sa voix, notamment dans la scène où il semble contrôler Néron, prend une tournure sombre et menaçante qu’on ne lui connaissait pas.
Il y a longtemps que je ne doute plus du talent de Laurent Stocker. A l’annonce de sa future interprétation de Néron, contre-emploi pour l’acteur qu’on voit peut dans ce registre, je me suis vue le défendre à plusieurs reprises, arguant qu’il avait plus d’une corde à son arc et qu’il pouvait continuer à nous surprendre. J’étais encore loin de la vérité. Quelle transformation ! La composition de Stocker en Néron est d’une perfection absolue. Réglé au millimètre, son regard de faucon le précède partout où il entre, sa moue trahissant une amertume profonde. En un quart de seconde, son visage passe d’un plein éclairage, révélant l’amertume et la rage de ses prunelles, à la pénombre plus inquiétante encore qui le rend presque démoniaque. Le geste est mesuré et l’effet angoissant. Tyran aux éclats d’enfant gâté, il compose un Néron effrayant, impulsif, basculant peu à peu dans la folie.
La mise en scène de Braunschweig est d’une extrême rigueur : sous cette apparente simplicité, tous les détails sont pensés, minutés, parfaitement effectués. Les lumières créent une ambiance inquiétante en éclairant habilement chaque visage, les scènes d’affrontement sont réglées à la seconde, les placements anticipent les paroles, comme cet alignement total entre Néron et Narcisse lors de l’acte V, qui vient compléter le dialogue sans équivoque. Belle idée également de transposer la pièce dans ces grandes pièces qui évoquent des lieux de pouvoir à la House of Cards : l’alexandrin naturel des acteurs s’y adapte parfaitement, et même l’histoire romaine ne choque pas dans ce décor pourtant inhabituel chez Racine. Mais la pièce, plus actuelle que jamais, épouse parfaitement les contours amenés par Braunschweig, qui la porte ainsi à son sommet.
7/10
Jean-Claude Grumberg s'attaque à la question juive par le rire : vu les temps qui courent, c'est un pari risqué ! Mais il le relève honorablement, puisque ces courtes scènes abordent de nombreux problèmes traités par nos deux personnages.
D'un côté Daniel Russo est l'ignorant, celui qui vient chercher son voisin pour lui demander ce qu'il ne connaît pas ; de l'autre, Pierre Arditi est le juif lambda d'aujourd'hui, qui ne nie pas qu'il l'est, mais qui ne pratique pas non plus.
Entre le conflit israëlo-palestinien, l'antisémitisme, la croyance en Dieu, ou le fait de pratiquer, les sujets abordés sont vastes et toujours traités à travers des clichés, ce qui permet de nous remettre les pendules à l'heure. Les deux acteurs sont admirables dans leurs rôles, et on passe grâce à eux une très bonne soirée.
Seul regret : n'avoir pas plus poussé la question, et développé davantage d'arguments sur certains passages. L'ensemble est un peu court, et c'est dommage.
D'un côté Daniel Russo est l'ignorant, celui qui vient chercher son voisin pour lui demander ce qu'il ne connaît pas ; de l'autre, Pierre Arditi est le juif lambda d'aujourd'hui, qui ne nie pas qu'il l'est, mais qui ne pratique pas non plus.
Entre le conflit israëlo-palestinien, l'antisémitisme, la croyance en Dieu, ou le fait de pratiquer, les sujets abordés sont vastes et toujours traités à travers des clichés, ce qui permet de nous remettre les pendules à l'heure. Les deux acteurs sont admirables dans leurs rôles, et on passe grâce à eux une très bonne soirée.
Seul regret : n'avoir pas plus poussé la question, et développé davantage d'arguments sur certains passages. L'ensemble est un peu court, et c'est dommage.
2,5/10
J'en attendais beaucoup : Luc Bondy a réuni sur scène des noms très impressionnants. Mais ils ne restent que des noms au regard de la performance qu'ils nous livrent : on n'y croit pas.
Pas d'émotion, pas de réel lien entre les personnages ; ils ne jouent pas ensemble et ça se sent. Pire que cela ; on a l'impression que Bondy fait passer l'ennui, sujet majeur de la pièce, par l'ennui chez le spectateur. Quelle erreur !
On n'a qu'une envie : que ça finisse au plus vite. Et malheureusement, c'est on ne peut plus lent... et ennuyeux.
Pas d'émotion, pas de réel lien entre les personnages ; ils ne jouent pas ensemble et ça se sent. Pire que cela ; on a l'impression que Bondy fait passer l'ennui, sujet majeur de la pièce, par l'ennui chez le spectateur. Quelle erreur !
On n'a qu'une envie : que ça finisse au plus vite. Et malheureusement, c'est on ne peut plus lent... et ennuyeux.
9/10
Nicolas Briançon revient en forme avec cette nouvelle mise en scène : pétillante, rayonnante, elle réveille et met de bonne humeur. Il a réuni autour de lui la meilleure des équipes, avec en particulier un Claude Aufaure au top de sa forme qui détonne absolument en tante Augusta excentrique au possible !
N'hésitez pas, et embarquez au théâtre de la Pépinière pour ce merveilleux voyage.
De quoi ressortir avec un large sourire sur le visage !
N'hésitez pas, et embarquez au théâtre de la Pépinière pour ce merveilleux voyage.
De quoi ressortir avec un large sourire sur le visage !
10/10
Je ne suis pas du genre à mettre 10 à un spectacle.
Mais Les Cartes du Pouvoir est vraiment LE spectacle à voir cette saison. Entre un texte subtilement écrit, des acteurs de haut niveau, et une mise en scène prenante, la vie et les choix de ce jeune politique incarné par Raphaël Personnaz deviennent un enjeu crucial le temps d'une soirée.
Un souvenir inoubliable.
Mais Les Cartes du Pouvoir est vraiment LE spectacle à voir cette saison. Entre un texte subtilement écrit, des acteurs de haut niveau, et une mise en scène prenante, la vie et les choix de ce jeune politique incarné par Raphaël Personnaz deviennent un enjeu crucial le temps d'une soirée.
Un souvenir inoubliable.