- Classique
- Théâtre de l'Odéon (théâtre de l'Europe)
- Paris 6ème
Ivanov
- Marie Vialle
- Nicolas Peduzzi
- Chantal Neuwirth
- Roch Leibovici
- Coco König
- Marina Hands
- Ariel Garcia Valdès
- Christiane Cohendy
- Marcel Bozonnet
- Fred Ulysse
- Micha Lescot
- Yannik Landrein
- Laurent Grévill
- Victoire Du Bois
- Missia Piccoli
- Théâtre de l'Odéon (théâtre de l'Europe)
- Place de l'Odéon
- 75006 Paris
- Odéon (l.4, l.10)
Ivanov est banal. Ivanov est extraordinaire. Il brille comme un trou noir autour duquel tourne et jase tout un petit monde ridicule ou poignant : parasites, richards, cyniques saisis sur le vif avec un humour implacable, trompant leur ennui aux cartes ou noyant leur désespoir dans la vodka.
Au cœur de cette société malade, Ivanov se débat sous les ruines de ses idéaux. Aujourd'hui, nous dirions qu'il souffre de dépression ou de burn-out.
Anna, sa femme, est mourante et ne le sait pas ; la jeune Sacha, sa voisine, rêve de lui offrir un nouveau bonheur. Hommes et femmes, hostiles ou amicaux, tous ont quelque chose à lui demander : de l'amour, de l'argent, des actes. Ivanov est comme assiégé. Cerné. Et depuis un an à peu près, il n'en peut plus...
Pour donner corps à ce premier chef-d'œuvre de Tchekhov, Luc Bondy a réuni une distribution d'exception autour de Marina Hands et de Micha Lescot, à qui il confie un nouveau rôle-titre après son mémorable Tartuffe.
Avertissement : cette pièce attire les spectateurs 'mondains' et les 'célébrités'.
La critique de Piotr (rédac’ AuBalcon) : Tchekhov, pardonne-moi mais je n’ai pas aimé cette pièce.
J’ai toujours eu une relation très particulière avec l’auteur Anton Tchekhov car au lycée, j’apprenais quelques-unes de ses citations passe-partout dans l’espoir de pouvoir les immiscer dans mes dissertations de français. Cela faisait très bon effet.
C’est donc avec l’impression de mettre un coup de poignard dans le dos d’un vieil ami que j’écris cette critique assez négative.
J’étais vraiment curieux de découvrir son anti-héros bourré de défauts, Ivanov. Mélancolique, névrosé, paresseux, il n’aime plus la vie, ni sa pauvre femme malade. Malheureusement, l’anti-héros du Théâtre de l’Odéon s’est plutôt avéré être un homme effacé, presque transparent, apathique et sans relief.
La pièce est à son image : lente et mollassonne. Elle se résume à une demi-heure de théâtre et d’enthousiasme pour deux heures trente à attendre que quelque chose se passe. Il est souvent question d’ennui dans les propos et cela me renvoie à ma sensation en tant que spectateur.
Je ressens peu d’émotions, d’empathie ou de curiosité pour les différents protagonistes et la découverte de leurs traits de caractères amusants ne suffit pas à contrecarrer le manque de rythme (j’avais l’impression de regarder du cinéma japonais au ralenti).
Tchekhov aborde de nombreux sujets : les dettes, les dots, le temps qui passe, la névrose. C’est un beau tableau de la Russie de l’époque mais j’espérais que les dialogues me livreraient plus de matière à méditer, bien assis dans mon fauteuil rouge.
L’utilisation par les acteurs de l’immense scène dans toute sa profondeur, les grands panneaux de décors qui créent des espaces de jeu monumentaux ainsi que la belle mise en lumière m’ont tout de même gardé éveillé pendant ces 3 heures. J’ai moins apprécié les scènes avec une quinzaine d’acteurs, dont dix sont affalés dans un siège, grimaçant, simulant brièvement une émotion. Ils tentaient vainement de remplir ce grand vide.
Une déception, donc, d’autant que j’avais entendu beaucoup d’éloges sur cette pièce.
En lui proposant le rôle-éponyme d’Ivanov, le directeur de l’Odéon s’est lancé un pari audacieux : celui de projeter son protégé vers un...
Pas d'émotion, pas de réel lien entre les personnages ; ils ne...
Cette version est très bonne, portée par un Micha Lescot encore une fois à la hauteur et une troupe également très enthousiasmante (en particulier le toujours parfait Laurent Grevill, et la grande Chantal Neuwirth). C'est une pièce difficile, un peu bordélique pour être honnête, mais c'est tout le charme du théâtre de Tchekhov. Le personnage d'Ivanov est juste magnifique de contradictions et de résignation.
C'est triste, c'est drôle, c'est beau. C'est Tchekhov. On aime ou on déteste Ivanov. Moi j'adore.
Ivanov cultive toujours sa dépression.
Ivanov est toujours aussi mélancolique, neurasthénique. En un verbe comme en cent, il s'emm... il s'ennuie grave !
Ivanov est toujours le antihéros parfait, qui ne peut (ou qui refuse) de trouver le bonheur...
Un type qu'on aime détester.
Cette reprise de la mise en scène de Luc Bondy, à l'Odéon, m'a laissé la même impression que la dernière saison.
Même avec un casting d'enfer, même avec une direction d'acteurs époustouflante, même avec des décors magnifiques et épurés, même avec tout ceci, je n'ai pu m'empêcher de ressentir ce curieux sentiment : le sentiment qu'en ayant voulu trop bien faire, Bondy est passé un peu à côté de la proposition...
Côté acteurs, certes, Bondy arrive à tirer d'eux de véritables moments de grâce. Et quels moments ! Et quelle grâce !
Combien sont-ils de metteurs en scène à pouvoir emmener des comédiens là où il les emmène ?
La scène entre les époustouflants Micha Lescot et Marina Hands confine au sublime.
Leurs camarades sont à l'avenant : ils sont parfaits, les Yannick Landrein en médecin moralisateur et donneur de leçons, Ariel Garcia Valdes en comte alcoolique et désabusé, Chantal Neuwirth (que j'adore) en pique-assiette pathétique, Marcel Bozonnet, Christiane Cohendy, etc, etc.
C'est pour eux qu'il faut bien entendu aller voir cette pièce : pour ces comédiens magnifiques, et cette admirable direction d'acteur.
Il n'empêche : une légère frustration persiste lorsque le noir final arrive.
Et puis, il faut bien le dire, quelques longueurs provoquent aussi chez le spectateur un peu d'ennui...
Tchekov écrit cette pièce à 27 ans, se décrit lui-même, et l'on sait bien que le texte ne compte pas parmi ses plus percutants.
Il reste qu'en dernier bilan, ce fut une vraie belle soirée avec de vrais moments de théâtre.
On vous raconte une histoire, et ceux qui vous la racontent vous la racontent bien.
Ceux qui l’entourent ne le saisissent pas davantage. Alors qu’il croule sous les dettes, on le suspecte d’affaires louches. Dans une société infestée par l’antisémitisme, on le soupçonne d’avoir épousé une riche héritière juive uniquement pour récupérer son argent. Peu importe qu’elle se soit jetée à son cou. Peu importe qu’il l’ait tant aimée.
L’interprétation est remarquable. Nommons Christiane Cohendy, la banquière haute en couleur, avaricieuse à nous en faire rire, Marcel Bozonnet, son mari brave homme qui saura faire preuve de malice, Yannik Landrein, le médecin donneur de leçons, Laurent Grévill, l’homme d’affaires mi-charmeur mi-truand. Nommons surtout Marina Hands, tragédienne rare, en poignante épouse mise au ban de la petite communauté parce que juive, et Micha Lescot en anti héros que j’attendais toutefois moins aérien et plus ‘russe’. La direction d’acteurs est irréprochable.
Le décor aussi est irréprochable, mais sans originalité, conventionnel. Et nous ne sommes pas plus surpris par les changements de décor convenus, salle allumée et rideau levé. On frise la perfection dans un académisme conquis et un classicisme assumé.
La perfection a cela d’étrange et de tragique que l’on s’emmerde un peu. Cette perfection est certainement à applaudir, d’autant que c’est le fait du nouveau patron, mais sans périls, les propositions défendues sont ennuyeuses.
On s’emmerde un peu aussi, car c’est impeccable, comme pour film ou pour une série TV, où sur le plateau, on peut faire, jusqu’à la perfection, autant de prises qu’il faut. Le théâtre réclame, il me semble, un peu de bug, de savonnage, de raté, de trous, d’imprévus. Au ciné, on capte et on projette le résultat, Au théâtre, on re-présente un résultat qui disparaît aussitôt. Au théâtre, on embauche un souffleur, ici une souffleuse : Nikolitsa Angelakopoulo. C’est pour cela qu’il est un spectacle vivant.
Quant au biais choisi pour le personnage d’Ivanov, Daniel Loayza, version scénique, nous explique qu’il s’articule autour de la névrose d’échec freudienne. Ivanov s’effondre dans la dépression puis se suicide, car son mariage avec la belle Sacha a été tant rêvé, tant investi par le fantasme, que son idéal du moi refuse la confrontation avec la réalité et ce moi là, jaloux de l’autre, l’empêche de vivre. La phrase Je ne me comprends pas moi-même signerait donc les deux ‘moi’ en compétition de celui qui échoue devant le succès.
Peut-être. Sauf qu’Ivanov est déprimé avant la mort de sa première épouse. Sauf qu’Ivanov, et c’est mon point de vue, est Tchekhov. Le choix de faire porter au personnage du docteur une petite barbe à la Tchekhov voudrait nicher, à tort, Tchekhov ailleurs.
Ivanov est Tchekhov. Tchekhov a une santé fragile comme Ivanov. Il est un médecin engagé et passionné, il est idéaliste comme Ivanov avant que la mélancolie ne tombe sur lui. Il se consacre beaucoup à soigner bénévolement les pauvres. En écho, Ivanov s’ennuie de la mascarade des débauches bourgeoises. Tchekhov inconsolable de son impuissance de médecin, enterre ses patients tombés sous la diphtérie ou le typhus. Ivanov enterre sa femme incurable. En 1890, Tchekhov part, dans un voyage expiatoire après avoir négliger la médecine au profit de l’écriture, sur l’ile Sakhaline où il rend compte des conditions de vie des bagnards. On retrouve ainsi la même culpabilité chez Tchekhov et chez Ivanov, la culpabilité du survivant, et celle, qu’on pourrait appelée rapidement de gauche, du citoyen.
Avec ma lecture, plutôt qu’une neurasthénie, on a affaire à une belle névrose de contrainte où le personnage d’Ivanov aurait dû être moins aérien. La pièce serait restée aussi sombre cependant qu’elle devenait optimiste.
Ivanov ne s’effondre plus devant l’impossible et la vacuité, il est rongé de la faute de la maladie de sa femme et parce qu’il a cessé de l’aimer. Ivanov devient un amoureux coupable, un veuf inconsolable, un cœur à ne plus jamais prendre, un jeune marié désenchanté et devant ce vide, il se suicide. Ce que je pousse au fond, est l’idée qu’il y a une même plume entre Platonov, Ivanov et Les Trois Sœurs, la plume qui fait crier à Macha, à la fin des Trois sœurs, qu’il faut vivre, vivre pour pouvoir encore aimer. De mon point de vue cela eut été plus sympa, plus ‘russe’.
Il n’empêche. Peut-être que mon envie d’alléger le calvaire d’Ivanov prouve que cette pièce aura su agiter une opinion confortable, aura su être moins prévisible qu’elle m’apparaît. Pour cela et pour la gloire du bon théâtre français, pour son académisme, pour Micha Lescot et pour Marina Hands, je vous la recommande.
Le bon : une scénographie et des décors brillamment pensés par Richard Peduzzi, qui confèrent à la pièce une atmosphère si particulière. Certains tableaux lors de la scène du mariage sont splendides.
Le moins bon : une direction d'acteurs déroutante, qui plonge tous les personnages dans une apathie et une lenteur qui créent une pesanteur, et parfois un véritable ennui, dans leur jeu.
La conséquence: Ivanov ne semble plus si différent des autres, tous ayant sombré dans une sorte de torpeur, et le jeu de Micha Lescot perd en sincérité, frisant souvent le second degré, notamment lors des scènes d'amour ou de rupture qui se retrouvent jouées avec le même flegme.
Le résultat : on a le sentiment de passer à côté d'une des dimensions de cette oeuvre magistrale de Tchekhov, l'ensemble manquant singulièrement de rythme et de sincérité dans le jeu et les relations entre les personnages.
Pas d'émotion, pas de réel lien entre les personnages ; ils ne jouent pas ensemble et ça se sent. Pire que cela ; on a l'impression que Bondy fait passer l'ennui, sujet majeur de la pièce, par l'ennui chez le spectateur. Quelle erreur !
On n'a qu'une envie : que ça finisse au plus vite. Et malheureusement, c'est on ne peut plus lent... et ennuyeux.