• Classique
  • Comédie Française - Salle Richelieu
  • Paris 1er

Le bourgeois gentilhomme

Le bourgeois gentilhomme
De Molière
Mis en scène par Christian Hecq, Valérie Lesort
  • Comédie Française - Salle Richelieu
  • 2, rue de Richelieu
  • 75001 Paris
  • Palais Royal (l.1, l.7)
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En juin dernier, le tandem Valérie Lesort et Christian Hecq crée un Bourgeois gentilhomme remarqué, au rythme enlevé de la musique des Balkans. Les « turqueries » sont à la mode en 1670 quand Molière écrit cette comédie pour une des opulentes fêtes royales. Il excelle autant dans la représentation de cet exotisme, alors au goût du jour, que dans la caricature du bourgeois rompu à l’apprentissage des bonnes manières propres aux « gens de qualité ».

Le plateau entier est rendu à l’esprit fantasque de cet homme qui s’exerce avec piètre adresse à la danse et à l’escrime, s’initie à la philosophie avec la curiosité d’un enfant. Premières à le brocarder, son épouse et sa servante s’opposent à son surcroît d’autorité, surtout quand il refuse de donner la main de sa fille à Cléonte parce qu’il n’est pas gentilhomme. La raillerie est à son comble grâce à la ruse du valet qui introduit chez lui l’amoureux déguisé « en grand Turc », offrant un final d’anthologie avec la scène du Mamamouchi.

 

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Valérie Lesort et Christian Hecq s’emparent allègrement de tout ce qui nourrit l’excentricité de ce Monsieur Jourdain frénétiquement attiré par les ors royaux : « il est d’une naïveté sans bornes et cette naïveté nous touche particulièrement. Comme beaucoup d’artistes, nous travaillons avec l’enfance et Molière fait de son Bourgeois un enfant qui “veut jouer à”.

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26 nov. 2023
9/10
5
Une belle comédie pleine d’énergie et de drôlerie.

Monsieur Jourdain, riche bourgeois, souhaite devenir une personne importante de la haute société. Il s’entoure de profiteurs et distribue son argent à des gens qui abusent de sa naïveté. Madame Jourdain voit ces changements avec beaucoup de moquerie et est très lucide sur les intentions de son mari. Celui-ci souhaite séduire Dorimène qui, en réalité, est en couple avec Dorante. Sa fille, Lucile, est amoureuse de Cléonte. Mais Monsieur Jourdain refuse le mariage car le jeune homme n’a pas le rang social qu’il souhaite. Tous les personnages s’uniront dans le but d’abuser Monsieur Jourdain et de marier Lucile à Cléonte par la supercherie. Monsieur Jourdain deviendra alors Mamamouchi dans cette entreprise délirante.
Et tout finira bien dans le meilleur des mondes et Monsieur Jourdain sera dupé et comprendra trop tard la supercherie.

Dans ce classique de Molière, on a peu de surprise. On est nécessairement en attente d’un Monsieur Jourdain qui apprend à prononcer des voyelles en découvrant la prose. On attend le grand turc qui déclarera Monsieur Jourdain « Mamamouchi ». On attendra les railleries des personnages etc.

Le parti pris de Christian Hecq et de Valérie Lesort est de marquer la comédie. Bien entendu, nos personnages sont entourés de marionnettes qui appuient la comédie. Il y a de belles idées comme toujours. Le début de la pièce avec des notes qui volent est une belle idée. Le repas pour séduire Dorimène nous propose des mets en marionnettes succulents.

Cette comédie ballet a l’originalité de proposer une musique aux accents balkaniques qui modernise la pièce. Les ballets sont modernes et appuient aussi l’aspect comédie. Tout est comédie.

Le décor est extrêmement travaillé. J’ai beaucoup aimé la transformation en or de la décoration.

Les costumes accentuent la comédie mais sont très originaux. J’ai adoré le costume de Monsieur Jourdain. J’ai beaucoup ri avec le costume de Mamamouchi.

Tout cela donne une pièce atemporelle, sans lieu et sans époque définis. C’est extrêmement subtil.

L’interprétation est évidemment excellente par tous. Christian Hecq évite l’écueil d’en faire trop même si le danger était présent.

En résumé, tout pousse dans le sens de la comédie pure. Mais en réalité, tout est extrêmement précis et maitrisé. C’est une belle homogénéité globale. Christian Hecq et Valérie Lesort nous proposent un bourgeois gentilhomme populaire dans le sens noble du terme.

J’ai vraiment ressenti le plaisir des comédiens à participer à cette immense farce très bien « ficelée » lors du salut. On ressent le fait que même eux s’amusent à jouer la pièce.

Il faut montrer cette pièce à la jeunesse et à tous les sceptiques du théâtre !
17 mai 2022
10/10
10
Molière aurait adoré !

La salle Richelieu transformée en un monde féérique.

Les quatre mains de Christian Hecq et de Valérie Lesort se transforment, par la magie du théâtre, en 10, 20, 1000 mains tant chaque détail est dément ....

Pris en flagrant délire de génie, les deux magiciens nous offrent jubilation, bouffonnerie, facéties et burlesque, mais aussi de la tendresse et de l'humanité.

Très fort !

Quelle imagination !
Quelle fantaisie !
Nos rêves d'enfants réalisés !

Par où commencer ?

Par la barboteuse Teletubbies de Christian Hecq ?
La scénographie sublime en noir et or d'Eric Ruf ?
L'incroyable prestation des comédiens, en particulier celle de Guillaume Gallienne, maître de philosophie réjouissif tout droit sorti de la famille Adams ?
La musique géniale des Balkans ?
Les pattes d'un éléphant réalisées avec des abat jours à franges ?
Les marionnettes ? Les costumes ?
Les chèvres en peluche ?

Un feu d'artifices tel qu'on ne sait plus où donner de la tête ....

Une chose est sûre, on en parlera longtemps, aussi bien en prose qu'en vers !
8 mai 2022
10/10
10
Les Balkans au balcon !
Où quand les trubači d’Europe de l’Est font résonner leurs cuivres sous les ors de la salle Richelieu !

De l’or, il y en aura beaucoup, dans cette somptueuse version d’anthologie de cette comédie-ballet que le grand Jean-Baptiste donna pour la première fois le 14 octobre 1670 Chambord.

Une version qui fera assurément date dans l’histoire de la grande Maison, et sans aucun doute dans la liste des grandes mises en scène de cette pièce et de ses turqueries.

Une nouvelle fois, et ceci devient un trivial pléonasme, une nouvelle fois le duo Christian Hecq – Valérie Lesort va plonger toute une salle, et pas n’importe laquelle, dans un véritable état de grâce et une félicité des plus complètes.

Dans la poursuite totalement cohérente de leur démarche dramaturgique, ces deux-là se posent en désopilants amuseurs publics, ce qui sous mon traitement de texte est un vrai compliment.
On connaît ici mon admiration pour ce tandem d’épatants déclencheurs de folie créatrice totalement maîtrisée, qui n’ont pas leur pareil pour tirer les fou-rires du public, grâce à leur vision particulière, faite de drôlerie et de poésie, des œuvres qu’ils montent sur un plateau.

Pour notre plus grand plaisir, ils ont encore cette fois-ci utilisé les « recettes » qui font leur succès.

La première de ces recettes, c’est à mon sens cette capacité à faire appel au monde de l’enfance, un monde débordant d’imagination et où l’on ne s’interdit strictement rien. « On dirait qu’on ferait ceci, on dirait qu’on serait cela... »
Avec eux, tout semble possible, les spectateurs peuvent s’attendre à tout.
Bien entendu, par là-même, nous aussi retombons en enfance.

Cette impression (rare) que tout est possible est en grande partie rendue possible grâce à l’utilisation des marionnettes de Valérie Hecq et Carole Allemand.
Avec ces personnages et ces objets de latex, on peut faire voler des épées, on peut soulever de terre une servante, on peut s’attendre à ce que des moutons chantent, qu’un éléphant surgisse du lointain, ou encore que des mets raffinés s’animent lors d’une scène de banquet.
(Pour ma plus grande et indicible joie, les deux nous offrent un nouveau banquet hilarant, auto-citation de celui du Domino noir, à l’Opéra Comique, qui contenait l’une des scènes de comédie les plus désopilantes que je connaisse.)

Le tandem Hecq-Lesort non seulement sait faire rire, mais sait faire rire avec trois fois rien.
« Juste » une idée, un petit accessoire, une « simple » manipulation et toute une salle s’esclaffe.
Le comique visuel vient se mettre au service du propos général. Un toupet au sommet du crâne, une perruque brinquebalante, un urinoir à la Duchamp, des rouleaux de papier-toilette, tout ceci ne coûte rien et fait fonctionner nos zygomatiques à plein régime.



Tout ceci est également porteur d’une réelle poésie. L’humour de ces deux-là finit par générer cette poésie, grâce à toutes ces trouvailles inventives, toutes ces petites saynètes drôlatiques et très réussies.

Et puis il y a le comédien Christian Hecq.
Formé à l’école du mime, cet homme, sur une scène, a une gestuelle unique, bien à lui, immédiatement reconnaissable. Sa façon de se déplacer, de démultiplier ses gestes, de les pousser à leur paroxysme, sa capacité à placer le curseur à sa juste place en matière d’outrances, tout ceci force le respect.
De plus, on connaît bien sur scène sa vis comica, sa faconde, ses ruptures, ses changements subits de registres.

Son Monsieur Jourdain va nous faire hurler de rire. J’assume totalement ce groupe verbal, hurler de rire. A de nombreuses reprises, le public applaudira durant le spectacle, ce qui dans cette salle est suffisamment rare pour être souligné.

Mais le comédien va mettre en avant un autre aspect du personnage.
Un aspect très touchant, très authentique.

Christian Hecq va nous faire vite comprendre que son personnage est le seul qui ne triche pas, qui ne se joue pas des autres. Lui, il est honnête et cohérent.

Ce bourgeois est en permanence dans sa logique, et n’en bougera pas.
Le personnage est finalement émouvant à vouloir s’élever coûte que coûte, à vouloir apprendre, à se bricoler lui-même ses petits décors, avec son petit pot pot de peinture, son petit pinceau, tous ses petits objets destinés à le faire devenir noble.


Et puis la fin.
Comme un enfant que l’on aurait trompé, et qui s’en aperçoit soudain, Jourdain comprend que tout le monde l’a floué, à tel point qu’il reste seul.
La dernière scène du comédien est alors bouleversante. Et nous de finalement compatir.

A ses côtés, c’est peu de dire que la troupe du Français est excellente.

Portés de façon tourbillonnante et virevoltante par les deux metteurs-en scène, les comédiens et les comédiennes sont particulièrement « mignon, moignon, chignon, trognon, ou très gnons ».
Je n’en finirais pas de citer leurs hauts faits respectifs !

La scénographie du patron en personne, Eric Ruf, est impressionnante.

D’un noir digne d’un Soulages au mieux de sa forme (il faut en effet un plateau le plus sombre possible pour permettre les manipulations de marionnettes), jusqu’aux dorures très bling-bling, le décor est absolument magnifique.
Des « tables » roulantes aux multiples fonctions (qui permettent de déclencher bien des surprises...) sont utilisées avec beaucoup d’ingéniosité.
La chaise à porteurs, très œuf de Fabergé, de M. Jourdain est elle aussi drôlissime. Rien n’est laissé au hasard !


Et puis comment ne pas évoquer les magnifiques costumes, toujours imaginés par Vanessa Sannino ?

Eux aussi noirs ou dorés, ne caractérisant ni géographiquement, ni temporellement un lieu ou une époque, eux aussi tirent sur le noir ou l’or.

Les costumes « turcs », faits de bric et de broc, sont tout aussi réussis et drôles.


Quant à la musique de Lully, elle est bien présente, arrangée par Mich Ochowiak et Ivica Bogdanič. Nous reconnaissons sans peine les grands airs, joués aux trompettes, trombone et autre soubassophone.

Quant à M. Jourdain, qui connaît donc un peu la musique, c’est l'énorme saxophone basse qu’il régale nos oreilles.

L’ovation qui attend les comédiens dès le premier salut, les « bravo ! » qui fusent, les spectateurs qui se lèvent sont là qui ne trompent personne quant au plaisir et au bonheur procurés par cette somptueuse entreprise artistique.

Au risque de me répéter, ce Bourgois gentilhomme à la sauce Christian Hecq - Valérie Lesort restera dans les annales théâtrales.
Il faut absolument l’aller découvrir, sa première exploitation ayant été interrompue la saison passée en raison de la pandémie que l’on sait.
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Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor