- Théâtre contemporain
- Lucernaire
- Paris 6ème
Dieu Habite Düsseldorf

- Lucernaire
- 53, rue Notre-Dame-des-Champs
- 75006 Paris
- Notre-Dame-des-Champs (l.12)
Le texte Dieu Habite Düsseldorf est décomposé en sept séquences mettant en scène deux hommes : Monsieur 1 et Monsieur 2.
Chacune présente l’un des personnages en homme médiocre, timide, inapte, inoffensif, jamais en révolte. Ils ne sont pas des héros mais plutôt des zéros qui s’empêtrent dans des discussions irrésistibles sans queue ni tête.
Monsieur 1 et Monsieur 2 sont des êtres sans nom de famille, numérotés, purs produits d’un monde qui couve et contrôle des inadaptés, des handicapés, des incapables. Aussi angoissés et plus désemparés que jamais, ils parlent de tout et de rien et surtout n’importe comment.
Leurs dialogues loufoques sont peut-être, au fond, l’inventaire désenchanté d’une contemporaine et irrémédiable solitude.
Une comédie loufoque et cruelle par le maître du non-sens où deux hommes cherchent désespérément à corriger leurs incapacités pour devenir enfin banals comme tout le monde.
Costumes en tergal, chaussures en faux cuir, voilà deux anti héros qui s'explorent l'un l'autre à tour de rôle au cours de dialogues improbables.
Deux loustics qui pourraient dire "Euh, je suis plus Robert que Redford !"
Bref, vous voyez le tableau.
Sous forme de sketches, des situations absurdes, chères à Sébastien Thiéry, s'enchaînent.
Mises en scène de façon très astucieuse par les deux compères.
Drôles et surprenantes au début - en particulier la scène savoureuse sur le monde du travail - leurs discussions perdent leur saveur au fil du spectacle.
Le texte accuse des faiblesses, les situations fonctionnent moins bien, les rires s'étiolent ....
Malgré le talent indiscutable des comédiens, l'absurde lui même devient un peu banal.
Dommage.
Alors il faut vous préparer à un moment particulier en montant au Paradis car un humour décapant vous attend. Une fois installé votre curiosité va être piquée. Les deux comédiens installent des panneaux face aux spectateurs. Deux hommes discutent et on reste un peu à part. On les entend échanger. Puis on comprend ce qui se passe et les panneaux s'ouvrent. Nous voilà les dindons de la farce et pour le plus grand plaisir de tous car personne ne s'attendait à cette chute. En plus comment ne pas être charmé de tant d'intelligence et de dérision.
En plus, les histoires plus acadabrantesques les unes que les autres conservent leur impertinence. Les rires ne cessent de se faire entendre et c'est bien normal. On nous emmène là où l'on ne s'attend pas. Les dénouements nous prennent par surprise et l'on se réjouit. Outre l'écriture pointue et précise de Sébastien Thierry, les comédiens et metteurs en scène sont fabuleux. Renaud Danner et Éric Verdin jouent avec leur physique en portant des costumes des années 70. Leur complicité et leur indéniable talent subliment les récits. Pas besoin de décor à outrance non plus, quelques panneaux blancs amovibles, deux chaises, un vieille ordinateur et l'affaire est dans le sac.
Il ne faut rien de plus pour se sentir emporté vers cet ailleurs loufoque et au combien plaisant. On rit simplement de cette tranquillité apocalyptique sans pitié et décalée.
Il y a aussi le blanc et l'orange.
C'est dans un étrange univers immaculé, fait d'un grand cyclo blanc au lointain et de portants d'hôpitaux amovibles servant à isoler les malades que nous sommes reçus au Paradis du Lucernaire.
Du blanc, donc. Avec quelques accessoires orangés qui viendront détoner tout au long du spectacle.
Un fauteuil, une laisse, un téléphone, un casque de protection auditive...
Une esthétique qu'on pouvait croiser dans les années 70-80 pour parler d'un possible avenir.
On pense évidemment à Kubrick et son Orange mécanique, on pense également au feuilleton Cosmos 1999.
Ce qui est certain, c'est que nous ne savons pas où nous sommes. Avec un sentiment presque de malaise, généré par ce blanc stérile, immaculé, clinique.
Sébastien Thiery a écrit cette pièce, sa deuxième, en 2006.
D'entrée de jeu, il se pose en fils spirituel de Ionesco, Beckett ou encore Pinter.
Son théâtre est un théâtre de l'absurde.
Nous allons assister à sept sketches à la fois désopilants et par certains côtés souvent inquiétants.
Dans un futur indéterminé, deux hommes seront face à face. A chaque fois, il y aura un dominant et un dominé, un sachant et un ignorant, un naïf et un pétri de certitudes...
Le tout dans des situations surréalistes, qui vont déclencher très souvent l'hilarité du public.
Nous ferons la connaissance, en vrac, d'un imbécile venant faire diagnostiquer son imbécillité par un médecin, d'un homme sans zizi désirant en acheter un, mécanique ou électrique, auprès d'un vendeur ô combien spécialisé.
Nous rencontrerons un type sans amis ayant poussé la porte d'une agence proposant un catalogue de copains hypothétiques, nous aurons devant nous un quadragénaire qui a fait empailler son père vivant, sans oublier ce comptable responsable d'innombrables faillites, banqueroutes, dépressions nerveuses et autres suicides.
Nous sommes dans un monde d'incapacités, un univers où le manque (d'amis, de famille, de parents, de sexe et autres) domine. Ces deux-là seront condamnés à discuter, échanger entre eux.
Le dernier sketch nous fera comprendre le titre. La figure de la Mère, elle aussi assez extra-ordinaire, nous vantera les douceurs de Düsseldorf.
On l'aura compris, Sébastien Thiéry, par le biais de ces saynètes d'une féroce drôlerie et d'une drôle de férocité nous tend un miroir.
Le miroir de nos sociétés plus modernes les unes que les autres, à la fois dérisoires et surréalistes.
Il force à peine le trait. Juste pour nous faire réfléchir à notre condition d'hommes et de femmes ordinaires plongés dans des mondes qui le sont moins.
Eric Verdin et Renaud Danner s'en donnent à cœur joie !
Dans des costumes eux aussi très années 70-80, ils vont être ces deux hommes qui vont échanger ces propos drôles, parfois acides et féroces, toujours tirant sur l'absurde.
Dans un premier temps, ils vont s'adresser au public, jouant avec les spectateurs.
Nous allons passer pour des imbéciles, et ceci va nous faire beaucoup rire.
Les deux sont très pince-sans-rire.
Il le faut, pour faire ressortir le côté surréaliste de ces dialogues.
Ils vont déployer chacun une très large palette de jeu, afin d'interpréter tous les rôles de cette farce futuriste, et de nous faire vivre les décalages des situations absurdes.
Ils se partageront les emplois, et vont beaucoup nous amuser.
Tour à tour, ils seront ces loosers magnifiques, ces médecins et spécialistes en tous genres, Clown blanc et Auguste de l'absurdité généralisée, Vladimir et Estragon ultra-modernes.
De remarquables et intenses interprétations.
Cette heure et quart passe beaucoup trop vite.
Une heure qui vous plonge dans un monde et un univers étranges, hilarants et déconcertants.
C'est un très beau moment de théâtre !
Sébastien Thiéry, l’auteur de cet ovni, a son univers bien à lui, inclassable.
Le texte est joussif, direct, sans fioritures et va à l’essentiel. Les relations sont épurées, et libres. Tout semble simple et clair dans cet univers étrange. Les répliques percutantes font mouche et les situations improbables se succèdent, plus étonnantes les unes que les autres.
La pièce est une succession de sketchs dans lesquels les deux personnages vivent tour à tour des petites aventures d’un quotidien absurde et décalé. Ces scènes pourraient se passer dans le futur ou dans un univers parallèle. Pour les personnages pourtant, tout semble normal, logique et habituel. Ce sont des petits, des isolés, des inaptes, des imbéciles heureux, des gentils inoffensifs. Ils ne se révoltent jamais mais acceptent leur réalité avec calme et même bonheur.
Ils sont terriblement pathétiques mais étrangement on ne les plaint pas car ils semblent sympathiques et heureux. Ils sont finalement assez émouvants et touchants.
C’est pourtant une vision assez sombre qui plane derrière l’aspect comique de ce spectacle. On assiste en effet à de petites tragédies du quotidien, situations insolites et absurdes que les personnages traversent tranquillement avec dérision et résignation.
C’est ce décalage bien sûr qui est hilarant. Le jeu hyper naturel des comédiens Éric Verdin et Renaud Danner y est d’ailleurs pour beaucoup. C’est subtil et intelligent.
Une pièce loufoque et cocasse.
On rit beaucoup !
On ne s'ennuie pas un instant, on se laisse aller, on rit car il y a une bonne dose d'humour avec toujours en toile de fond de la dérision et de l'émotion. Une comédie décalée et décapante, un regard fin et acéré sur nos petites vies et un très bon duo de deux comédiens Eric Verdin et Renaud Danner qui forment une paire formidable en interpellant le spectateur. C'est donc un univers particulier dans lequel l'absurde est quotidien avec des individus singuliers. Bon moment à toux ceux qui apprécient le second degré.