Critiques pour l'événement Tempête en juin
7 janv. 2020
7/10
17
Voilà que je retrouve à nouveau Franck Desmedt pour un seul en scène qui décidément lui va plutôt bien. On peut à nouveau saluer sa performance car il incarnera de nombreux personnages dans cette débâcle française, et avec beaucoup de vivacité.

On assiste à un panel de situations allant du comique au tragique, avec des personnages allant de la bonne famille bourgeoise aux employés de bureaux. Le texte n'est pas immémorable - j'en ai d'ailleurs oublié les contours exacts après quelques temps - et la mise en scène sobre mais on ressort tout de même enthousiaste de ce spectacle qui narre une histoire peu contée, pourquoi s'en priver ?
2 janv. 2020
8/10
17
Franck Desmedt avec son physique de M. tout le monde va incarner des familles. A sa manière, avec un léger changement de voix, de comportement va être le grand-père handicapé, la mère protectrice, le mari volage, l'amante amoureuse, le garçon qui veut devenir un homme...

Au début, on se surprend qu'il soit seul puis très vite, il sait nous toucher, nous embarquer dans son univers. Il bouge la chaise et nous changeons de lieu, de personnages... Le texte trouve le bon équilibre entre les scènes descriptives et le ressentis de chacun dans cette aventure improbable vers la liberté. L'ennemi est partout aussi bien dans la ville, les campagnes, les bois, les gares, les ponts... Quand l'horreur vient frapper au hasard, on se rend de la valeur de certains êtres. Ce n'est pas parce qu'on choisit d'être religieux qu'on aime son prochain et ce n'est pas parce qu'on est riche qu'une bombe ne peut pas s'écraser sur vous.

Mais pour chacun d'entre eux, nous apprenons à avoir de la compassion. Qui n'aurait pas peur face à la mort quand il y a tellement de choses à vivre? Franck Desmedt trouve pour ces personnages toujours le juste ton qu'il soit jeune, vieux, homme ou femme. Et ce n'est pas une chose facile car il en interprète une quarantaine. Même le chat n'est pas en reste. Il faut dire que cela faisait longtemps que je n'ai pas vu un homme donner autant de caractère à un félin. Sous l'imperméable beige se cache un comédien brillant qui semble aussi humble qu'habile. Faut-il s'étonner qu'il a reçu le Molière du comédien l'année dernière pour son second rôle dans "Adieu Monsieur Haffmann"? Cet artiste possède un talent de conteur hors pair qui sait pendant plus 1h00 tenir un rythme ténu avec toujours la même fougue et la même passion. Bravo Monsieur.
24 nov. 2019
10/10
20
L'acteur est extraordinaire. Un seul en scène qui passe très vite. Beaucoup de subtilité dans les personnages et un bien belle histoire sur la grande histoire.
21 nov. 2019
8,5/10
21
1940, bombardement de Paris, entrée des troupes allemandes, c’est l’exode, la fuite n’importe où, chez des amis ou dans la famille en province.

Nous suivons les péripéties d’une famille bourgeoise, les Péricand dont l’un des fils est prêtre, l'aîné est au front. Il y a aussi Corte, écrivain imbu de lui-même, et aussi celle du personnel d’un bureau, ces hommes, ces femmes sont jetés sur les routes.

On les suit dans tous les endroits, les villages, les gares, les bois. Certaines scènes sont de vraies farces, d’autres sombrent dans la tragédie. En fait, le récit pour moi est plein de compassion pour les personnages, quand bien même ils peuvent paraître odieux.

Il fallait un comédien de la trempe de Franck Desmedt pour incarner à lui seul, les personnages, hommes, femmes et même le chat ! Il a pour chacun une attitude, un mouvement, un trait de caractère, de la bourgeoise dépassée par les événements, du vieillard grincheux, du jeune homme exalté prêt à en découdre, de la petite fille, de l’écrivain odieux avec sa maîtresse. Performance due à la direction d’acteur de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte.
15 nov. 2019
9/10
22
Une chaise, une valise, un imperméable, Franck Desmedt et une mise en scène de Virginie Lemoine ! Un complément indispensable une suite française d'Irène Némirovsky !! Un seul en scène aux multiple personnages, obligés de tout quitter, avec l'angoisse et la peur, le risque sur la route de l'exode !?!
18 oct. 2019
9/10
26
Incroyable de nous tenir en haleine pendant plus d’une heure avec une mise en scène aussi sobre ! Quel acteur de talent !
Certes le texte est magnifique mais il sait, grâce à sa diction, son ton, son jeu, le sublimer. Il parvient, seul sur scène, à nous faire suivre, sans confusion et sans ennui, la vie et les ėmois de nombreux personnages lors de l’exode parisien après les premiers bombardements.
C’est intéressant, émouvant, même, parfois drôle et tellement plaisant d’entendre, si bien interprété, un récit dont l’écriture ciselée est remarquable.
13 oct. 2019
9,5/10
12
La rentrée théâtrale est au moins aussi bonne que le cru estival avignonnais. Certains spectacles y figuraient déjà comme Suite française qui après deux festivals arrive à Paris mais d'autres sont nouveaux, comme Tempête en juin dont la création a eu lieu ce soir, en avant-première, au Théâtre la Bruyère.

C'est peut-être le texte le plus émouvant écrit par Irène Némirovsky parce qu'on devine qu'il est peu romancé. Et néanmoins les ressorts comiques sont multiples (je ne m'en souvenais pas).

On aurait pu le croire inadaptable au théâtre puisqu'il comporte une quarantaine de rôles. C'était sans compter sur la détermination de Virginie Lemoine et de Stéphane Laporte qui ont admirablement adapté ce roman, comme ils l'avaient fait avec le précédent.

C'était sans compter aussi avec le talent de Franck Desmedt qui passe d'un personnage à l'autre en une fraction de seconde. Il est époustouflant. On a le sentiment que les 39 personnages sont tous sur scène au même moment ... même le chat.

Nous sommes en juin 1940 avec lui (avec eux) sur la route de l'exode et pour ma part il étaient bien plus nombreux encore car se sont joints ma grand-mère, mon grand-père, ma mère, mon arrière grand-mère, leur carriole tirée par leur cheval infatigable. Ne manquait que le chien qui s'était donné pour mission (pleinement réussie) de défendre la maison éventrée par les bombes (mes grands-parents habitaient tout près de la gare de Soissons) où nous pûmes beaucoup plus tard récupérer mobilier, vaisselle et autres effets qu'il n'aurait pas raisonnable d'emporter pendant la fuite.

Ce que nous donne à voir Franck Desmedt (Molière du comédien l'année dernière pour son second rôle dans Adieu Monsieur Haffmann) est prodigieux puisqu'il rend parfaitement le caractère de chacun des personnages, lâche ou courageux, simple ou extravagant, homme, femme ou enfant, jeune ou vieux ... et même tous les autres qui ont été pris dans cette tourmente. Chacun son désastre.

Ce qu'il nous donne à entendre est aussi savoureux et situe l'âge des personnages, sans oublier la radio. Son affirmation "je ne peux pas y croire" est très drôle. Qui s'attendait à rire dans un tel contexte ? C'est une des qualités du spectacle et la tragédie ne perd pas de force car on sait combien elle fut réelle. La plume de l'auteure est sans concession et raille nos comportements. c'est vrai, à bien y réfléchir, qu'il est peut-être stupide d'habiller des morts ... destinés à pourrir sous la terre.

C'est peut-être cet imperméable et la coupe de cheveux, ou parfois la diction, qui font penser à Francis Huster, avec quelques années de moins et un talent augmenté.

J'ajoute que les lumières sont extraordinaires pour sculpter les atmosphères et la musique a été composée "sur mesure" si je puis me permettre.

Tempête en juin étant programmé à 19 heures en semaine (à 15 h le samedi), on peut fort bien enchainer avec Suite française et passer ainsi une soirée Némirovsky. Cet enchainement a été très applaudi ce soir. Le couple s'accorde à merveille.
7 oct. 2019
9,5/10
8
Au théâtre de la Bruyère sont proposées deux pièces à la suite l’une de l’autre « Tempête en juin » puis « Suite française », tirées des deux tomes existants du roman ‘Suite française’, d’Irène Némirovsky, adaptées et mises en scène par Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Les deux pièces peuvent se voir de façon indépendante mais pour les avoir vues à suite l’une de l’autre, c’est un moment intense que je recommande.

Irène Némirovsky est russe, née en 1903 et issue d’une famille juive. Elle reçoit une éducation très complète et apprend le français. Lorsqu’elle fuit la révolution russe, elle se retrouve en France et c’est le début d’une période trop courte de sa vie puisqu’elle sera arrêtée en 1942 et déportée à Auschwitz. Point histoire littéraire : c’est le seul écrivain à avoir reçu le prix Renaudot à titre posthume pour ce roman inachevé « Suite française » car des suites étaient prévues, quatre au total, mais la guerre est passée par là.

Très bon moment qui traite pourtant d’une période sombre de notre Histoire : les années 1940 et 1941 en France, mais Irène Némirovsky saura nous faire voir la lumière à travers de jolies tranches de vie.
C’est seul en scène que Franck Desmedt joue le premier tome « Tempête en juin ». Le 03 juin 1940, des bombes tombent à proximité de Paris, la capitale se vide de ses habitants fuyant en mode désordonné. Il faut saluer le travail ingénieux d’adaptation et de mise en scène réalisé par Virginie Lemoine et Stéphane Laporte car c’est une quarantaine de personnes que nous allons voir évoluer au cours de cet amer exode joué par un seul comédien qui m’a subjuguée, il ne ménage pas sa peine pour changer en une fraction de seconde de personnage, d’allure, de voix,… Les ombres et lumières de Denis Koransky servent le jeu de Franck Desmedt à merveille. Il peut être dans la même minute une mère de famille qui veut protéger ses enfants, un grand père en fauteuil roulant et un chat (Oui vous avez bien lu !).
L’ensemble a réussi à me faire sourire et à m’émouvoir. Le texte est fort, l’adaptation est très pertinente et Franck Desmedt a gagné mon admiration.

Bref un beau mélange que je vous recommande à nouveau.
24 sept. 2019
9/10
13
Franck Desmedt, Molière du comédien dans un second rôle en 2018, pour son rôle dans Adieu Monsieur Haffmann , semble désormais adepte des seuls en scène. Après “voyage au bout de la nuit”, il récidive pour notre plus grand bonheur avec “tempête en juin”.
Avec pour seul décor une chaise, et seuls accessoires un imperméable, un chapeau ( couvre chef pour couvre feu…) et une valise, Franck Desmedt déroule le film avec la précision d’un horloger tant dans sa gestuelle, que dans ses mots, ses intonations: tout est là, en place ! Oui, nous sommes au théâtre mais le film est bien là tant nous sont offerts tous ces détails qui permettent de visualiser ces décors.

Il y a ces moments de courses folles de l’exode bataille où la peur, la panique, la tension, la violence sont palpables tant les rythmes sont intenses, les textes denses et les souffles courts mais il y a aussi ses pauses d’humour, de tendresse, ces scènes ubuesques. 60 minutes qui filent, défilent et tissent un lien fort avec ces histoires concomitantes où les transitions s’immiscent sans heurt, coulent depuis leur source, fluides, vivifiantes !

La mise en scène de Virginie Lemoine est au cordeau , un jeu de lumière, quelques mélodies savamment placées et des bruitages suffisent à planter les décors tant le réalisme du jeu de cet acteur est impressionnant.

Pas moins de 39 personnages (chat compris !) ; comme une palette haute en couleur pour dépeindre chacun avec force de détails croustillants, joyeux et tendres malgré la violence du moment évoqué, la Guerre et ses impacts sur les civils.

Un grand bravo pour la mise en scène , la mise en lumière et le choix des sonorisations : quelle belle concorde, une congruence, une harmonie, un moment de théâtre comme on les aime !

Nul doute que Franck Desmedt sera à nouveau récompensé pour son talent ! Chapeau Bas Cher Monsieur !

Magnifique acteur que Franck Desmedt qui était déjà incroyable de talent dans "Voyage au bout de la nuit"... mise en scène et adaptation d'une grande justesse .... La Comédie française et certain Théâtres subventionnés pourraient prendre quelques cours de vrai Théâtre.

1
Mercredi 9 octobre 2019
18 sept. 2019
9/10
11
... Un spectacle servi avec une chaleur profondément touchante et parfois souriante par une mise en scène précise et délicate, et une interprétation d’excellence. Je recommande vivement.
17 sept. 2019
9/10
8
Les lumières s’éteignent et il entre, costume cravate et imperméable impeccable, la valise à la main. La prestance du comédien, dont toute l’attention est tendue vers nous, impressionne et le silence se fait dans la salle.

C’est alors qu’il débute son récit, sa voix n’est qu’un murmure mais l’attention est déjà à son comble, en quelques secondes Franck Desmedt arrive à capter son auditoire. La pièce repose sur ses épaules et son interprétation est brillante. Il joue l’intégralité des personnages, animaux compris, contrôlant à merveille les ruptures, le rythme et les modulations de son récit, créant tensions, suspense, émotions et rires. Son jeu est juste et délicat. On est véritablement fasciné du début à la fin.

J’avais déjà été captivée par son talent dans Voyage au bout de la nuit et je commence à me demander ce qu’il serait capable de faire avec la lecture du bottin…
Quel incroyable conteur !

Tempête en juin est l’histoire d’une fuite, une histoire de migrants fuyant la guerre et la violence. Juin 1940, Paris se vide, c’est, pour tous ceux qui peuvent, l’exode, loin de cette capitale que les allemands vont envahir d’un jour à l’autre. Quelque soit leurs moyens, leur métier, leur situation familiale et leur niveau social, c’est le départ précipité vers le sud pour la plupart des parisiens, en voiture, en train ou même parfois à pied.
Cette pièce raconte la persévérance, les peurs, les espoirs, les doutes de chacun mais elle met également en évidence les bassesses, les lâchetés et les vanités de certains.

La délicate mise en scène de Virginie Lemoine accompagne avec sobriété et intelligence le comédien. Le décor est épuré : une chaise et une valise qui se transforment au grès des scènes en train, rocher, bicyclette…simple et efficace. Les liaisons entre les scènes sont particulièrement réussies, fluides et ingénieuses elles n’interrompent pas le fils de l’histoire et l’ensemble est incroyablement fluide.

L’accompagnement sonore (avec les tendres musiques de Stéphan Corbin), les très jolies illustrations de Sylvain Bossut et la création lumière de Denis Koransky participent à nous mettre dans l’ambiance.

Au sortir du théâtre j’entends 2 dames qui commentent « j’avais l’impression d’être au cinéma ». C’est assez juste, Franck Desmedt nous a vraiment donné à voir des images (ses souvenirs pourrait on presque dire). Il nous a raconté cette histoire comme s’il l’avait vécue.

Une réussite !
12 sept. 2019
9/10
17
Tempête en Juin est le premier volet de « Une suite française » d’Irène Mémirovsky dont - elle reçut le prix Renaudot à titre posthume, en 2004. Irène Mémirovsky est décédée Auschwitz en juin 1942.
Ce roman retrace l’exode des Parisiens, les premières bombes sont tombées, nous sommes en juin 1940. A travers une quarantaine de personnages Irène Memirovsky nous conte avec clairvoyance, perspicacité et humour leur fuite devant l’ennemi.

Qu’ils soient bourgeois, employés, ouvriers. Tous sont égaux devant l’incertitude du lendemain.
Que prendre avec soi ; des souvenirs ? des objets unitaires ? des biens précieux ?
C’est la débâcle dans sur les routes ; en voiture, en charrette, à pied chacun se bat pour soi-même…
Arriveront-ils à destination ?

Franck Desmedt avec grand brio fait revivre sous nos yeux ces parisiens perdus, effrayer et fuyant par tous les moyens la capitale.
*Monsieur et Madame Péricand petits bourgeois partant dans leur propriété de Nîmes. Perdus dans les préparatifs.
*Le beau-père de Madame Péricand oublié en chemin par elle-même.
*Hubert leur fils cadet fuguant pour rejoindre l’armée.
*Gabriel Corte écrivain fuyant vers vichy en compagnie de sa maitresse.
*Maurice et Jeanne Michaud employé de banque devant rejoindre leur directeur à Tours et n’ayant plus de train.
Et bien d’autres protagonistes tous hauts en couleur.
Dans un décor minimaliste, seul sur scène ayant pour simple accessoire une valise, Franck Desmedt, par sa gestuelle expressive, ses modulations de voix et son merveilleux talent, donne vie avec finesse, profondeur et humour à la quarantaine de personnages de ce roman.

Personnages parfois héroïques, audacieux et braves, parfois perdus, désorientés et égoïstes dans cette période d’exode et de déchirement des années de guerre.

Un vrai bijou autant pour ce texte magnifique et plein de finesse d’Irène Némirovsky que pour l’interprétation de Franck Desmedt qui nous émeut, nous captive et nous ravit.
10 sept. 2019
10/10
9
« Tempête en juin » & « Suite française », d’après les deux tomes de Suite française, d’Irène Némirovsky, adaptés et mis en scène par Virginie Lemoine et Stéphane Laporte au théâtre la Bruyère sont une folle épopée qui apporte de la bonne humeur, du rire, de la vie, dans cette période plus que troublée que l’Europe a traversée.

Irène Némirovsky, née à Kiev en 1903, romancière russe, issue d’une famille juive, ce qui lui causera sa perte par la folie d’un homme, des hommes, reçoit une éducation imprégnée de culture française. Toute la famille fuit la révolution russe pour se retrouver, après un périple, en France et c’est le début d’une belle aventure, trop courte, où elle y trouvera l’amour.
Elle est le seul écrivain à avoir reçu à titre posthume le prix Renaudot pour son roman inachevé « Suite française ». Des suites étaient prévues, quatre au total, mais son destin en a malheureusement décidé autrement.

Franck Desmedt débute cette soirée avec « Tempête en juin », il m’avait bouleversé dans son seul en scène « Voyage au bout de la nuit » au Lucernaire, il m’a une nouvelle fois impressionné par son interprétation magistrale, digne d’un Molière, du texte d’Irène Némirovsky, intelligemment adapté et mis en scène par Virginie Lemoine et Stéphane Laporte. Ils ont trouvé le comédien idéal pour une telle entreprise. La fluidité de leur mise en scène, remplie de lumière, met en exergue le monumental travail de précision que Franck Desmedt nous présente sur scène.
Pendant plus d’une heure vont défiler sous nos yeux une quarantaine de personnages fuyant la capitale : c’est l’exode.
Nous sommes le 03 juin 1940, des bombes tombent sur Paris, en quelques heures les habitants désertent la capitale.

C’est un moment savoureux que Franck Desmedt dépeint avec tout son talent, avec entre autres, les illustrations de Sylvain Bossut.
Nous sommes en osmose, nous sommes partie prenante, de cette course folle, de cette fuite, vers un semblant de liberté, de calme, de vie.
Accompagné par quelques notes sublimes de piano composées par Stéphane Corbin qui m’avait enchanté dans « Michel for ever » toujours à l’affiche au Poche Montparnasse, Irène Némirovsky transcrit dans une lucidité surprenante, avec une multitude de détails, les travers de ses contemporains que Franck Desmedt restitue à cent à l’heure : dans une diction parfaite, pas une syllabe ne manque à son récit.
Qui dit exode, dit course, dit fuite devant l’envahisseur. Il faut sauver sa peau, sauver tout ce que l’on peut emporter avec soi dans la panique d’un départ précipité.
La force de l’auteur, du comédien, est de nous faire vivre, ce qui est au demeurant tragique, une tranche de vie aux intonations joyeuses.
La virtuosité de Franck Desmedt, dans son imperméable et sa simple valise, est par un regard, un sourire, une intonation, un geste, de brosser dans une précision folle les défauts, les faiblesses, l’âme des personnages.
A noter la prouesse technique du régisseur qui suit les changements, au quart de seconde, du jeu de Franck Desmedt.
Qu’il soit le patriarche sur son fauteuil roulant, que l’on oubliera sur le bas côté (un moment d’anthologie), le chef de famille dépassé par les événements, ou encore le fils qui ne songe qu’à une chose, s’engager pour défendre la patrie, eh bien rien n’est laissé au hasard, chaque touche de peinture que dépeint cette fresque nous émeut, nous fragilise, nous fait rire et nous accueillons la fin de cette histoire l’âme remplie de bonheur : nous sommes vivants !

La soirée se poursuit avec « Suite française ».
Nous sommes en 1941 et l’envahisseur s’installe de plus en plus en France, aux dépends des autochtones qui n’ont pas leurs mots à dire concernant la réquisition de leurs habitations : pour l’instant dans un village de Bourgogne.
L’officier Bruno von Falk, de la Wehrmacht, prend ses quartiers chez Madame Angellier, dont le fils est prisonnier de guerre et qui vit avec sa belle-fille.

La rencontre de cet officier et de la belle-fille sonne comme un coup de foudre, un coup de tonnerre au milieu de la nuit noire, de la nuit envahissante. Un amour qui se veut impossible, contre nature, un amour à sens unique, quoique…
Une contradiction qu’Irène Némirovsky a admirablement développée dans cette histoire mise en scène subtilement, sans appuyer les effets, par Virginie Lemoine : elle a laissé vivre l’émotion, la pudeur des voix, des actes.

La question se pose : comment réagir ? La réponse est facile pour nous spectateurs, nous qui sommes en dehors du propos : pour la sainte morale, pour tous les morts, la fusion ne peut avoir lieu.

Comment se comporter quand délaissée par son mari, le lendemain de son mariage, un homme vous fait revivre cette flamme qui vous avait exaltée auparavant ? Faut-il s’enfermer dans une fidélité non partagée ou laisser parler son cœur ? Bien malin celui qui a la réponse.

Encore une fois avec beaucoup de détails Irène Némirovsky a sublimé, développé, par une richesse des répliques, les échanges des personnages, décrit leurs natures profondes : des arrangements les plus mesquins aux actes les plus courageux.
Vient se greffer à cette historie d’amour interdite, cette farandole, la vie des villageois, un fait de résistance qui bouleversera leur train-train quotidien.

Avec une musique aérienne toujours de Stéphane Corbin, une musique qui fait le lien entre les deux pièces et dans un décor aux ombres et transparences bien étudiées de Grégoire Lemoine, sous des lumières de Denis Koransky, évolue cette « Suite française avec ses personnages, hauts en couleurs, en générosité, jouée tout en émotions par six talentueux comédiens.
Béatrice Angevin, est parfaite dans son rôle de Madame Angellier, une mère tout en deuil, exaspérée par la venue de cet officier, qu’elle considère comme un viol.
Irène Némirovsky s’est amusée à dépeindre ce conflit mère-fille, qu’elle a vécu, avec le rôle de la belle-fille joué tout en nuances, en émotions, à fleur de peau par Florence Pernel. Elle transcrit magnifiquement son tiraillement entre sa passion naissante et sa raison.
Quant à l’officier allemand joué avec brio par Samuel Glaumé, c’est la déstabilisation assurée. Comment lui résister ? Il a tous les atouts pour vous faire succomber, oublier qu’il représente l’envahisseur, l’ennemi.
Vient se greffer autour des ces personnages, la truculente bonne, jouée dynamiquement par Emmanuelle Bougerol, elle est le rayon de soleil qui vient réveiller la nuit.
Puis le personnage de l’aristocrate, la dame patronnesse roublarde, joué ludiquement par Guilaine Londez, à la réplique succulente pour maintenir ses privilèges au détriment du commun des mortels : on ne mélange pas les torchons avec les serviettes.
Et pour finir, le trublion, celui qui va faire basculer cette histoire et révéler la vraie nature des protagonistes : le cousin, le paysan nature, tout en logique, joué sincèrement ce soir par Cédric Revollon (en alternance avec Gaétan Borg que j’avais découvert dans « Michel for ever »).

Un spectacle exceptionnel qu’il faut absolument voir, le mieux les deux pièces à la suite. Vous ne le regretterez pas !
Même si vous avez eu la chance de découvrir « Suite française » à Avignon, l’enchaînement des deux histoires n’en fait qu’une. On retrouve dans « Suite française » des personnages, des situations, des anecdotes de « Tempête en juin », un clin d’œil réconfortant.