Ses critiques
160 critiques
8/10
De l'Indochine je ne connais finalement pas grand-chose. Il y a le très beau film de Régis Varnier avec Catherine Deneuve, "L'Amant" de Marguerite Duras, cet oncle qui avait "fait l'Indochine" mais jamais n'en parlait, comme une tache honteuse et indélébile sur sa vie, et ce pays exotique où se situent les racines d'une ex-collègue mais sur lequel elle aussi gardait un voile pudique.
Parce que ce n'est pas non plus dans les manuels de mes cours d'histoire du lycée qu'il en était question. C'est avec tout cela en tête que j'abordais le spectacle de Caroline Guiela Nguyen. La metteuse en scène de 36 ans nous raconte deux pans de l'histoire : Saïgon 1956, la fin d'une époque, la route de l'exil pour certains, et Paris 1996, date d'un retour qui est enfin possible pour ces Viet Kieu. Entre-temps l'Indochine est devenue le Vietnam, Saïgon est devenue Ho Chi Min Ville, le napalm a imprimé d'autres images dans les esprits, mais là n'est pas le propos de la dramaturge franco-vietnamienne.
SAÏGON 1956 - PARIS 1996
Nous sommes dans le restaurant de Marie-Antoinette. Un restaurant vietnamien comme il en existe tant en France. La scène, un décor empreint de nostalgie, se prête avec réussite aux allers-retours entre ses deux dates, celle du départ et celle du retour, les confondant parfois dans un glissement très cinématographique. Marie-Antoinette (la délicieuse Anh Tran Nghia), la maîtresse des lieux à la joviale bonhomie accueille une clientèle fidèle. D'une époque à l'autre on retrouve les rires et les larmes, les jeunes et les vieux, les séparations et les retrouvailles, les drames du pays et les cassures individuelles. Comédiens français et vietnamiens se côtoient dans ces deux univers temporels. Il y a des chants nostalgiques, des non-dits, des éclats de voix, et beaucoup de solitude et de tristesse retenue.
"Car c'est ainsi que se racontent les histoires au Vietnam, avec beaucoup de larmes"
AU PLUS PROFOND DE L'INTIME
Au travers ces tranches de vie de Viet Kieu (Vietnamiens de l'étranger) Caroline Guiela Nguyen livre avec beaucoup de pudeur les douleurs héritées de l'Histoire, celle de l'exil forcé, des difficultés à être accepté dans ce Paris du XIIIe arrondissement, de la violence faite aux générations métisses par leur pays d'accueil ou par le silence des aînés, de l'espoir d'un retour, du temps perdu que l'on ne rattrape plus. Des émotions authentiques fruit des récits recueillis par la dramaturge à Ho Chi Min Ville et à Paris.
La metteuse en scène ne s'attarde pas sur la fin du colonialisme. Ce qui l’intéresse c'est l'humain, l'âme et le cœur de ces oubliés de l'Histoire. Comme le ressenti d'Antoine (Pierric Plathier), fils d'une vietnamienne et d'un français, parti enfant de Saïgon et qui ne parle pas la langue de sa mère que cette dernière n'a pas voulu lui apprendre. De la difficulté de la transmission lorsque le souvenir du pays est trop douloureux. Les comédiens des deux nationalités sont empreints de cette douleur pudique et intériorisée, de cette nostalgie qui dévore de l'intérieur. Leur justesse de jeu nous touche au cœur. On touche à l'âme d'un peuple docile, pudique, blessé, qui ne s'épanche par sur ses états d'âme et n'étale pas ses sentiments. Antoine est l'image de la croisée de ces cultures : incompris de l'une comme de l'autre, seul avec le vide que l'Histoire a créé dans les vies de ces êtres déracinés, fantômes émouvants d'une époque révolue. Le récit s'étire, parfois un peu trop, et on regrette parfois que les personnalités ne soient pas toutes plus approfondies, mais on repart ému à défaut d'être bouleversé, avec en soi un fragment de cette tragédie franco-vietnamienne.
En bref : une fresque historique toute en pudeur, marquée par une forte nostalgie et une émotion contenue. Entre rires et larmes un pan d'histoire et des tranches de vie émouvantes qui nous plongent au cœur de l'âme d'un peuple blessé, écartelé entre deux cultures. Un très beau moment de théâtre qui tire peut-être trop sur le sentimentalisme ou le mélodrame pour en faire un spectacle complètement bouleversant.
Parce que ce n'est pas non plus dans les manuels de mes cours d'histoire du lycée qu'il en était question. C'est avec tout cela en tête que j'abordais le spectacle de Caroline Guiela Nguyen. La metteuse en scène de 36 ans nous raconte deux pans de l'histoire : Saïgon 1956, la fin d'une époque, la route de l'exil pour certains, et Paris 1996, date d'un retour qui est enfin possible pour ces Viet Kieu. Entre-temps l'Indochine est devenue le Vietnam, Saïgon est devenue Ho Chi Min Ville, le napalm a imprimé d'autres images dans les esprits, mais là n'est pas le propos de la dramaturge franco-vietnamienne.
SAÏGON 1956 - PARIS 1996
Nous sommes dans le restaurant de Marie-Antoinette. Un restaurant vietnamien comme il en existe tant en France. La scène, un décor empreint de nostalgie, se prête avec réussite aux allers-retours entre ses deux dates, celle du départ et celle du retour, les confondant parfois dans un glissement très cinématographique. Marie-Antoinette (la délicieuse Anh Tran Nghia), la maîtresse des lieux à la joviale bonhomie accueille une clientèle fidèle. D'une époque à l'autre on retrouve les rires et les larmes, les jeunes et les vieux, les séparations et les retrouvailles, les drames du pays et les cassures individuelles. Comédiens français et vietnamiens se côtoient dans ces deux univers temporels. Il y a des chants nostalgiques, des non-dits, des éclats de voix, et beaucoup de solitude et de tristesse retenue.
"Car c'est ainsi que se racontent les histoires au Vietnam, avec beaucoup de larmes"
AU PLUS PROFOND DE L'INTIME
Au travers ces tranches de vie de Viet Kieu (Vietnamiens de l'étranger) Caroline Guiela Nguyen livre avec beaucoup de pudeur les douleurs héritées de l'Histoire, celle de l'exil forcé, des difficultés à être accepté dans ce Paris du XIIIe arrondissement, de la violence faite aux générations métisses par leur pays d'accueil ou par le silence des aînés, de l'espoir d'un retour, du temps perdu que l'on ne rattrape plus. Des émotions authentiques fruit des récits recueillis par la dramaturge à Ho Chi Min Ville et à Paris.
La metteuse en scène ne s'attarde pas sur la fin du colonialisme. Ce qui l’intéresse c'est l'humain, l'âme et le cœur de ces oubliés de l'Histoire. Comme le ressenti d'Antoine (Pierric Plathier), fils d'une vietnamienne et d'un français, parti enfant de Saïgon et qui ne parle pas la langue de sa mère que cette dernière n'a pas voulu lui apprendre. De la difficulté de la transmission lorsque le souvenir du pays est trop douloureux. Les comédiens des deux nationalités sont empreints de cette douleur pudique et intériorisée, de cette nostalgie qui dévore de l'intérieur. Leur justesse de jeu nous touche au cœur. On touche à l'âme d'un peuple docile, pudique, blessé, qui ne s'épanche par sur ses états d'âme et n'étale pas ses sentiments. Antoine est l'image de la croisée de ces cultures : incompris de l'une comme de l'autre, seul avec le vide que l'Histoire a créé dans les vies de ces êtres déracinés, fantômes émouvants d'une époque révolue. Le récit s'étire, parfois un peu trop, et on regrette parfois que les personnalités ne soient pas toutes plus approfondies, mais on repart ému à défaut d'être bouleversé, avec en soi un fragment de cette tragédie franco-vietnamienne.
En bref : une fresque historique toute en pudeur, marquée par une forte nostalgie et une émotion contenue. Entre rires et larmes un pan d'histoire et des tranches de vie émouvantes qui nous plongent au cœur de l'âme d'un peuple blessé, écartelé entre deux cultures. Un très beau moment de théâtre qui tire peut-être trop sur le sentimentalisme ou le mélodrame pour en faire un spectacle complètement bouleversant.
7,5/10
Cela fait plusieurs années que la Compagnie Les 7 doigts de la main distille de par le monde son univers lunaire et poétique en nous réjouissant de numéros circassiens virtuoses. Après TRACES c'est au Bataclan que nous les retrouvons pour REVERSIBLE, un voyage explorant la mémoire et la transmission entre générations. Brillant
D'UNE GÉNÉRATION L'AUTRE
C'est la metteuse en scène Gypsy SNIDER qui est aux commandes de ce nouveau spectacle. Pour la création elle a demandé aux membres de la troupe de se plonger dans leurs souvenirs de famille, sur trois générations. Ces histoires sont devenues la trame de RÉVERSIBLE. Je vous l'accorde, même en ayant lu le pitch ce n'est pas forcément évident, mais franchement ce n'est nullement un frein pour apprécier le travail de ces artistes fabuleux.
Le spectacle s'ouvre sur un décor en avant-scène alignant des façades de maisons. Portes et fenêtres sont autant d'entrées et de sorties prétextes à acrobaties et farces. Puis les pans de murs n'arrêteront pas de bouger, côté pile, côté face, comme des permutations et d'aller-retour entre les générations, au fil des numéros, jusqu'au final éblouissant de poésie que je vous laisse le plaisir de découvrir.
UNE ENERGIE INCROYABLE
Pendant plus de 90 mn les numéros s'enchaînent portés par l'énergie incroyable des 8 circassien.nes qui ne quittent pas la scène. Entre virtuosité et poésie les huit artistes rivalisent d'inventivité. Quelles impressionnantes performances à la planche coréenne, au mat chinois, au tissu. Et quel beau moment de jonglage avec des casquettes. Impossible de citer tous les numéros qui se suivent comme un ballet, enchaînant les chorégraphies. Tous sont continuellement en mouvement.
Si l'ensemble peut paraître moins cohérent que CUISINES ET CONFESSIONS ou TRACES, ou plus ésotérique, ce nouvel opus reste un excellent moment et une très belle occasion de (re) découvrir le cirque contemporain québécois. Une énergie positive que l'on emporte avec soi en sortant de la salle. Des artistes qui innovent, semblant sans arrêt repousser les limites des difficultés. Le souci d'esthétisme est constamment présent, dans les décors, les costumes, la bande son recherchée.
Un dernier mot sur le lieu. Comme probablement beaucoup de personnes, l'idée de revenir au Bataclan n'était pas sans soulever une grande émotion. Impossible de ne pas penser au 13 novembre et aux victimes. Mais Le Bataclan doit vivre, c'est le meilleur moyen de répondre c'est de continuer à être dans la salle.
En bref : les virtuoses artistes et acrobates des 7 Doigts de la Main nous emportent à nouveau dans leur univers magique et poétique. Un opus plus conceptuel que les précédents mais toujours la même énergie et le même esprit positif. Du vrai spectacle vivant, multidisciplinaire, entre émotion et humour. A ne pas manquer.
D'UNE GÉNÉRATION L'AUTRE
C'est la metteuse en scène Gypsy SNIDER qui est aux commandes de ce nouveau spectacle. Pour la création elle a demandé aux membres de la troupe de se plonger dans leurs souvenirs de famille, sur trois générations. Ces histoires sont devenues la trame de RÉVERSIBLE. Je vous l'accorde, même en ayant lu le pitch ce n'est pas forcément évident, mais franchement ce n'est nullement un frein pour apprécier le travail de ces artistes fabuleux.
Le spectacle s'ouvre sur un décor en avant-scène alignant des façades de maisons. Portes et fenêtres sont autant d'entrées et de sorties prétextes à acrobaties et farces. Puis les pans de murs n'arrêteront pas de bouger, côté pile, côté face, comme des permutations et d'aller-retour entre les générations, au fil des numéros, jusqu'au final éblouissant de poésie que je vous laisse le plaisir de découvrir.
UNE ENERGIE INCROYABLE
Pendant plus de 90 mn les numéros s'enchaînent portés par l'énergie incroyable des 8 circassien.nes qui ne quittent pas la scène. Entre virtuosité et poésie les huit artistes rivalisent d'inventivité. Quelles impressionnantes performances à la planche coréenne, au mat chinois, au tissu. Et quel beau moment de jonglage avec des casquettes. Impossible de citer tous les numéros qui se suivent comme un ballet, enchaînant les chorégraphies. Tous sont continuellement en mouvement.
Si l'ensemble peut paraître moins cohérent que CUISINES ET CONFESSIONS ou TRACES, ou plus ésotérique, ce nouvel opus reste un excellent moment et une très belle occasion de (re) découvrir le cirque contemporain québécois. Une énergie positive que l'on emporte avec soi en sortant de la salle. Des artistes qui innovent, semblant sans arrêt repousser les limites des difficultés. Le souci d'esthétisme est constamment présent, dans les décors, les costumes, la bande son recherchée.
Un dernier mot sur le lieu. Comme probablement beaucoup de personnes, l'idée de revenir au Bataclan n'était pas sans soulever une grande émotion. Impossible de ne pas penser au 13 novembre et aux victimes. Mais Le Bataclan doit vivre, c'est le meilleur moyen de répondre c'est de continuer à être dans la salle.
En bref : les virtuoses artistes et acrobates des 7 Doigts de la Main nous emportent à nouveau dans leur univers magique et poétique. Un opus plus conceptuel que les précédents mais toujours la même énergie et le même esprit positif. Du vrai spectacle vivant, multidisciplinaire, entre émotion et humour. A ne pas manquer.
8,5/10
Il n'en finit pas de créer des succès. Alors que EDMOND affiche complet tous les soirs au Théâtre du Palais Royal, que Le Porteur d'Histoire ne désemplit pas au Théâtre des Béliers Parisiens, que Le Cercle des Illusionnistes va être repris à La Pépinière, c'est avec un nouveau choc qu'Alexis MICHALIK inaugure la réouverture du Théâtre 13 Jardin.
REPOUSSER LES MURS
Ange et Kevin ont déjà passé un certain nombre d'années en prison, en maison centrale plus précisément, la catégorie d'établissements pénitentiaires qui prend en charge les condamnés à de lourdes peines. Ce jour-là ils vont participer pour la première fois à un atelier théâtre animé par Richard, metteur en scène à la gloire passée, et son ex-compagne et comédienne fétiche. Le tout sous le regard d'Alice, une jeune assistante sociale inexpérimentée. De ce huis clos va naître une introspection pour chacun des protagonistes, entremêlant fiction et réalité,
INTRA MUROS est né de la rencontre entre Alexis MICHALIK et un groupe de détenus, il y a quelques années, à l'occasion d'une remise d'un prix décerné par les détenus d'une centrale. Deux ans de travail pour que le projet soit prêt pour la renaissance du Théâtre 13 Jardin après deux ans de travaux. Un symbole en forme de remerciement pour cette salle qui a vu les premiers pas du PORTEUR D'HISTOIRE.
De cet échange est né une réflexion sur l'espace et le temps. Ce cours de théâtre que va donner Richard va ramener chacun des intervenants à son rapport avec ces deux notions. La scène comme la prison est un espace clos pendant lequel le temps va pouvoir s'étirer ou se rétrécir, où les repères du monde réel se perdent pour laisser place à l'abstraction et à la liberté de la fiction, de l'imaginaire, du rêve.
REVENIR AUX BASES
Pour INTRA MUROS Alexis MICHALIK est revenu aux règles qu'il a utilisé pour le PORTEUR D'HISTOIRE : une écriture de plateau à partir d'improvisations dirigées, une scénographie simple et dépouillée, des portants devant lesquels les comédiens changent de costumes à vue. Ils sont 5 sur scène, plus un musicien. 6ème homme à part entière Raphaël CHARPENTIER tisse en direct un univers musical qui nous enveloppe sans être envahissant.
Sur le plateau les 5 personnages se cherchent. Le spectacle commence doucement, comme un cours de théâtre qui a du mal à se mettre en place quand les participants ne sont pas très motivés. RICHARD (Paul JEANSON) est un peu lourd avec des jeux de mots mal à propos et son comportement insistant et gauche vis-à-vis de Jeanne (la toujours fabuleuse Jeanne ARENES). Alice (Alice de LENCQUESAING) est timide, gauche, hésitante et téméraire. Kevin (Fayçal SAFI) est un jeune fou, gamin issu de banlieue, victime de la société, écorché et sacrifié, que l'absence de père a jeté dans la petite délinquance et dans la spirale de la violence. Et puis il y a Ange (Bernard BLANCAN), le Corse solide et froid comme un roc, mais généreux comme son île. Victime de sa loyauté il est pour Kevin l'image de ce père absent, et sera celui que saura calmer le cheval fougueux et remettre le jeune homme sur le droit chemin.
LE TRESSEUR D'HISTOIRES
Je l'avoue j'ai d'abord eu un sentiment de déception pendant le spectacle. N'ayant lu que le pitch je m'attendais à assister à un spectacle très différent de ce qu'Alexis MICHALIK, dont chacun sait que je suis une grande fan, a l'habitude de nous présenter. Je crois que j'attendais une réflexion plus orientée sur l'univers carcéral. Et c'est finalement une histoire pleine d'humanité qui emporte et bouleverse.
Car puis-je en vouloir à ce tresseur d'histoires d'avoir réussi une fois de plus à me prendre dans sa toile pour m'emmener dans un récit romanesque, où les destins se croisent au rythme de multiples rebondissements, où une fois encore il a prouvé que "le théâtre c'est d'abord un endroit où il se passe quelque chose, un endroit où on peut rire, et pleurer, en un mot être traversé par des émotions".
Car le talent d'Alexis MICHALIK est de tresser avec habileté une trame d'une redoutable efficacité qui se vérifie dans chacune de ses créations. Dans cette rencontre entre le monde du théâtre et celui de la prison, l'auteur et metteur en scène aborde des questions profondes : la filiation, la relation mère-fille / père-fils, le rapport au temps, la solitude, la position de la société vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas ses lois et vice-versa. Pour la première fois il se penche sur un contexte contemporain. Egalement comédien au cinéma et dans des séries télévisées il crée une mise en scène très cinématographique et nous laisse songeurs au sortir du spectacle : Avons-nous rêvé cette histoire ? Tout ceci n'est-il qu'une mise en scène de Richard ou bien une fiction bien réelle ?
Et si le théâtre pouvait changer la vie ?
En bref : En choisissant un univers contemporain Alexis MICHALIK fait à nouveau preuve de son habileté à tresser des destins et conter des histoires romanesques portées par des comédiens talentueux. Un nouveau succès pour la réouverture de cette belle salle du Théâtre 13.
REPOUSSER LES MURS
Ange et Kevin ont déjà passé un certain nombre d'années en prison, en maison centrale plus précisément, la catégorie d'établissements pénitentiaires qui prend en charge les condamnés à de lourdes peines. Ce jour-là ils vont participer pour la première fois à un atelier théâtre animé par Richard, metteur en scène à la gloire passée, et son ex-compagne et comédienne fétiche. Le tout sous le regard d'Alice, une jeune assistante sociale inexpérimentée. De ce huis clos va naître une introspection pour chacun des protagonistes, entremêlant fiction et réalité,
INTRA MUROS est né de la rencontre entre Alexis MICHALIK et un groupe de détenus, il y a quelques années, à l'occasion d'une remise d'un prix décerné par les détenus d'une centrale. Deux ans de travail pour que le projet soit prêt pour la renaissance du Théâtre 13 Jardin après deux ans de travaux. Un symbole en forme de remerciement pour cette salle qui a vu les premiers pas du PORTEUR D'HISTOIRE.
De cet échange est né une réflexion sur l'espace et le temps. Ce cours de théâtre que va donner Richard va ramener chacun des intervenants à son rapport avec ces deux notions. La scène comme la prison est un espace clos pendant lequel le temps va pouvoir s'étirer ou se rétrécir, où les repères du monde réel se perdent pour laisser place à l'abstraction et à la liberté de la fiction, de l'imaginaire, du rêve.
REVENIR AUX BASES
Pour INTRA MUROS Alexis MICHALIK est revenu aux règles qu'il a utilisé pour le PORTEUR D'HISTOIRE : une écriture de plateau à partir d'improvisations dirigées, une scénographie simple et dépouillée, des portants devant lesquels les comédiens changent de costumes à vue. Ils sont 5 sur scène, plus un musicien. 6ème homme à part entière Raphaël CHARPENTIER tisse en direct un univers musical qui nous enveloppe sans être envahissant.
Sur le plateau les 5 personnages se cherchent. Le spectacle commence doucement, comme un cours de théâtre qui a du mal à se mettre en place quand les participants ne sont pas très motivés. RICHARD (Paul JEANSON) est un peu lourd avec des jeux de mots mal à propos et son comportement insistant et gauche vis-à-vis de Jeanne (la toujours fabuleuse Jeanne ARENES). Alice (Alice de LENCQUESAING) est timide, gauche, hésitante et téméraire. Kevin (Fayçal SAFI) est un jeune fou, gamin issu de banlieue, victime de la société, écorché et sacrifié, que l'absence de père a jeté dans la petite délinquance et dans la spirale de la violence. Et puis il y a Ange (Bernard BLANCAN), le Corse solide et froid comme un roc, mais généreux comme son île. Victime de sa loyauté il est pour Kevin l'image de ce père absent, et sera celui que saura calmer le cheval fougueux et remettre le jeune homme sur le droit chemin.
LE TRESSEUR D'HISTOIRES
Je l'avoue j'ai d'abord eu un sentiment de déception pendant le spectacle. N'ayant lu que le pitch je m'attendais à assister à un spectacle très différent de ce qu'Alexis MICHALIK, dont chacun sait que je suis une grande fan, a l'habitude de nous présenter. Je crois que j'attendais une réflexion plus orientée sur l'univers carcéral. Et c'est finalement une histoire pleine d'humanité qui emporte et bouleverse.
Car puis-je en vouloir à ce tresseur d'histoires d'avoir réussi une fois de plus à me prendre dans sa toile pour m'emmener dans un récit romanesque, où les destins se croisent au rythme de multiples rebondissements, où une fois encore il a prouvé que "le théâtre c'est d'abord un endroit où il se passe quelque chose, un endroit où on peut rire, et pleurer, en un mot être traversé par des émotions".
Car le talent d'Alexis MICHALIK est de tresser avec habileté une trame d'une redoutable efficacité qui se vérifie dans chacune de ses créations. Dans cette rencontre entre le monde du théâtre et celui de la prison, l'auteur et metteur en scène aborde des questions profondes : la filiation, la relation mère-fille / père-fils, le rapport au temps, la solitude, la position de la société vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas ses lois et vice-versa. Pour la première fois il se penche sur un contexte contemporain. Egalement comédien au cinéma et dans des séries télévisées il crée une mise en scène très cinématographique et nous laisse songeurs au sortir du spectacle : Avons-nous rêvé cette histoire ? Tout ceci n'est-il qu'une mise en scène de Richard ou bien une fiction bien réelle ?
Et si le théâtre pouvait changer la vie ?
En bref : En choisissant un univers contemporain Alexis MICHALIK fait à nouveau preuve de son habileté à tresser des destins et conter des histoires romanesques portées par des comédiens talentueux. Un nouveau succès pour la réouverture de cette belle salle du Théâtre 13.
6,5/10
S'ouvrant aux nouveaux auteurs et aux metteurs en scène, la Comédie Française a fait appel à la brésilienne Christiane JATAHY. Consécration pour cette dramaturge inconnue en France il y a trois ans et qui présente une adaptation du scénario de Jean RENOIR, lequel met en scène l'insouciance d'une classe bourgeoise. En cassant le 4ème mur, fallait-il briser les règles ?
ENTRE CINÉMA ET THÉÂTRE
Le spectacle s'ouvre sur un film. Cela devient récurrent au théâtre. Mais pour introduire ses personnages et le décor Christiane JATAHY choisit de mettre en scène la troupe de la Comédie Française dans un film de 26 minutes. 26 longues minutes qui nous promènent de la Place Colette avec l'arrivée des invités, aux loges des artistes transformées en chambres d'un important manoir, après que le buffet ait battu son plein dans le hall d'accueil du théâtre. Avec de longs plans séquence la caméra filme au plus près les acteurs du drame à venir. Transposé dans la France de 2017, le héros de la fête André Jurieux (Laurent Lafitte qui a l'air perdu) n'est pas un aviateur mais un marin qui a sauvé des migrants de la noyade. L'hôte Christine (merveilleuse et lumineuse Suliane BRAHIM) est devenue une fille d'immigré du Maghreb et Edouard Schumacher (Bakary Sangaré aux talents sous-utilisés) est un africain. Une volonté de nous confronter à notre rapport à l'étranger dans une époque pas moins troublée que celle du film.
Il y a très longtemps que je n'ai vu le film de Jean RENOIR et les détails de l'intrigue n'encombraient pas ma mémoire, me permettant d'aborder la représentation relativement vierge de tout a priori. Christiane JATAHY a été particulièrement remarquée la saison dernière pour WHAT IF THEY WENT TO MOSCOW, une adaptation des Trois Sœurs de Anton Tchekhov, à propos duquel elle disait "Je suis convaincue que l'on peut concevoir un travail expérimental qui ne soit pas hermétique. Faire tomber le mur qui nous sépare du public". Comme on pouvait le lire dans Le Monde, "sa marque de fabrique : interroger la porosité entre scène et cinéma". Mais après 26 minutes de film en début de spectacle et 10 à la fin, soit 36 mn de cinéma continue sur 2h de spectacle ne serait-ce pas remplacer le 4ème mur du théâtre par un écran blanc ?
La vidéo est devenue quasi omniprésente dans les mises en scène contemporaines. Toutefois son utilisation va de la facilité à la construction de nouvelles scénographies. Que ce soit chez Ivo van Hove (KINGS OF WAR, LES DAMNES) ou Julien GOSSELIN (LES PARTICULES ELEMENTAIRES, 2666) pour ne citer qu'eux, la vidéo, qu'elle soit filmée avant ou qu'il s'agisse de retransmission en direct de captation du plateau, s'intègre dans le spectacle, démultipliant l'espace, sans pour autant supplanter le jeu des comédiens. Si Christiane JATAHY utilise également ces procédés pour LA RÈGLE DU JEU, la longueur des parties filmées sans comédiens sur scène fait regretter qu'elle hésite autant entre cinéma et théâtre.
UN SPECTACLE FOUTRAQUE
Lorsque l'écran blanc se lève il fait place à une longue scène de cabaret. Un style déjanté que l'on si peu l'habitude de voir qu'il a fait fuir quelques spectateurs. Cette scène de joyeuse insouciance d'une bourgeoisie qui se veut contemporaine est un beau moment de comédie. Les lumières se rallument dans la salle et le public est appelé à participer, à réagir, à chanter, à lever les bras. D'abord surpris et dubitatif il se prend au jeu. On participe de bon gré à la fête, riant des frasques de Serge BAGDASSARIAN qui s'amuse avec sa montagne de déguisement, chantant avec Elsa LEPOIVRE (tous deux toujours remarquables).
Mais dans ce joyeux divertissement un peu foutraque se perd l’entrelacs des intrigues amoureuses qui sont le fond de l'histoire. La caméra nous renvoie des images de ce qui se passe dans les coulisses, derrière les pans de décors, mais avec des angles de projection pas toujours très lisibles pour le spectateur distrait par le cabaret qui se joue et se rejoue. Jusqu'au dramatique dénouement final et ce drone qui prend de la hauteur, comme un ultime hommage à ce lieu magnifique qu'est la Comédie Française. Un lieu si chargé d'histoire qu'il m'a semblé avoir impressionné la metteur en scène. Le générique de fin dresse la liste des 42 spectacles joués en ces murs qui ont "inspiré" les décors et costumes de cette RÈGLE DU JEU. Hommage à l'Institution ou manque d'inspiration ?
En bref : Christiane JATAHY importe dans les murs une mise en scène expérimentale et contemporaine et secoue les habitudes de la vénérable maison de Molière. Une mise en scène très cinématographique, chargée et brouillonne qui ne permet pas la pleine expression de l'intrigue romanesque. Si l'on passe un agréable moment, notamment par la qualité de jeu de cette troupe extraordinaire, cette adaptation du film de Jean RENOIR ne convainc pas complètement.
ENTRE CINÉMA ET THÉÂTRE
Le spectacle s'ouvre sur un film. Cela devient récurrent au théâtre. Mais pour introduire ses personnages et le décor Christiane JATAHY choisit de mettre en scène la troupe de la Comédie Française dans un film de 26 minutes. 26 longues minutes qui nous promènent de la Place Colette avec l'arrivée des invités, aux loges des artistes transformées en chambres d'un important manoir, après que le buffet ait battu son plein dans le hall d'accueil du théâtre. Avec de longs plans séquence la caméra filme au plus près les acteurs du drame à venir. Transposé dans la France de 2017, le héros de la fête André Jurieux (Laurent Lafitte qui a l'air perdu) n'est pas un aviateur mais un marin qui a sauvé des migrants de la noyade. L'hôte Christine (merveilleuse et lumineuse Suliane BRAHIM) est devenue une fille d'immigré du Maghreb et Edouard Schumacher (Bakary Sangaré aux talents sous-utilisés) est un africain. Une volonté de nous confronter à notre rapport à l'étranger dans une époque pas moins troublée que celle du film.
Il y a très longtemps que je n'ai vu le film de Jean RENOIR et les détails de l'intrigue n'encombraient pas ma mémoire, me permettant d'aborder la représentation relativement vierge de tout a priori. Christiane JATAHY a été particulièrement remarquée la saison dernière pour WHAT IF THEY WENT TO MOSCOW, une adaptation des Trois Sœurs de Anton Tchekhov, à propos duquel elle disait "Je suis convaincue que l'on peut concevoir un travail expérimental qui ne soit pas hermétique. Faire tomber le mur qui nous sépare du public". Comme on pouvait le lire dans Le Monde, "sa marque de fabrique : interroger la porosité entre scène et cinéma". Mais après 26 minutes de film en début de spectacle et 10 à la fin, soit 36 mn de cinéma continue sur 2h de spectacle ne serait-ce pas remplacer le 4ème mur du théâtre par un écran blanc ?
La vidéo est devenue quasi omniprésente dans les mises en scène contemporaines. Toutefois son utilisation va de la facilité à la construction de nouvelles scénographies. Que ce soit chez Ivo van Hove (KINGS OF WAR, LES DAMNES) ou Julien GOSSELIN (LES PARTICULES ELEMENTAIRES, 2666) pour ne citer qu'eux, la vidéo, qu'elle soit filmée avant ou qu'il s'agisse de retransmission en direct de captation du plateau, s'intègre dans le spectacle, démultipliant l'espace, sans pour autant supplanter le jeu des comédiens. Si Christiane JATAHY utilise également ces procédés pour LA RÈGLE DU JEU, la longueur des parties filmées sans comédiens sur scène fait regretter qu'elle hésite autant entre cinéma et théâtre.
UN SPECTACLE FOUTRAQUE
Lorsque l'écran blanc se lève il fait place à une longue scène de cabaret. Un style déjanté que l'on si peu l'habitude de voir qu'il a fait fuir quelques spectateurs. Cette scène de joyeuse insouciance d'une bourgeoisie qui se veut contemporaine est un beau moment de comédie. Les lumières se rallument dans la salle et le public est appelé à participer, à réagir, à chanter, à lever les bras. D'abord surpris et dubitatif il se prend au jeu. On participe de bon gré à la fête, riant des frasques de Serge BAGDASSARIAN qui s'amuse avec sa montagne de déguisement, chantant avec Elsa LEPOIVRE (tous deux toujours remarquables).
Mais dans ce joyeux divertissement un peu foutraque se perd l’entrelacs des intrigues amoureuses qui sont le fond de l'histoire. La caméra nous renvoie des images de ce qui se passe dans les coulisses, derrière les pans de décors, mais avec des angles de projection pas toujours très lisibles pour le spectateur distrait par le cabaret qui se joue et se rejoue. Jusqu'au dramatique dénouement final et ce drone qui prend de la hauteur, comme un ultime hommage à ce lieu magnifique qu'est la Comédie Française. Un lieu si chargé d'histoire qu'il m'a semblé avoir impressionné la metteur en scène. Le générique de fin dresse la liste des 42 spectacles joués en ces murs qui ont "inspiré" les décors et costumes de cette RÈGLE DU JEU. Hommage à l'Institution ou manque d'inspiration ?
En bref : Christiane JATAHY importe dans les murs une mise en scène expérimentale et contemporaine et secoue les habitudes de la vénérable maison de Molière. Une mise en scène très cinématographique, chargée et brouillonne qui ne permet pas la pleine expression de l'intrigue romanesque. Si l'on passe un agréable moment, notamment par la qualité de jeu de cette troupe extraordinaire, cette adaptation du film de Jean RENOIR ne convainc pas complètement.
6/10
Il y a 3 ans Ismaël SAIDI créait la surprise avec DJIHAD, Le spectacle. Deuxième volet d'un triptyque sur la radicalisation GEHENNE s'installe au Palais des Glaces. Confronté à un prêtre et à une mère juive, comment le terroriste Ismaël va-t-il réagir à l'aube de son procès ? Un deuxième volet en dessous du premier, en attendant le troisième.
A la fin de DJIHAD le spectacle nous avons laissé Ismaël alors qu'il a commis l'irréparable : un attentat terroriste. Au début de GEHENNE nous le retrouvons à l'ouverture de son procès. Blessé par l'explosion il a perdu l'usage de ses jambes et se déplace désormais en fauteuil roulant. Son acte a causé la mort de plusieurs enfants juifs. Alors qu'il se présente devant ses juges aucun regret, aucun remords dans son attitude ni dans ses paroles.
Nous le retrouvons ensuite dans un face à face avec un prêtre, (Shark CARRERA) un représentant de l'église catholique commis d'office. Un personnage à la parole libre qui essaie d'engager un dialogue avec le terroriste, de le confronter à sa culpabilité, de semer le doute dans ses certitudes. Un prêtre qui le provoque dans la parole et le geste, le poussant dans ses retranchements.
Un questionnement et une remise en cause qui sont aussi provoqués par la rencontre avec une jeune femme juive qui a perdu la raison (formidable Audrey DEVOS) qu'il croise à l'hôpital où il se rend pour ses soins. Avec son enfant poupée elle intrigue Ismaël dont le premier réflexe est de la rejeter du fait de sa religion avant de tomber sous son charme et de ne plus penser qu'à elle à longueur de journée. Un amour pour une juive qui va perturber le musulman qui a grandi dans la haine du juif.
Les nuits d'Ismaël sont agitées. Ses cauchemars résonnent des échos de l'attentat. Ses journées sont secouées par l'alternance des entretiens avec le prêtre catholique et la femme juive. Jusqu’à la révélation finale.
Dans ce deuxième volet de son triptyque Ismaël SAIDI voulait montrer comment la haine de l'autre nourrit dès l'enfance peut conditionner le comportement. Dans DJIHAD Le spectacle il montrait avec réussite le parcours de trois jeunes de la banlieue de Bruxelles sur la toute du djihad : leur naïveté, leurs espoirs, leur crédulité, leurs désillusions. Si GEHENNE fourmille de références et d'idées fortes la mise en oeuvre n'est malheureusement pas aussi réussie par manque de rythme, et un texte qui manque de profondeur.
Ismaël SAIDI inscrit son travail dans une démarche résolument pédagogique. Jouée 19 fois sur la scène à Bruxelles et depuis le 19 avril à Paris c'est avant tout à un public de collégiens et de lycéens qu'il s'adresse. De fait l'écriture est très jeune, trop peut-être pour vraiment séduire un public adulte. Le personnage du prêtre est caricatural. On en comprend très tardivement le pourquoi. Le second personnage qui pourrait amener Ismaël à mener une réflexion sur ses actes est une jeune femme qui a perdu la raison. Confronté aux deux religions qu'il déteste Ismaël pourrait être amené à réfléchir sur les motivations de son acte. Mais là où DJIHAD nous menait vers une réflexion sur les rêves et désillusions des jeunes sur la route de la guerre en Syrie, GEHENNE peine à nous faire entrer dans l'esprit du terroriste. "Je voulais écrire une pièce où il n'y a rien de sociétal, où tout n'est que religieux" dit l'auteur qui interprète également le rôle du terroriste. Malheureusement le poids du religieux n'est pas assez ou maladroitement démontré.
En bref : avec ce deuxième volet de la trilogie sur la radicalisation Ismaël SAIDI nous emmène dans l'esprit d'un terroriste et convoque les trois grandes religions. Un spectacle en demi-teinte qui a pour objectif de susciter le dialogue et le questionnement chez un public adolescent. En attendant le troisième volet.
A la fin de DJIHAD le spectacle nous avons laissé Ismaël alors qu'il a commis l'irréparable : un attentat terroriste. Au début de GEHENNE nous le retrouvons à l'ouverture de son procès. Blessé par l'explosion il a perdu l'usage de ses jambes et se déplace désormais en fauteuil roulant. Son acte a causé la mort de plusieurs enfants juifs. Alors qu'il se présente devant ses juges aucun regret, aucun remords dans son attitude ni dans ses paroles.
Nous le retrouvons ensuite dans un face à face avec un prêtre, (Shark CARRERA) un représentant de l'église catholique commis d'office. Un personnage à la parole libre qui essaie d'engager un dialogue avec le terroriste, de le confronter à sa culpabilité, de semer le doute dans ses certitudes. Un prêtre qui le provoque dans la parole et le geste, le poussant dans ses retranchements.
Un questionnement et une remise en cause qui sont aussi provoqués par la rencontre avec une jeune femme juive qui a perdu la raison (formidable Audrey DEVOS) qu'il croise à l'hôpital où il se rend pour ses soins. Avec son enfant poupée elle intrigue Ismaël dont le premier réflexe est de la rejeter du fait de sa religion avant de tomber sous son charme et de ne plus penser qu'à elle à longueur de journée. Un amour pour une juive qui va perturber le musulman qui a grandi dans la haine du juif.
Les nuits d'Ismaël sont agitées. Ses cauchemars résonnent des échos de l'attentat. Ses journées sont secouées par l'alternance des entretiens avec le prêtre catholique et la femme juive. Jusqu’à la révélation finale.
Dans ce deuxième volet de son triptyque Ismaël SAIDI voulait montrer comment la haine de l'autre nourrit dès l'enfance peut conditionner le comportement. Dans DJIHAD Le spectacle il montrait avec réussite le parcours de trois jeunes de la banlieue de Bruxelles sur la toute du djihad : leur naïveté, leurs espoirs, leur crédulité, leurs désillusions. Si GEHENNE fourmille de références et d'idées fortes la mise en oeuvre n'est malheureusement pas aussi réussie par manque de rythme, et un texte qui manque de profondeur.
Ismaël SAIDI inscrit son travail dans une démarche résolument pédagogique. Jouée 19 fois sur la scène à Bruxelles et depuis le 19 avril à Paris c'est avant tout à un public de collégiens et de lycéens qu'il s'adresse. De fait l'écriture est très jeune, trop peut-être pour vraiment séduire un public adulte. Le personnage du prêtre est caricatural. On en comprend très tardivement le pourquoi. Le second personnage qui pourrait amener Ismaël à mener une réflexion sur ses actes est une jeune femme qui a perdu la raison. Confronté aux deux religions qu'il déteste Ismaël pourrait être amené à réfléchir sur les motivations de son acte. Mais là où DJIHAD nous menait vers une réflexion sur les rêves et désillusions des jeunes sur la route de la guerre en Syrie, GEHENNE peine à nous faire entrer dans l'esprit du terroriste. "Je voulais écrire une pièce où il n'y a rien de sociétal, où tout n'est que religieux" dit l'auteur qui interprète également le rôle du terroriste. Malheureusement le poids du religieux n'est pas assez ou maladroitement démontré.
En bref : avec ce deuxième volet de la trilogie sur la radicalisation Ismaël SAIDI nous emmène dans l'esprit d'un terroriste et convoque les trois grandes religions. Un spectacle en demi-teinte qui a pour objectif de susciter le dialogue et le questionnement chez un public adolescent. En attendant le troisième volet.