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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
La famille Ortiz

La famille Ortiz

10/10
51
Et si l'un de mes héros littéraires, Marcel Pagnol, s'était réincarné dans la personne de Jean-Philippe Daguerre ?
J'ai retrouvé au théâtre Rive-Gauche le souffle épique, l'humour, les émotions vraies, sans afféterie, sans pathos de mauvais aloi des œuvres théâtrales que le père de Fanny, Marius, César et tous les autres nous a léguées.

Jean-Philippe Daguerre, l'auteur moliérisé pour sa pièce Adieu M. Haffman, a écrit et mis en scène l'une de ces tragi-comédies du Sud, (du Sud-Ouest, certes, mais du sud quand même), l'une des ces pièces populaires au sens noble du terme, dans laquelle des personnages hauts en couleur, attachants au possible, des personnages qu'on n'oublie plus après les avoir rencontrés nous amusent et nous émeuvent.

Une famille. Les Ortiz.
Une sacrée famille.

Une famille reniée, passée sous silence par l'un de ses membres, expatrié au Japon.
C'est d'ailleurs au pays du soleil levant que démarre la pièce.
Cet homme, qui a confié à sa femme rencontrée à Tokyo qu'il était fils unique, cet homme est confronté à son mensonge : son frère sonne à la porte.

Pierre va devoir s'expliquer : il lui faut avouer qu'il a quitté sa famille, restée là-bas, du côté de Bordeaux.
Il raconte à Claire, et par là-même à nous autres spectateurs, les raisons de sa décision.
Il nous présente ses parents, sa fratrie. Les quatre autres Ortiz.

Le couple n'aura d'autre choix que de retourner en Aquitaine.
Parce qu'il est des moments où un homme confronté à son passé, rattrapé par un drame familial, se doit de faire marche arrière.

La construction de la pièce est d'une très grande habileté.
L'exposition japonaise, assez tendue, dans laquelle nous sommes immédiatement absorbés par l'intrigue, précède la succulente description de cette famille, ainsi que la mise en place de la mécanique dramatique.
Et puis ce sera le retour au bercail et l'explication finale, qui va tous nous bouleverser.
Des moments très drôles et d'autres, bouleversants, vont alterner.

Il n'y aura pas de personnage secondaire. Tous sont minutieusement décrits et présentés, tous nous deviennent très rapidement attachants.

Pierre et Claire, bien entendu, et puis Miguel, le père imposant, toréro de son état, Marie, la mère infirmière qui va beaucoup nous émouvoir, sans oublier Lino et Ali, les deux remuants jumeaux.

J'ai retrouvé pour mon plus grand bonheur les membres de la compagnie Le grenier de Babouchka.
La distribution est excellente.
Le couple Stéphane Dauch - Charlotte Matzneff, Bernard Malka et Isabelle De Botton, les parents, et puis Antoine Guiraud et Kamel Isker, les deux jumeaux, sont tous parfaits.

C'est une vraie troupe, qui joue devant nous. Tous se connaissent bien, et l'on ressent, nous autres dans la salle, cet esprit de compagnie, cette connivence, cette complicité.
C'est toujours l'un des points forts des entreprises « daguerriennes »...

La direction d'acteurs est précise, et la mise en scène de l'auteur est comme à l'accoutumée alerte, enlevée, d'une redoutable efficacité.

Pas de temps mort, ça pulse, ça vibre. Nous sommes emportés par un vrai souffle, par une vraie dramaturgie sans effets de mode. Ici, on va à l'essentiel, à l'important.

Des scènes de corrida endiablées, des acrobaties « jumelles » alternent avec des moments plus intimistes.

Un judicieux décor transformable et polyvalent, beau et simple à la fois, relève lui aussi de cet esprit de troupe.
Avec soudain l'apparition d'une petite scène de théâtre. Je n'en dis pas plus.

Venez vous aussi découvrir les membres de cette famille Ortiz, venez rire, venez vibrer, venez être émus, venez découvrir sur scène la vie dans ce qu'elle a de drôle et de bouleversant.
C'est un spectacle incontournable de cet automne.

Et puis, ne manquez pas le dernier sourire lumineux de Charlotte Matzneff, juste avant le noir final.
Ce sourire, tout comme cette pièce très réussie, vous redonne foi et confiance dans le genre humain.
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Les pâtes à l'ail

Les pâtes à l'ail

9/10
27
Ces pâtes à l'ail, ce n'est pas de l'Anouilh !
C'est du Gaccio, du Giangreco et du Larrivé.

Bruno Gaccio et Philippe Giangreco se connaissent depuis 60 ans. Quant au troisième, Jean-Carol Larrivé, ça ne fait que depuis 35 ans.
Les trois nous proposent, avec cette écriture à six mains, un remarquable moment de théâtre.
Je le dis tout de go et comme je le pense !

Qui mieux qu'eux, qui mieux que ces trois-là pouvaient nous raconter cette histoire de potes, cette histoire d'une indéfectible amitié.
Indéfectible ?
Mais jusqu'où peut aller une amitié ? Que peut-on demander à son meilleur pote ?
Et ce pote-là, au nom de l'amitié, peut-il accepter la requête qu'on lui adresse ?

Cette requête, c'est un service. Un terrible service.
Peut-être le plus grand de tous, « celui qu'un homme peut demander à un autre, pour lui éviter la déchéance, la dépendance et l'oubli ». Je les cite.

C'est à ces questions que les deux comédiens et leur metteur en scène vont répondre.
A leur manière.
A leur formidable, drôlissime, émouvante et pudique manière !

L'une des grandes réussite de la pièce, c'est avant tout sa construction dramaturgique.
Les trois sont parvenus à nous montrer une alternance très aboutie de moments très drôles et des instants de grande tension, de grande émotion.
On rit énormément, on est bouleversé.

La drôlerie prépare à la plus grande des gravités, et réciproquement.
Comme tout ceci est habile !

Beaucoup d'émotion vous submerge, donc.
Une émotion vraie.

L'écriture du trio évite tout pathos de mauvais aloi, toute pleurnicherie déplacée, toute fausse compassion.
Le sujet est grave, mais il est brillamment traité, de façon à mélanger l'humour et la dérision à la gravité, au tragique même.
Parce que finalement, comme ils le disent si bien, « parler de la mort, c'est vital ! »
Il s'agit ici de dire à la mort et ceci en riant, de repasser plus tard !

Des formules percutantes et hilarantes (on connaît le style de Bruno Gaccio) émaillent la pièce. (Celle notamment concernant la neutralité des Suisses est drôlissime.)
Des situations vécues de l'enfance, de l'adolescence, des souvenirs qu'on ne peut pas inventer sont omniprésents.

Et puis, l'amour est évoqué.
Les différentes conceptions des rapports hommes/femmes.
Là encore, beaucoup de subtilité sous couvert d'une franche rigolade.

Sur le plateau, les deux comédiens vous attrapent dès la première minute, et ne vont plus vous lâcher.
Cette première minute, c'est la présentation des deux personnages, réalisé de manière très maligne. Je n'en dis pas plus...

Je défie quiconque de ne pas être complètement happé, « scotché » par ce que Bruno Gaccio et Philippe Giangreco nous montrent et nous disent.
Leurs deux personnages se complètent à merveille, et chacun des deux comédiens campe le sien avec une phénoménale justesse, mis en scène qu'ils sont avec .

Je peux vous assurer qu'à certains passages, il est très difficile de retenir une ou plusieurs larmes. D'ailleurs, il ne faut pas se retenir !
Parce que cette histoire nous concerne tous. Les réactions des spectateurs au sortir de la représentation le prouvent bien.

Le fin de la pièce, que je ne dévoilerai évidemment pas, est elle aussi très habile.
C'est un message d'espoir, de résilience.
Une très jolie déclaration d'amour de la vie.
Un peu comme dans les comédies italiennes des années 50.

Impossible alors de ne pas se poser la question suivante : « Qu'est-ce que je ferais, moi, à leur place ? »

Et quant aux amateurs de yoga, de chansons italiennes, de mocassins sans chaussettes, d'onanisme canin et de téléphones portables aux armes de l'A.S.S.E, alors ceux-là jubilent !
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Électre des bas fonds

Électre des bas fonds

9,5/10
31
Je suis ton frère !
Et je reviens encore et toujours me venger !

Après Euripide, Sophocle, Eschyle, (et quelques autres après eux...), c'est au tour de Simon Abkarian de s'emparer du mythe !
Et de quelle jouissive façon !

Durant deux heures et vingt cinq minutes de passion, d'énergie, de générosité, d'humour aussi, durant cent-quarante-cinq minutes qui passent à une vitesse folle, nous allons retrouver tous les héros de la tragédie.

Mais pas n'importe où !
Dans les bas-fonds, justement, avec une unité de lieu bien particulière : une maison close, un bordel.
Electre n'est plus une princesse, elle devenue servante dans un lupanar, mariée à un homme de plus basse condition à qui elle se refuse.

Nous la retrouvons lors de la fête des morts, le premier jour du printemps.

Tout le monde, putes, gardien du claque, serviteurs, tout le monde soigne les préparatifs pour le grand soir.

Ceux qui ne seront peut-être pas à la fête, ce sont Clytemnestre, la mère et son amant Egisthe.

On connaît la musique.
De musique, il sera question, justement.

Ce sera une tragédie rock, avec le groupe Les Howlin' Jaws, les mâchoires hurlantes, qui, au son des télécaster parfois saturées ou souvent éthérées avec la réverb' qui va bien, vont nous dispenser des ballades à la JD McPherson, ou encore des sirtakis électriques endiablés.

Sans oublier la danse !
De très beaux tableaux dansés viendront rendre cosmopolite et universelle cette histoire-là.
Les chorégraphies d'inspiration indienne, japonaise, ou encore très contemporaines, les chorégraphies de Nedjima Merahi sont très réussies.

Les prestations dansées d'un Monsieur Loyal, sorte de Baron Samedi vaudou en queue de pie et au masque de crâne humain sont elles aussi très pertinentes.

La danse alliée à la puissance du rock, à la qualité du texte de Simon Abkarian ainsi qu'à l'excellence de l'interprétation des comédiens, tout ceci va nous plonger dans une passionnante histoire sanglante. Un sabbat infernal, une ronde macabre et inéluctable.
Un conte, une fable où la mort aura encore une fois le dernier mot ! Le matricide !

Le texte est résolument contemporain, avec un registre qui parle à tous, et notamment aux élèves du Lycée Jacques-Prévert de Taverny qui ne boudaient pas leur plaisir hier à suivre les péripéties d'Electre et Oreste.
Impossible d'être lâché par les comédiens qui nous captivent et nous enchantent.

Beaucoup de moments très réussis émaillent la pièce, comme notamment le dialogue entre les deux sœurs, Electre (la brillante Aurore Fremont, avec sa magnifique voix grave), et Chrystotémis, interprétée de bien belle façon par Rafaela Jirkovsky.

On peut compter sur Simon Abkarian pour insuffler beaucoup d'humour dans son écriture et dans sa mise en scène.
Sa composition de gardien du claque, en manteau improbable, bonnet tombant sur les yeux, mégot au bec, lance ridicule au côté, tout ceci nous fait beaucoup rire.
Son personnage de fanfaron pathétique est drôlissime, racontant ses mésaventures conjugales, seul homme au milieu des prostituées qui lui en font voir !

Bien entendu, la fin sera tragique. Impossible d'échapper au Destin, impossible de sortir de sa condition de damnés...

L'entreprise dramaturgique de M. Abkarian est une nouvelle fois une vraie réussite.

(Je rappelle au passage qu'en juin dernier, l'Association professionnelle de la Critique, à laquelle appartient votre serviteur, lui avait décerné le prix de la meilleure création en langue française, pour son dyptique Le dernier jour du jeûne et L'envol des cigognes.)

Il n'est pas évident de s'approprier une telle histoire, de se démarquer de ses prédécesseurs, et d'y apporter un vrai souffle épique.
C'est ce qu'est parvenu à faire Simon Abkarian.

Ne manquez pas cette Electre-là !
Allez, tous au boxon !
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L'autre monde ou les états et empires de la lune

L'autre monde ou les états et empires de la lune

9,5/10
29
Hier soir (prononcer « souére » en roulant le « r »), devant l'Athénée, le lune n'étoit point pleine, le ciel étoit couvert !
En revanche, à l'intérieur du théâtre, la lune était bien au rendez-vous !

Benjamin Lazar reprend ce spectacle, adapté de l'œuvre quasi éponyme de Savinien de Cyrano de Bergerac.
Il l'avait créé en 2004 à l'Académie Bach d'Arques-La-Bataille, et l'avait déjà joué ici même, place Louis-Jouvet en 2008 et 2013.

Nous allons donc encore une fois faire un sacré voyage, à la fois astronomique et temporel.

Cette œuvre écrite en 1645, constitue véritablement le premier roman de Science-Fiction français.
Un homme, un terrien, entreprend de se rendre sur la lune, persuadé que sur notre satellite, des « Lunaires » existent et veulent se rendre eux aussi sur la Terre, qu'ils considèrent eux-mêmes comme leur lune.
Oui, oui, nous sommes bien au milieu du XVIIème siècle !

Nous allons donc suivre les péripéties de cet humain, qui ratera sa première tentative pour se retrouver... au Canada par la voie des airs, au moyen de petites fioles remplies de rosée cousues sur ses vêtements.

Ce faisant, Cyrano de Bergerac s'affirme comme un fervent défenseur de la science de l'époque.

Il reconnaît la loi de la pesanteur, cite Képler et Copernic, milite résolument en faveur de l'héliocentrisme.
Pour autant, il crée de merveilleuses inventions, comme par exemple... le livre audio ! Dans sa pièce, il nous parle en effet d'un livre à lire avec les oreilles !

L'auteur, le libre-penseur que l'on sait, en profite également pour se livrer à une profonde réflexion philosophique concernant la condition humaine, la place de l'homme au milieu de l'univers, sans oublier d'analyser les rapports avec Dieu et les religions.

Et puis nous allons rire. Beaucoup.

Le titre original de l'œuvre comporte l'épithète « comiques ».
Parole donnée à un chou qui reproche aux hommes de lui couper la tête afin de le déguster, héros pris pour une femelle sur la lune, rapports "inversés" parents-enfants, étonnante mécanique de la résurrection mettant en scène un « mahométan » sont parmi bien d'autres des moments qui tirent beaucoup de rires aux spectateurs.

Voyage « spatial », donc, mais également temporel.
Benjamin Lazar, metteur en scène, nous fait remonter le temps, en nous installant dans un théâtre au XVIIème siècle.
Eclairage en contre-plongée aux bougies, parfum de la stéarine qui se liquéfie, fumées qui se dégagent de la combustion, maquillages appuyés...

Et puis surtout, Benjamin Lazar a étudié la déclamation et la gestuelle baroques, auprès d'Eugène Green.
Nous sommes donc vraiment devant un comédien sous Louis XVI.
Les « r » dans les mots sont roulés, les « r » finaux sont prononcés, (comme par exemple dans la phrase « on eût beau "crière" après elle... »), la diphtongue « oi » prononcée « oué », les gestes amples, etc, etc, tout ceci nous ramène à la période classique baroque.

Et puis, le comédien n'est pas seul sur scène.
Deux musiciens de l'ensemble instrumental La rêveuse interprètent une vingtaine d'œuvres pour instruments baroques.

Florence Bolton, au dessus et basse de viole, ainsi que Benjamin Perrot, au théorbe, guitare et luth, nous jouent (de bien belle façon) des pièces de Marin Marais, Sainte-Colombe, Dufaut, Dubuisson, Kasperger, Hume et autres compositeurs de ce répertoire.

Tout ceci concourt à un sacré dépaysement historique et artistique.
Hier soir, le temps semblait s'être arrêté à Paris, vers 1650...
J'ai été subjugué, enchanté par ce que j'ai vu et entendu.

C'est en effet un spectacle rare et fascinant.

Si vous ne le connaissez pas, ou si vous le connaissez déjà, ce merveilleux spectacle-là, foncez séance tenante à l'Athénée.

Ce ne sont pas les élèves du Lycée Honoré-de-Balzac, dans le XVIIème arrondissement de Paris qui vous diront le contraire, eux qui restaient hier bouche bée devant ce qu'ils voyaient, et se joignaient furieusement à l'ovation générale réservée aux trois artistes au moment des saluts !
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L'A-Démocratie, Elf, la pompe Afrique

L'A-Démocratie, Elf, la pompe Afrique

9/10
20
Enfin un spectacle-bidon que j'adore !
Ce bidon trône sur la scène du théâtre de Belleville, dans lequel Nicolas Lambert reprend son triptyque intitulé L'A-Démocratie.

A, le préfixe privatif. Pas de démocratie. Des pratiques contraires à toute démocratie.
Des pratiques de notre Vème République, qu'en l'occurrence on pourrait qualifier de bananière.

Ce bidon, qui a contenu du pétrole, est l'emblème de la société ELF.
L'affaire ELF, c'est la première partie de la trilogie dramaturgique de Nicolas Lambert, écrite afin de témoigner de ces pratiques ayant eu cours ou ayant cours dans notre République.

Le pétrole, le nucléaire et l'armement. Quel programme !

Ce premier soir, c'est donc le procès de la tentaculaire affaire ELF qu'il va évoquer.

Ce procès, qui s'est tenu de mars à juillet 2003 devant la 11ème chambre correctionnelle du TGI de Paris, il y a assisté.
A toutes les séances. Il a pris des notes, il a retranscrit les dialogues et les échanges des principaux protagonistes. Il a consulté quantité de documentation, il a lu moult ouvrages sur le sujet.

Et puis, il a écrit ce premier spectacle.
Car oui, tout ce qu'il va nous dire a été prononcé au tribunal, tout ce qu'il nous décrit pourrait faire figure de documentaire.
Mais voilà, nous assistons vraiment à une pièce de théâtre.

On a coutume d'affirmer qu'un procès en correctionnelle ou un procès d'assises, c'est du théâtre, ici en l'occurrence, ce sera l'inverse.

Après une petite intro très drôle, (je vous laisse découvrir), Nicolas Lambert prend place derrière le bidon, surmonté d'un petit lutrin avec deux dossiers.

Un rouge, un bleu, comme le logo de la société ELF.

Il va incarner dans un premier temps le président, Michel Desplan, magistrat spécialisé dans les délits économiques et financiers.
(L'instruction de l'affaire avait été confiée, faut-il le rappeler à Eva Joly et Laurence Vichnievsky.)

Il va également incarner les quatre autres principaux protagonistes des sept différents volets de l'affaire ELF.
Loïck Le Floch-Prigent, Alfred Sirven et André Tarallo, les dirigeants d'Elf, ainsi qu'un intermédiaire, André Guelfi, dit « Dédé la Sardine ».

Le comédien est absolument phénoménal ! Je pèse cet épithète !
J'ai retrouvé les intonations de voix, les accents, la gestuelle, les mimiques, la démarche de ces quatre hommes.
Il passe de l'un à l'autre avec une parfaite aisance.
Je vous conseille de regarder ses mains : les tics de vieillesse de l'un, les démangeaisons de l'autre, la façon de renifler du troisième avec sa manche....
C'est ahurissant de vérité.

Il faut rappeler également qu'en France, il est interdit de filmer un procès. (A de très très rares exceptions près, je ne m'étends pas...)
Ici, grâce au théâtre, nous avons réellement l'impression d'être dans la salle d'audience !

Il y a la forme, mais il y a surtout le fond !

Ce que nous allons apprendre pour les plus jeunes, ou réviser pour les autres, tout ceci est le procès de la diplomatie parallèle qu'exerçait ELF en France-Afrique.
Au total, ce seront pas moins de 300 millions d'euros qui seront détournés, par le biais de caisses noires plus ou moins occultes, entre 1989 et 1993.

Des caisses qui vont servir notamment par le biais de surfacturations à verser des commissions occultes, des pots de vin, à des hommes politiques, des proches des dirigeants, j'en passe et non des moindres.

Seront évoqués dans la pièce des noms très célèbres, de tous les bords politiques, dont celui, à plusieurs reprises, d'un ancien président de la République qui vient tout juste de nous quitter.

Nous assistons donc à une vraie dramaturgie à la fois historique et pédagogique, qui est composée de trois actes, trois audiences, séparées de deux moments musicaux, que l'on doit à Jean-Yves Lacombe au violoncelle.
Dans la première, nous avons un pot-pourri d'œuvres très « hémisphère nord », Bach, Chaplin.
Dans la deuxième, un medley de thèmes africains, avec deux citations drôlissimes résumant parfaitement le propos de l'auteur.

Nous ressortons de ce spectacle complètement sonnés par la révélation de ces pratiques.
Ce qui s'est passé a relevé des plus grandes opacité, illégalité, immoralité.
La corruption élevée au rang d' " art majeur "...

Nicolas Lambert nous sidère, nous effare, nous indigne.
Et nous fait rire. Beaucoup. Enormément.
Parce que c'est vrai que devant certaines énormités évoquées, l'on ne peut que rire.

Mais ce rire, à bien y réfléchir, devient glacial, lorsque l'on songe au cynisme immoral de ces hommes (et de certaines femmes qui seront aussi évoquées.)

C'est un spectacle nécessaire, qui témoigne, qui dénonce mais qui nous renvoie également à une certaine forme de culpabilité : ces politiques qui choisissent et cautionnent plus ou moins implicitement de tels personnages malhonnêtes, nous les avons élus !

Tous les étudiants de Sciences-Po ou les apprentis journalistes devraient assister à cette trilogie, et notamment cette première partie !

Vivement le deuxième volet : Avenir radieux, une fission française !
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