Ses critiques
1005 critiques
8,5/10
Il est des soirées entre bobos trentenaires qui virent à la tragédie.
Comment ça, pléonasme ?
Cette fois-ci, le mot tragédie est à prendre au sens propre.
Le mythe de Cain et Abel décliné au féminin...
Maja Zade l'auteure (que nous découvrons en France, c'est seulement sa deuxième pièce) et Thomas Ostermeir le metteur-en scène, patron de la Schaubühne, nous embarquent dans une descente aux enfers d'une micro-société bien particulière.
Matthias et Bettina ont organisé un dîner réunissant quatre autres de leurs copains.
Des jeunes bobos trentenaires, donc.
Des membres de la « upper-middle-class », des petits-bourgeois citadins vivant dans une bulle rassurante, à l'entre-soi affirmé.
Des jeunes adultes pétris de certitudes, ayant des avis « éclairés » sur tout, avec une conscience politique « de gauche » revendiquée mais se résumant à saluer d'un grand sourire condescendant la caissière du supermarché.
Elle nous les montre, ces six-là, Frau Zade, autour de cette grande table métallique, dans une disposition évoquant une cène moderne.
Pour autant, le personnage qui disparaîtra suite à ce repas-là n'est pas présent.
Pendant qu'on échange entre potes des lieux communs et autres clichés, pendant qu'on discute avec la même fatuité et la même ferveur de la différence entre « migrants » et « réfugiés », des spécificités d'une relation libre, du fait de porter un pantalon de jogging lors d'une soirée, de la meilleur adresse pour l'épeautre bio, le drame se joue dans la chambre d'enfants de l'appartement.
De façon quasi-chirurgicale, Maja Zade pratique devant nous l'implacable autopsie d'une société de jeunes nantis.
Elle ne se nourrit d'aucune illusion : après le drame, les discussions futiles et sans fin perdureront, comme si ce qui s'était passé ne générait aucune leçon...
L'espoir est totalement absent de tout ça.
Thomas Ostermeir nous propose quant à lui une expérience de « théâtre augmenté ».
Dès l'arrivée dans la salle, les spectateurs comprennent qu'un casque audio les attend sur leur siège.
Des techniciens ont en effet équipé les 510 places du Théâtre des Gémeaux d'écouteurs. (Je serai curieux de connaître la longueur des câbles reliant tous ces dispositifs individuels...)
Ces casques vont nous permettre d'écouter les moindres chuchotements des comédiens, des éléments sonores ou encore quelques courts moments musicaux.
J'ai trouvé que le système permettait d'être « très près » des comédiens, la diffusion sonore respectant la localisation spatiale des acteurs. La voix d'un comédien jouant à jardin est restituée dans l'oreille gauche, et ainsi de suite...
Nous sommes également véritablement au cœur de la tragédie, plongés par la proximité sonore dans la dramatique action qui se joue.
Une action dramaturgique découpée en nombreux tableaux, que de nombreux mots successifs, de nombreux verbes projetés en même temps en fond de scène résument. « Links », « Rechts », « Die Mann Frau Hierarchie », « Prost », « Rücken », etc, etc.
Il y aura toujours ces mots devant nous, comme pour bien nous ancrer dans ces vaines discussions.
(Je rappelle que la pièce se joue en allemand surtitré.)
De très belles « doubles projections » video en noir et blanc nous montrent la chambre d'enfants, le lieu de la tragédie, et ce, de façon presque fantasmagorique et onirique.
Là encore, le côté glacial de cette histoire ressort de façon implacable.
Voici donc un terrible image sociétale qui nous est renvoyée.
Maja Zade et Thomas Ostermeir nous dépeignent une société glaciale, faite de faux-semblants, d'apparences trompeuses, de superficialité.
Un monde dans lequel la tragédie peut survenir à tout moment.
Une société qui est la nôtre.
C'est un moment de théâtre intense et passionnant.
Comment ça, pléonasme ?
Cette fois-ci, le mot tragédie est à prendre au sens propre.
Le mythe de Cain et Abel décliné au féminin...
Maja Zade l'auteure (que nous découvrons en France, c'est seulement sa deuxième pièce) et Thomas Ostermeir le metteur-en scène, patron de la Schaubühne, nous embarquent dans une descente aux enfers d'une micro-société bien particulière.
Matthias et Bettina ont organisé un dîner réunissant quatre autres de leurs copains.
Des jeunes bobos trentenaires, donc.
Des membres de la « upper-middle-class », des petits-bourgeois citadins vivant dans une bulle rassurante, à l'entre-soi affirmé.
Des jeunes adultes pétris de certitudes, ayant des avis « éclairés » sur tout, avec une conscience politique « de gauche » revendiquée mais se résumant à saluer d'un grand sourire condescendant la caissière du supermarché.
Elle nous les montre, ces six-là, Frau Zade, autour de cette grande table métallique, dans une disposition évoquant une cène moderne.
Pour autant, le personnage qui disparaîtra suite à ce repas-là n'est pas présent.
Pendant qu'on échange entre potes des lieux communs et autres clichés, pendant qu'on discute avec la même fatuité et la même ferveur de la différence entre « migrants » et « réfugiés », des spécificités d'une relation libre, du fait de porter un pantalon de jogging lors d'une soirée, de la meilleur adresse pour l'épeautre bio, le drame se joue dans la chambre d'enfants de l'appartement.
De façon quasi-chirurgicale, Maja Zade pratique devant nous l'implacable autopsie d'une société de jeunes nantis.
Elle ne se nourrit d'aucune illusion : après le drame, les discussions futiles et sans fin perdureront, comme si ce qui s'était passé ne générait aucune leçon...
L'espoir est totalement absent de tout ça.
Thomas Ostermeir nous propose quant à lui une expérience de « théâtre augmenté ».
Dès l'arrivée dans la salle, les spectateurs comprennent qu'un casque audio les attend sur leur siège.
Des techniciens ont en effet équipé les 510 places du Théâtre des Gémeaux d'écouteurs. (Je serai curieux de connaître la longueur des câbles reliant tous ces dispositifs individuels...)
Ces casques vont nous permettre d'écouter les moindres chuchotements des comédiens, des éléments sonores ou encore quelques courts moments musicaux.
J'ai trouvé que le système permettait d'être « très près » des comédiens, la diffusion sonore respectant la localisation spatiale des acteurs. La voix d'un comédien jouant à jardin est restituée dans l'oreille gauche, et ainsi de suite...
Nous sommes également véritablement au cœur de la tragédie, plongés par la proximité sonore dans la dramatique action qui se joue.
Une action dramaturgique découpée en nombreux tableaux, que de nombreux mots successifs, de nombreux verbes projetés en même temps en fond de scène résument. « Links », « Rechts », « Die Mann Frau Hierarchie », « Prost », « Rücken », etc, etc.
Il y aura toujours ces mots devant nous, comme pour bien nous ancrer dans ces vaines discussions.
(Je rappelle que la pièce se joue en allemand surtitré.)
De très belles « doubles projections » video en noir et blanc nous montrent la chambre d'enfants, le lieu de la tragédie, et ce, de façon presque fantasmagorique et onirique.
Là encore, le côté glacial de cette histoire ressort de façon implacable.
Voici donc un terrible image sociétale qui nous est renvoyée.
Maja Zade et Thomas Ostermeir nous dépeignent une société glaciale, faite de faux-semblants, d'apparences trompeuses, de superficialité.
Un monde dans lequel la tragédie peut survenir à tout moment.
Une société qui est la nôtre.
C'est un moment de théâtre intense et passionnant.
9/10
Voici quel était le pied de ma critique concernant le premier spectacle de Michaël Hirsch :
« Ces quatre-vingts minutes de rire intelligent, spirituel et poétique passent beaucoup, mais alors beaucoup trop vite !
Les longs applaudissements nourris et rythmés sont là pour témoigner du plaisir reçu à écouter et déguster les propos de Michaël Hirsch.
Dis M. Hirsch, tu ne pourrais pas en mettre un peu plus ?
Un prochain spectacle de la même tenue, alors ! »
Il l'a fait ! Le voici ce deuxième spectacle tant attendu par votre serviteur !
Avec toujours cet amour de la langue française, sa manipulation si subtile, ses détournements à base de calembours à la fois subtils et hilarants, d'à-peu-près épatants et décalés.
Michaël Hirsch continue pour notre plus grand plaisir sa poétique et lexicographique exploration des mots, ces mots qu'il nous fait déguster en les détournant de leur signification première.
Il fait partie de ces rares artistes, avec Stéphane De Groodt et François Morel, à rendre au calembour ses lettres de noblesse.
Le comédien est toujours inspiré par son idole, un certain Raymond Devos. Vous admettrez qu'en matière d'inspiration, il y a pire !
Dans ce monde où « l'urgent ne fait pas le bonheur », il va nous présenter un type qui « a mis sa vie entre charentaises ». Je le cite.
Oui, cette fois-ci, à la différence du premier spectacle, nous allons être confrontés à une dramaturgie plus traditionnelle que dans le premier spectacle, centrée sur la personne d'un certain Isidore Beaupieu.
Un type à l'incroyable destin.
Un dormeur, un rêveur, un jeune homme qui prend son temps, en cette époque où la vitesse, la précipitation, l'agitation sont érigées en vertus cardinales...
Viré de la multinationale Sanchez pour s'être endormi à un moment crucial de sa carrière, il va rencontrer une foultitude de personnages, générant ainsi une incroyable série de péripéties et autres rebondissements hilarants, avec quantité de jeux de mots et autres trouvailles linguistiques drôlissimes.
Nous allons rencontrer avec ce Beaupieu le bien nommé pas moins d'une vingtaine de personnages.
Quand les vingt sont titrés, il faut les voir !
Michaël Hirsch va en effet interpréter, outre le personnage principal, sa chérie, sa mère et son père, son patron M. Sanchez, Bruno le vigile, des gens dans le métro, des journalistes, la patriarche des Sapionce (je vous laisse découvrir ce passage jubilatoire), le Dr Housse, la présentatrice du magazine « complément d'en-couette », j'en passe et non des moindres.
On reconnaît bien là la patte d'Ivan Calbérac, qui a participé à la création du texte.
Michaël Hirsch est toujours aussi drôle, à nous conter son histoire, qu'il truffe d'un ton pince-sans-rire épatant de ses bons mots.
Le public réagit au quart de tour, à part quelques fois, où le comédien s'en amuse et propose de « nous laisser un peu de temps... »
Mis en scène cette fois-ci par Clotilde Daniault, évoluant dans la très belle scénographie de Natacha Markoff, il ne ménage pas sa peine !
Il enchaîne sans difficulté aucune ses changements d'identité, reprenant les intonations, les gestuelle, les mimiques de chaque personnage.
Nous rions énormément.
Impossible de faire autrement devant ce que nous voyons et peut-être surtout ce qui nous est donné à écouter et comprendre.
Il me faut mentionner, sans révéler bien entendu trop d'éléments, une autre corde à l'arc de Michaël Hirsch.
En interprétant un présentateur TV, un avocat et un témoin, il nous permet de reconnaître …......................... et puis ….........................., sans oublier …........................ .
(Les amateurs de mystère se régalent, non ? )
Là encore, la séquence est hilarante.
Je ne voudrais pas passer néanmoins sous silence le fait que le message que nous fait passer le comédien est basé sur de sérieuses recherches scientifiques : tout ce qu'il nous dit sur le sommeil, les rêves, tout ceci est pure vérité.
Et puis, vient à point nommé un bien beau message sur les inégalités hommes-femmes. Comprenne qui veut, comprenne qui peut !
Au final, la salle croule une nouvelle fois sous les bravi et les applaudissements nourris.
Quoi de plus logique !
Il faut vraiment venir au Lucernaire assister à ce spectacle intelligent, malin, spirituel. Un spectacle au rire à la fois sain et vrai !
Michaël Hirsch, un nouveau Louis de Finesse ?
« Ces quatre-vingts minutes de rire intelligent, spirituel et poétique passent beaucoup, mais alors beaucoup trop vite !
Les longs applaudissements nourris et rythmés sont là pour témoigner du plaisir reçu à écouter et déguster les propos de Michaël Hirsch.
Dis M. Hirsch, tu ne pourrais pas en mettre un peu plus ?
Un prochain spectacle de la même tenue, alors ! »
Il l'a fait ! Le voici ce deuxième spectacle tant attendu par votre serviteur !
Avec toujours cet amour de la langue française, sa manipulation si subtile, ses détournements à base de calembours à la fois subtils et hilarants, d'à-peu-près épatants et décalés.
Michaël Hirsch continue pour notre plus grand plaisir sa poétique et lexicographique exploration des mots, ces mots qu'il nous fait déguster en les détournant de leur signification première.
Il fait partie de ces rares artistes, avec Stéphane De Groodt et François Morel, à rendre au calembour ses lettres de noblesse.
Le comédien est toujours inspiré par son idole, un certain Raymond Devos. Vous admettrez qu'en matière d'inspiration, il y a pire !
Dans ce monde où « l'urgent ne fait pas le bonheur », il va nous présenter un type qui « a mis sa vie entre charentaises ». Je le cite.
Oui, cette fois-ci, à la différence du premier spectacle, nous allons être confrontés à une dramaturgie plus traditionnelle que dans le premier spectacle, centrée sur la personne d'un certain Isidore Beaupieu.
Un type à l'incroyable destin.
Un dormeur, un rêveur, un jeune homme qui prend son temps, en cette époque où la vitesse, la précipitation, l'agitation sont érigées en vertus cardinales...
Viré de la multinationale Sanchez pour s'être endormi à un moment crucial de sa carrière, il va rencontrer une foultitude de personnages, générant ainsi une incroyable série de péripéties et autres rebondissements hilarants, avec quantité de jeux de mots et autres trouvailles linguistiques drôlissimes.
Nous allons rencontrer avec ce Beaupieu le bien nommé pas moins d'une vingtaine de personnages.
Quand les vingt sont titrés, il faut les voir !
Michaël Hirsch va en effet interpréter, outre le personnage principal, sa chérie, sa mère et son père, son patron M. Sanchez, Bruno le vigile, des gens dans le métro, des journalistes, la patriarche des Sapionce (je vous laisse découvrir ce passage jubilatoire), le Dr Housse, la présentatrice du magazine « complément d'en-couette », j'en passe et non des moindres.
On reconnaît bien là la patte d'Ivan Calbérac, qui a participé à la création du texte.
Michaël Hirsch est toujours aussi drôle, à nous conter son histoire, qu'il truffe d'un ton pince-sans-rire épatant de ses bons mots.
Le public réagit au quart de tour, à part quelques fois, où le comédien s'en amuse et propose de « nous laisser un peu de temps... »
Mis en scène cette fois-ci par Clotilde Daniault, évoluant dans la très belle scénographie de Natacha Markoff, il ne ménage pas sa peine !
Il enchaîne sans difficulté aucune ses changements d'identité, reprenant les intonations, les gestuelle, les mimiques de chaque personnage.
Nous rions énormément.
Impossible de faire autrement devant ce que nous voyons et peut-être surtout ce qui nous est donné à écouter et comprendre.
Il me faut mentionner, sans révéler bien entendu trop d'éléments, une autre corde à l'arc de Michaël Hirsch.
En interprétant un présentateur TV, un avocat et un témoin, il nous permet de reconnaître …......................... et puis ….........................., sans oublier …........................ .
(Les amateurs de mystère se régalent, non ? )
Là encore, la séquence est hilarante.
Je ne voudrais pas passer néanmoins sous silence le fait que le message que nous fait passer le comédien est basé sur de sérieuses recherches scientifiques : tout ce qu'il nous dit sur le sommeil, les rêves, tout ceci est pure vérité.
Et puis, vient à point nommé un bien beau message sur les inégalités hommes-femmes. Comprenne qui veut, comprenne qui peut !
Au final, la salle croule une nouvelle fois sous les bravi et les applaudissements nourris.
Quoi de plus logique !
Il faut vraiment venir au Lucernaire assister à ce spectacle intelligent, malin, spirituel. Un spectacle au rire à la fois sain et vrai !
Michaël Hirsch, un nouveau Louis de Finesse ?
8,5/10
Montargis n'est pas dans le Loiret !
Venise n'étant pas en Italie, après tout, il n'y a pas de raison !
Quelle bonne idée a eue la direction du Théâtre Lepic de reprendre ce grand succès des saisons passées !
(On se rappelle que cette pièce fut nommée aux Molières 2017 du meilleur Seul en Scène.)
Ivan Calbérac a adapté son propre roman « L'étudiante et Monsieur Henry » pour en faire un bien beau moment de théâtre. (Et au passage d'en réaliser également une adaptation cinématographique l'an passé, avec notamment Benoît Pœlvoorde, Valérie Bonneton et Nicolas Briançon.)
Montargis, donc.
Emile, qui vit avec sa famille dans une caravane, dans l'une des deux préfectures du Loiret, donc, Emile est en classe de première. Voilà qu'il tombe raide dingue amoureux de la jolie Pauline, en seconde, elle.
Pourtant, au départ, rien n'était gagné...
Dame, je voudrais vous y voir, vous, avec une mère qui vous oblige à vous teindre les cheveux en blond...
Premiers rendez-vous chastes, ciné club, après-midi chez les parents, etc, etc...
Un beau jour, Pauline, par ailleurs violoniste, invite Emile à un concert à Venise.
Tout irait pour le mieux, si la famille de celui, à mi-chemin entre branquignols attachants et pieds-nickelés sympathiques, décidait de l'accompagner.
En caravane, forcément...
Va en effet s'ensuivre toute une série de péripéties souvent hilarantes, parfois émouvantes.
Dans cette quête de l'Amour, notre héros va en quelque sorte subir un rite de passage, une initiation.
De vraies formules très drôles émaillent le texte. Celle qui traite notamment de la compassion des Italiens est épatante. Je vous laisse découvrir...
Cette saison, c'est Garlan Le Martelot qui reprend le rôle, mis en scène cette fois-ci encore par l'auteur.
A lui seul, il va interpréter une kyrielle de personnages, dont Emile, bien entendu, mais aussi sa famille, la mère, le père et le frère, Pauline, les parents de celle-ci, sans oublier un serveur de pizza, un copain de lycée, la voisine Christine, une jolie blonde en auto-scooter, des déménageurs, un réceptionniste, j'en passe et non des moindres.
Le comédien ne va pas ménager sa peine. Pour mouiller sa chemise, il va mouiller sa chemise !
Quelle énergie, quelle puissance comique !
Sans aucun décor, avec juste un petit bureau et un banc, il va nous complètement nous plonger dans l'univers d'Emile.
(Je ne vous décrirai pas les judicieux accessoires qu'il va utiliser au fur et à mesure que l'intrigue se déroule. C'est en tout cas de vraies trouvailles...)
Prenant des intonations différentes, des registres de voix très variés, des mimiques et des gestuelles inénarrables, avec des changements parfois au quart de seconde, il n'arrête pas.
C'est un véritable feu follet qui arpente le plateau.
Il va nous faire beaucoup rire.
Certaines de ses répliques sont drôlissimes.
J'ai eu un petit faible pour le père d'Emile, avec parfois des petits clins d'œil Gérard Depardieu.
La Pauline de Garlan le Martelot est également épatante, avec le petit geste récurrent qui consiste à s'entortiller les cheveux...
Nous ne sommes jamais perdus, le comédien sait parfaitement faire en sorte que ses personnages soient immédiatement identifiables.
Certes, il nous fait rire, mais il va également nous émouvoir. Et pas qu'un peu.
Parce que cette quête entre deux ados de condition sociale différente est décrite avec précision, pudeur et un certain romantisme, n'ayons pas peur des mots.
La dernière scène est à cet égard formidable. C'est très réussi.
C'est donc un très joli moment de théâtre qui nous est proposé, l'un de ceux qui vous font rencontrer de vrais personnages, une belle écriture et une histoire épatante.
Sans oublier un excellent comédien !
Quant aux amateurs de Sheila, Ringo et Eros Ramazzotti, ceux-là exultent !
Venise n'étant pas en Italie, après tout, il n'y a pas de raison !
Quelle bonne idée a eue la direction du Théâtre Lepic de reprendre ce grand succès des saisons passées !
(On se rappelle que cette pièce fut nommée aux Molières 2017 du meilleur Seul en Scène.)
Ivan Calbérac a adapté son propre roman « L'étudiante et Monsieur Henry » pour en faire un bien beau moment de théâtre. (Et au passage d'en réaliser également une adaptation cinématographique l'an passé, avec notamment Benoît Pœlvoorde, Valérie Bonneton et Nicolas Briançon.)
Montargis, donc.
Emile, qui vit avec sa famille dans une caravane, dans l'une des deux préfectures du Loiret, donc, Emile est en classe de première. Voilà qu'il tombe raide dingue amoureux de la jolie Pauline, en seconde, elle.
Pourtant, au départ, rien n'était gagné...
Dame, je voudrais vous y voir, vous, avec une mère qui vous oblige à vous teindre les cheveux en blond...
Premiers rendez-vous chastes, ciné club, après-midi chez les parents, etc, etc...
Un beau jour, Pauline, par ailleurs violoniste, invite Emile à un concert à Venise.
Tout irait pour le mieux, si la famille de celui, à mi-chemin entre branquignols attachants et pieds-nickelés sympathiques, décidait de l'accompagner.
En caravane, forcément...
Va en effet s'ensuivre toute une série de péripéties souvent hilarantes, parfois émouvantes.
Dans cette quête de l'Amour, notre héros va en quelque sorte subir un rite de passage, une initiation.
De vraies formules très drôles émaillent le texte. Celle qui traite notamment de la compassion des Italiens est épatante. Je vous laisse découvrir...
Cette saison, c'est Garlan Le Martelot qui reprend le rôle, mis en scène cette fois-ci encore par l'auteur.
A lui seul, il va interpréter une kyrielle de personnages, dont Emile, bien entendu, mais aussi sa famille, la mère, le père et le frère, Pauline, les parents de celle-ci, sans oublier un serveur de pizza, un copain de lycée, la voisine Christine, une jolie blonde en auto-scooter, des déménageurs, un réceptionniste, j'en passe et non des moindres.
Le comédien ne va pas ménager sa peine. Pour mouiller sa chemise, il va mouiller sa chemise !
Quelle énergie, quelle puissance comique !
Sans aucun décor, avec juste un petit bureau et un banc, il va nous complètement nous plonger dans l'univers d'Emile.
(Je ne vous décrirai pas les judicieux accessoires qu'il va utiliser au fur et à mesure que l'intrigue se déroule. C'est en tout cas de vraies trouvailles...)
Prenant des intonations différentes, des registres de voix très variés, des mimiques et des gestuelles inénarrables, avec des changements parfois au quart de seconde, il n'arrête pas.
C'est un véritable feu follet qui arpente le plateau.
Il va nous faire beaucoup rire.
Certaines de ses répliques sont drôlissimes.
J'ai eu un petit faible pour le père d'Emile, avec parfois des petits clins d'œil Gérard Depardieu.
La Pauline de Garlan le Martelot est également épatante, avec le petit geste récurrent qui consiste à s'entortiller les cheveux...
Nous ne sommes jamais perdus, le comédien sait parfaitement faire en sorte que ses personnages soient immédiatement identifiables.
Certes, il nous fait rire, mais il va également nous émouvoir. Et pas qu'un peu.
Parce que cette quête entre deux ados de condition sociale différente est décrite avec précision, pudeur et un certain romantisme, n'ayons pas peur des mots.
La dernière scène est à cet égard formidable. C'est très réussi.
C'est donc un très joli moment de théâtre qui nous est proposé, l'un de ceux qui vous font rencontrer de vrais personnages, une belle écriture et une histoire épatante.
Sans oublier un excellent comédien !
Quant aux amateurs de Sheila, Ringo et Eros Ramazzotti, ceux-là exultent !
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7,5/10
Maldoror, un type avec qui on n'aimerait pas passer ses vacances.
Un être maléfique, mystérieux, « né méchant », nous précise même son auteur, Isodore Ducasse, plus connu sous le pseudonyme du Comte de Lautréamont.
Le livre Les chants de Maldoror, publié en 1869, puis en 1874, est une sorte d'épopée fantastique, en six parties, mettant en scène, et c'est le seul point commun à ces chants, ce terrible mauvais homme.
Le recueil passa totalement inaperçu au moment de sa publication, mais connut un vrai succès notamment ultérieurement grâce à sa re-découverte par les Surréalistes, qui le revendiquèrent comme une inspiration à leur mouvement.
André Breton citait souvent Lautréamont, notamment dans ses Manifestes du surréalisme.
C'est donc ce texte poétique certes, mais complexe, ardu, parfois hermétique (c'est mon avis...), qu'a choisi de dire sur la scène de l'Athénée Benjamin Lazar.
On sait son amour du répertoire du XVIIème siècle, avec les techniques anciennes de l'acteur (nous en reparlerons bientôt, il joue ici même en alternance une pièce de Cyrano de Bergerac), mais il a choisi avec sa compagnie de mettre en lumière tamisée les mots de Lautréamont.
C'est en costumes bleu à fines paillettes que le comédien apparaît sur le plateau...
Très vite, le cadre est posé...
Une ambiance lourde, parfois morbide (on ne peut pas dire que vouloir trancher les joues des jeunes enfants à coup de rasoir relève de la plus grande des gaudrioles...), nous saisit.
Ce qui va primer avant tout, c'est la grande musicalité des textes.
On sait que Lautréamont se servait de son piano pour écrire son œuvre. Une écriture musicale...
De nuit, il plaquait des mots sur des accords sonores, et peut-être réciproquement, au grand dam d'ailleurs de ses voisins.
Ici, les phrases dont je ne saisissais pas parfois le sens, malgré toute mon attention, les phrases dites par le comédien deviennent une voix musicale.
Un exemple de ces étonnants textes ayant séduit les Surréalistes : « Beau comme la loi de l’arrêt du développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n’est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s’assimile... »
La mélodie des mots entre en parfaite résonance avec les œuvres musicales contemporaines de Pedro Garcia-Velasquez et Augustin Muller.
Une installation sonore fait en sorte que nous sommes complètement enveloppés par des sons étranges, des percussions lancinantes, ou encore des dissonances sévères mais passionnantes.
Les rétro-projections video en noir et blanc de Joseph Paris, elles aussi déstabilisantes sur un rideau translucide amovible viennent compléter le dispositif. (Des serpents, des paysages lugubres, des mains menaçantes qui caressent un dos, une multitude d'oiseaux, des marécages, etc...)
Benjamin Lazar, très peu éclairé et souvent en contre-plongée, est inquiétant.
Il m'a parfois fait peur.
C'est une vraie performance que de dire pendant une heure et quarante minutes un texte difficile (Cf la phrase ci-dessus.)
Il manipulera quantité d'objets étranges, se vautrera sur un lit en fer blanc sur lequel reposent quantité de fleurs en plastique, utilisera des morceaux de cartons noirs, se travestira en hétaïre plus ou moins éthérée...
Ce spectacle, qui peut déranger certains, (des spectateurs sont partis avant la fin de la représentation), qui peut être déstabilisant, est en tout cas fascinant.
Il faut vraiment se laisser porter par la musicalité du texte, les dissonances envoûtantes, ainsi que et surtout par le talent de Benjamin Lazar.
Ce spectacle est un très intéressant oratorio, étrange et perturbant, sombre et dissonant, pour une voix et quantité d'éléments sonores concrets.
Un être maléfique, mystérieux, « né méchant », nous précise même son auteur, Isodore Ducasse, plus connu sous le pseudonyme du Comte de Lautréamont.
Le livre Les chants de Maldoror, publié en 1869, puis en 1874, est une sorte d'épopée fantastique, en six parties, mettant en scène, et c'est le seul point commun à ces chants, ce terrible mauvais homme.
Le recueil passa totalement inaperçu au moment de sa publication, mais connut un vrai succès notamment ultérieurement grâce à sa re-découverte par les Surréalistes, qui le revendiquèrent comme une inspiration à leur mouvement.
André Breton citait souvent Lautréamont, notamment dans ses Manifestes du surréalisme.
C'est donc ce texte poétique certes, mais complexe, ardu, parfois hermétique (c'est mon avis...), qu'a choisi de dire sur la scène de l'Athénée Benjamin Lazar.
On sait son amour du répertoire du XVIIème siècle, avec les techniques anciennes de l'acteur (nous en reparlerons bientôt, il joue ici même en alternance une pièce de Cyrano de Bergerac), mais il a choisi avec sa compagnie de mettre en lumière tamisée les mots de Lautréamont.
C'est en costumes bleu à fines paillettes que le comédien apparaît sur le plateau...
Très vite, le cadre est posé...
Une ambiance lourde, parfois morbide (on ne peut pas dire que vouloir trancher les joues des jeunes enfants à coup de rasoir relève de la plus grande des gaudrioles...), nous saisit.
Ce qui va primer avant tout, c'est la grande musicalité des textes.
On sait que Lautréamont se servait de son piano pour écrire son œuvre. Une écriture musicale...
De nuit, il plaquait des mots sur des accords sonores, et peut-être réciproquement, au grand dam d'ailleurs de ses voisins.
Ici, les phrases dont je ne saisissais pas parfois le sens, malgré toute mon attention, les phrases dites par le comédien deviennent une voix musicale.
Un exemple de ces étonnants textes ayant séduit les Surréalistes : « Beau comme la loi de l’arrêt du développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n’est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s’assimile... »
La mélodie des mots entre en parfaite résonance avec les œuvres musicales contemporaines de Pedro Garcia-Velasquez et Augustin Muller.
Une installation sonore fait en sorte que nous sommes complètement enveloppés par des sons étranges, des percussions lancinantes, ou encore des dissonances sévères mais passionnantes.
Les rétro-projections video en noir et blanc de Joseph Paris, elles aussi déstabilisantes sur un rideau translucide amovible viennent compléter le dispositif. (Des serpents, des paysages lugubres, des mains menaçantes qui caressent un dos, une multitude d'oiseaux, des marécages, etc...)
Benjamin Lazar, très peu éclairé et souvent en contre-plongée, est inquiétant.
Il m'a parfois fait peur.
C'est une vraie performance que de dire pendant une heure et quarante minutes un texte difficile (Cf la phrase ci-dessus.)
Il manipulera quantité d'objets étranges, se vautrera sur un lit en fer blanc sur lequel reposent quantité de fleurs en plastique, utilisera des morceaux de cartons noirs, se travestira en hétaïre plus ou moins éthérée...
Ce spectacle, qui peut déranger certains, (des spectateurs sont partis avant la fin de la représentation), qui peut être déstabilisant, est en tout cas fascinant.
Il faut vraiment se laisser porter par la musicalité du texte, les dissonances envoûtantes, ainsi que et surtout par le talent de Benjamin Lazar.
Ce spectacle est un très intéressant oratorio, étrange et perturbant, sombre et dissonant, pour une voix et quantité d'éléments sonores concrets.
9,5/10
Elle déchire, Madame Zola !
Nous la voyons déchirer des lettres qu'elle juge indécentes, des courriers enflammés que lui a adressés naguère un certain Paul Cézanne.
Voici l'une des nombreuses épatantes scènes de cette passionnante pièce d'Annick Le Goff.
Oui, Alexandrine Zola, veuve depuis peu du grand homme, va se pencher sur son passé.
En s'adressant à feu son mari, qu'elle vient d'accompagner au Panthéon.
Mais les choses ne vont pas aller de soi.
Parce que bien des mots vont avoir parfois du mal à franchir ses lèvres.
Des mots qui expriment l'amour, la souffrance, des mots qui vont nous dire l'histoire de cette femme injustement méconnue, et qui a contribué à sa façon à l'œuvre du grand auteur.
Des mots qui vont pouvoir être formulés notamment grâce à la présence d'un « apothicaire », M. Fleury.
Annick Le Goff a inventé de toutes pièces ce pharmacien un peu guérisseur, peut-être et surtout "précurseur" de la psychanalyse.
C'est là l'une des grandes réussites dramaturgiques de cette pièce, la rencontre de ces deux personnages, l'un historique, et l'autre imaginaire.
Leurs deux histoires, en s'interpénétrant, vont permettre à cette parole d'être accouchée, à la maïeutique de fonctionner, et permettre ainsi à Mme Zola de nous raconter sa bouleversante histoire.
De très nombreuses formules ciselées tirent bien des émotions aux spectateurs, dont de nombreux rires, car l'on rit souvent.
Deux formidables comédiens (je pèse l'épithète) vont interpréter ces deux personnages !
Mais quelle bonne idée a eue la metteure en scène Anouche Setbon de les associer !
Une merveilleuse alchimie opère entre Catherine Arditi et Pierre Forest.
Ces deux-là nous donnent une leçon de comédie.
Purement et simplement.
Melle Arditi est cette femme au caractère trempé, qui ne mâche pas ses mots.
Dès la première phrase, la comédienne nous attrape et ne nous lâchera plus.
Impossible de ne pas être passionné par ce qu'elle nous dit, et la façon dont elle nous le dit.
Certes, elle en impose en veuve autoritaire, mais elle nous bouleverse à certains moments. (Je vous laisse évidemment découvrir par vous-mêmes ces scènes.)
Voilà qu'une larme perle sur sa joue... Je vous assure qu'à ce instant-là, votre serviteur n'en menait pas large.
Ses regards, ses répliques qui fusent face à son partenaire, ses adresses à feu son Emile (elle scrute alors le fond de la salle), ses ruptures sont autant de grands moments de comédie.
M. Fleury, c'est Pierre Forest.
Lui aussi est parfait dans ce rôle qui demande beaucoup de subtilité.
De sa belle voix de basse, tout en bonhommie, il incarne ce pharmacien, aux étranges préparations (les amateurs d'escargots, de belladone se régalent...) et aux étonnantes méthodes.
Il est l'autre partenaire de cette confrontation à fleurets mouchetés.
Lui aussi procure beaucoup d'émotions. Il m'a beaucoup touché, avec son histoire faisant écho à celle de sa « cliente ».
Il incarne cet homme, plein d'empathie, désireux sincèrement d'aider Mme Zola.
Il est drôle lui aussi, dans sa façon d'apporter la contradiction, tout en finesse, sans avoir l'air d'y toucher.
Deux formidables comédiens, vous dis-je !
La mise en scène d'Anouche Setbon est fluide et millimétrée, avec une attention toute particulière envers la distance qui sépare les deux comédiens.
La parole est libérée alors que les deux sont très proches, les rapports plus tendus lorsqu'ils sont chacun de leur côté.
Les changements de place de Pierre Forest-M. Fleury durant les séances où Catherine Arditi-Mme Zola parvient à exprimer ce qu'elle a enfoui, ces changements de place sont jubilatoires.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner les somptueux costumes d'époque de Juliette Chanaud ainsi que les délicates lumières de Laurent Béal.
Aux saluts, les spectateurs scandent leurs applaudissements. De nombreux bravi fusent, venant très logiquement saluer la prestation des deux comédiens.
Courez toutes affaires cessantes au Petit Montparnasse, afin de découvrir le destin de cette femme injustement méconnue.
C'est un spectacle incontournable de cet automne.
Nous la voyons déchirer des lettres qu'elle juge indécentes, des courriers enflammés que lui a adressés naguère un certain Paul Cézanne.
Voici l'une des nombreuses épatantes scènes de cette passionnante pièce d'Annick Le Goff.
Oui, Alexandrine Zola, veuve depuis peu du grand homme, va se pencher sur son passé.
En s'adressant à feu son mari, qu'elle vient d'accompagner au Panthéon.
Mais les choses ne vont pas aller de soi.
Parce que bien des mots vont avoir parfois du mal à franchir ses lèvres.
Des mots qui expriment l'amour, la souffrance, des mots qui vont nous dire l'histoire de cette femme injustement méconnue, et qui a contribué à sa façon à l'œuvre du grand auteur.
Des mots qui vont pouvoir être formulés notamment grâce à la présence d'un « apothicaire », M. Fleury.
Annick Le Goff a inventé de toutes pièces ce pharmacien un peu guérisseur, peut-être et surtout "précurseur" de la psychanalyse.
C'est là l'une des grandes réussites dramaturgiques de cette pièce, la rencontre de ces deux personnages, l'un historique, et l'autre imaginaire.
Leurs deux histoires, en s'interpénétrant, vont permettre à cette parole d'être accouchée, à la maïeutique de fonctionner, et permettre ainsi à Mme Zola de nous raconter sa bouleversante histoire.
De très nombreuses formules ciselées tirent bien des émotions aux spectateurs, dont de nombreux rires, car l'on rit souvent.
Deux formidables comédiens (je pèse l'épithète) vont interpréter ces deux personnages !
Mais quelle bonne idée a eue la metteure en scène Anouche Setbon de les associer !
Une merveilleuse alchimie opère entre Catherine Arditi et Pierre Forest.
Ces deux-là nous donnent une leçon de comédie.
Purement et simplement.
Melle Arditi est cette femme au caractère trempé, qui ne mâche pas ses mots.
Dès la première phrase, la comédienne nous attrape et ne nous lâchera plus.
Impossible de ne pas être passionné par ce qu'elle nous dit, et la façon dont elle nous le dit.
Certes, elle en impose en veuve autoritaire, mais elle nous bouleverse à certains moments. (Je vous laisse évidemment découvrir par vous-mêmes ces scènes.)
Voilà qu'une larme perle sur sa joue... Je vous assure qu'à ce instant-là, votre serviteur n'en menait pas large.
Ses regards, ses répliques qui fusent face à son partenaire, ses adresses à feu son Emile (elle scrute alors le fond de la salle), ses ruptures sont autant de grands moments de comédie.
M. Fleury, c'est Pierre Forest.
Lui aussi est parfait dans ce rôle qui demande beaucoup de subtilité.
De sa belle voix de basse, tout en bonhommie, il incarne ce pharmacien, aux étranges préparations (les amateurs d'escargots, de belladone se régalent...) et aux étonnantes méthodes.
Il est l'autre partenaire de cette confrontation à fleurets mouchetés.
Lui aussi procure beaucoup d'émotions. Il m'a beaucoup touché, avec son histoire faisant écho à celle de sa « cliente ».
Il incarne cet homme, plein d'empathie, désireux sincèrement d'aider Mme Zola.
Il est drôle lui aussi, dans sa façon d'apporter la contradiction, tout en finesse, sans avoir l'air d'y toucher.
Deux formidables comédiens, vous dis-je !
La mise en scène d'Anouche Setbon est fluide et millimétrée, avec une attention toute particulière envers la distance qui sépare les deux comédiens.
La parole est libérée alors que les deux sont très proches, les rapports plus tendus lorsqu'ils sont chacun de leur côté.
Les changements de place de Pierre Forest-M. Fleury durant les séances où Catherine Arditi-Mme Zola parvient à exprimer ce qu'elle a enfoui, ces changements de place sont jubilatoires.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner les somptueux costumes d'époque de Juliette Chanaud ainsi que les délicates lumières de Laurent Béal.
Aux saluts, les spectateurs scandent leurs applaudissements. De nombreux bravi fusent, venant très logiquement saluer la prestation des deux comédiens.
Courez toutes affaires cessantes au Petit Montparnasse, afin de découvrir le destin de cette femme injustement méconnue.
C'est un spectacle incontournable de cet automne.