Ses critiques
1005 critiques
9/10
« A 17 ans, on n'a peur de rien. Surtout, lorsqu'on vient de Mogadiscio. »
Mogadiscio. Somalie. La corne de l'Afrique.
La famine, la pauvreté, le chaos qui touchent dans les années 2000 plus de deux millions d'habitants.
Un chaos organisé, contrôlé par les « seigneurs de guerre » jusqu'en 2006, date à laquelle des islamistes prennent le contrôle de la capitale, qu'ils dirigent sous le nom d'Union des tribunaux islamiques.
Un régime très dur, notamment envers les femmes. Encore et toujours, les femmes premières victimes du fondamentalisme.
La pièce de Gilbert Ponté nous raconte le destin de l'une de ces jeunes somaliennes.
Samia Yusuf Omar.
Une histoire tragique et vraie.
Samia est une athlète, une sprinteuse qui en dépit de la misère, des conditions épouvantables d'entraînement, participera aux Jeux olympiques d'été de Pékin, en 2008.
C'est l'équipe du Soudan qui lui donnera une paire de chaussures de sport, trop grandes de deux pointures.
De retour à Mogadiscio, elle décidera de tout quitter et de tenter d'émigrer en Europe, via le désert du Soudan et la Méditerranée. Comme des centaines de milliers d'êtres humains.
Cette course-là, elle ne la terminera pas...
Malyka R. Johany, mise en scène par Steve Suissa, incarne cette jeune femme.
De façon bouleversante.
Ce que nous donne la jeune comédienne est d'une force, d'une puissance remarquables. Et souvent d'une vraie drôlerie. Parce que malgré tout, des traits humoristiques pointent de cette tragédie,
De l'interprétation de Mademoiselle Johany se dégagent une fraîcheur, un charisme et une vraie grâce.
Les spectateurs croient immédiatement au personnage.
La comédienne apparaît pieds nus, en T-shirt blanc et pantacourt noir de sport. Elle chante une très belle complainte du pays.
Elle est véritablement Samia.
Une justesse sans faille et un engagement total vont nous bouleverser.
A mesure qu'elle nous déroule l'histoire tragique de la sportive, la comédienne nous montre la souffrance. Sportive et humaine.
Elle va nous faire comprendre.
Nous voyons évidemment à la télévision, ces bateaux de migrants dans lesquels se serrent des hommes, des femmes, des enfants qui ont choisi de partir.
Des gens qui ne sont pas certaines d'arriver à bon port, notamment à Lampedusa.
Gilbert Ponté, l'auteur, Steve Suissa, le metteur en scène et Malika R. Johany nous font comprendre que derrière ces « migrants », on trouve avant tout des êtres humains.
Des êtres humains qui n'ont d'autre choix que de quitter leur pays devenu hostile, en proie à la guerre, la misère.
Des êtres humains qui sont tout sauf anonymes.
Steve Suissa met en scène la pièce avec l'efficacité qu'on lui connaît.
Il a repris très judicieusement le principe du réalisateur Brian de Palma, qui consiste à dilater les temps de récit très courts.
C'est ainsi que la course de Samia, ainsi qu'un autre moment se dérouleront au ralenti. Nous saisirons ainsi les difficultés d'être une athlète somalienne en 2008, et surtout d'être une athlète-femme.
De plus, le metteur en scène va s'appuyer sur des pans de tissus de différentes couleurs, avec lesquels la comédienne va se faire des costumes traditionnels.
Ainsi qu'une sorte de Burqa...
Le dernier voile est de couleur claire... Ce sera un linceul.
Une fois la lumière revenue après le noir final, les applaudissements nourris et très sonores éclatent, les Bravi fusent !
Il est des pièces coup de poing.
Celle-ci en est une.
Une pièce coup de pied, même, en l'occurrence.
Ces soixante-dix minutes nous confrontent à une terrible réalité.
C'est également l'une des fonctions du théâtre que de décrire le monde tel qu'il ne va pas.
Voici un magnifique et bouleversant spectacle nécessaire dont on ne sort pas indemne.
Mogadiscio. Somalie. La corne de l'Afrique.
La famine, la pauvreté, le chaos qui touchent dans les années 2000 plus de deux millions d'habitants.
Un chaos organisé, contrôlé par les « seigneurs de guerre » jusqu'en 2006, date à laquelle des islamistes prennent le contrôle de la capitale, qu'ils dirigent sous le nom d'Union des tribunaux islamiques.
Un régime très dur, notamment envers les femmes. Encore et toujours, les femmes premières victimes du fondamentalisme.
La pièce de Gilbert Ponté nous raconte le destin de l'une de ces jeunes somaliennes.
Samia Yusuf Omar.
Une histoire tragique et vraie.
Samia est une athlète, une sprinteuse qui en dépit de la misère, des conditions épouvantables d'entraînement, participera aux Jeux olympiques d'été de Pékin, en 2008.
C'est l'équipe du Soudan qui lui donnera une paire de chaussures de sport, trop grandes de deux pointures.
De retour à Mogadiscio, elle décidera de tout quitter et de tenter d'émigrer en Europe, via le désert du Soudan et la Méditerranée. Comme des centaines de milliers d'êtres humains.
Cette course-là, elle ne la terminera pas...
Malyka R. Johany, mise en scène par Steve Suissa, incarne cette jeune femme.
De façon bouleversante.
Ce que nous donne la jeune comédienne est d'une force, d'une puissance remarquables. Et souvent d'une vraie drôlerie. Parce que malgré tout, des traits humoristiques pointent de cette tragédie,
De l'interprétation de Mademoiselle Johany se dégagent une fraîcheur, un charisme et une vraie grâce.
Les spectateurs croient immédiatement au personnage.
La comédienne apparaît pieds nus, en T-shirt blanc et pantacourt noir de sport. Elle chante une très belle complainte du pays.
Elle est véritablement Samia.
Une justesse sans faille et un engagement total vont nous bouleverser.
A mesure qu'elle nous déroule l'histoire tragique de la sportive, la comédienne nous montre la souffrance. Sportive et humaine.
Elle va nous faire comprendre.
Nous voyons évidemment à la télévision, ces bateaux de migrants dans lesquels se serrent des hommes, des femmes, des enfants qui ont choisi de partir.
Des gens qui ne sont pas certaines d'arriver à bon port, notamment à Lampedusa.
Gilbert Ponté, l'auteur, Steve Suissa, le metteur en scène et Malika R. Johany nous font comprendre que derrière ces « migrants », on trouve avant tout des êtres humains.
Des êtres humains qui n'ont d'autre choix que de quitter leur pays devenu hostile, en proie à la guerre, la misère.
Des êtres humains qui sont tout sauf anonymes.
Steve Suissa met en scène la pièce avec l'efficacité qu'on lui connaît.
Il a repris très judicieusement le principe du réalisateur Brian de Palma, qui consiste à dilater les temps de récit très courts.
C'est ainsi que la course de Samia, ainsi qu'un autre moment se dérouleront au ralenti. Nous saisirons ainsi les difficultés d'être une athlète somalienne en 2008, et surtout d'être une athlète-femme.
De plus, le metteur en scène va s'appuyer sur des pans de tissus de différentes couleurs, avec lesquels la comédienne va se faire des costumes traditionnels.
Ainsi qu'une sorte de Burqa...
Le dernier voile est de couleur claire... Ce sera un linceul.
Une fois la lumière revenue après le noir final, les applaudissements nourris et très sonores éclatent, les Bravi fusent !
Il est des pièces coup de poing.
Celle-ci en est une.
Une pièce coup de pied, même, en l'occurrence.
Ces soixante-dix minutes nous confrontent à une terrible réalité.
C'est également l'une des fonctions du théâtre que de décrire le monde tel qu'il ne va pas.
Voici un magnifique et bouleversant spectacle nécessaire dont on ne sort pas indemne.
9/10
« N'écoutez jamais les critiques ! Ce sont des culs ! »
Ah il avait son franc-parler, M. Satie !
Au Théâtre de la Contrescarpe, Laetitia Gonzalbes a écrit et mis en scène un étonnant, délicat et passionnant spectacle consacré à ce musicien dont nous sommes beaucoup à ne connaître que quelques œuvres célèbres (les Gymnopédies, les Gnossiennes, La belle Excentrique (le générique de la mythique émission de Jacques Martin, le Petit Rapporteur...), le Morceau en forme de poire...), et à ignorer totalement le restant de son existence.
Melle Gonzalbes va combler nombre de nos lacunes, et nous allons être confrontés pour notre plus grand plaisir aux multiples facettes de l'artiste. Et de l'homme.
C'est l'infirmier d'un hôpital psychiatrique qui débute le spectacle, un portable à la main, appelant du renfort.
Etrange, pour une pièce consacrée à Erik Satie... Nous comprendrons plus tard...
Et puis voici les deux personnages principaux.
Le compositeur et son infirmière.
Nous sommes effectivement dans la chambre d'un hôpital psychiatrique.
Entre ces deux-là, va se jouer une épatante joute à fleurets mouchetés, prétexte à mieux faire connaissance.
Avec les deux.
Les épisodes drôles, surréalistes, mais également émouvants voire bouleversants des deux personnages, l'un historique et artistique, l'autre imaginaire, sont évoqués.
L'écriture de Laëtitia Gonzalbes, précise, alerte, comportant des formules qui font mouche et qui servent totalement le propos, cette écriture évoque bien entendu la vie, l'œuvre du musicien, mais va déboucher sur le mécanisme de création, sur l'évocation de la place de l'artiste, sur son rapport avec la Société, et puis, sans pathos de mauvais aloi, avec au contraire une grande dignité, sur la mort, celle que l'on subit, ou celle que l'on se donne.
Nous comprendrons, à la toute fin de spectacle, là où nous sommes et avec qui nous sommes.
Je n'en dis pas plus. Les spectateurs, dont votre serviteur, qui n'avaient pas du tout vu venir arriver la conclusion sont alors bouleversés.
Et puis un excellentissime duo interprète avec une infaillible justesse et une très grande complicité les deux rôles.
L'infirmière, c'est Anaïs Yazit.
La toute jeune comédienne, au délicieux petit voile sur la voix, est dans un premier temps tout à fait pétillante.
Quel charme, quel espièglerie, quel allant, quelle justesse resortent de son interprétation.
Quel joli moment dansé, sous un grand voile blanc !
Et puis, alors que nous comprenons qui est réellement cette jeune femme en robe blanche aux motifs noirs et blancs, elle est complètement bouleversante.
On ne doute pas un seul instant de son personnage !
Quant à lui, Elliot Jenicot est un incroyable et épatant Erik Satie !
Dans son costume trois pièces, chapeau melon et parapluie, barbichette et bésicles pince-nez, il est véritablement le musicien surréaliste. (On dirait un peu un personnage à la Dubout.)
Celui qui vient de partir contraint et forcé de la Comédie-Française m'a une nouvelle fois enchanté.
Mais quel comédien complet ! A chaque fois que je le vois, il m'épate et me ravit !
(Mais comment a-t-on pu vouloir se passer au Français de cette formidable richesse dramaturgique qu'est Elliot Jenicot... Et je referme ma parenthèse!)
A son habitude, non seulement il nous enchante de sa façon de dire et d'interpréter un texte, mais il déploie tout son talent de mime, de danseur, sa capacité à adopter une gestuelle exacerbée, afin de donner vie à Satie.
Lui aussi nous bouleversera, lorsque nous réaliserons.
Les deux comédiens s'entendent comme larrons en foire, la complicité entre les deux est manifeste, Le duo fonctionne à la perfection.
Durant cette heure et dix minutes, il y aura à la fois la forme et le fond.
Cette pièce est un spectacle en noir et blanc.
La scénographie immaculée de Suki tranche avec le costume, les deux petits pianos noirs à cour.
Et avec ses illustrations.
De belles animations très graphiques, au trait fin et précis, illustrent très judicieusement les propos des comédiens.
Des courriers, des textes sont reproduits avec une très jolie calligraphie.
Ce spectacle est aussi graphique, presque dépouillé.
Le fond et la forme, vous dis-je !
Je vous conseille vraiment cette pièce très originale.
Les parti-pris de l'autrice et metteure en scène Laëtitia Gonzalbes, le grand talent de ses deux interprètes Anaïs Yazit et Elliot Jenicot nous emmènent très loin, dans un bien beau voyage musical et humain.
De ceux dont on se souvient longtemps.
Ah il avait son franc-parler, M. Satie !
Au Théâtre de la Contrescarpe, Laetitia Gonzalbes a écrit et mis en scène un étonnant, délicat et passionnant spectacle consacré à ce musicien dont nous sommes beaucoup à ne connaître que quelques œuvres célèbres (les Gymnopédies, les Gnossiennes, La belle Excentrique (le générique de la mythique émission de Jacques Martin, le Petit Rapporteur...), le Morceau en forme de poire...), et à ignorer totalement le restant de son existence.
Melle Gonzalbes va combler nombre de nos lacunes, et nous allons être confrontés pour notre plus grand plaisir aux multiples facettes de l'artiste. Et de l'homme.
C'est l'infirmier d'un hôpital psychiatrique qui débute le spectacle, un portable à la main, appelant du renfort.
Etrange, pour une pièce consacrée à Erik Satie... Nous comprendrons plus tard...
Et puis voici les deux personnages principaux.
Le compositeur et son infirmière.
Nous sommes effectivement dans la chambre d'un hôpital psychiatrique.
Entre ces deux-là, va se jouer une épatante joute à fleurets mouchetés, prétexte à mieux faire connaissance.
Avec les deux.
Les épisodes drôles, surréalistes, mais également émouvants voire bouleversants des deux personnages, l'un historique et artistique, l'autre imaginaire, sont évoqués.
L'écriture de Laëtitia Gonzalbes, précise, alerte, comportant des formules qui font mouche et qui servent totalement le propos, cette écriture évoque bien entendu la vie, l'œuvre du musicien, mais va déboucher sur le mécanisme de création, sur l'évocation de la place de l'artiste, sur son rapport avec la Société, et puis, sans pathos de mauvais aloi, avec au contraire une grande dignité, sur la mort, celle que l'on subit, ou celle que l'on se donne.
Nous comprendrons, à la toute fin de spectacle, là où nous sommes et avec qui nous sommes.
Je n'en dis pas plus. Les spectateurs, dont votre serviteur, qui n'avaient pas du tout vu venir arriver la conclusion sont alors bouleversés.
Et puis un excellentissime duo interprète avec une infaillible justesse et une très grande complicité les deux rôles.
L'infirmière, c'est Anaïs Yazit.
La toute jeune comédienne, au délicieux petit voile sur la voix, est dans un premier temps tout à fait pétillante.
Quel charme, quel espièglerie, quel allant, quelle justesse resortent de son interprétation.
Quel joli moment dansé, sous un grand voile blanc !
Et puis, alors que nous comprenons qui est réellement cette jeune femme en robe blanche aux motifs noirs et blancs, elle est complètement bouleversante.
On ne doute pas un seul instant de son personnage !
Quant à lui, Elliot Jenicot est un incroyable et épatant Erik Satie !
Dans son costume trois pièces, chapeau melon et parapluie, barbichette et bésicles pince-nez, il est véritablement le musicien surréaliste. (On dirait un peu un personnage à la Dubout.)
Celui qui vient de partir contraint et forcé de la Comédie-Française m'a une nouvelle fois enchanté.
Mais quel comédien complet ! A chaque fois que je le vois, il m'épate et me ravit !
(Mais comment a-t-on pu vouloir se passer au Français de cette formidable richesse dramaturgique qu'est Elliot Jenicot... Et je referme ma parenthèse!)
A son habitude, non seulement il nous enchante de sa façon de dire et d'interpréter un texte, mais il déploie tout son talent de mime, de danseur, sa capacité à adopter une gestuelle exacerbée, afin de donner vie à Satie.
Lui aussi nous bouleversera, lorsque nous réaliserons.
Les deux comédiens s'entendent comme larrons en foire, la complicité entre les deux est manifeste, Le duo fonctionne à la perfection.
Durant cette heure et dix minutes, il y aura à la fois la forme et le fond.
Cette pièce est un spectacle en noir et blanc.
La scénographie immaculée de Suki tranche avec le costume, les deux petits pianos noirs à cour.
Et avec ses illustrations.
De belles animations très graphiques, au trait fin et précis, illustrent très judicieusement les propos des comédiens.
Des courriers, des textes sont reproduits avec une très jolie calligraphie.
Ce spectacle est aussi graphique, presque dépouillé.
Le fond et la forme, vous dis-je !
Je vous conseille vraiment cette pièce très originale.
Les parti-pris de l'autrice et metteure en scène Laëtitia Gonzalbes, le grand talent de ses deux interprètes Anaïs Yazit et Elliot Jenicot nous emmènent très loin, dans un bien beau voyage musical et humain.
De ceux dont on se souvient longtemps.
9/10
Quand la réalité dépasse la fission !
Sur le plateau, le bidon ELF a laissé la place au pupitre de la Commission Nationale du Débat public.
Nicolas Lambert poursuit sa trilogie consacrée à ce qu'il appelle judicieusement l'A-Démocratie française.
Le préfixe privatif A. Pas de démocratie. Des pratiques contraires à toute démocratie.
Des pratiques de notre Vème République, qu'en l'occurrence on pourrait qualifier de bananière. (Je m'auto-cite, depuis le premier article consacré à ce passionnant triptyque.)
Cette fois-ci, M. Lambert nous plonge dans un autre domaine régalien de l'Etat et de ses filiales : le nucléaire.
Il me faut rappeler le principe des trois spectacles : tout ce qu'il va interpréter a été réellement prononcé. Il n'invente aucune situation, ni à fortiori aucune parole, quelle soit technique ou politique.
Après avoir informé de façon jubilatoire qu'EDF et AREVA ont consacré un milliard d'euros (vous avez bien lu...) en budget de communication de Fukushima à nos jours, il entre dans le vif du sujet.
Il a choisi de nous rapporter des propos tenus en 2010 lors d'une série de débats sur l'utilité et les modalités d'une deuxième centrale nucléaire de type EPR en France, sur le site de Penly.
Des questions (peu) du public, et des réponses (très parcellaires) de la part des représentants de l'état, du directeur du projet Penly 3, du secrétaire général du Groupement Intersyndical de l'Industrie Nucléaire.
Le comédien donne vie de façon saisissante à tous ces personnages réels. Il les a observés, il les interprète de façon remarquable, changeant de gestuelle, de voix, de tics verbaux ou physiques.
Le but du jeu est de dégager les incroyables incertitudes des réponses, le sentiment d'opacité, de peur, d'inquiétude de ces réponses ou pseudo-réponses.
Et c'est très réussi. La filière nucléaire française est tout sauf transparente.
Ces débats seront entrecoupés de beaucoup d'autres scènes.
Nicolas Lambert nous interprète en fumant la pipe (de la sauge biologique...) plusieurs extraits d'une interview de Pierre Guillaumat par un journaliste allemand.
Pierre Guilllaumat, homme de l'ombre, premier patron d'Elf Aquitaine (on tourne en rond...), ancien ministre, administrateur du Commissariat à l'énergie atomique...
Membre des réseaux de Jacques Foccart, celui de la France-Afrique...
Un sacré pédigrée.
Le cynisme de cet homme, interprété magistralement par le comédien, m'a glacé les sangs.
La volonté de retenir l'information, de museler la presse, de vouloir écarter le parlement du dossier du nucléaire, tout ceci fait froid dans le dos.
Et puis, nous aurons également des extrait de discours politiques.
Nicolas Lambert imite alors de façon épatante et drôlissime Messieurs Mollet, Messmer, Mauroy, Mitterrand, D'Ornano, Giscard d'Estaing.
Sans oublier, cerise sur le gâteau, un Nicolas Sarkozy plus vrai que nature.
Tout ce personnel politique clame évidemment haut et fort les bienfaits du nucléaire !
Et puis, seront évoqués l'épineux dossier iranien et les attentats qui secouèrent la France dans les années 80-90, toujours en lien avec le sujet qui nous préoccupe.
Une nouvelle fois, dans ce deuxième spectacle, nous rions beaucoup. Ce que nous raconte le comédien est tellement à la fois si vrai et si « hénaurme ».
Mais ce rire se transforme vite en sentiment d'effroi. Depuis Tchernobyl, Fukushima, nous avons les preuves qu'il faut se méfier du nucléaire.
Cette fois-ci, Nicolas Lambert est accompagné au violoncelle par Hélène Billard.
L'excellente musicienne a branché son instrument très moderne sur un looper, générant ainsi des boucles musicales auto-samplées, ou encore différents effets, dont une pédale de distorsion.
Il en résulte des pièces itératives, parfois assez angoissantes. Comme le sujet du spectacle.
Mention spéciale aux glissandi imitant des sirènes d'alarme générale.
Ces deux heures sont à nouveau passionnantes. Passionnantes, pédagogiques et souvent angoissantes.
Parce que le dossier du nucléaire français l'est, angoissant.
Nicolas Lambert continue de nous informer par le biais du médium théâtre.
C'est un spectacle nécessaire.
Ce ne sont pas les étudiants en sociologie de l'Université d'Evry et leurs professeurs présents hier dans la salle qui me contrediront.
Sur le plateau, le bidon ELF a laissé la place au pupitre de la Commission Nationale du Débat public.
Nicolas Lambert poursuit sa trilogie consacrée à ce qu'il appelle judicieusement l'A-Démocratie française.
Le préfixe privatif A. Pas de démocratie. Des pratiques contraires à toute démocratie.
Des pratiques de notre Vème République, qu'en l'occurrence on pourrait qualifier de bananière. (Je m'auto-cite, depuis le premier article consacré à ce passionnant triptyque.)
Cette fois-ci, M. Lambert nous plonge dans un autre domaine régalien de l'Etat et de ses filiales : le nucléaire.
Il me faut rappeler le principe des trois spectacles : tout ce qu'il va interpréter a été réellement prononcé. Il n'invente aucune situation, ni à fortiori aucune parole, quelle soit technique ou politique.
Après avoir informé de façon jubilatoire qu'EDF et AREVA ont consacré un milliard d'euros (vous avez bien lu...) en budget de communication de Fukushima à nos jours, il entre dans le vif du sujet.
Il a choisi de nous rapporter des propos tenus en 2010 lors d'une série de débats sur l'utilité et les modalités d'une deuxième centrale nucléaire de type EPR en France, sur le site de Penly.
Des questions (peu) du public, et des réponses (très parcellaires) de la part des représentants de l'état, du directeur du projet Penly 3, du secrétaire général du Groupement Intersyndical de l'Industrie Nucléaire.
Le comédien donne vie de façon saisissante à tous ces personnages réels. Il les a observés, il les interprète de façon remarquable, changeant de gestuelle, de voix, de tics verbaux ou physiques.
Le but du jeu est de dégager les incroyables incertitudes des réponses, le sentiment d'opacité, de peur, d'inquiétude de ces réponses ou pseudo-réponses.
Et c'est très réussi. La filière nucléaire française est tout sauf transparente.
Ces débats seront entrecoupés de beaucoup d'autres scènes.
Nicolas Lambert nous interprète en fumant la pipe (de la sauge biologique...) plusieurs extraits d'une interview de Pierre Guillaumat par un journaliste allemand.
Pierre Guilllaumat, homme de l'ombre, premier patron d'Elf Aquitaine (on tourne en rond...), ancien ministre, administrateur du Commissariat à l'énergie atomique...
Membre des réseaux de Jacques Foccart, celui de la France-Afrique...
Un sacré pédigrée.
Le cynisme de cet homme, interprété magistralement par le comédien, m'a glacé les sangs.
La volonté de retenir l'information, de museler la presse, de vouloir écarter le parlement du dossier du nucléaire, tout ceci fait froid dans le dos.
Et puis, nous aurons également des extrait de discours politiques.
Nicolas Lambert imite alors de façon épatante et drôlissime Messieurs Mollet, Messmer, Mauroy, Mitterrand, D'Ornano, Giscard d'Estaing.
Sans oublier, cerise sur le gâteau, un Nicolas Sarkozy plus vrai que nature.
Tout ce personnel politique clame évidemment haut et fort les bienfaits du nucléaire !
Et puis, seront évoqués l'épineux dossier iranien et les attentats qui secouèrent la France dans les années 80-90, toujours en lien avec le sujet qui nous préoccupe.
Une nouvelle fois, dans ce deuxième spectacle, nous rions beaucoup. Ce que nous raconte le comédien est tellement à la fois si vrai et si « hénaurme ».
Mais ce rire se transforme vite en sentiment d'effroi. Depuis Tchernobyl, Fukushima, nous avons les preuves qu'il faut se méfier du nucléaire.
Cette fois-ci, Nicolas Lambert est accompagné au violoncelle par Hélène Billard.
L'excellente musicienne a branché son instrument très moderne sur un looper, générant ainsi des boucles musicales auto-samplées, ou encore différents effets, dont une pédale de distorsion.
Il en résulte des pièces itératives, parfois assez angoissantes. Comme le sujet du spectacle.
Mention spéciale aux glissandi imitant des sirènes d'alarme générale.
Ces deux heures sont à nouveau passionnantes. Passionnantes, pédagogiques et souvent angoissantes.
Parce que le dossier du nucléaire français l'est, angoissant.
Nicolas Lambert continue de nous informer par le biais du médium théâtre.
C'est un spectacle nécessaire.
Ce ne sont pas les étudiants en sociologie de l'Université d'Evry et leurs professeurs présents hier dans la salle qui me contrediront.
10/10
Vanitas vanitatum, et omnia vanitas ! Vanité des vanités, et tout est vanité !
Tous les lundis soirs, au Poche Montparnasse, Madame se meurt !
Et ce, pour notre plus grand plaisir !
Oui, quel plaisir de retrouver Marcel Bozonnet, Sociétaire puis Administrateur de la Comédie Française, Directeur du CNSAD...
Ah ! Que de merveilleux souvenirs je luis dois !
Quel bonheur d'entendre sa voix reconnaissable entre toutes s'élever dans la salle !
Ce spectacle d'une admirable beauté sombre, est articulé autour de la mort de Madame, la belle-sœur du roi Louis XIV.
Fille d'Henriette d'Angleterre et du roi décapité Jacques 1er, elle devait épouser Monsieur, le frère du roi de France et devenir ainsi Madame.
Saint-Simon, Alexandre Dumas dans son Vicomte de Bragelonne, la décrivent comme une princesse au charme, au charisme, à la sensualité sans pareils.
Hélas, Madame mourra à l'âge de vingt-six ans, à la stupéfaction générale, provoquant le chagrin et la douleur de la Cour. Le roi en fut, dit-on, très éprouvé.
On doit à Jacques-Bénigne Bossuet, l'évêque de Meaux, la célèbre oraison funèbre prononcée à Saint-Denis le 21 août 1670.
En 2019, c'est le claveciniste Olivier Baumont qui ouvre le spectacle avec une composition contemporaine de Thierry Pécou.
Le musicien à l'impressionnante discographie, professeur au Conservatoire national supérieur de Musique est bientôt rejoint par la soprano Jeanne Zaepffel.
En robe blanche, très peu éclairée, les cheveux sur le devant qui lui allongent le visage, telle un spectre, elle chante les notes atonales de la composition.
Serait-ce la Mort qui vient clamer son arrivée, nous informant ainsi de son funèbre ouvrage prochain ?
Olivier Baumont fait tinter une petite cloche, presque dans le noir total.
Soudain, derrière nous, une voix grave monte du fond de la salle.
La voix de Bossuet-Bozonnet !
Il nous dit à la façon d'un prêtre en chaire le début de l'oraison.
Le texte n'a rien perdu de sa puissance. Nous sommes glacés par ce que le comédien nous dit, par la puissance de sa voix, par la force du texte.
Cette voix s'élève dans notre dos, et pourtant, personne ne se retourne, tellement l'effet est saisissant.
Nous sommes véritablement à la Chapelle royale de Saint-Denis !
Puis, les textes de Saint-Simon, de Mme de La Fayette, d'Alix Cléo Roubaud vont alterner avec des pièces de Purcell, Michel Lambert et Jacques Champion de Chambonnières.
Les trois artistes vont nous ravir.
Melle Zaepfell, de sa voix chaude, cristalline, aérienne, nous émerveille par son interprétation, son aisance et sa maîtrise des pièces du répertoire baroque.
Ses volutes montent dans la salle, et nous plongent elles aussi dans une sorte de magnifique austérité musicale.
En effet, en duo avec Olivier Baumont, après la pièce de Purcell « The Fairy queen » nous présentant joyeusement Madame, nous irons dans des tonalités en mode mineur.
L'heure n'est plus à la joie. Madame se meurt, et va mourir.
Il faut noter que Jeanne Zaepfell a pratiquement l'âge de Madame à sa mort, ce qui procure évidemment un trouble, notamment lorsqu'elle illustre la Princesse immobile sur son lit de mort de couleur rouge vif.
Marcel Bozonnet se charge quant à lui, et de quelle façon, de nous rappeler la musicalité des textes qu'il nous interprète !
Ce sont véritablement trois musiciens qui se trouvent devant nous.
Des musiciens des notes, un musicien des mots, qui arpentera la travée centrale de la salle, devenue pour l'occasion une nef.
Les mots résonnent encore de façon très contemporaine.
Impossible de ne pas avoir de frissons en entendant évoquer la Mort, celle des puissants (l'actualité la plus récente est passée par là), et la nôtre.
Nous sommes véritablement dans un lieu de culte, peu importe lequel, et les trois artistes nous confrontent à notre lot à tous.
Mais attention, Marcel Bozonnet nous redira les mots de Bossuet, pour terminer le spectacle, en les interprétant cette fois-ci comme à la manière d'un comédien, et non plus comme celle d'un homme d'église. Pas de confusion ! Pas de doute à avoir !
Il faut vraiment aller voir ce spectacle d'une beauté sépulcrale, doucement éclairé, délicieusement mis en musique, interprété avec grâce, élégance et virtuosité.
C'est un moment théâtral à la fois d'une force et d'une délicatesse sublimes.
Tous les lundis soirs, au Poche Montparnasse, Madame se meurt !
Et ce, pour notre plus grand plaisir !
Oui, quel plaisir de retrouver Marcel Bozonnet, Sociétaire puis Administrateur de la Comédie Française, Directeur du CNSAD...
Ah ! Que de merveilleux souvenirs je luis dois !
Quel bonheur d'entendre sa voix reconnaissable entre toutes s'élever dans la salle !
Ce spectacle d'une admirable beauté sombre, est articulé autour de la mort de Madame, la belle-sœur du roi Louis XIV.
Fille d'Henriette d'Angleterre et du roi décapité Jacques 1er, elle devait épouser Monsieur, le frère du roi de France et devenir ainsi Madame.
Saint-Simon, Alexandre Dumas dans son Vicomte de Bragelonne, la décrivent comme une princesse au charme, au charisme, à la sensualité sans pareils.
Hélas, Madame mourra à l'âge de vingt-six ans, à la stupéfaction générale, provoquant le chagrin et la douleur de la Cour. Le roi en fut, dit-on, très éprouvé.
On doit à Jacques-Bénigne Bossuet, l'évêque de Meaux, la célèbre oraison funèbre prononcée à Saint-Denis le 21 août 1670.
En 2019, c'est le claveciniste Olivier Baumont qui ouvre le spectacle avec une composition contemporaine de Thierry Pécou.
Le musicien à l'impressionnante discographie, professeur au Conservatoire national supérieur de Musique est bientôt rejoint par la soprano Jeanne Zaepffel.
En robe blanche, très peu éclairée, les cheveux sur le devant qui lui allongent le visage, telle un spectre, elle chante les notes atonales de la composition.
Serait-ce la Mort qui vient clamer son arrivée, nous informant ainsi de son funèbre ouvrage prochain ?
Olivier Baumont fait tinter une petite cloche, presque dans le noir total.
Soudain, derrière nous, une voix grave monte du fond de la salle.
La voix de Bossuet-Bozonnet !
Il nous dit à la façon d'un prêtre en chaire le début de l'oraison.
Le texte n'a rien perdu de sa puissance. Nous sommes glacés par ce que le comédien nous dit, par la puissance de sa voix, par la force du texte.
Cette voix s'élève dans notre dos, et pourtant, personne ne se retourne, tellement l'effet est saisissant.
Nous sommes véritablement à la Chapelle royale de Saint-Denis !
Puis, les textes de Saint-Simon, de Mme de La Fayette, d'Alix Cléo Roubaud vont alterner avec des pièces de Purcell, Michel Lambert et Jacques Champion de Chambonnières.
Les trois artistes vont nous ravir.
Melle Zaepfell, de sa voix chaude, cristalline, aérienne, nous émerveille par son interprétation, son aisance et sa maîtrise des pièces du répertoire baroque.
Ses volutes montent dans la salle, et nous plongent elles aussi dans une sorte de magnifique austérité musicale.
En effet, en duo avec Olivier Baumont, après la pièce de Purcell « The Fairy queen » nous présentant joyeusement Madame, nous irons dans des tonalités en mode mineur.
L'heure n'est plus à la joie. Madame se meurt, et va mourir.
Il faut noter que Jeanne Zaepfell a pratiquement l'âge de Madame à sa mort, ce qui procure évidemment un trouble, notamment lorsqu'elle illustre la Princesse immobile sur son lit de mort de couleur rouge vif.
Marcel Bozonnet se charge quant à lui, et de quelle façon, de nous rappeler la musicalité des textes qu'il nous interprète !
Ce sont véritablement trois musiciens qui se trouvent devant nous.
Des musiciens des notes, un musicien des mots, qui arpentera la travée centrale de la salle, devenue pour l'occasion une nef.
Les mots résonnent encore de façon très contemporaine.
Impossible de ne pas avoir de frissons en entendant évoquer la Mort, celle des puissants (l'actualité la plus récente est passée par là), et la nôtre.
Nous sommes véritablement dans un lieu de culte, peu importe lequel, et les trois artistes nous confrontent à notre lot à tous.
Mais attention, Marcel Bozonnet nous redira les mots de Bossuet, pour terminer le spectacle, en les interprétant cette fois-ci comme à la manière d'un comédien, et non plus comme celle d'un homme d'église. Pas de confusion ! Pas de doute à avoir !
Il faut vraiment aller voir ce spectacle d'une beauté sépulcrale, doucement éclairé, délicieusement mis en musique, interprété avec grâce, élégance et virtuosité.
C'est un moment théâtral à la fois d'une force et d'une délicatesse sublimes.
5,5/10
Robert Wilson a mis un tigre dans son moteur dramaturgique.
Oui, les amateurs d'esthétique wilsonienne sont aux anges.
En adaptant la célébrissime œuvre de Rudyard Kipling, le dramaturge américain de 78 ans veut s'adresser aux enfants.
Et surtout aux grands enfants. Ce spectacle est un spectacle pour GRANDS enfants.
Il faut être clair.
Autour de moi, les petits de 8, 9, 10 ans ne comprenaient pas bien de quoi il ressortait.
Témoin ce jeune homme de « 8 ans et demi », (il tenait à son « demi »), un gamin drôle, spirituel, intelligent, et qui à la fin du spectacle lançait un « Bon, mais alors, Shere Khan, il est mort ou pas ? »
Cette production intellectualisée, parfois froide et métallique, s'adresse donc plutôt à ceux qui sont déjà familier avec le roman et Robert Wilson.
Ceux-là se régalent.
Impossible de passer à côté : Wilson fait du Wilson.
Grand écran dépoli derrière lequel des projecteurs LED changent de couleur, diffusant des a-plats pastels : c'est du Wilson.
Les silhouettes noires des comédiens devant cet écran uniforme, c'est du Wilson.
Les éléments de décor (un amas d'écrans TV, des lampadaires, des arbres stylisés...) qui apparaissent eux aussi tout en noir : c'est du Wilson.
Ici, nous allons découvrir des personnages zoomorphes, ceux de notre enfance.
Ceux que l'on connaît tous. Ceux que l'on a appris à connaître.
Bagheera, Shere Khan, Baloo, Kaa et consorts.
(Mention spéciale à Jo Moss, incarnant King Louie, le singe, et qui exécute des acrobaties à la corde.
Tous sont immédiatement reconnaissables.
Le colonel Hathi aux grandes oreilles et en chemise de nuit enfantine se charge de la narration.
Mowgli est un basketteur émérite. Short et maillot rouges (le rouge des Chicago Bulls ?) en témoignent.
Chaque comédien-chanteur ne changera jamais au cours du spectacle de gestuelle, de façon de danser, de façon de chanter.
Ce qui se veut probablement un moyen infaillible d'identifier qui est qui, ceci se montre un peu monotone à la longue. La démarche de Mowgli en témoigne.
Un quatuor de musiciens interprète en live la partition de Cocorosie.
Nous irons de jolies chansons un peu à la Elton John à du rap et du hip-hop plus urbains.
L'acmé du spectacle, pour les jeunes spectateurs, se situe au moment où un chasseur froussard au fusil blanc laisse échapper deux pets retentissants.
Sinon, hier, j'ai noté un problème de son.
Je ne sais si l'ingénieur du son façade FOH était le titulaire de cette production, mais le son était très plat, sans réelle dynamique, sans aucun relief. « Ca ne sortait pas », pour reprendre un terme du métier.
Il faudrait remédier rapidement à ceci.
Les fans de Robert Wilson ressortent enchantés de la salle du XIIIème art.
Oui, les amateurs d'esthétique wilsonienne sont aux anges.
En adaptant la célébrissime œuvre de Rudyard Kipling, le dramaturge américain de 78 ans veut s'adresser aux enfants.
Et surtout aux grands enfants. Ce spectacle est un spectacle pour GRANDS enfants.
Il faut être clair.
Autour de moi, les petits de 8, 9, 10 ans ne comprenaient pas bien de quoi il ressortait.
Témoin ce jeune homme de « 8 ans et demi », (il tenait à son « demi »), un gamin drôle, spirituel, intelligent, et qui à la fin du spectacle lançait un « Bon, mais alors, Shere Khan, il est mort ou pas ? »
Cette production intellectualisée, parfois froide et métallique, s'adresse donc plutôt à ceux qui sont déjà familier avec le roman et Robert Wilson.
Ceux-là se régalent.
Impossible de passer à côté : Wilson fait du Wilson.
Grand écran dépoli derrière lequel des projecteurs LED changent de couleur, diffusant des a-plats pastels : c'est du Wilson.
Les silhouettes noires des comédiens devant cet écran uniforme, c'est du Wilson.
Les éléments de décor (un amas d'écrans TV, des lampadaires, des arbres stylisés...) qui apparaissent eux aussi tout en noir : c'est du Wilson.
Ici, nous allons découvrir des personnages zoomorphes, ceux de notre enfance.
Ceux que l'on connaît tous. Ceux que l'on a appris à connaître.
Bagheera, Shere Khan, Baloo, Kaa et consorts.
(Mention spéciale à Jo Moss, incarnant King Louie, le singe, et qui exécute des acrobaties à la corde.
Tous sont immédiatement reconnaissables.
Le colonel Hathi aux grandes oreilles et en chemise de nuit enfantine se charge de la narration.
Mowgli est un basketteur émérite. Short et maillot rouges (le rouge des Chicago Bulls ?) en témoignent.
Chaque comédien-chanteur ne changera jamais au cours du spectacle de gestuelle, de façon de danser, de façon de chanter.
Ce qui se veut probablement un moyen infaillible d'identifier qui est qui, ceci se montre un peu monotone à la longue. La démarche de Mowgli en témoigne.
Un quatuor de musiciens interprète en live la partition de Cocorosie.
Nous irons de jolies chansons un peu à la Elton John à du rap et du hip-hop plus urbains.
L'acmé du spectacle, pour les jeunes spectateurs, se situe au moment où un chasseur froussard au fusil blanc laisse échapper deux pets retentissants.
Sinon, hier, j'ai noté un problème de son.
Je ne sais si l'ingénieur du son façade FOH était le titulaire de cette production, mais le son était très plat, sans réelle dynamique, sans aucun relief. « Ca ne sortait pas », pour reprendre un terme du métier.
Il faudrait remédier rapidement à ceci.
Les fans de Robert Wilson ressortent enchantés de la salle du XIIIème art.