Ses critiques
1005 critiques
9/10
Un tram' passionnel...
La Louisiane. La chaleur étouffante, l'humidité, la moiteur.
La sueur, omniprésente. Les gouttes qui perlent sur la peau.
Le jazz.
Celui joué par Mitch et Steve, qui nous accueillent dans la salle... Le standard Roses de picardie, adapté pour sax alto et guitare...
Le décor est en place. La descente aux enfers peut commencer.
Pierre Laville et Manuel Olinger ont respectivement adapté et mis en scène la pièce de Tennessee Williams, (Prix Pulitzer en 1948), portée à l'écran comme chacun sait par Elia Kazan, révélant au monde entier un certain Marlon Brando.
L'histoire, on la connaît bien.
Blanche débarque sans crier gare chez sa sœur Stella, mariée à Stanley, ouvrier d'origine polonaise.
Sa fuite géographique est avant tout une fuite psychologique.
Sa présence dans l'intimité du couple, la rencontre avec Mitch permettront-elles la rédemption et le salut de la jeune femme ? Saisira-t-elle la dernière chance de ne pas sombrer ?
Rien n'est moins certain.
Manuel Olinger a parfaitement réussi à matérialiser sur le plateau de la Scène parisienne tous les différents désirs qui vont se télescoper durant les deux heures que dure le spectacle.
Avec le principal, non pas charnel, mais avant tout relevant de la fuite du passé et la quête d'identité.
C'est l'une des grandes réussites de cette adaptation, en plus de redonner du poids et du corps au rôle de Stella, que de mettre en avant cette volonté, ce besoin du personnage principal de retrouver une nouvelle virginité. (Elle ne s'appelle pas Blanche par hasard...)
Julie Delaurenti est tout à fait convaincante, dans la peau de cette jeune femme très fragile d'un point de vue psychologique.
La progression de son jeu, tout en subtilité, sa façon de matérialiser son inexorable et inéluctable destin, tout ceci force le respect.
La transformation physique et psychologique du personnage par la comédienne, la dégradation de son apparence sont impressionnantes.
Avec sensualité et un certain humour à froid, la comédienne s'impose à nous, pour aborder ensuite la déchéance de son personnage.
La Blanche Dubois de Melle Delaurenti fera date.
Manuel Olinger incarne Stanley.
Tout en puissance, il joue de bien belle façon cet homme « primaire », frustre, porté sur l'alcool.
Sa présence, son charisme, sa large stature et son jeu font merveille.
Le public n'en mène pas large dans les scènes de violence.
Le comédien nous fait bien comprendre l'ambivalence du personnage, avec son désir d'ascension sociale.
Stella, c'est Murielle Huet des Aunay. (Le rôle sera repris à partir du 19 février par Tiffany Hofstetter.)
Dans cette adaptation, le personnage est mis en avant. L'actualité toute contemporaine concernant les violences faites aux femmes résonne terriblement.
Melle Huet des Aunay est elle aussi parfaite : sa Stella nous touche beaucoup, par sa volonté d'arrondir les angles et son besoin de fonder une famille.
Gilles-Vincent Kapps en Mitch est lui aussi parfait. Il donne à son personnage beaucoup d'humanité. J'ai beaucoup aimé son interprétation très fine qui donne une vraie épaisseur à un rôle souvent trop minoré.
Et puis, il y a également Steve, interprété par l'irréprochable Jean-Pierre Olinger, la gapette rivée sur la tête.
C'est lui qui illustre musicalement la pièce avec son saxophone, avec notamment de longues notes graves jouées dans l'obscurité, contribuant ainsi à renforcer le côté inquiétant du drame.
A noter que c'est la comédien qui a également réalisé le cyclo au lointain, cette large toile qui va finir elle aussi par matérialiser le drame et la folie.
Je vous conseille donc vivement cette tragique virée en Louisiane et ce voyage intérieur dans les âmes tourmentées des personnages de Williams.
C'est un beau et intense moment de théâtre qui vous attend à la Scène parisienne, salle Michel-Aumont.
La Louisiane. La chaleur étouffante, l'humidité, la moiteur.
La sueur, omniprésente. Les gouttes qui perlent sur la peau.
Le jazz.
Celui joué par Mitch et Steve, qui nous accueillent dans la salle... Le standard Roses de picardie, adapté pour sax alto et guitare...
Le décor est en place. La descente aux enfers peut commencer.
Pierre Laville et Manuel Olinger ont respectivement adapté et mis en scène la pièce de Tennessee Williams, (Prix Pulitzer en 1948), portée à l'écran comme chacun sait par Elia Kazan, révélant au monde entier un certain Marlon Brando.
L'histoire, on la connaît bien.
Blanche débarque sans crier gare chez sa sœur Stella, mariée à Stanley, ouvrier d'origine polonaise.
Sa fuite géographique est avant tout une fuite psychologique.
Sa présence dans l'intimité du couple, la rencontre avec Mitch permettront-elles la rédemption et le salut de la jeune femme ? Saisira-t-elle la dernière chance de ne pas sombrer ?
Rien n'est moins certain.
Manuel Olinger a parfaitement réussi à matérialiser sur le plateau de la Scène parisienne tous les différents désirs qui vont se télescoper durant les deux heures que dure le spectacle.
Avec le principal, non pas charnel, mais avant tout relevant de la fuite du passé et la quête d'identité.
C'est l'une des grandes réussites de cette adaptation, en plus de redonner du poids et du corps au rôle de Stella, que de mettre en avant cette volonté, ce besoin du personnage principal de retrouver une nouvelle virginité. (Elle ne s'appelle pas Blanche par hasard...)
Julie Delaurenti est tout à fait convaincante, dans la peau de cette jeune femme très fragile d'un point de vue psychologique.
La progression de son jeu, tout en subtilité, sa façon de matérialiser son inexorable et inéluctable destin, tout ceci force le respect.
La transformation physique et psychologique du personnage par la comédienne, la dégradation de son apparence sont impressionnantes.
Avec sensualité et un certain humour à froid, la comédienne s'impose à nous, pour aborder ensuite la déchéance de son personnage.
La Blanche Dubois de Melle Delaurenti fera date.
Manuel Olinger incarne Stanley.
Tout en puissance, il joue de bien belle façon cet homme « primaire », frustre, porté sur l'alcool.
Sa présence, son charisme, sa large stature et son jeu font merveille.
Le public n'en mène pas large dans les scènes de violence.
Le comédien nous fait bien comprendre l'ambivalence du personnage, avec son désir d'ascension sociale.
Stella, c'est Murielle Huet des Aunay. (Le rôle sera repris à partir du 19 février par Tiffany Hofstetter.)
Dans cette adaptation, le personnage est mis en avant. L'actualité toute contemporaine concernant les violences faites aux femmes résonne terriblement.
Melle Huet des Aunay est elle aussi parfaite : sa Stella nous touche beaucoup, par sa volonté d'arrondir les angles et son besoin de fonder une famille.
Gilles-Vincent Kapps en Mitch est lui aussi parfait. Il donne à son personnage beaucoup d'humanité. J'ai beaucoup aimé son interprétation très fine qui donne une vraie épaisseur à un rôle souvent trop minoré.
Et puis, il y a également Steve, interprété par l'irréprochable Jean-Pierre Olinger, la gapette rivée sur la tête.
C'est lui qui illustre musicalement la pièce avec son saxophone, avec notamment de longues notes graves jouées dans l'obscurité, contribuant ainsi à renforcer le côté inquiétant du drame.
A noter que c'est la comédien qui a également réalisé le cyclo au lointain, cette large toile qui va finir elle aussi par matérialiser le drame et la folie.
Je vous conseille donc vivement cette tragique virée en Louisiane et ce voyage intérieur dans les âmes tourmentées des personnages de Williams.
C'est un beau et intense moment de théâtre qui vous attend à la Scène parisienne, salle Michel-Aumont.
9/10
Quand la Comtesse de Ségur (née Rostopchine, comme de bien entendu), est passée au filtre Tex Avery !
Rébecca Stella et Danielle Barthélémy nous proposent une réjouissante et hilarante version de ces Petites filles modèles.
Des demoiselles à l'aspect très XIXème siècle, mais néanmoins très ancrées dans notre contemporanéité.
Voici en effet l'une des grandes réussites de cette adaptation, qui actualise le texte en faisant appel à notre politiquement correct, à nos tics de langage et d'écriture avec notamment l'emploi de hashtags et de certaines expressions, ainsi qu'à nos préoccupations coutumières en matière de réchauffement climatique, de cultures bios et de notre rapport moderne à l'enfance.
Nous suivons donc les aventures de Sophie, enfant malheureuse confiée à sa belle-mère, qui va découvrir que d'autres rapports adultes-enfants existent grâce à la famille de Mme de Fleurville.
Sous couvert d'un divertissement certes de grande qualité, les deux auteures vont délivrer un vrai message humaniste à destination des têtes plus ou moins blondes présentes dans la salle.
Quelle est la place de l'enfance, quels sont les droits et les devoirs des petits, mais peut-être ceux des adultes envers leur progéniture ?
Ces vraies et importantes questions sociétales sont distillées tout en finesse et avec une grande intelligence, de façon subtile et néanmoins pédagogique.
Et surtout très drôle.
Nous sommes loin du message très moralisateur de l'ouvrage initial.
Ici, le burlesque va régner en maître.
Nous sommes parfois entre Tex Avery (je me répète) ou Chuck Jones, et la Comedia Del'Arte.
Tout est très physique, très rythmé, très enlevé.
Sur le plateau, pas une seule seconde de répit, si ce n'est quelques « bleus plateau » destinés notamment à permettre les changements de costumes.
Dans un décor fait de tentures en fils dorés très fin, sur lesquelles sont projetés les très jolis dessins plus ou moins animés de Sabine Allard, les quatre comédiens n'arrêtent pas, avec des rôles très physiques.
D'autant que le spectacle est musical, avec des chansons elles aussi décalées.
Sans oublier le talent de Melle Claire-Marie Bronx, qui nous régale de son étonnante Habanera (M. Bizet doit être satisfait), et de son grand talent de violoniste.
J'ai énormément ri du runing-gag avec son archet. Je ne vous en dis pas plus !
Elle interprète également Camille, l'une des petites filles modèles.
Sa sœur est interprétée par Sarah Fuentes, qui campe également une extraordinaire Mme de Fleurville.
Melle Fuentes m'a irrésistiblement fait penser à Lady Palace, interprétée naguère par la grande Valérie Lemercier dans la série Palace.
Dans son rôle d'aristocrate très prout-prout, très collet montée, mais voulant paraître très naturelle et très libérée, Melle Fuentes est formidable.
La comédienne déploie tout une palette d'effets comiques qui déclenchent à chaque fois l'hilarité des petits mais également des grands spectateurs.
A cet égard, sa séance de fitness est grandiose ! Je vous laisse découvrir.
Amélie Saimpont est parfaite en Sophie, s'extasiant devant une poupée, désobéissant dans le verger, disparaissant dans la forêt...
On croit totalement à son rôle de fillette. Sans caricature, elle incarne cette gamine qui découvre un autre univers dont les codes ne lui sont pas familiers.
Et puis Raphaël Poli, dont j'avais déjà beaucoup apprécié la participation dans un précédent spectacle déjà, La constellation des contes, Raphaël Polio, donc, est Nicaise, le précepteur des fillettes.
Lui aussi est très drôle en benêt jovial, parfois pontifiant mais toujours sympathique.
Le duo qu'il forme avec Sarah Fuentes est souvent hilarant. (Ah ! Cette scène de séduction dansée !)
Et puis un coup de chapeau appuyé à Alice Touvet, pour ses costumes très réussis !
Une nouvelle fois, et ça devient vraiment une excellente habitude, Rebecca Stella et Danielle Barthélémy nous proposent un spectacle d'une grande intelligence, qui divertit petits et grands, mais qui fait également passer toute une gamme de vraies valeurs.
De la très belle ouvrage !
Tu tu, on respire ! Tu tu, on respire !
Rébecca Stella et Danielle Barthélémy nous proposent une réjouissante et hilarante version de ces Petites filles modèles.
Des demoiselles à l'aspect très XIXème siècle, mais néanmoins très ancrées dans notre contemporanéité.
Voici en effet l'une des grandes réussites de cette adaptation, qui actualise le texte en faisant appel à notre politiquement correct, à nos tics de langage et d'écriture avec notamment l'emploi de hashtags et de certaines expressions, ainsi qu'à nos préoccupations coutumières en matière de réchauffement climatique, de cultures bios et de notre rapport moderne à l'enfance.
Nous suivons donc les aventures de Sophie, enfant malheureuse confiée à sa belle-mère, qui va découvrir que d'autres rapports adultes-enfants existent grâce à la famille de Mme de Fleurville.
Sous couvert d'un divertissement certes de grande qualité, les deux auteures vont délivrer un vrai message humaniste à destination des têtes plus ou moins blondes présentes dans la salle.
Quelle est la place de l'enfance, quels sont les droits et les devoirs des petits, mais peut-être ceux des adultes envers leur progéniture ?
Ces vraies et importantes questions sociétales sont distillées tout en finesse et avec une grande intelligence, de façon subtile et néanmoins pédagogique.
Et surtout très drôle.
Nous sommes loin du message très moralisateur de l'ouvrage initial.
Ici, le burlesque va régner en maître.
Nous sommes parfois entre Tex Avery (je me répète) ou Chuck Jones, et la Comedia Del'Arte.
Tout est très physique, très rythmé, très enlevé.
Sur le plateau, pas une seule seconde de répit, si ce n'est quelques « bleus plateau » destinés notamment à permettre les changements de costumes.
Dans un décor fait de tentures en fils dorés très fin, sur lesquelles sont projetés les très jolis dessins plus ou moins animés de Sabine Allard, les quatre comédiens n'arrêtent pas, avec des rôles très physiques.
D'autant que le spectacle est musical, avec des chansons elles aussi décalées.
Sans oublier le talent de Melle Claire-Marie Bronx, qui nous régale de son étonnante Habanera (M. Bizet doit être satisfait), et de son grand talent de violoniste.
J'ai énormément ri du runing-gag avec son archet. Je ne vous en dis pas plus !
Elle interprète également Camille, l'une des petites filles modèles.
Sa sœur est interprétée par Sarah Fuentes, qui campe également une extraordinaire Mme de Fleurville.
Melle Fuentes m'a irrésistiblement fait penser à Lady Palace, interprétée naguère par la grande Valérie Lemercier dans la série Palace.
Dans son rôle d'aristocrate très prout-prout, très collet montée, mais voulant paraître très naturelle et très libérée, Melle Fuentes est formidable.
La comédienne déploie tout une palette d'effets comiques qui déclenchent à chaque fois l'hilarité des petits mais également des grands spectateurs.
A cet égard, sa séance de fitness est grandiose ! Je vous laisse découvrir.
Amélie Saimpont est parfaite en Sophie, s'extasiant devant une poupée, désobéissant dans le verger, disparaissant dans la forêt...
On croit totalement à son rôle de fillette. Sans caricature, elle incarne cette gamine qui découvre un autre univers dont les codes ne lui sont pas familiers.
Et puis Raphaël Poli, dont j'avais déjà beaucoup apprécié la participation dans un précédent spectacle déjà, La constellation des contes, Raphaël Polio, donc, est Nicaise, le précepteur des fillettes.
Lui aussi est très drôle en benêt jovial, parfois pontifiant mais toujours sympathique.
Le duo qu'il forme avec Sarah Fuentes est souvent hilarant. (Ah ! Cette scène de séduction dansée !)
Et puis un coup de chapeau appuyé à Alice Touvet, pour ses costumes très réussis !
Une nouvelle fois, et ça devient vraiment une excellente habitude, Rebecca Stella et Danielle Barthélémy nous proposent un spectacle d'une grande intelligence, qui divertit petits et grands, mais qui fait également passer toute une gamme de vraies valeurs.
De la très belle ouvrage !
Tu tu, on respire ! Tu tu, on respire !
9/10
Cinq feuilles de papier rose par personne et par séjour aux toilettes !
Ni plus ni moins.
Tel est le règlement ! Et l'on ne plaisante pas avec le règlement, en l'occurrence celui de ce brise-glace soviétique, à l'époque du terrible régime stalinien !
Sur ce navire réquisitionné par les forces militaires navales de l'U.R.S.S., quelques cabines sont mises à la disposition d'éventuels civils.
C'est ainsi que nous allons faire la connaissance d'Anna et de Katia. Des passagères.
Katia est une jeune femme espiègle, pleine de vie, éprise de liberté, espérant bientôt intégrer le Théâtre d'Art de Moscou.
Anna n'est pas de sa génération. Elle est plus âgée, sans plus aucune illusion sur sa vie.
Nous allons en apprendre beaucoup sur son compte. Je vous laisse découvrir.
Et puis il y aura un officier, probablement commissaire politique du bord, membre du parti. Il représente bien entendu le régime de l'autre côté du rideau de fer.
Au sein de ce huis-clos oppressant, va se jouer un terrible drame. Celui qui consiste pour un système politique de faire en sorte de broyer des vies, des existences.
De refuser toute humanité, toute liberté à des êtres vivants, au nom d'une doctrine de fer.
Daniel Besnehard a écrit cette pièce dans les années 80.
Tatiana Spivakova, née en Russie et arrivée en France sous l'ère du camarade Eltsine, nous donne sa passionnante version de ce drame.
L'envie de raconter par le biais du plateau la dureté de l'impitoyable machine soviétique et les effets sur les êtres qui en découlent.
Elle a eu la très bonne idée d'entrecouper le texte de poèmes de l'auteure russe Anna Akhmatova, obligée de brûler ses écrits pour qu'ils ne tombent pas dans les mains des censeurs.
Nous verrons d'ailleurs la scène très réussie.
Melle Spivakova poursuit son chemin artistique avec une grande rigueur, une vraie intégrité et des parti-pris à la fois très affirmés et très habiles.
Durant cette heure et demie, nous allons ressentir une véritable oppression, un terrible poids, un sentiment d'enfermement du lieu, mais également des âmes : la peur est omniprésente.
Les très belles lumières, les contre-jours, les clairs obscurs de Cristobal Castillo n'y sont pas pour rien.
Des silences assourdissants, des murmures, des musiques évoquant les bruits de la salle des machines, la scénographie à base de malles, de caisses, tout ceci contribue également à nous plonger dans la terreur.
Elle a très judicieusement ouvert la salle du Paradis du Lucernaire, pour nous en montrer des accès généralement cachés avec notamment des torons de fils électriques, des extincteurs, un escalier en colimaçon.
La coursive de ce brise-glace nous est ainsi évoquée à la fois de façon réelle et abstraite. C'est très judicieux.
Nous irons également sur le pont grâce à un changement de décor à vue réussi. Pour autant, l'oppression sera toujours présente. La nuit, la brume, le froid, nous voyons et ressentons tout ceci.
La jeune metteure en scène a su illustrer de très belle façon la progression dramatique et l'inéluctabilité du dénouement. Ici, pas de faux espoirs, pas de happy end...
Le trio de comédiens est irréprochable.
Sarah Jane Sauvegrain est Katia. Son interprétation de l'inéluctable destin de son personnage force le respect. Le glissement de l'espièglerie, de l'espoir vers le renoncement et la fatalité.
Les dernières scènes de la comédienne sont poignantes.
C'est sa maman, Catherine Gandois, qui incarne Anna.
A la création de la pièce, elle fut la première interprète de Katia.
Une histoire de transmission mère-fille, donc. C'est très émouvant.
La comédienne est impressionnante en femme brisée, résignée, qui aura certes une lueur d'espoir, mais qui elle aussi va se rappeler que tout est joué d'avance.
Le duo est remarquable et fonctionne à la perfection. On croit totalement à ce qu'elles nous racontent et nous montrent. Nous sommes pendus à leurs lèvres : ce qu'elles nous disent de la mémoire, de la confiance accordée à l'Autre est passionnant.
Vincent Bramoullé est lui aussi excellent, dans un rôle qui sera porteur d'une certaine ambiguïté.
Le comédien nous fait bien comprendre cette fragilité bien cachée.
Passagères est un spectacle très intense et d'une grande intelligence.
Les spectateurs mettent beaucoup de temps pour revenir à la réalité, une fois le noir final tombé sur la salle, avant de réserver beaucoup d'applaudissements et de rappels aux trois comédiens.
Вы действительно должны сесть на борт этой лодки !
Ni plus ni moins.
Tel est le règlement ! Et l'on ne plaisante pas avec le règlement, en l'occurrence celui de ce brise-glace soviétique, à l'époque du terrible régime stalinien !
Sur ce navire réquisitionné par les forces militaires navales de l'U.R.S.S., quelques cabines sont mises à la disposition d'éventuels civils.
C'est ainsi que nous allons faire la connaissance d'Anna et de Katia. Des passagères.
Katia est une jeune femme espiègle, pleine de vie, éprise de liberté, espérant bientôt intégrer le Théâtre d'Art de Moscou.
Anna n'est pas de sa génération. Elle est plus âgée, sans plus aucune illusion sur sa vie.
Nous allons en apprendre beaucoup sur son compte. Je vous laisse découvrir.
Et puis il y aura un officier, probablement commissaire politique du bord, membre du parti. Il représente bien entendu le régime de l'autre côté du rideau de fer.
Au sein de ce huis-clos oppressant, va se jouer un terrible drame. Celui qui consiste pour un système politique de faire en sorte de broyer des vies, des existences.
De refuser toute humanité, toute liberté à des êtres vivants, au nom d'une doctrine de fer.
Daniel Besnehard a écrit cette pièce dans les années 80.
Tatiana Spivakova, née en Russie et arrivée en France sous l'ère du camarade Eltsine, nous donne sa passionnante version de ce drame.
L'envie de raconter par le biais du plateau la dureté de l'impitoyable machine soviétique et les effets sur les êtres qui en découlent.
Elle a eu la très bonne idée d'entrecouper le texte de poèmes de l'auteure russe Anna Akhmatova, obligée de brûler ses écrits pour qu'ils ne tombent pas dans les mains des censeurs.
Nous verrons d'ailleurs la scène très réussie.
Melle Spivakova poursuit son chemin artistique avec une grande rigueur, une vraie intégrité et des parti-pris à la fois très affirmés et très habiles.
Durant cette heure et demie, nous allons ressentir une véritable oppression, un terrible poids, un sentiment d'enfermement du lieu, mais également des âmes : la peur est omniprésente.
Les très belles lumières, les contre-jours, les clairs obscurs de Cristobal Castillo n'y sont pas pour rien.
Des silences assourdissants, des murmures, des musiques évoquant les bruits de la salle des machines, la scénographie à base de malles, de caisses, tout ceci contribue également à nous plonger dans la terreur.
Elle a très judicieusement ouvert la salle du Paradis du Lucernaire, pour nous en montrer des accès généralement cachés avec notamment des torons de fils électriques, des extincteurs, un escalier en colimaçon.
La coursive de ce brise-glace nous est ainsi évoquée à la fois de façon réelle et abstraite. C'est très judicieux.
Nous irons également sur le pont grâce à un changement de décor à vue réussi. Pour autant, l'oppression sera toujours présente. La nuit, la brume, le froid, nous voyons et ressentons tout ceci.
La jeune metteure en scène a su illustrer de très belle façon la progression dramatique et l'inéluctabilité du dénouement. Ici, pas de faux espoirs, pas de happy end...
Le trio de comédiens est irréprochable.
Sarah Jane Sauvegrain est Katia. Son interprétation de l'inéluctable destin de son personnage force le respect. Le glissement de l'espièglerie, de l'espoir vers le renoncement et la fatalité.
Les dernières scènes de la comédienne sont poignantes.
C'est sa maman, Catherine Gandois, qui incarne Anna.
A la création de la pièce, elle fut la première interprète de Katia.
Une histoire de transmission mère-fille, donc. C'est très émouvant.
La comédienne est impressionnante en femme brisée, résignée, qui aura certes une lueur d'espoir, mais qui elle aussi va se rappeler que tout est joué d'avance.
Le duo est remarquable et fonctionne à la perfection. On croit totalement à ce qu'elles nous racontent et nous montrent. Nous sommes pendus à leurs lèvres : ce qu'elles nous disent de la mémoire, de la confiance accordée à l'Autre est passionnant.
Vincent Bramoullé est lui aussi excellent, dans un rôle qui sera porteur d'une certaine ambiguïté.
Le comédien nous fait bien comprendre cette fragilité bien cachée.
Passagères est un spectacle très intense et d'une grande intelligence.
Les spectateurs mettent beaucoup de temps pour revenir à la réalité, une fois le noir final tombé sur la salle, avant de réserver beaucoup d'applaudissements et de rappels aux trois comédiens.
Вы действительно должны сесть на борт этой лодки !
5/10
Anne, ma sœur Anne, n'entends-tu pas tes oreilles retentir ?
André Bercoff a bien évidemment tout à fait le droit de concocter ce cabaret-politique porteur du message suivant : Paris, ce n'était pas mieux avant, mais il faut que ça redevienne mieux que maintenant, et pour ça, vous savez pour qui ne pas voter.
Durant ce spectacle, la gestion de la Maire actuelle a été mise en cause vingt-cinq fois. (Je tiens à votre disposition mes petits bâtons sur mon dossier de presse...)
Voici ce que rappelle la notice Wikipédia consacrée à M. Bercoff. Extrait :
« Depuis 2015, André Bercoff collabore régulièrement à l'hebdomadaire de droite libérale-conservatrice Valeurs actuelles, et au Figarovox. Le Journal du dimanche le qualifie en 2016 de journaliste devenu polémiste avec le temps, qui « collabore maintenant presque exclusivement avec des publications de droite, voire très à droite » comme le site « Boulevard Voltaire ».
Tout ceci pour vous dire qu'en allant voir ce spectacle, vous devez savoir à quoi vous attendre.
Trois parties composent ce cabaret politique.
Dans la première, le journaliste-polémiste dénonce ce qu'est devenu Paris.
Tout y passe, souvent de façon assez caricaturale : Les rats, les trottinettes,les trottoirs, les pistes cyclables, les logements sociaux, les chantiers, les trous, les friches, les touristes, les loyers, la dette, la circulation, l'insécurité, la « mondialisation des magasins » (sic).
L'air du catalogue, en quelque sorte...
Je précise que ne votant pas personnellement à Paris, je n'écris certes pas pour défendre Mme Hidalgo.
Puis, il reçoit un invité politique.
Hier, en l'occurrence, il s'agissait de Pierre Liscia, élu d'opposition du XVIIIème arrondissement, chef de file du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse.
Quand je vous disais...
M. Liscia a poursuivi dans la même veine que M. Bercoff. Sans surprise.
Il a eu droit à deux questions.
L'une de votre serviteur, qui lui a demandé de préciser ce qu'il entendait par le fait que, je le cite, « Dans Paris, il y a des écoles qui ne sont plus fréquentables. »
Bien que se défaussant sur des propos soi-disant tenus par M. le Recteur de l'Académie de Paris, on comprenait évidemment que selon M. Liscia, certains parents de têtes blondes ne voulaient plus scolariser leurs enfants dans des écoles sans autres têtes blondes. Des écoles qui selon lui ne sont donc plus "fréquentables".
Comprenne qui veut, comprenne qui peut...
Et puis, il a eu droit également de la part d'un autre spectateur à une deuxième question concernant la concentration de théâtres parisiens dans les mains de propriétaires qui feraient passer la culture après l'argent.
La réponse de M. Liscia attira à ce dernier un définitif et sonore « Mais c'est idiot, ce que vous dites ! » de la part d'un de mes voisins, qui fut très applaudi.
M. Liscia repartit alors dans la pénombre assister à la fin du spectacle...
La troisième partie fut consacrée à la célébration du Paris « éternel », grâce notamment à des chanteurs à grande sensibilité de gauche : Vian, Barbara, et j'en oublie...
Car, qui dit cabaret, dit spectacle musical, bien entendu.
Une chanteuse et un "chanteur" interprètent les titres choisis pour illustrer la ville-lumière.
La soprano Emmanuelle Goizé est à son habitude irréprochable.
Elle constitue même le grand intérêt du spectacle.
Son interprétation de ces chansons figurant au patrimoine national est à chaque fois un moment très attendu. Changeant souvent de costumes, d'accessoires, sa technique vocale impressionnante, son timbre suave, velouté et sa large tessiture côtoient une très jolie force comique.
Un autre « chanteur » se tient à ses côtés, voulant se donner des airs de Michel Fau.
Pour terminer ce papier, je vais me répéter.
Il n'est pas question pour moi de remettre en cause la pluralité démocratique des opinions politiques, y compris celles illustrées dans un spectacle de cabaret, et ce, durant deux heures.
Il faut juste que chaque spectateur potentiel sache à quoi s'attendre, en plus de l'immense talent d'Emmanuelle Goizé.
André Bercoff a bien évidemment tout à fait le droit de concocter ce cabaret-politique porteur du message suivant : Paris, ce n'était pas mieux avant, mais il faut que ça redevienne mieux que maintenant, et pour ça, vous savez pour qui ne pas voter.
Durant ce spectacle, la gestion de la Maire actuelle a été mise en cause vingt-cinq fois. (Je tiens à votre disposition mes petits bâtons sur mon dossier de presse...)
Voici ce que rappelle la notice Wikipédia consacrée à M. Bercoff. Extrait :
« Depuis 2015, André Bercoff collabore régulièrement à l'hebdomadaire de droite libérale-conservatrice Valeurs actuelles, et au Figarovox. Le Journal du dimanche le qualifie en 2016 de journaliste devenu polémiste avec le temps, qui « collabore maintenant presque exclusivement avec des publications de droite, voire très à droite » comme le site « Boulevard Voltaire ».
Tout ceci pour vous dire qu'en allant voir ce spectacle, vous devez savoir à quoi vous attendre.
Trois parties composent ce cabaret politique.
Dans la première, le journaliste-polémiste dénonce ce qu'est devenu Paris.
Tout y passe, souvent de façon assez caricaturale : Les rats, les trottinettes,les trottoirs, les pistes cyclables, les logements sociaux, les chantiers, les trous, les friches, les touristes, les loyers, la dette, la circulation, l'insécurité, la « mondialisation des magasins » (sic).
L'air du catalogue, en quelque sorte...
Je précise que ne votant pas personnellement à Paris, je n'écris certes pas pour défendre Mme Hidalgo.
Puis, il reçoit un invité politique.
Hier, en l'occurrence, il s'agissait de Pierre Liscia, élu d'opposition du XVIIIème arrondissement, chef de file du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse.
Quand je vous disais...
M. Liscia a poursuivi dans la même veine que M. Bercoff. Sans surprise.
Il a eu droit à deux questions.
L'une de votre serviteur, qui lui a demandé de préciser ce qu'il entendait par le fait que, je le cite, « Dans Paris, il y a des écoles qui ne sont plus fréquentables. »
Bien que se défaussant sur des propos soi-disant tenus par M. le Recteur de l'Académie de Paris, on comprenait évidemment que selon M. Liscia, certains parents de têtes blondes ne voulaient plus scolariser leurs enfants dans des écoles sans autres têtes blondes. Des écoles qui selon lui ne sont donc plus "fréquentables".
Comprenne qui veut, comprenne qui peut...
Et puis, il a eu droit également de la part d'un autre spectateur à une deuxième question concernant la concentration de théâtres parisiens dans les mains de propriétaires qui feraient passer la culture après l'argent.
La réponse de M. Liscia attira à ce dernier un définitif et sonore « Mais c'est idiot, ce que vous dites ! » de la part d'un de mes voisins, qui fut très applaudi.
M. Liscia repartit alors dans la pénombre assister à la fin du spectacle...
La troisième partie fut consacrée à la célébration du Paris « éternel », grâce notamment à des chanteurs à grande sensibilité de gauche : Vian, Barbara, et j'en oublie...
Car, qui dit cabaret, dit spectacle musical, bien entendu.
Une chanteuse et un "chanteur" interprètent les titres choisis pour illustrer la ville-lumière.
La soprano Emmanuelle Goizé est à son habitude irréprochable.
Elle constitue même le grand intérêt du spectacle.
Son interprétation de ces chansons figurant au patrimoine national est à chaque fois un moment très attendu. Changeant souvent de costumes, d'accessoires, sa technique vocale impressionnante, son timbre suave, velouté et sa large tessiture côtoient une très jolie force comique.
Un autre « chanteur » se tient à ses côtés, voulant se donner des airs de Michel Fau.
Pour terminer ce papier, je vais me répéter.
Il n'est pas question pour moi de remettre en cause la pluralité démocratique des opinions politiques, y compris celles illustrées dans un spectacle de cabaret, et ce, durant deux heures.
Il faut juste que chaque spectateur potentiel sache à quoi s'attendre, en plus de l'immense talent d'Emmanuelle Goizé.
9/10
Sa leçon vaut bien un fromage, sans doute !
En l'occurrence, un camembert !
Bien fait, le camembert !
Car enfin, ne le niez pas, n'avez-vous jamais éprouvé le besoin d'imiter un camembert ?
Oncques n'avez-vous envisagé seulement comment apprendre à mimer la croûte, la crème, le coulant ?
Ne cherchez plus ! Jos Houben est le professeur qu'il vous faut !
Son spectacle, l'art du rire, est une épatante conférence à destination de ceux qui veulent vraiment comprendre le rire, son origine, ses mécanismes, ses tenants et aboutissants et ses différentes problématiques.
Et puis, surtout, ce spectacle est un moyen avant tout de rire parfois à gorge déployée.
Durant une bonne heure, Jos Houben va se livrer à une dissection en règle du mécanisme qui consiste à faire fonctionner ses muscles zygomatiques.
Avec des exemples bien choisis, des énonciations de postulats et autres lemmes en matière de mécanique et physique du rire, avec également et peut-être surtout des démonstrations, le comédien belge va nous délivrer son pédagogique message.
L'homme est avant tout un remarquable et incroyable observateur de ses concitoyens et contemporains.
Faut-il avoir une sacrée capacité à regarder et à analyser ce qui provoque l'hilarité chez les autres, pour être capable de reproduire sur scène ces gestes, ces postures, ces chutes, ces hésitations, ou ces comportements décalés et burlesques !
Jos Houben commence son brillant et subtil exposé par nous parler du corps.
C'est un prof qui nous donne un cours sur le corps.
Le corps, révélateur de nos sentiments et nos émotions.
La verticalité, ce caractère propre de l'homme, comme le rire d'ailleurs, qui est le point de départ de tout.
Suivront les démarches, les postures, les chutes, vecteurs par excellence du rire.
Nous avons devant nous un prodigieux mime.
Ses exemples et démonstrations sont imparables. Ce qu'il nous montre déclenche vraiment l'hilarité.
Le passage sur la représentation sur une scène d'un ivrogne m'a beaucoup frappé.
Dans un premier temps, il nous montre ce que ferait l'élève-comédien débutant pour interpréter un homme ou une femme en état d'ébriété.
Et puis, dans un deuxième temps, il nous montre sa façon, qui est évidemment beaucoup plus parlante, précise et évocatrice.
Je ne vous détaille évidemment pas comment il s'y prend, mais ce passage est très étonnant, en plus d'être très drôle.
Et le comédien-professeur de poursuivre son cours.
Ses adresses au public sont épatantes.
Il traite certains spectateurs de sadiques, ceux qui rient vraiment beaucoup de ses exemples de chutes, et puis il va même se moquer de lui-même : « quelle étrange façon de gagner sa vie, tout de même ! »
Un spectateur sera mis à contribution pour les besoins d'une démonstration chapelière. Le moment est savoureux, le spectateur en question est même appelé à se venger.
Autre moment vraiment hilarant, celui qui traite de l'anthropologie animalière.
Jos Houben nous donne les clefs pour jouer une poule, une vache, ou encore... un poisson.
Sans oublier, j'ai commencé mon papier par ceci, la reproduction sur scène et avec le corps d'un camembert, d'un crottin de Chavignol et d'un morceau d'un britannique Cheddar.
Tout ceci relève du grand art. Celui de décortiquer le mouvement issu d'une situation engendrant le comique, après l'avoir très finement observé, pour le reproduire afin de provoquer le rire des spectateurs.
Ce spectacle est une très subtile leçon de théâtre, un cours très abouti sur le rire, une master-class très riche d'enseignements.
On rit énormément, on ressort de La Scala un peu plus intelligent à avoir côtoyé ce professeur émérite en la matière.
On en apprend autant sinon plus qu'en lisant ou relisant tout Bergson.
Les étudiants de Jos Houben, scolarisés dans la prestigieuse école internationale de théâtre Jacques-Lecoq, ces étudiants-là doivent se régaler !
En l'occurrence, un camembert !
Bien fait, le camembert !
Car enfin, ne le niez pas, n'avez-vous jamais éprouvé le besoin d'imiter un camembert ?
Oncques n'avez-vous envisagé seulement comment apprendre à mimer la croûte, la crème, le coulant ?
Ne cherchez plus ! Jos Houben est le professeur qu'il vous faut !
Son spectacle, l'art du rire, est une épatante conférence à destination de ceux qui veulent vraiment comprendre le rire, son origine, ses mécanismes, ses tenants et aboutissants et ses différentes problématiques.
Et puis, surtout, ce spectacle est un moyen avant tout de rire parfois à gorge déployée.
Durant une bonne heure, Jos Houben va se livrer à une dissection en règle du mécanisme qui consiste à faire fonctionner ses muscles zygomatiques.
Avec des exemples bien choisis, des énonciations de postulats et autres lemmes en matière de mécanique et physique du rire, avec également et peut-être surtout des démonstrations, le comédien belge va nous délivrer son pédagogique message.
L'homme est avant tout un remarquable et incroyable observateur de ses concitoyens et contemporains.
Faut-il avoir une sacrée capacité à regarder et à analyser ce qui provoque l'hilarité chez les autres, pour être capable de reproduire sur scène ces gestes, ces postures, ces chutes, ces hésitations, ou ces comportements décalés et burlesques !
Jos Houben commence son brillant et subtil exposé par nous parler du corps.
C'est un prof qui nous donne un cours sur le corps.
Le corps, révélateur de nos sentiments et nos émotions.
La verticalité, ce caractère propre de l'homme, comme le rire d'ailleurs, qui est le point de départ de tout.
Suivront les démarches, les postures, les chutes, vecteurs par excellence du rire.
Nous avons devant nous un prodigieux mime.
Ses exemples et démonstrations sont imparables. Ce qu'il nous montre déclenche vraiment l'hilarité.
Le passage sur la représentation sur une scène d'un ivrogne m'a beaucoup frappé.
Dans un premier temps, il nous montre ce que ferait l'élève-comédien débutant pour interpréter un homme ou une femme en état d'ébriété.
Et puis, dans un deuxième temps, il nous montre sa façon, qui est évidemment beaucoup plus parlante, précise et évocatrice.
Je ne vous détaille évidemment pas comment il s'y prend, mais ce passage est très étonnant, en plus d'être très drôle.
Et le comédien-professeur de poursuivre son cours.
Ses adresses au public sont épatantes.
Il traite certains spectateurs de sadiques, ceux qui rient vraiment beaucoup de ses exemples de chutes, et puis il va même se moquer de lui-même : « quelle étrange façon de gagner sa vie, tout de même ! »
Un spectateur sera mis à contribution pour les besoins d'une démonstration chapelière. Le moment est savoureux, le spectateur en question est même appelé à se venger.
Autre moment vraiment hilarant, celui qui traite de l'anthropologie animalière.
Jos Houben nous donne les clefs pour jouer une poule, une vache, ou encore... un poisson.
Sans oublier, j'ai commencé mon papier par ceci, la reproduction sur scène et avec le corps d'un camembert, d'un crottin de Chavignol et d'un morceau d'un britannique Cheddar.
Tout ceci relève du grand art. Celui de décortiquer le mouvement issu d'une situation engendrant le comique, après l'avoir très finement observé, pour le reproduire afin de provoquer le rire des spectateurs.
Ce spectacle est une très subtile leçon de théâtre, un cours très abouti sur le rire, une master-class très riche d'enseignements.
On rit énormément, on ressort de La Scala un peu plus intelligent à avoir côtoyé ce professeur émérite en la matière.
On en apprend autant sinon plus qu'en lisant ou relisant tout Bergson.
Les étudiants de Jos Houben, scolarisés dans la prestigieuse école internationale de théâtre Jacques-Lecoq, ces étudiants-là doivent se régaler !