Connexion
Déconnexion
Déjà inscrit ?
Connectez-vous !
Pas de compte ? Créez le maintenant
Créez votre compte !
 
 
 
  • Accueil
  • La crème des critiques
  • Les pièces géniales
  • Les Expos
  • écrivez une critique
  • Visitez un balcon
Merci de sélectionner la pièce, l'expo que vous voulez critiquer dans la liste ci dessous.
Tapez une partie du nom du spectateur dont vous voulez visiter le balcon !
Tapez une partie du titre de l'événement, un nom de théâtre ou de musée
Tapez une partie du titre de l'événement, un nom de théâtre ou de musée
Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
  • Son Balcon
  • Son Top 5
  • Ses critiques
  • Ses filatures / espions
  • Ses goûts

Ses critiques

1005 critiques
Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty ?

Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty ?

9,5/10
45
Quoi, sa gueule, qu'est-ce qu'elle a, sa gueule ?
Sa gueule d'atmosphère... L'une des répliques les plus célèbres du cinéma français...

C'est à cette réplique que fait évidemment référence le titre de la pièce co-écrite par Elodie Menant et Eric Bu.
La remarquable pièce, dois-je immédiatement préciser !

Une heure et trente minutes pour passer en revue la vie de Melle Léonie Bathiat, plus connue sous le pseudonyme d'Arletty.
Une véritable gageure, un défi remporté haut la main.

Sur la scène du Petit Montparnasse, nous allons voir défiler devant nous la vie de celle qui fut avant tout une femme éprise de liberté. Et qui l'a payée assez cher, cette liberté.
Nous la voyons défiler, cette vie, de façon musicale et dansée. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une comédie musicale, mais d'un spectacle qui mêle théâtre, musique, danse, claquettes et chansons.

Une vie passée en revue, en somme...

Elodie Menant est Arletty. C'est d'ailleurs elle qui nous accueille dans la salle, larges lunettes noires, longue robe blanche et turban assorti.

La co-auteure et comédienne, dont personne n'a oublié l'épatante adaptation et la mise en scène de la pièce La peur, d'après Stefan Zweig, Melle Menant, donc, va illuminer de sa présence, de son charisme et de son charme ces quatre-vingt-dix-minutes.

Et de sa gouaille, également.
Pouvait-elle faire l'impasse sur l'accent de titi parisien d'Arletty ?
Non bien entendu. Pour autant, elle a su placer le curseur à sa juste position. Elle n'est jamais dans l'exagération ni dans la caricature.

La comédienne ne sortira pratiquement jamais du plateau, impressionnante dans la peau de son personnage. Loin de l'esprit « performance », Elodie Menant nous fait partager de façon tout à fait crédible, naturelle, les heurs de la vie d'Arletty. Les bonheurs et les malheurs.

Eric Bu et elle n'ont pas cherché à cacher quoi que ce soit. Ils ne jugent pas Arletty. Ils racontent.
Ce qui s'est passé durant l'occupation nazie à Paris nous est révélé, avec les conséquences qui en ont découlé. La liberté et l'amour font parfois mauvais ménage... Je vous laisse découvrir ou approfondir.

Trois autres comédienne et comédiens sont sur scène, qui vont interpréter une multitude de personnages, de façon souvent très drôle.
Marc Pistolesi et Cédric Revollon vont se retrouver dans la peau de personnages plus ou moins illustres. Sans jamais verser eux non-plus dans la caricature, leurs interprétations de Michel Simon, Paul Poiret, Jouvet, Prévert, Céline, Pétain, De Gaulle ou encore Cocteau sont remarquables.

Céline Espérin assure les rôles féminins, dont la maman de Léonie, de bien belle façon.

Tous chantent, dansent, (avec ou sans claquettes), avec beaucoup de talent.
Ces quatre-là ont une sacrée collection de cordes à leur arc.
Ils sont accompagnés par Mehdi Bourayou au piano.

Certes, nous rions souvent, mais certaines scènes sont très prenantes et très émouvantes, notamment celles qui se rattachent à la fin de vie d'Arletty.

Johanna Boyé met en scène tout ce petit monde avec une vraie vision et de vrais parti-pris.
Oui, il y a décidément un style Boyé.

Ce que nous voyons sur le plateau est d'une remarquable fluidité, avec un rythme, une énergie qui font énormément plaisir à voir. Ca roule, ça coule de source...
La bonne humeur sur scène, la cohésion, l'esprit de troupe sont palpables en permanence.

Pas de noir plateau, comme trop souvent de nos jours. Pas de solution de facilité.
Ici, tout s'enchaîne très naturellement, y compris les nombreux et très rapides changements de costumes. De bien jolis costumes, d'ailleurs, que l'on doit à Marion Rebmann.

A noter également les belles lumières de Cyril Manetta, avec comme de bien entendu le projecteur rond-de-lumière cher au music-hall.

Je vous conseille donc plus que vivement de vous ruer sur vos sites de réservation en ligne favoris.
Il faut aller au Petit Montparnasse voir revivre devant nous l'icône qu'est Arletty.

Ce spectacle relève de la plus totale des réussites, une réussite maîtrisée de bout en bout.
Signaler
Choses vues

Choses vues

9/10
38
Si je vous évoque Victor Hugo, il y a fort à parier, tout comme moi, que vous penserez surtout aux Misérables, à Notre-Dame-De-Paris, à Hernani, aux sublimes poèmes ou encore aux écrits et autres discours politiques.

Christophe Barbier, lui, en plus de tout ceci, vous parlera des Choses vues.
Ces Choses vues, ce sont des textes courts du père Hugo, rassemblés par ses proches après son décès.

Des textes qui vont témoigner de l'immense talent d'observateur et de chroniqueur du grand homme.
Tout au long de sa vie, Hugo a écrit ces récits très courts, qui vont montrer, décrire.
Raconter la Vie, en somme, dans ses plus infimes détails.

Dans l'un de ces petits écrits, il nous l'affirme sans conteste : « Pour qui sait les voir, les plus petites choses sont les plus grandes ».

Christophe Barbier a eu l'excellente idée d'en rassembler quelques uns afin de les passer au gueuloir sur le plateau du Poche-Montparnasse.

Ces « miscellanées », comme l'éditorialiste qualifie cette collection de récits et d'anecdotes, vont nous montrer des aspects inattendus du papa de Cosette.

Hugo observateur-poète (une marguerite l'émeut au plus au point), journaliste (avec notamment une très précise narration de la mort du Duc d'Orléans), reporter (quelle terrible description des derniers instants d'un condamné à mort !), portraitiste (nous faisons la connaissance d'une pauvre femme qui a certainement dû lui inspirer sa Fantine), éditorialiste (avec des considérations politiques qui relèvent d'une troublante actualité), ou encore humaniste (racontant la terrible condition de cet homme sans nationalité, ni Français, ni Belge).

La metteure en scène Stéphanie Tesson a quant à elle eu la judicieuse idée de faire dire ces textes par deux comédiens.
Christophe Barbier en personne, et l'admirable Jean-Paul Bordes, qui fut ici même un merveilleux Amphitryon.
Les deux vont se renvoyer la balle, dialoguer, incarner à tour de rôle le narrateur-Hugo pour mettre en valeur ces écrits de façon la plus naturelle. Les enchaînements se font de manière très naturelle, le tout constituant un ensemble très cohérent.
L'un est plus dans le registre poétique, l'autre dans le registre réaliste. La répartition des rôles fonctionne très bien.

Jean-Paul Bordes, de sa voix de basse qui devient granuleuse dans le registre le plus bas, nous donne une grande leçon d'interprétation.
On ne peut qu'être suspendu à ses dires. Il fait vibrer ces textes, mettant en exergue toute leur oralité, et parvenant parfaitement à restituer toute la formidable vie qui s'en dégage.

A noter un talent caché du comédien, qui, sur un tableau blanc, va écrire d'une étonnante façon et dans un clin d'œil appuyé « Tais-toi » ! Et non, vous n'en saurez pas plus !

Les deux comédiens évoluent à l'intérieur de la très jolie scénographie de Marguerite Danguy des Déserts, qui a imaginé des lés de toile écrue sur lesquels sont reproduits des bribes de textes écrits de Victor Hugo, raturés ou non, des lavis, ou encore des portraits.
On pense également par moment à des voiles marines, les comédiens hissant ou affalant ces toiles.

Melle Tesson a joué habilement avec la relative grande largeur de la salle.
Christophe Barbier et Jean-Paul Bordes occupent tout l'espace de façon elle aussi naturelle, proches ou éloignés, selon la teneur de ce qu'ils racontent.
La petite estrade est également mise à profit très judicieusement. A certains moments, les comédiens « prennent de la hauteur » !

Durant cette heure et vingt minutes, nous écoutons également des préludes de Jean-Sébastien Bach, tirés du Clavier bien tempéré, illustrant ainsi de manière subtile ce qui nous est raconté.

La fin du spectacle est consacrée plus sparticulièrement à la vieillesse, à la mort, à Dieu, et puis également à un très bel hymne à la vie, alors que s'échappe des enceintes acoustiques le prélude N°1, BWV 846, le plus célèbre.

Ce spectacle nous permet donc de découvrir ou redécouvrir un aspect moins ou peu connu du génie littéraire qu'est Hugo, celui de grand observateur, témoin privilégié de ses contemporains et du milieu dans lequel il vit.
C'est une entreprise artistique fort réussie.
Signaler
Histoire de la violence

Histoire de la violence

9,5/10
38
Viol au dessus du lit de Loulou...
La violence de ce viol, et son histoire.

Mais une autre violence va surgir, plus sournoise, plus insidieuse, aussi inacceptable que celle physique.
La violence du racisme, de l'homophobie, la violence sociétale, institutionnelle.

Voici ce que raconte le livre éponyme d'Edouard Louis, qu'il a adapté avec Thomas Ostermeir sous le titre « Au cœur de la violence ».
Une histoire vraie. Une histoire autobiographique, douloureusement vécue. Une histoire qu'il faut dire et partager.

Une histoire que nous livre celui qui l'a vécue.
Nous assistons à la rencontre entre Eddy Bellegueule, qui assure la trame narrative, et Reda, un fils d'immigrés kabyles, le soir de Noël.
Les deux jeunes hommes vont passer la nuit ensemble. Au matin, le crime sera commis par Reda.
Eddy ira se faire examiner aux urgences médico-judiciaires, puis ira porter plainte au commissariat de quartier.
Il va alors découvrir les humiliations, les propos racistes et homophobes de ceux à qui il va s'adresser et qui pourtant sont sensés l'aider.

Les âmes sensibles doivent être averties.
Thomas Ostermeir n'est pas du genre à faire dans l'ellipse.
Ici, nous allons la voir, la violence. Et pas qu'un peu.

Nous allons la ressentir, même.
Une scène on ne peut plus réaliste, à la limite du soutenable, nous est montrée. Parce qu'elle est nécessaire, cette scène. Pour dénoncer. Parce qu'il faut dire les choses !

L'une des grandes réussites de cette entreprise artistique est la torsion du temps.
Ici, la trame narrative n'est pas linéaire. C'est à nous de remettre en ordre les pièces du puzzle.
Le découpage des différentes scènes, des différentes séquences, est très habile.
Sont mélangées les scènes de famille (la sœur d'Eddy et son mari, sa mère), les scènes de police (au commissariat ou sur la scène de crime), les scènes de réminiscence de l'arrivée en France de la famille de reda, les scènes aux urgences hospitalières puis médico-judiciaires.
Et bien entendu, les séquences dans la chambre d'Eddy.

Tout ceci est très judicieux et très pertinent.

A son habitude, Ostermeir nous plonge dans la vie, dans la réalité avec ce qu'elle a de plus viscérale, de plus organique. Nous donnant à chaque fois cette impression d'être immergé dans la dramaturgie, alors que la scénographie est réduite à quelques rares meubles.
Les images vidéos, chères au patron de la Schaubühne, sont une nouvelle fois utilisées à très bon escient.
Ces images sont filmées en direct par les comédiens ou bien sont pré-enregistrées, comme ces cartes postales montrant la Kabylie.
Tout ceci est en noir et blanc, ce qui procure une grande puissance évocatrice, permettant de renforcer le côté dramatique de ce qui nous est raconté.

Thomas Witte, à la batterie, va jouer plus ou moins fort durant la plus grande partie de ces deux heures.
Parce que la batterie est un instrument sur lequel on frappe, qui montre lui aussi une certaine forme de violence.

Pour autant, nous allons rire.
Les quatre comédiens, dont les deux qui vont jouer une multitude de personnages, vont souvent être très drôles.
Et notamment l'excellente Alina Stiegler, qui campe en body léopard la sœur. Ses répliques (on peut penser à la mauvaise conscience d'Eddy), ses ruptures, ses mimiques, sa gestuelle (Ah ! Cette remontée de poitrine...), tout ceci nous amuse énormément.

Christoph Gawenda lui aussi, parfait en beauf en claquettes-chaussettes et marcel, en flic raciste gominé, ou en mère du narrateur, nous tire bien des sourires. Sa scène très forte en début de représentation glace les spectateurs.

C'est Laurenz Laufenberg, omniprésent sur le plateau, qui incarne Edouard Louis. Son interprétation intense, tendue, toujours très juste, force l'admiration. Quel rôle !


Renato Schuch est quant à lui Reda. Lui aussi est impressionnant, tout en force et parfois bestialité.

Il me faut évoquer la conclusion de la pièce, qui est assez troublante.
Edouard Louis, refusant dans un premier temps de porter plainte, semble éprouver une certaine compassion pour son bourreau.
Parce qu'il déteste la notion même de prison ? Parce que le violeur est Kabyle ?
Une forme de syndrome de Stockholm ?
C'est à chacun, finalement, de se faire sa propre opinion.

Cette dernière création en date de Thomas Ostermeir est une nouvelle et incontestable réussite, tant sur le fond que sur la forme.
Le metteur en scène allemand nous prouve une nouvelle fois qu'il n'a pas son pareil pour parfaitement cerner les tenants et les aboutissants de la violence au sein d'une société donnée, d'en disséquer et d'en montrer les mécanismes et les conséquences les plus visibles ou les plus insidieuses.
Son parcours et ses choix artistiques relèvent décidément d'une remarquable cohérence.

Il faut donc absolument aller voir cette Histoire de la violence.

Ce ne sont pas les étudiants de la classe Prépa littéraire option théâtre du Lycée Molière présents hier dans la salle qui diront le contraire, eux qui ont participé à mes côtés à réserver une ovation finale à ce spectacle.
Signaler
Histoire de la violence

Histoire de la violence

9,5/10
37
Viol au dessus du lit de Loulou...
La violence de ce viol, et son histoire.

Mais une autre violence va surgir, plus sournoise, plus insidieuse, aussi inacceptable que celle physique.
La violence du racisme, de l'homophobie, la violence sociétale, institutionnelle.

Voici ce que raconte le livre éponyme d'Edouard Louis, qu'il a adapté avec Thomas Ostermeir sous le titre « Au cœur de la violence ».
Une histoire vraie. Une histoire autobiographique, douloureusement vécue. Une histoire qu'il faut dire et partager.

Une histoire que nous livre celui qui l'a vécue.
Nous assistons à la rencontre entre Eddy Bellegueule, qui assure la trame narrative, et Reda, un fils d'immigrés kabyles, le soir de Noël.
Les deux jeunes hommes vont passer la nuit ensemble. Au matin, le crime sera commis par Reda.
Eddy ira se faire examiner aux urgences médico-judiciaires, puis ira porter plainte au commissariat de quartier.
Il va alors découvrir les humiliations, les propos racistes et homophobes de ceux à qui il va s'adresser et qui pourtant sont sensés l'aider.

Les âmes sensibles doivent être averties.
Thomas Ostermeir n'est pas du genre à faire dans l'ellipse.
Ici, nous allons la voir, la violence. Et pas qu'un peu.

Nous allons la ressentir, même.
Une scène on ne peut plus réaliste, à la limite du soutenable, nous est montrée. Parce qu'elle est nécessaire, cette scène. Pour dénoncer. Parce qu'il faut dire les choses !

L'une des grandes réussites de cette entreprise artistique est la torsion du temps.
Ici, la trame narrative n'est pas linéaire. C'est à nous de remettre en ordre les pièces du puzzle.
Le découpage des différentes scènes, des différentes séquences, est très habile.
Sont mélangées les scènes de famille (la sœur d'Eddy et son mari, sa mère), les scènes de police (au commissariat ou sur la scène de crime), les scènes de réminiscence de l'arrivée en France de la famille de reda, les scènes aux urgences hospitalières puis médico-judiciaires.
Et bien entendu, les séquences dans la chambre d'Eddy.

Tout ceci est très judicieux et très pertinent.

A son habitude, Ostermeir nous plonge dans la vie, dans la réalité avec ce qu'elle a de plus viscérale, de plus organique. Nous donnant à chaque fois cette impression d'être immergé dans la dramaturgie, alors que la scénographie est réduite à quelques rares meubles.
Les images vidéos, chères au patron de la Schaubühne, sont une nouvelle fois utilisées à très bon escient.
Ces images sont filmées en direct par les comédiens ou bien sont pré-enregistrées, comme ces cartes postales montrant la Kabylie.
Tout ceci est en noir et blanc, ce qui procure une grande puissance évocatrice, permettant de renforcer le côté dramatique de ce qui nous est raconté.

Thomas Witte, à la batterie, va jouer plus ou moins fort durant la plus grande partie de ces deux heures.
Parce que la batterie est un instrument sur lequel on frappe, qui montre lui aussi une certaine forme de violence.

Pour autant, nous allons rire.
Les quatre comédiens, dont les deux qui vont jouer une multitude de personnages, vont souvent être très drôles.
Et notamment l'excellente Alina Stiegler, qui campe en body léopard la sœur. Ses répliques (on peut penser à la mauvaise conscience d'Eddy), ses ruptures, ses mimiques, sa gestuelle (Ah ! Cette remontée de poitrine...), tout ceci nous amuse énormément.

Christoph Gawenda lui aussi, parfait en beauf en claquettes-chaussettes et marcel, en flic raciste gominé, ou en mère du narrateur, nous tire bien des sourires. Sa scène très forte en début de représentation glace les spectateurs.

C'est Laurenz Laufenberg, omniprésent sur le plateau, qui incarne Edouard Louis. Son interprétation intense, tendue, toujours très juste, force l'admiration. Quel rôle !

Renato Schuch est quant à lui Reda. Lui aussi est impressionnant, tout en force et parfois bestialité.

Il me faut évoquer la conclusion de la pièce, qui est assez troublante.
Edouard Louis, refusant dans un premier temps de porter plainte, semble éprouver une certaine compassion pour son bourreau.
Parce qu'il déteste la notion même de prison ? Parce que le violeur est Kabyle ?
Une forme de syndrome de Stockholm ?
C'est à chacun, finalement, de se faire sa propre opinion.

Cette dernière création en date de Thomas Ostermeir est une nouvelle et incontestable réussite, tant sur le fond que sur la forme.
Le metteur en scène allemand nous prouve une nouvelle fois qu'il n'a pas son pareil pour parfaitement cerner les tenants et les aboutissants de la violence au sein d'une société donnée, d'en disséquer et d'en montrer les mécanismes et les conséquences les plus visibles ou les plus insidieuses.
Son parcours et ses choix artistiques relèvent décidément d'une remarquable cohérence.

Il faut donc absolument aller voir cette Histoire de la violence.

Ce ne sont pas les étudiants de la classe Prépa littéraire option théâtre du Lycée Molière présents hier dans la salle qui diront le contraire, eux qui ont participé à mes côtés à réserver une ovation finale à ce spectacle.
Signaler
Elephant man

Elephant man

7,5/10
35
Les freaks, c'est chic !
Tout du moins à Londres, à la fin du XIXème siècle.

Les freaks, ce sont ces êtres humains victimes de maladies ou de troubles génétiques, présentant des caractères plus ou moins difformes selon les canons de la « normalité » en cours.

Je vous renvoie évidemment à deux films célèbres : Freaks, de Tod Browning, en 1932 et surtout Elephant Man, de David Lynch, sorti en 1980.

C'est justement ce dernier film dont s'est inspiré Antoine Chalard, pour nous raconter sur un plateau de théâtre l'histoire de Joseph Merrick, qui a vraiment existé.

Celui qu'on appelle souvent John Merrick va croiser à 21 ans la route du célèbre chirurgien londonien, le Dr Treves. Celui-ci le recueillera, après l'avoir tiré des griffes de ses « managers », et le transformera de monstre de foire en être humain en lui rendant toute sa dignité.

L'adaptation d'Antoine Chalard est fidèle à l'histoire de cet homme affligé de cette terrible et incurable anomalie congénitale.
Il va jouer lui-même le rôle du chirurgien britannique, étant parfait dans son interprétation flegmatique et très british du médecin. (A noter qu'il interprétera également le rôle du directeur de l'hôpital.)

Bien entendu, tout comme dans le film, ce qui va préoccuper dans un premier temps les spectateurs, c'est de constater de visu le visage difforme de John Merrick.
Comme David Lynch, ce moment va être ici différé le plus longtemps possible, par différents moyens, afin de générer une forme de suspens.

C'est ainsi que nous verrons ce pauvre homme en contre-jour, au lointain sur sa dérisoire et pitoyable paillasse, nous l'apercevrons également en ombre chinoise, comme vu au moyen de rayons X, permettant ainsi au Dr Treves de nous détailler toutes les infirmités.
Le procédé fonctionne à la perfection.

Et puis bien entendu, nous allons finir par découvrir - enfin - le visage du personnage.
C'est Florent Malburet qui porte une prothèse au bras droit, et puis surtout un masque impressionnant, que l'on doit à Galina Molotov.
Ce masque permet néanmoins au comédien de jouer de son visage, afin d'exprimer beaucoup d'expressions, notamment avec ses yeux.
Un grand coup de chapeau supplémentaire pour le fait de « supporter » tout ce latex sous les projecteurs de la salle noire du Lucernaire.

Clémentine Yelnik quant à elle interprète trois rôles.
Tout d'abord l'horrible « propriétaire » de John Merrick (le personnage se définit ainsi), odieuse et repoussante. (Avec par deux fois un petit clin d'œil dans son texte au Gollum de Tolkien ! Je vous laisse découvrir... )

Melle Yelnik joue également le personnage de Mrs Motherhead, la revêche infirmière-chef au grand-cœur, ainsi que Mrs Kendal, une célèbre actrice de l'époque ayant elle-aussi pris sous son aile Mr Merrick.
Les trois interprétations sont très réussies, avec des changements de costumes très rapides.

Ici pas de pathos de mauvais aloi.
Les émotions à destination du public sont très justes, sans effets superfétatoires.
J'ai vraiment compati au malheur de cet homme, souffrant avant tout de la discrimination à son égard, et de sa relégation à l'état de bête.

Et puis, les valeurs humaines que sont l'empathie, le respect et l'acceptation de la différence, la tolérance envers l'Autre, ces valeurs sont parfaitement mises en exergue.

A noter également une jolie scène de mise en abyme, avec un passage de théâtre dans le théâtre.

La fin du spectacle est très émouvante, avec notamment la toute dernière scène.
Nous autres spectateurs n'en menons pas large, et les applaudissements mérités tardent à arriver : il faut du temps pour revenir à la réalité.

C'est un beau moment de théâtre que cet Elephant Man.
Signaler
  • 51
  • 52
  • 53
  • Que pensez-vous du site ?
  • Plan du site
  • Écrire sur une pièce non référencée
  • Écrire sur une pièce plus jouée
  • Critiques de théâtre
  • Quel site de réservation choisir ?
  • Interviews et articles de la Rédaction
  • Comédie Française
  • Avis de spectateurs
  • Les Tomates AuBalcon 2015
  • Expositions Temporaires
  • Les meilleures pièces
  • AuBalcon.fr dans la presse
  • Qui sommes nous ?
  • Les Triomphes AuBalcon 2016
  • Contactez-nous
Design By Sistart - Intégré par iKadoc