Connexion
Déconnexion
Déjà inscrit ?
Connectez-vous !
Pas de compte ? Créez le maintenant
Créez votre compte !
 
 
 
  • Accueil
  • La crème des critiques
  • Les pièces géniales
  • Les Expos
  • écrivez une critique
  • Visitez un balcon
Merci de sélectionner la pièce, l'expo que vous voulez critiquer dans la liste ci dessous.
Tapez une partie du nom du spectateur dont vous voulez visiter le balcon !
Tapez une partie du titre de l'événement, un nom de théâtre ou de musée
Tapez une partie du titre de l'événement, un nom de théâtre ou de musée
Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
  • Son Balcon
  • Son Top 5
  • Ses critiques
  • Ses filatures / espions
  • Ses goûts

Ses critiques

1005 critiques
Une Maison de Poupée

Une Maison de Poupée

9/10
11
La vie, quelle prise de dette !



Voici ce qu’elle pense, Nora, cette poupée qui après avoir dit tant de fois « oui », dira finalement « non ».
Un « non » pour exister en tant qu’être humain, en tant que femme, un « non » qui la libérera des chaînes et des carcans dans lesquels elle est enfermée, en cette fin de XIXme siècle.

Nora, elle a vraiment existé.
Henrik Ibsen l’a côtoyée, l'écrivaine dano-norvégienne Laura Petersen, cette « alouette », cette femme qui, pour sauver son mari victime d’une maladie pulmonaire, a emprunté une importante somme d’argent.

Bien qu’ayant toujours nié avoir pris pour modèle cette amie du couple, Ibsen imagine néanmoins un personnage furieusement proche de Frue Petersen.
Ce faisant, le dramaturge va évoquer cette société de 1879 qui soumet encore impitoyablement les femmes et qui les relègue au rang de potiches, de faire-valoir ou de reproductrices.
D’autant que son épouse lui avait offert quelque mois auparavant le livre du philosophe anglais John Stuart Mill, intitulé De l’assujettissement des femmes, publié dix ans auparavant.

En 2016, Philippe Person a eu l’idée de monter pour la scène une version resserrée de la pièce, centrée sur les quatre personnages principaux, excluant de fait une bonne moitié des personnages, dont celui pourtant important du Dr Rank.

Une bonne idée ? Une excellente idée !
Les grands auteurs sont faits pour être adaptés, encore et toujours, à condition évidemment d’en respecter le propos, ce qui ici, sera parfaitement le cas.

(Au passage, c’est exactement ce que viennent de faire Peter Brook et Marie-Hélène Estienne en adaptant de façon la plus brillante qui soit La tempête.)


Oui, cette version réduite à quatre personnages du chef de l’une des œuvres majeures d’Ibsen, cette version va fonctionner à la perfection.

Durant une heure et demie, va régner sur le plateau de la Manufacture des Abbesses une grande tension, une atmosphère lourde à souhait.


Et pourtant, Noël approche, le sapin est déjà illuminé, la neige recouvre le jardin, et tombe à plusieurs reprises.
Tout ceci, nous l’allons voir, grâce à une inventive scénographie, qui représente immédiatement un enfermement sous couvert de légèreté.

Ce périmètre enneigé, c’est cette barrière qui empêche Nora d’exister, qui la cloître psychologiquement et physiquement.
Le symbole d’une nasse qui se resserre autour de cette jeune femme, qui aura bien du mal à s’en échapper.

C’est donc dans ces quatre « murs » que Philippe Person va faire évoluer les personnages.

Certains pourront en sortir aisément, mais Nora devra quant à elle attendre.

Le metteur en scène est de ceux qui possèdent cet art de « calculer » de façon la plus juste qui soit la distance physique idéale entre deux comédiens.

Ici, dans une chorégraphie réglée au millimètre, profitant au mieux de la topographie des lieux, les quatre comédiens, le plus généralement deux par deux sur la scène, vont nous faire ressentir de façon viscérale une oppression, un malaise allant grandissant.


Les corps autant que les voix vont être grandement sollicités, des corps qui vont nous en dire beaucoup, des corps qui illustrent eux aussi la psychologie des personnages.
Tout ceci témoigne d’une grande subtilité dans la mise en scène.

Nora, c’est Florence le Corre.

La comédienne parvient de façon éblouissante à nous faire appréhender cette jeune femme, nous dépeignant par touches successives ses ressorts et ses motivations.
Melle le Corre nous montre avec une irréprochable maîtrise et une justesse sans faille l’évolution de cette Mme Helmer.

Elle confère à son personnage une grâce certaine et une troublante vérité, tour à tour légère, espiègle puis de plus en plus sombre, pour devenir bouleversante.
Impossible de ne pas se projeter dans ce qu’elle nous dit et nous montre.

Car au fond, au-delà du « simple » aspect féministe, il est bien question d’une relation dominant-dominé universelle, entre deux êtres humains.

Une grande Nora ! De celles que l’on n’oublie pas !

Philippe Calvario incarne Torvald Helmer, le mari.
On croit totalement à son personnage « étouffant ».
Le comédien interprète avec beaucoup de profondeur et une grande intensité cet homme « de son temps », qui ne comprend pas les aspirations de sa femme à exister par elle-même.

Ses « Nora ! », prononcés de façon condescendante ou méprisante, glacent les spectateurs.

Krogstad, le maître-chanteur est interprété par Philippe Person lui-même.

Le metteur en scène, cheveux lissés, mèche sur le côté, nous confronte brillamment à cet homme ambivalent, ambigu.
Nous comprenons très vite, au delà du mépris que l'on peut ressentir au premier abord, que nous avons devant nous un type qui finalement cherche lui aussi à exister dans cette société d’hypocrisie.

Nathalie Lucas formera avec lui l’autre « couple » de la pièce, en miroir et en symétrie avec le premier.

La comédienne est elle aussi parfaite dans ce rôle d’amie de Nora, qui va précipiter les choses et déclencher involontairement la révolte de celle-ci.

La cohérence et la cohésion entre les quatre comédiens sont parfaites.

On l’aura compris, cette Maison de poupée est un magnifique édifice théâtral qu’il faut absolument découvrir ou redécouvrir.
Cette version resserrée mais tellement fidèle à Ibsen est plus que jamais l'un de ces spectacles qui marquent pour longtemps les esprits !
Signaler
Afficher le commentaire Afficher les commentaires précédents
Anne Delaleu
Anne Delaleu

Oui j'avais vu le spectacle au Lucernaire et j'avais beaucoup aimé.

0
Jeudi 5 mai 2022
Mon âge d'or

Mon âge d'or

8,5/10
2
Le plateau de bois était vide,

Devant nous arrivait Natalie,

Elle avait un joli nom, l’actrice,

Natalie.

Elle, Natalie Akoun, ce qu’elle voulait plus que tout étant petite, c’était devenir une saltimbanque, c’était monter sur une scène, c’était se retrouver devant un public.
Devenir comédienne. Jouer !


Dans ce spectacle, elle va nous dire ce cri du cœur, ce désir irrépressible, cette vocation très précoce.
Elle va nous parler de son enfance, de son adolescence.
Elle va nous raconter sa famille juive pied-noire, ses études, ses amours, mais pas n’importe comment.
D’une façon très particulière, bien à elle.

Mon âge d’or est une « comédie théâtrale et musicale ».

La comédienne a certes écrit un texte, qui nous parlera de souvenirs on ne peut plus vécus.

Elle nous dépeint son histoire passée de façon intense, drôle, émouvante, non pas pour tomber dans une nostalgie de mauvais aloi, mais au contraire pour nous faire comprendre le chemin qu’elle a parcouru pour arriver jusqu’à la réussite de ses ambitions de jeunesse.

Mais ce n’est pas tout.

De plus, elle a eu l’excellente idée de baliser tout ce chemin de vie, de la prime enfance jusqu’à cette représentation, de chansons qui ont marqué son parcours personnel.

Parce que Natalie Akoun est une « song addict », tombée dans la marmite de potion musicale par le biais des émissions de télé telles que Numéro 1, tous les samedis soirs.

Et puis parce que devant sa fenêtre, s’étalait une gigantesque affiche de Michel Fugain et son Big Bazar.
M. Fugain et ses bigbazariens sauront-ils d’ailleurs un jour l’importance de leur affiche dans la vocation de Melle Akoun ?

Elle va donc interpréter une petite vingtaine de titres qui ont marqué les moments importants de sa vie.
Comme autant de petites madeleines de Proust.
Au fond, ces chansons, ce seront autant de petites histoires condensées en trois minutes, qui vont parfaitement mettre en abime leur texte avec un vécu personnel.
L’idée est excellente, comme nous l’allons vite comprendre.

Nous seront donc remis en mémoire des titres émanant de grands artistes populaires, tels que Le Forestier, Barbara, Les frères Jacques, Serge Reggiani, Gréco, Jeanne Moreau, Julien Clerc, Guy Béart, j’en passe et non des moindres.

Bon. Il me faut mentionner le fait que Natalie Akoun suit des cours de chant depuis un an seulement, pour reprendre ce point indiqué dans le dossier de presse.
Ce n’est pas lui faire injure de constater que la justesse n’est pas toujours irréprochable ou que le souffle est parfois un peu absent.


Mais peu importe ! On s’en moque éperdument !
Ici, ce qui compte, c’est le fait de manifester cette envie de chanter, et de nous faire comprendre que tout le monde pourrait se livrer à l’exercice.
D’ailleurs, une question se pose immanquablement à chaque spectateur un moment ou à un autre du spectacle :

Quelles seraient les chansons que moi je retiendrais si je devais me raconter ?

(Si vous avez bien lu les quatre premières lignes de mon papier, vous connaissez une partie de ma propre réponse à ma question.)

Mise en scène de manière très fluide par Olivier Cruveiller, Natalie Akoun n’est pas seule sur le plateau.
A ses côtés, deux grands musiciens.
Vincent Leterm et Laurent Valero ne l’accompagnent pas seulement, bien au contraire. Ils ont un rôle beaucoup plus important.
Ce seront deux personnages du spectacle à part entière.

Faut-il encore présenter Vincent Leterme ?

Bien sûr que non. Pianiste émérite, compositeur notamment pour la Comédie Française, j’en passe et des meilleurs, il ne quittera pas le clavier de son demi-queue.
Pour autant, il va être ce personnage à la fois drôle et lunaire, qui va pimenter le spectacle par des interventions drôlissimes.

Je vous assure que voir Leterme en veste à franges, ou encore le voir faire le poisson rouge, tout ceci constitue de vrais grands moments !

Ses arrangements, toujours aussi somptueux, ravissent les oreilles des spectateurs. D’autant qu’un deuxième compère musicien joue avec lui.

Le poly-instrumentiste Laurent Valero va nous enchanter, avec ses parties musicales au violon ou aux différentes flûtes à bec.
Le dialogue avec le pianiste et la chanteuse est particulièrement réussi, générant beaucoup d’émotion.

L’interprétation commune en version assez jazzy de la chanson « Il n’y a plus d’après, à Saint-Germain-des-Prés » composée par Guy Béart pour Juliette Gréco constitue à mon sens l’un des moments les plus réussis du spectacle.



Et puis nous comprendrons.
Pourquoi ce titre, Mon âge d’or. Les vraies raisons de ces quatre mots.
Ou quand Natalie Akoun invite virtuellement Ariane Mnouchkine, Philippe Caubère et Léo Ferré à la rejoindre.

Vous aussi, allez vous replonger dans ces beaux souvenirs musicaux, tout en découvrant ceux d’une comédienne qui se raconte.
Mon âge d’or est un spectacle fort délicat qui procure beaucoup de plaisir, beaucoup d’émotions diverses, et qui permet de nous rappeler l’importance majeure qu’ont pour nous ces petits morceaux de vie et de musique qu’on appelle les chansons.
Signaler
Lady Blackbird

Lady Blackbird

9,5/10
3
Lady Blackbird nous a montré la voix !
Sa voix ! Et quelle voix !

Marley Munroe, aka Lady Blackbird, est une héritière.
Une petite fille des grandes dames du jazz ou de la soul que sont Nina Simone, Etta James, Tina Turner ou encore Gladys Knight.

De celles qui vous décochent un uppercut en pleine figure, un coup de poing dans les tripes avec leur voix, leur charisme et leur capacité à exprimer avec force et douceur mêlées l’âme du peuple noir, les souffrances passées, les humiliations encore trop présentes mais aussi les espoirs à venir.

Toute petite, elle a baigné avec ses parents très religieux dans la musique, celle de l’église, le gospel et déjà la soul.
On ne tombe pas subitement par magie dans ce genre musical, on le vit dès sa plus tendre enfance.

Dès 18 ans, elle rejoindra New-York et Los Angeles, pour chanter. Chanter encore, chanter toujours.
Et pour se libérer de l’emprise de la famille et de la religion.

Il faudra attendre 2020 pour que la demoiselle produise son premier album, Black Acid Soul, sous la houlette de Chris Seefried, par ailleurs son guitariste sur scène.
Avec notamment la reprise du titre qui lui a fourni son pseudonyme, Blackbird, de Nina Simone, justement.
Une chanson à destination des femmes noires.

"Aucun endroit ne sera assez grand pour contenir toutes les larmes que tu vas pleurer, parce que le nom de ta maman sonnait comme la solitude et le nom de ton papa était synonyme de douleur. Et ils t'appellent petit chagrin parce que tu n'aimeras plus jamais." nous chantait Miss Simone, dès 1963.

C’est cet album que la chanteuse à la crinière blanche est venue présenter avec ses musiciens. Dans ce temple parisien du jazz qu’est le Duc des Lombards, elle va interpréter une dizaine de titres, avec quelques surprises hors album.

Les quatre musiciens s’installent sur scène. Tous ont participé à l’enregistrement.

A la Fender Stratocaster Chris Seefried, donc, au piano Kenneth Crouch. La rythmique est assurée par Jimmy Paxson aux drums et Jonny Flaugher la contrebasse.
Ils entament une introduction très onirique, assez mystérieuse, aux notes étranges. Comme pour nous préparer à ce qui va suivre.

Car elle arrive.
En grande prêtresse de la soul. Dans un costume fascinant qui plonge les spectateurs dans un ravissement étonné, à moins que ce ne soit le contraire.
La demoiselle est une sacrée show woman.

Redingote à queue de pie en skaï noir brillant, bustier de la même matière et culotte assortie sur un collant-résille.
Sans oublier un chapeau qui a tout d’une espèce de col de cygne noir à paillettes.
Impossible de nous y tromper : un sacré caractère se tient devant nous.

Mais voilà que nous comprenons immédiatement que nous allons assister un grand moment musical. L’un de ceux qui vous laissent quant à vous sans voix.



Avec les deux premiers titres, Walk with me, qu’enchaîne dans la foulée Blackbird, elle nous cueille pour ne plus nous lâcher.

La puissance, la force, la voix éraillée, parfois rauque, sauvage, parfois douce et suave, voici ce qui se dégage de ce que nous entendons.

Assez paradoxalement, cette grande puissance vocale permet à Lady Blackbird d’instaurer un climat d’une grande délicatesse, voire d’une grande intimité.

La force parfois sauvage au service d’une douceur envoûtante.

Le puissance permettant une épure et une forme minimaliste musicale passionnante.

Cette délicatesse quasi hypnotique est l’une des principales caractéristiques de l’album.

Oui, elle nous envoûte, Miss Munroe, son timbre nous fait frissonner, générant beaucoup d’émotion et souvent une vraie chair de poule.
Ces deux premiers morceaux magnifiques nous touchent énormément et nous captivent.

Le groupe poursuit avec It’s not that easy et le très sensuel et titre Collage, écrit par James Gang en 1969.

La voix devient de plus en plus chaude, le grain se développe, et les finales sont magnifiées par l’effet numérique de reverb que déclenche l’ingénieur du son FOH.
La voix éraillée contraste souvent avec les notes éthérées de la Stratocaster. C’est fascinant.

Five feet tall, avec son groove profond, au fond du temps, donne irrésistiblement envie de bouger.


L’un de mes titres préférés arrive, Fix it. Répare-là.

Un ostinato de deux accords, au piano et à la contrebasse. La chanteuse est alors déchirante, se montrant aussi à l’aise dans les aigus que dans les graves.

Et puis le dernier titre du set parisien It’ll never happen permet à la chanteuse de nous démontrer une nouvelle fois son incroyable puissance, toujours au service d’une émotion tout à fait juste.

Un premier « Encore » , Did somebody make a fool sera suivi en raison de l’insistance des spectateurs par une incroyable reprise de White rabbit, que le groupe Jefferson Airplane interprétait en 1966.
[…] When logic and proportion have fallen sloppy dead
And the white knight is talking backwards
And the red queen's off with her head
Remember what the dormouse said
Feed your head, feed your head

Nous, dans la salle, notre esprit aura été nourri d’une heure merveilleuse d’une musique bouleversante et envoûtante, de la soul qui vous touche l’âme au plus profond.
Lady Blackbird nous a offert un moment rare, l’un de ceux qui restent longtemps en mémoire
Signaler
Tempest Project

Tempest Project

10/10
5
Attention : avis de Tempête force Brook sur les Bouffes du Nord !
Ou comment vingt fois fois sur le métier tu remettras l’ouvrage.

Ou comment le grand Peter, avec sa complice depuis 1976 Marie-Hélène Estienne, comment cet immense dramaturge nous donne sa dernière vision en date de la pièce du grand William.
Une vision merveilleuse, onirique, épurée, une vision qui plonge le magnifique théâtre et ses spectateurs dans un véritable état de grâce !

1957 : première confrontation avec le texte, à Stratford. Sir John Gielguld jouait Prospero.
1968 : au Roundhouse, à Londres, Peter Brook en donne une version avec de tout jeunes comédiens.
1990 : Brook déplace le texte vers le continent africain, là où l’on peut encore rencontrer d’authentiques magiciens. Le personnage principal sera interprété par l’acteur malien et burkinabé Sotigui Kouyaté, lui-même griot.

En 2022, le jeune homme de 97 ans va nous proposer un magnifique bouquet de toutes les idées et les parti-pris qu’il a pu avoir au cours de ces différentes mises en scène.

Peter Brook nous le dit lui-même : de Shakespeare, « nous savons finalement très peu de choses ». Ce qui est certain, c’est que La tempête est sa dernière pièce, et que le dernier mot de ce texte de cette œuvre énigmatique (je le cite toujours) est « libre ».

La liberté… Le thème récurrent de cette comédie.
Voici donc de quoi il sera question. Nous allons rire en étant confrontés une nouvelle fois à ces personnages en quête de liberté.

Liberté pour soi-même, liberté à trouver, à revendiquer, à donner aux autres…

Mister Brook et Miss Estienne ont adapté la pièce, d’après la traduction de Jean-Claude Carrière, au cours d’un atelier-recherche ici même en février 2020.
En une heure et quinze minutes, avec un petit groupe de comédiens, ils sont arrivés à en tirer une quintessence.
Comme une vision du noyau cellulaire du texte original. De façon à se focaliser sur l’essentiel, sur le matériau primitif, sur l’essence même de l’œuvre.

Nous pénétrons dans la salle, et immédiatement nous saute aux yeux une évidence : pas besoin de décors ! Les merveilleux murs usés, ocres et rouges de la cage de scène, ces murs qui auraient tant à dire suffisent amplement.

Au sol, seulement quelques accessoires, des blocs de bois, des morceaux de tissus, des bancs.
Une épure, donc.

Peter Brook va une nouvelle nous confronter au fait d’avoir l’impression qu’on ne pourrait pas mettre en scène autrement ce que nous voyons.

Six comédiens épatants vont interpréter les sept personnages.

Une troupe de jeunes et moins jeunes, une sextet issu de pays différents, un petit groupe on ne peut plus cohérent aux différents accents.
Six actrices et acteurs qui vont nous enchanter, par leur jeu, leur fougue, leurs audaces, leur vis comica.

Et leur prise en compte du texte français.
Ce sera pour nous un vrai bonheur d’entendre la somptueuse traduction de Carrière dans la bouche de ces comédiens aux accents italien, allemand, argentin ou à la musicalité rwandaise.



En effet, Ery Nzaramba est originaire de ce pays africain.

Peter Brook et lui se connaissent bien. Il était déjà dans la distribution de la pièce The Prisoner, en 2020.
Son entrée sur le plateau est majestueuse, et glace le public.
En grand manteau noir, écharpe immaculée et long bâton noueux, symboles de sa magie, il va camper un impressionnant ex-duc de Milan, en exil sur cet île.

Ery Nzaramba sera un grand Prospero, nous faisant merveilleusement intégrer le chemin intérieur de cet homme comprenant qu’il va devoir abandonner sa magie et puis surtout renoncer à se venger.
De sa diction parfaite, de sa voix claire et posée, il nous dit les mots.
Je peux vous assurer que les amateurs d’assonances et d’allitérations se régalent lorsqu’il proclame les vers suivants :
« déclencher une hurlante guerre
et à ce terrifiant et crépitant tonnerre
donner le feu, et de sa propre flèche
fendre de Jupiter le chêne vigoureux,

ébranler le massif promontoire... »
Le comédien ne manque pas d’r…

Ses ruptures, ses « OK ! », ses regards, ses adresses au public nous enchantent.
Dans sa dernière scène, il est bouleversant !

Marilu Marini campe Ariel, un esprit au pouvoir de Prospero.
La comédienne native de Buenos-Aires sera absolument épatante en farfadet agile, en lutin espiègle.
Comme elle va nous faire rire, avec ses mimiques, ses grimaces, mais également cette belle capacité à faire ressortir l’humour de son texte !
Son petit geste consistant à attraper le pan de son manteau à chacune de ses apparitions et de ses sorties, ce petit geste est formidable. Nous finissons par l’attendre avec impatience.

Miranda et Ferdinand sont interprétés respectivement par l’actrice allemande Paula Luna et Sylvain Levitte.
Le couple est formidable, nous croyons totalement à leur histoire d’amour, avec une scène de déclaration bouleversante, sur le fil des baguettes de bois.

(Les différents morceaux de bois, que ce soient les bâtons, les baguettes, les souches ou les bûches, ces morceaux de bois auront une grande importance dans la mise en scène.
Tout comme les tissus, d’ailleurs. Tout ceci confèrera une dimension organique à l’entreprise artistique.)

Ferdinand, c’est Sylvain Levitte, qui endossera également le rôle de Caliban.
Lui aussi est irréprochable, nous émouvant ou nous faisant beaucoup rire. L’intensité de son jeu n’est plus à prouver.

Et puis dans le rôle de Trinculo et Stéphano, les deux serviteurs du roi de Naples, les jumeaux Fabio et Luca Maniglio s’en donnent à cœur joie.
Qu’est-ce qu’ils nous amusent, qu’est-ce qu’ils sont drôles ! Quelle bonne idée de leur avoir confié ces deux rôles !
Il n’y aura pas de noir final.
L’ovation se déchaînera directement, après un moment de silence et cet ultime mot, « libre » !

Ne manquez sous aucun prétexte cette merveilleuse vision.

Un pur moment de grâce et de bonheur. Ils sont finalement assez rares, ces moments-là !
Peter Brook nous a sans doute transmis un legs universel : nous faire approcher de très près la vérité shakespearienne.
Signaler
Zaï Zaï Zaï Zaï (Comédie de Paris)

Zaï Zaï Zaï Zaï (Comédie de Paris)

9,5/10
4
Elle leur a dit d’aller s’marrer sur la scène de la Comédie de Paris !

Et pour rire, nous allons rire ! Aux larmes, même !

Nicolas et Bruno, alias Nicolas Charlet et Bruno Lavaine, à moins que ce ne soit le contraire, Nicolas et Bruno ont eu une idée formidable.


Et en matière d’idées formidables, ces deux-là, depuis leurs débuts sur le Canal+ de la grande époque, ils en ont eu !

Mais celle-ci est vraiment épatante !


A savoir réaliser en direct une « lecture vivante » de la bande dessinée Zaï zaï zaï zaï de Fabcaro, parue aux éditions 6 pieds sous terre. Une BD vendue à presque 200 000 exemplaires (c’est peu courant) et qui a reçu en 2016 le Grand prix des libraires.


Zaï zaï zaï zaï, c’est l’histoire d’un auteur de BD, autant dire un paria, qui oublie sa carte de fidélité dans un hypermarché. Il l’a laissée dans son pantalon sale…

Crime de lèse-société !
Ce dessinateur, ce moins que rien, va voir se déchaîner le ban et l’arrière-ban de notre franchouillard hexagone, qui ne lui pardonnera ni cet oubli ni son métier !

Ce faisant, Fabcaro dresse un portrait hilarant et souvent surréaliste de nos sociétés que l’on dit modernes.
Rien ne sera oublié : la société de consommation, les médias, la police, les institutions, les discussions de bistro, les relations ados-parents, j’en passe et non des moindres.

Et peut-être surtout tous nos comportements plus ou moins aliénés, sans que nous nous en rendions forcément compte…

Zaï zaï zaï zaï, c’est un farouche portrait sans concessions de notre contemporanéité, vu par le prisme d’un humour savoureux et ravageur.



Ils arrivent du fond de la salle, Nicolas et Bruno, sans oublier Mathias Fédou, et montent sur la scène de la Comédie.

Les deux premiers s’installent derrière une table sur laquelle tout un fourbi d’objets hétéroclites est posé, le troisième rejoint ses claviers et ses guitares.


Et nous de comprendre très vite ce à quoi nous allons assister : nous allons voir vivre devant nous cet ouvrage, par le biais de ses cases qui vont s’afficher sur le grand écran derrière les trois compères.



Nicolas et Bruno vont nous dire à leur sauce les textes, les dialogues, les silences, aussi, en utilisant ldes timbres de voix et des accents différents, alternant registres masculins ou féminins selon les besoins.
Mathias Fédou illustre lui aussi de façon mélodique les propos.
L’image statique devient non pas animée (encore que… Je n’en dis pas plus), mais bien sonore.

Alors bien évidemment, il faut une sacrée vis comica pour faire passer tout l’humour visuel ou celui contenu dans les phylactères.
C’est évidemment le cas : il est hors de question pour moi d’écrire que le spectacle est plus drôle que le livre, ça n’aurait aucun sens, mais je vous prie de croire que nos zygomatiques sont mis rude épreuve !

Mais il y a bien plus ! Il ne s’agit pas de lire « simplement » les images.



Ces deux-là vont bruiter ce qui se passe, d’où la présence de tous ces objets sur la table. Là encore, ce sera à chaque fois drôlissime. C’est fou par exemple ce qu’on peut illustrer avec une bouteille vide de liquide vaisselle qui grince et des coups répétés sur l’avant-bras. Et non, vous n’en saurez pas plus !


De plus, le trait et le faire de Fabcaro sont suffisamment éloquents, sans en dire trop, pour permettre aux deux gus d’interpréter visuellement les visages et les expressions des personnages, en s’inspirant des modèles ou en créant des mimiques propres.

C’est peut-être là que le spectacle devient désopilant, à voir les visages prendre vie, ceux des vigiles, des caissières, des policiers, etc, etc.

Spectacle musical également !
Mathias Fédou a composé toute une série de musiques, et notamment les chansons évoquées dans la BD.
A un moment, des chanteurs viennent soutenir la cause du pauvre dessinateur mis au ban de la société, et tous ensemble entonnent un hymne de soutien.

Sur scène, les trois artistes créent cette scie musicale, du style de « Ethiopie chanteurs sans frontières ».

Eclats de rire généralisés !



Et puis, last but not least, les deux improvisent, ou tout du moins ajoutent tout à fait subtilement des petits apartés, ou des petites piques. Celle sur sur vote socialiste est magnifique. Purement et simplement magnifique.

Un signe qui ne trompe pas : Mathias Fédou savoure en riant beaucoup les facéties de ses camarades de plateau.

Surtout, ne manquez pas ce spectacle malin, intelligent, hilarant (je me répète mais comment faire autrement…), qui génère un rire à la fois vrai et sain, en nous renvoyant tous autant que nous sommes à notre quotidien parfois étonnant et pitoyable.



Mais alors, me direz-vous, pourquoi ce titre, Zaï zaï zaï zaï ?

Allez voir ce spectacle, n’en finis-je pas de vous répéter !

Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Signaler
  • 4
  • 5
  • 6
  • Que pensez-vous du site ?
  • Plan du site
  • Écrire sur une pièce non référencée
  • Écrire sur une pièce plus jouée
  • Critiques de théâtre
  • Quel site de réservation choisir ?
  • Interviews et articles de la Rédaction
  • Comédie Française
  • Avis de spectateurs
  • Les Tomates AuBalcon 2015
  • Expositions Temporaires
  • Les meilleures pièces
  • AuBalcon.fr dans la presse
  • Qui sommes nous ?
  • Les Triomphes AuBalcon 2016
  • Contactez-nous
Design By Sistart - Intégré par iKadoc