Ses critiques
1005 critiques
9,5/10
Ce sont des hommes, ce sont des hommes,
Rien de moins naturel, en somme…
Julie Berès persiste et signe : après avoir créé le spectacle Désobéir, en novembre 2017, avec les auteurs Kevin Keiss et Alice Zeitner, un spectacle dans lequel elle donnait la parole à quatre jeunes femmes qui prenaient en main leur vie en dépit des injonctions religieuses, familiales sociales ou traditionnelles, elle permet aujourd’hui aux garçons de donner de la voix !
Ce nouveau spectacle se situe dans la droite lignée du précédent : rencontrer et raconter une jeunesse, et permettre de nous interroger sur ce qui fait la ou les spécificités des hommes d’aujourd’hui.
Qui sont-ils vraiment ces jeunes hommes, qu’ont-ils à nous dire, quelles sont leurs forces, leurs fragilités, leurs paradoxes ?
Comment s’est construite leur masculinité ?
Où en est la vision du « mâle traditionnel », façonnée par des millénaires de patriarcat, où en est cette domination séculaire vis-à-vis des femmes, qu’en est-il de la domination plus pernicieuse vis-à-vis des hommes « moins hommes que le modèle jugé légitime » ?
Ce faisant, elle va nous proposer un remarquable, magnifique et nécessaire spectacle, qui dans un magistral coup de poing à la figure, va nous permettre de poser un regard à la fois sociologique mais surtout dramaturgique sur huit jeunes hommes actuels, de ces adulescents que l’on pourrait rencontrer dans n’importe quelle cité populaire de France.
Dans n’importe quel endroit où règne une vraie et indispensable mixité sociale et culturelle.
Bboy Junior, Natan, Naso, Alexandre, Tigran, Djamil, Romain et Moha vont répondre devant nous à toutes ces questions.
Les huit vont faire une entrée fracassante, surgissant de cette porte au lointain, investissant cette sorte d’entrepôt noir à deux niveaux.
Craie en main, au son d’un hip-hop tonitruant, ils entreprennent dans un premier temps de façon fulgurante de laisser leur trace sur les murs.
Et puis vient une première scène dansée.
Ce sera un krump tonitruant, cette danse née dans les années 2000, mettant en scène des actes très violents, avec des simulacres de coups portés.
La danse contemporaine ou classique, les musiques actuelles auront en effet une importance capitale dans cette entreprise artistique.
Nous allons assister à de furieuses, spectaculaires et impressionnantes battles, ces confrontations dansées avec un esprit de pseudo-compétition, qui vont nous donner à nous aussi envie de danser.
Les huit comédiens-danseurs vont purement et simplement nous bluffer, de par leur engagement, leur jeu organique et viscéral, leur vis comica, leurs talents multiples.
Une vraie force, une réelle puissance émane de ce collectif, une impressionnante cohésion d’ensemble, tout en laissant parler les individualités.
Un esprit de troupe on ne peut plus palpable règne en permanence.
Les huit vont nous faire vibrer, sans nous laisser de répit, sans aucun temps mort, pour nous embarquer dans le tourbillon des histoires personnelles de leur personnage et de leurs jeunes existences.
Ensemble, ils figureront un chœur contemporain, porteur d’une parole générale, plus large que les témoignages individuels, une parole universelle qui met en exergue ces éléments signifiants quant à la construction de ces jeunes.
Les différents aspects sociétaux signifiants, repérés et identifiés en tant que tel par les auteurs du spectacle seront figurés par des petits tableaux, où en solos, duos, voire trios.
Dans cette démarche, on note évidemment une dimension musicale, une partition concertante d’un ensemble et de solistes.
Différents points très précis, très argumentés, très parlants seront abordés.
Le concept de masculinité, le poids du patriarcat, la figure du père, les différents codes pour « devenir, être et rester un homme », la vision que les hommes actuels peuvent avoir des femmes, les techniques de drague (avec des adresses hilarantes à certaines spectatrices…), la représentation de l’homosexualité, les rapports au corps, au pénis, mais aussi la pression sociétale exercée sur les hommes contemporains, les bouleversements générés par le mouvement #MeToo.
Et puis une séquence très forte concernera une révélation de l’un de ces « hommes ». Je n’en dis pas plus.
S’ils nous font rire en interprétant ces personnages espiègles, spirituels, (des formules irrésistibles émaillent le texte), les comédiens sont aussi très souvent bouleversants.
Ce spectacle qui nous confronte à la vie politique au sens noble de la Cité, ce spectacle est avant tout une entreprise théâtrale, avec une formidable dramaturgie, qui vient lier de façon très fluide, très intelligente tous les témoignages.
On reconnaît la patte de Lisa Guez, qui parvient à constituer un véritable ensemble cohérent s’enchaînant avec beaucoup de naturel, d’humour et de grâce.
Je rappelle que Lisa Guez vient de proposer à la Comédie Française On ne sera jamais Alceste, qui restera pour moi l’un des spectacles phares de cette année de commémorations moliéresques.
L’ensemble des spectateurs des Bouffes du Nord se lève sans se concerter dans une standing ovation générale, tellement spontanée et méritée.
Le nombre de rappels est lui aussi très parlant.
Ne manquez surtout pas ce brillant spectacle, intelligent au possible, qui dresse de manière remarquable un état des lieux de la condition masculine actuelle.
Un spectacle incontournable. Ruez-vous aux Bouffes du Nord !
Rien de moins naturel, en somme…
Julie Berès persiste et signe : après avoir créé le spectacle Désobéir, en novembre 2017, avec les auteurs Kevin Keiss et Alice Zeitner, un spectacle dans lequel elle donnait la parole à quatre jeunes femmes qui prenaient en main leur vie en dépit des injonctions religieuses, familiales sociales ou traditionnelles, elle permet aujourd’hui aux garçons de donner de la voix !
Ce nouveau spectacle se situe dans la droite lignée du précédent : rencontrer et raconter une jeunesse, et permettre de nous interroger sur ce qui fait la ou les spécificités des hommes d’aujourd’hui.
Qui sont-ils vraiment ces jeunes hommes, qu’ont-ils à nous dire, quelles sont leurs forces, leurs fragilités, leurs paradoxes ?
Comment s’est construite leur masculinité ?
Où en est la vision du « mâle traditionnel », façonnée par des millénaires de patriarcat, où en est cette domination séculaire vis-à-vis des femmes, qu’en est-il de la domination plus pernicieuse vis-à-vis des hommes « moins hommes que le modèle jugé légitime » ?
Ce faisant, elle va nous proposer un remarquable, magnifique et nécessaire spectacle, qui dans un magistral coup de poing à la figure, va nous permettre de poser un regard à la fois sociologique mais surtout dramaturgique sur huit jeunes hommes actuels, de ces adulescents que l’on pourrait rencontrer dans n’importe quelle cité populaire de France.
Dans n’importe quel endroit où règne une vraie et indispensable mixité sociale et culturelle.
Bboy Junior, Natan, Naso, Alexandre, Tigran, Djamil, Romain et Moha vont répondre devant nous à toutes ces questions.
Les huit vont faire une entrée fracassante, surgissant de cette porte au lointain, investissant cette sorte d’entrepôt noir à deux niveaux.
Craie en main, au son d’un hip-hop tonitruant, ils entreprennent dans un premier temps de façon fulgurante de laisser leur trace sur les murs.
Et puis vient une première scène dansée.
Ce sera un krump tonitruant, cette danse née dans les années 2000, mettant en scène des actes très violents, avec des simulacres de coups portés.
La danse contemporaine ou classique, les musiques actuelles auront en effet une importance capitale dans cette entreprise artistique.
Nous allons assister à de furieuses, spectaculaires et impressionnantes battles, ces confrontations dansées avec un esprit de pseudo-compétition, qui vont nous donner à nous aussi envie de danser.
Les huit comédiens-danseurs vont purement et simplement nous bluffer, de par leur engagement, leur jeu organique et viscéral, leur vis comica, leurs talents multiples.
Une vraie force, une réelle puissance émane de ce collectif, une impressionnante cohésion d’ensemble, tout en laissant parler les individualités.
Un esprit de troupe on ne peut plus palpable règne en permanence.
Les huit vont nous faire vibrer, sans nous laisser de répit, sans aucun temps mort, pour nous embarquer dans le tourbillon des histoires personnelles de leur personnage et de leurs jeunes existences.
Ensemble, ils figureront un chœur contemporain, porteur d’une parole générale, plus large que les témoignages individuels, une parole universelle qui met en exergue ces éléments signifiants quant à la construction de ces jeunes.
Les différents aspects sociétaux signifiants, repérés et identifiés en tant que tel par les auteurs du spectacle seront figurés par des petits tableaux, où en solos, duos, voire trios.
Dans cette démarche, on note évidemment une dimension musicale, une partition concertante d’un ensemble et de solistes.
Différents points très précis, très argumentés, très parlants seront abordés.
Le concept de masculinité, le poids du patriarcat, la figure du père, les différents codes pour « devenir, être et rester un homme », la vision que les hommes actuels peuvent avoir des femmes, les techniques de drague (avec des adresses hilarantes à certaines spectatrices…), la représentation de l’homosexualité, les rapports au corps, au pénis, mais aussi la pression sociétale exercée sur les hommes contemporains, les bouleversements générés par le mouvement #MeToo.
Et puis une séquence très forte concernera une révélation de l’un de ces « hommes ». Je n’en dis pas plus.
S’ils nous font rire en interprétant ces personnages espiègles, spirituels, (des formules irrésistibles émaillent le texte), les comédiens sont aussi très souvent bouleversants.
Ce spectacle qui nous confronte à la vie politique au sens noble de la Cité, ce spectacle est avant tout une entreprise théâtrale, avec une formidable dramaturgie, qui vient lier de façon très fluide, très intelligente tous les témoignages.
On reconnaît la patte de Lisa Guez, qui parvient à constituer un véritable ensemble cohérent s’enchaînant avec beaucoup de naturel, d’humour et de grâce.
Je rappelle que Lisa Guez vient de proposer à la Comédie Française On ne sera jamais Alceste, qui restera pour moi l’un des spectacles phares de cette année de commémorations moliéresques.
L’ensemble des spectateurs des Bouffes du Nord se lève sans se concerter dans une standing ovation générale, tellement spontanée et méritée.
Le nombre de rappels est lui aussi très parlant.
Ne manquez surtout pas ce brillant spectacle, intelligent au possible, qui dresse de manière remarquable un état des lieux de la condition masculine actuelle.
Un spectacle incontournable. Ruez-vous aux Bouffes du Nord !
9,5/10
Enfin un spectacle qui peut se vanter d’être à la fois tarte et au bout du rouleau ! (A pâtisserie, le rouleau…)
Bienvenue dans l’appart de Lili et Ariane, deux colocs, deux potes, deux copines.
Ce soir, ce sera soirée pyjama, à papoter, à évoquer leurs amours en cours ou passées, et puis à cuisiner. Aussi.
Au menu du soir, une tarte est prévue.
Dans la série « c’est fou tout de même ce que l’on peut trouver de nos jours dans un étui rigide de violoncelle », Ariane en sort trois gros oignons (Allium cepa) et un beau poireau (Allium ampeloprasum).
Oui, parce que j’ai oublié de vous préciser que Lili et Ariane sont aussi musiciennes et apprenties cuisinières.
Nous l’allons très rapidement constater !
Lili Aymonino et Ariane Issartel nous ont concocté un petit bijou de spectacle musical, l’un de ces moments qui allient grâce, beauté musicale, intelligence du propos et humour.
Durant un peu plus d’heure, elle vont plonger les spectateurs de la Piccola Scala dans le ravissement le plus total.
L’idée première de ce spectacle est née d’une interrogation tout à fait légitime.
Cette question est à la fois simple et redoutable : qu’est-ce qu’un récital de musique, de nos jours ?
Une question qui débouche sur bien d’autres :
Quelle forme proposer aujourd’hui à un public lambda, qui n’a pas forcément tous les codes exigés dans les grandes salles dédiées à cet exercice ?
Comment démocratiser l’accès à un répertoire, et d’ailleurs quel répertoire proposer ?
Comment lier entre elles les différentes pièces qui seront interprétées ?
Mesdemoiselles Aymonino et Issartel nous proposent donc leurs réponses à ces questions-là.
Cette tarte sera le prétexte, le « liant » pour que la sauce musicale prenne.
Les deux complices sont deux grandes musiciennes, deux artistes au grand talent qui lyrique, qui instrumental.
Lili Aymonino est une jeune soprano au timbre clair et velouté, pouvant faire preuve d’une grande puissance et de délicats pianissimi.
La technique vocale est bien là, irréprochable et totalement maîtrisée.
Très à l’aise dans le répertoire baroque, elle vient également de faire ses débuts à l’opéra de Tours, dans La caravane du Caire, de André Grétry, mis en scène par Marshall Pynkoski.
Ariane Issartel est quant à elle une excellente violoncelliste.
Que ce soit à l’archet (même sur le cordier…) ou en pizzicati, elle aussi possède une parfaite maîtrise technique, qu’elle allie à beaucoup de sensibilité.
Beaucoup de grâce émane de son jeu et de son interprétation des différents extraits que nous allons écouter.
Elle est aussi metteure en scène de la Compagnie des Xylophages, axant son travail sur la relation entre la musique et le texte.
C’est exactement cette relation que les deux demoiselles vont aborder pour nous.
Une subtile trame dramaturgique va permettre à ce spectacle d’exister.
Ici, il sera question de mémoire de ce que l’on a déjà joué ou chanté, de ce que l’on a entendu ici et là.
Un prétexte pour nous proposer un répertoire très varié, très éclectique.
Nous seront notamment jouées des pièces de Monteverdi, Britten, Bartok, Ravel, un doigt de Bizet, ou encore une épatante version de Greensleeves, la chanson anglaise pour une dame aux vertes manches.
Répertoire éclectique, écrivais-je…
Lili Aymonino interprétera une magnifique chanson berbère, à la fois triste, douce et par moments d’une force quasi sauvage, procurant de délicieux frissons aux spectateurs.
Et puis, n’oublions pas ABBA !
Oui oui, ABBA ! Le groupe suédois.
Les deux musiciennes possèdent une sacré vis comica, une irrésistible force comique.
Nous allons beaucoup rire, en les entendant évoquer tel ou tel artiste pop contemporain, à la suite d’un trait musical particulier.
Un hilarant moment nous attend, celui où la chanteuse, armée d’un cul-de-poule métallique et une cuillère, se met en tête d’interpréter une parodie de pièce ultra-contemporaine, très absconse et on ne peut plus hermétique.
Fou-rire garanti.
Autre moment fort, l’histoire chantée d’Amalia, une jeune héroïne d’un conte musical russe et dont les demoiselles imaginent la transformation en redoutable entrepreneuse capitaliste. Là aussi, c’est très drôle !
La charme opère durant ces quelque soixante minutes : le propos fonctionne on ne peut mieux, l'entente entre les deux est évidente, nous sommes suspendus aux dires, la voix et au jeu des deux amies, le tout dans un délicieux univers, fait de musique « dite classique » mise à portée de tous et d’un humour totalement assumé.
Personne ne s’y trompe, puisque dès le premier salut, les « bravo » fusent ! Et votre serviteur n’a pas laissé sa part au chat.
Le spectacle de Lili Aymonino et Ariane Issartel est de ceux qui se dégustent avec délectation, pour petits et grands gourmands de très belles choses.
C’est remarquable ! C’est brillant !
Et sinon, la tarte, me demandez-vous ? Délicieuse, je vous remercie.
Bienvenue dans l’appart de Lili et Ariane, deux colocs, deux potes, deux copines.
Ce soir, ce sera soirée pyjama, à papoter, à évoquer leurs amours en cours ou passées, et puis à cuisiner. Aussi.
Au menu du soir, une tarte est prévue.
Dans la série « c’est fou tout de même ce que l’on peut trouver de nos jours dans un étui rigide de violoncelle », Ariane en sort trois gros oignons (Allium cepa) et un beau poireau (Allium ampeloprasum).
Oui, parce que j’ai oublié de vous préciser que Lili et Ariane sont aussi musiciennes et apprenties cuisinières.
Nous l’allons très rapidement constater !
Lili Aymonino et Ariane Issartel nous ont concocté un petit bijou de spectacle musical, l’un de ces moments qui allient grâce, beauté musicale, intelligence du propos et humour.
Durant un peu plus d’heure, elle vont plonger les spectateurs de la Piccola Scala dans le ravissement le plus total.
L’idée première de ce spectacle est née d’une interrogation tout à fait légitime.
Cette question est à la fois simple et redoutable : qu’est-ce qu’un récital de musique, de nos jours ?
Une question qui débouche sur bien d’autres :
Quelle forme proposer aujourd’hui à un public lambda, qui n’a pas forcément tous les codes exigés dans les grandes salles dédiées à cet exercice ?
Comment démocratiser l’accès à un répertoire, et d’ailleurs quel répertoire proposer ?
Comment lier entre elles les différentes pièces qui seront interprétées ?
Mesdemoiselles Aymonino et Issartel nous proposent donc leurs réponses à ces questions-là.
Cette tarte sera le prétexte, le « liant » pour que la sauce musicale prenne.
Les deux complices sont deux grandes musiciennes, deux artistes au grand talent qui lyrique, qui instrumental.
Lili Aymonino est une jeune soprano au timbre clair et velouté, pouvant faire preuve d’une grande puissance et de délicats pianissimi.
La technique vocale est bien là, irréprochable et totalement maîtrisée.
Très à l’aise dans le répertoire baroque, elle vient également de faire ses débuts à l’opéra de Tours, dans La caravane du Caire, de André Grétry, mis en scène par Marshall Pynkoski.
Ariane Issartel est quant à elle une excellente violoncelliste.
Que ce soit à l’archet (même sur le cordier…) ou en pizzicati, elle aussi possède une parfaite maîtrise technique, qu’elle allie à beaucoup de sensibilité.
Beaucoup de grâce émane de son jeu et de son interprétation des différents extraits que nous allons écouter.
Elle est aussi metteure en scène de la Compagnie des Xylophages, axant son travail sur la relation entre la musique et le texte.
C’est exactement cette relation que les deux demoiselles vont aborder pour nous.
Une subtile trame dramaturgique va permettre à ce spectacle d’exister.
Ici, il sera question de mémoire de ce que l’on a déjà joué ou chanté, de ce que l’on a entendu ici et là.
Un prétexte pour nous proposer un répertoire très varié, très éclectique.
Nous seront notamment jouées des pièces de Monteverdi, Britten, Bartok, Ravel, un doigt de Bizet, ou encore une épatante version de Greensleeves, la chanson anglaise pour une dame aux vertes manches.
Répertoire éclectique, écrivais-je…
Lili Aymonino interprétera une magnifique chanson berbère, à la fois triste, douce et par moments d’une force quasi sauvage, procurant de délicieux frissons aux spectateurs.
Et puis, n’oublions pas ABBA !
Oui oui, ABBA ! Le groupe suédois.
Les deux musiciennes possèdent une sacré vis comica, une irrésistible force comique.
Nous allons beaucoup rire, en les entendant évoquer tel ou tel artiste pop contemporain, à la suite d’un trait musical particulier.
Un hilarant moment nous attend, celui où la chanteuse, armée d’un cul-de-poule métallique et une cuillère, se met en tête d’interpréter une parodie de pièce ultra-contemporaine, très absconse et on ne peut plus hermétique.
Fou-rire garanti.
Autre moment fort, l’histoire chantée d’Amalia, une jeune héroïne d’un conte musical russe et dont les demoiselles imaginent la transformation en redoutable entrepreneuse capitaliste. Là aussi, c’est très drôle !
La charme opère durant ces quelque soixante minutes : le propos fonctionne on ne peut mieux, l'entente entre les deux est évidente, nous sommes suspendus aux dires, la voix et au jeu des deux amies, le tout dans un délicieux univers, fait de musique « dite classique » mise à portée de tous et d’un humour totalement assumé.
Personne ne s’y trompe, puisque dès le premier salut, les « bravo » fusent ! Et votre serviteur n’a pas laissé sa part au chat.
Le spectacle de Lili Aymonino et Ariane Issartel est de ceux qui se dégustent avec délectation, pour petits et grands gourmands de très belles choses.
C’est remarquable ! C’est brillant !
Et sinon, la tarte, me demandez-vous ? Délicieuse, je vous remercie.
9,5/10
Dans la série « On ne change pas une équipe qui gagne », elle persiste et signe, et ce, pour notre plus grand bonheur.
Elle, c’est Emeline Bayart, qui, dans la lignée de ses spectacles passés ou en cours, à savoir Affreuses, divines et méchantes, à l’Opéra Comique, ou D’elle à lui au Kibélé, elle, c’est Emeline Bayart qui nous a dégoté de nouvelles pépites du répertoire issu du caf’conc’.
Avant d'aller plus avant, je vous rappelle que Melle Bayart est nommée aux Molières 2022, dans la catégorie Meilleure comédienne dans un théâtre public. (On se souvient de sa formidable prestation dans "On purge bébé", qu'elle avait également mis en scène !)
Une nouvelle fois, au Petit-Poche Montparnasse, elle va nous ravir, nous enchanter et nous faire hurler de rire, en nous embarquant dans cette vingtaine de chansons qu’elle interprète comme personne.
Ces chansons, ce seront encore de drôles de petits morceaux de vie, avec pour héroïnes des femmes souvent confrontées à ce mystère étonnant qu’est le couple.
En trois minutes, paroliers et chansonniers connus ou oubliés, de la fin du XIXème siècle à nos jours ont dépeint avec un humour assumé, au premier, deuxième voire troisième degré et plus la gent féminine, et ont brossé des portraits de leurs contemporaines souvent aux prises avec les mâles.
Dans la catégorie des paroliers célèbres, nous allons retrouver par exemple Jean Nohain, Francis Blanche, Brigitte Fontaine, Anne Sylvestre ou encore le poète Jean Richepin.
Mais qui se souvenait de Jamblan, Gallope d’Onquaire ou bien Richard O’Monroy ? (Je vous avoue quant à moi que sans le dossier de presse et Wikipedia…)
Je le dis, je le répète, je le maintiens : en Emeline Bayart, je retrouve à chaque fois que je viens la voir sur scène, la grande, l’immense Jacqueline Maillan.
Les deux artistes ont en commun cette grandiose vis comica, cette force comique hors du commun qui fait que déjà, sans trop rien faire, dès leur arrivée sur le plateau, par leur charisme, leur puissance, elles provoquent déjà un premier sourire.
Et puis, par la suite, comme la grande Jacqueline, elle parvient par son maintien, son allure, ses mimiques, ses gestes, à camper de manière hilarante des personnage divers et variés, mais toujours de façon précise, avec cette capacité à faire mouche à tout coup.
Ses postures, ses ruptures, ses œillades, ses yeux révulsés, ses adresses au public et à certains spectateurs du sexe que l’on ne dit pas beau, sa propension à utiliser toutes les possibilités topographiques de la salle, tout ceci force le respect et plonge la salle dans une délicieuse félicité.
De très grands moments nous attendent encore une fois.
Des moments de comédie, certes, mais surtout des moments musicaux.
« Si j’osais, je dirais que ce n’est pas de l’opéra, mais que c’est très bien chanté », écrit la comédienne avec beaucoup d’humour et de clairvoyance dans sa note d’intention.
On le sait, et ceci finit par devenir un pléonasme, Emeline Bayart est une chanteuse de grand talent. (Pour être invitée à se produire à l’Opéra Comique, il faut quand même maîtriser à un certain niveau l’art vocal, et ceci est un euphémisme !)
Une nouvelle fois, de sa voix et son timbre clairs, avec une vraie puissance ou de délicats pianissimi, elle met son grand talent au service de la drôlerie de ces chansons, qui deviennent sous sa voix et son interprétation, des petits saynètes qui déclenchent l’hilarité générale.
Elle commence bille en tête avec Notre petite compagne (Je suis la Femme, on me connaît...), de Jules Laforgue sur la célèbre valse de Waldteufel.
Le ton est donné !
Parmi les nouvelles trouvailles, nous écouterons notamment la merveilleuse chanson Je suis décadente (la concierge gamberge), de l’ineffable Brigitte Fontaine, Ca n’se voit pas du tout, d’Anne Sylvestre, Lisandre, ça fait peur aux oiseaux (une chanson de 1911, interprétée alors par Edmond Clément), ou encore T’aurais pas dû, créée dans les années 50 par Lucienne Delyle.
Et puis les fidèles, pour leur plus grand bonheur, vont retrouver les « tubes » inscrits au répertoire de la chanteuse-comédienne : La gérontophile (merci Bernard Joyet), (« Mignonne allons voir si l'arthrose point d'effets libidineux! »), La tour Eiffel, avec ses double-sens et ses sous-entendus coquins, ou encore Je suis pocharde, qui verra le champagne couler à flots !
Je ne vous livre pas toute la liste, à vous de découvrir les autres petits bijoux.
Comme à l’accoutumée, La demoiselle est accompagnée par un pianiste-complice, qui lui aussi, en plus de l’accompagnement musical, participe pleinement à la dramaturgie.
An alternance avec Manuel Peskine, c’était ce soir Simon Legendre qui nous régalait de son talent.
(C’est lui aussi qui interprétera en solo un autre incontournable moment très attendu. Un moment polyglotte ! Et je n’en dis pas plus…)
Durant ce spectacle, Emeline Bayart va nous témoigner également une autre facette de son immense palette, en se montrant bouleversante. Le rire fait place à une réelle émotion.
Ses larmes sont réelles, et nous, nous n’en menons pas large non plus…
Ce sera le cas notamment dans cette chanson-hommage au théâtre et aux théâtreux, emprunté une nouvelle fois à la très regrettée Anne Sylvestre.
Vous l’aurez compris, il faut vous ruer toutes affaires cessantes au Poche-Montparnasse.
Ce nouveau spectacle de Melle Bayart est de ceux qui font beaucoup de bien, de ceux dont on ressort le cœur léger et avec tout plein d’images et de notes délicieuses en tête !
Elle, c’est Emeline Bayart, qui, dans la lignée de ses spectacles passés ou en cours, à savoir Affreuses, divines et méchantes, à l’Opéra Comique, ou D’elle à lui au Kibélé, elle, c’est Emeline Bayart qui nous a dégoté de nouvelles pépites du répertoire issu du caf’conc’.
Avant d'aller plus avant, je vous rappelle que Melle Bayart est nommée aux Molières 2022, dans la catégorie Meilleure comédienne dans un théâtre public. (On se souvient de sa formidable prestation dans "On purge bébé", qu'elle avait également mis en scène !)
Une nouvelle fois, au Petit-Poche Montparnasse, elle va nous ravir, nous enchanter et nous faire hurler de rire, en nous embarquant dans cette vingtaine de chansons qu’elle interprète comme personne.
Ces chansons, ce seront encore de drôles de petits morceaux de vie, avec pour héroïnes des femmes souvent confrontées à ce mystère étonnant qu’est le couple.
En trois minutes, paroliers et chansonniers connus ou oubliés, de la fin du XIXème siècle à nos jours ont dépeint avec un humour assumé, au premier, deuxième voire troisième degré et plus la gent féminine, et ont brossé des portraits de leurs contemporaines souvent aux prises avec les mâles.
Dans la catégorie des paroliers célèbres, nous allons retrouver par exemple Jean Nohain, Francis Blanche, Brigitte Fontaine, Anne Sylvestre ou encore le poète Jean Richepin.
Mais qui se souvenait de Jamblan, Gallope d’Onquaire ou bien Richard O’Monroy ? (Je vous avoue quant à moi que sans le dossier de presse et Wikipedia…)
Je le dis, je le répète, je le maintiens : en Emeline Bayart, je retrouve à chaque fois que je viens la voir sur scène, la grande, l’immense Jacqueline Maillan.
Les deux artistes ont en commun cette grandiose vis comica, cette force comique hors du commun qui fait que déjà, sans trop rien faire, dès leur arrivée sur le plateau, par leur charisme, leur puissance, elles provoquent déjà un premier sourire.
Et puis, par la suite, comme la grande Jacqueline, elle parvient par son maintien, son allure, ses mimiques, ses gestes, à camper de manière hilarante des personnage divers et variés, mais toujours de façon précise, avec cette capacité à faire mouche à tout coup.
Ses postures, ses ruptures, ses œillades, ses yeux révulsés, ses adresses au public et à certains spectateurs du sexe que l’on ne dit pas beau, sa propension à utiliser toutes les possibilités topographiques de la salle, tout ceci force le respect et plonge la salle dans une délicieuse félicité.
De très grands moments nous attendent encore une fois.
Des moments de comédie, certes, mais surtout des moments musicaux.
« Si j’osais, je dirais que ce n’est pas de l’opéra, mais que c’est très bien chanté », écrit la comédienne avec beaucoup d’humour et de clairvoyance dans sa note d’intention.
On le sait, et ceci finit par devenir un pléonasme, Emeline Bayart est une chanteuse de grand talent. (Pour être invitée à se produire à l’Opéra Comique, il faut quand même maîtriser à un certain niveau l’art vocal, et ceci est un euphémisme !)
Une nouvelle fois, de sa voix et son timbre clairs, avec une vraie puissance ou de délicats pianissimi, elle met son grand talent au service de la drôlerie de ces chansons, qui deviennent sous sa voix et son interprétation, des petits saynètes qui déclenchent l’hilarité générale.
Elle commence bille en tête avec Notre petite compagne (Je suis la Femme, on me connaît...), de Jules Laforgue sur la célèbre valse de Waldteufel.
Le ton est donné !
Parmi les nouvelles trouvailles, nous écouterons notamment la merveilleuse chanson Je suis décadente (la concierge gamberge), de l’ineffable Brigitte Fontaine, Ca n’se voit pas du tout, d’Anne Sylvestre, Lisandre, ça fait peur aux oiseaux (une chanson de 1911, interprétée alors par Edmond Clément), ou encore T’aurais pas dû, créée dans les années 50 par Lucienne Delyle.
Et puis les fidèles, pour leur plus grand bonheur, vont retrouver les « tubes » inscrits au répertoire de la chanteuse-comédienne : La gérontophile (merci Bernard Joyet), (« Mignonne allons voir si l'arthrose point d'effets libidineux! »), La tour Eiffel, avec ses double-sens et ses sous-entendus coquins, ou encore Je suis pocharde, qui verra le champagne couler à flots !
Je ne vous livre pas toute la liste, à vous de découvrir les autres petits bijoux.
Comme à l’accoutumée, La demoiselle est accompagnée par un pianiste-complice, qui lui aussi, en plus de l’accompagnement musical, participe pleinement à la dramaturgie.
An alternance avec Manuel Peskine, c’était ce soir Simon Legendre qui nous régalait de son talent.
(C’est lui aussi qui interprétera en solo un autre incontournable moment très attendu. Un moment polyglotte ! Et je n’en dis pas plus…)
Durant ce spectacle, Emeline Bayart va nous témoigner également une autre facette de son immense palette, en se montrant bouleversante. Le rire fait place à une réelle émotion.
Ses larmes sont réelles, et nous, nous n’en menons pas large non plus…
Ce sera le cas notamment dans cette chanson-hommage au théâtre et aux théâtreux, emprunté une nouvelle fois à la très regrettée Anne Sylvestre.
Vous l’aurez compris, il faut vous ruer toutes affaires cessantes au Poche-Montparnasse.
Ce nouveau spectacle de Melle Bayart est de ceux qui font beaucoup de bien, de ceux dont on ressort le cœur léger et avec tout plein d’images et de notes délicieuses en tête !
9/10
Des lits d’initiées.
Trois femmes qui savent.
Ou qui vont savoir ce que probablement aucun homme ne saura vraiment.
Une grande question. Celle du rapport qu’une femme peut entretenir avec son corps et son moi-profond alors qu’un fœtus l’accompagne en elle-même.
Alors que de nos jours, dans nos sociétés que l’on dit modernes, on assiste régulièrement à une régression en matière du droit qu’ont les femmes à disposer de leur corps, notamment dans le cas de figure évoqué plus haut, Hélène Darche a eu l’excellente idée d’adapter le scénario Nära Livet, de l’auteure suédoise Ulla Osakson.
Un livre qui servit de matériau de base en 1958, à Ingmar Bergman pour son film éponyme, dans lequel trois femmes vont nous parler de vie, de début de vie, mais aussi de mort, cette mort d’un petit embryon humain ou d’un bébé dans ses premières minutes d’existence, une mort voulue ou non.
Ces femmes bergmaniennes, nous les retrouvons devant nous, sur le plateau des déchargeurs, qui vont raconter, se raconter, nous raconter leur histoire, leur rapport à la maternité en cours, passée ou à venir.
Dans cette Suède de 1958 où les femmes votent depuis 1921, voici vingt ans que les premières lois sur l’avortement ont été promulguées, voici deux ans que l’éducation sexuelle est obligatoire à l’école.
C’est dans ce contexte politique et social que nous nous retrouvons dans la chambre de cette maternité, où trois femmes viennent d’être admises.
Stina attend avec un bonheur et une joie non dissimulée un bébé qui tarde à venir.
Cécilia vit très difficilement sa fausse couche.
Hjördis a été hospitalisée après une tentative d’avortement à domicile qui n’a pas fonctionné.
Une infirmière, Sr Britta, sera le quatrième personnage.
Alors bien évidemment, la parole masculine, bien présente dans le film par le biais d’acteurs présents à l’écran, cette parole va ici être portée par la voix des trois personnages, qui évoqueront leurs mari ou compagnon.
En cela, l’adaptation est là aussi très réussie. Les hommes, bien qu’absents du plateau, sont pourtant omniprésents dans ce spectacle.
Mademoiselle Darche a mis elle-même en scène son adaptation, avec un premier parti-pris qui illustre parfaitement le mystère qui peut régner dans une maternité, pour celles et ceux qui n’y ont jamais été confrontés.
Les quatre femmes, dont trois en grande chemise de nuit immaculée, marcheront du couloir à la chambre de façon altière, avec un visage hiératique, dans des déplacements à angle droit, telles des grandes prêtresses d’une cérémonie qui possède ses rituels propres.
Le plateau est alors baigné d’une lumière bleue, qui la fois évoque l’hôpital mais aussi une sorte de lieu propice au mystère.
Ceci fonctionne à la perfection.
Quatre comédiennes irréprochables vont servir de façon magnifique le propos.
Le tout sans jamais verser dans un pathos de mauvais aloi, avec une justesse et une vérité totales.
Elles sont dirigées avec une grande sobriété : ici, si un minimaliste règne, toujours au service du propos, une vraie cohérence d’ensemble est de mise.
Plusieurs étant d’origine scandinave, nous entendrons d’ailleurs des propos en version originale, ce qui contextualise encore un peu plus la dramaturgie.
Pernille Bergendorf est bouleversante dans le rôle de cette femme qui perd son fœtus, et qui va petit petit dévoiler sa relation avec celui qui ne sera pas père.
La comédienne est troublante : ce personnage possède à la fois une vraie force et une fragilité qu’elle parvient parfaitement à mettre en avant.
Hjördis, c’est Pénélope Driant, qui campe cette jeune femme qui n’a pas voulu cette grossesse, et qui a essayé de l’arrêter.
Mademoiselle Driant est profondément crédible, incarnant un personnage qui doute, qui se remet en question, un personnage assez ambivalent. Je n’en dis pas plus.
Stina est interprétée par Sofia Maria Efraimson.
La comédienne, tout en exubérance et en jovialité est cette femme qui se réjouit intensément de cette grossesse tardant à arriver à terme.
Elle nous fait souvent sourire, notamment dans la belle de scène de comédie, avec l’huile de ricin et la bière.
La dernière partie met en avant un autre aspect du personnage, la comédienne devenant alors elle aussi bouleversante.
Et puis n’oublions pas Gwladys Rabardy en infirmière revêche au grand cœur.
Sa composition est elle aussi irréprochable.
La cohésion entre ces quatre interprètes est totale, toutes au service du texte.
Cette entreprise artistique, sans jamais tomber dans les clichés éculés propres au sujet abordé, a donc le grand mérite de nous rappeler que même dans une société libérale, tout ne se passe jamais comme l’on voudrait.
Ici, le bonheur des unes peut constituer le malheur d’une autre. Et bien entendu, il faut tâcher de survivre à ce malheur.
Pour autant, un joli message, bien loin d’être moralisateur, viendra terminer la pièce.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner la très belle partition musicale que l’on doit au compositeur et violoniste Jason Meyer, avec notamment des pièces magnifiques pour piano et violon.
Voici donc un intense et très beau moment de théâtre. Un moment fort et bouleversant.
Ce nécessaire spectacle est de ceux qu’il serait au passage judicieux de montrer aux classes des lycées français.
Trois femmes qui savent.
Ou qui vont savoir ce que probablement aucun homme ne saura vraiment.
Une grande question. Celle du rapport qu’une femme peut entretenir avec son corps et son moi-profond alors qu’un fœtus l’accompagne en elle-même.
Alors que de nos jours, dans nos sociétés que l’on dit modernes, on assiste régulièrement à une régression en matière du droit qu’ont les femmes à disposer de leur corps, notamment dans le cas de figure évoqué plus haut, Hélène Darche a eu l’excellente idée d’adapter le scénario Nära Livet, de l’auteure suédoise Ulla Osakson.
Un livre qui servit de matériau de base en 1958, à Ingmar Bergman pour son film éponyme, dans lequel trois femmes vont nous parler de vie, de début de vie, mais aussi de mort, cette mort d’un petit embryon humain ou d’un bébé dans ses premières minutes d’existence, une mort voulue ou non.
Ces femmes bergmaniennes, nous les retrouvons devant nous, sur le plateau des déchargeurs, qui vont raconter, se raconter, nous raconter leur histoire, leur rapport à la maternité en cours, passée ou à venir.
Dans cette Suède de 1958 où les femmes votent depuis 1921, voici vingt ans que les premières lois sur l’avortement ont été promulguées, voici deux ans que l’éducation sexuelle est obligatoire à l’école.
C’est dans ce contexte politique et social que nous nous retrouvons dans la chambre de cette maternité, où trois femmes viennent d’être admises.
Stina attend avec un bonheur et une joie non dissimulée un bébé qui tarde à venir.
Cécilia vit très difficilement sa fausse couche.
Hjördis a été hospitalisée après une tentative d’avortement à domicile qui n’a pas fonctionné.
Une infirmière, Sr Britta, sera le quatrième personnage.
Alors bien évidemment, la parole masculine, bien présente dans le film par le biais d’acteurs présents à l’écran, cette parole va ici être portée par la voix des trois personnages, qui évoqueront leurs mari ou compagnon.
En cela, l’adaptation est là aussi très réussie. Les hommes, bien qu’absents du plateau, sont pourtant omniprésents dans ce spectacle.
Mademoiselle Darche a mis elle-même en scène son adaptation, avec un premier parti-pris qui illustre parfaitement le mystère qui peut régner dans une maternité, pour celles et ceux qui n’y ont jamais été confrontés.
Les quatre femmes, dont trois en grande chemise de nuit immaculée, marcheront du couloir à la chambre de façon altière, avec un visage hiératique, dans des déplacements à angle droit, telles des grandes prêtresses d’une cérémonie qui possède ses rituels propres.
Le plateau est alors baigné d’une lumière bleue, qui la fois évoque l’hôpital mais aussi une sorte de lieu propice au mystère.
Ceci fonctionne à la perfection.
Quatre comédiennes irréprochables vont servir de façon magnifique le propos.
Le tout sans jamais verser dans un pathos de mauvais aloi, avec une justesse et une vérité totales.
Elles sont dirigées avec une grande sobriété : ici, si un minimaliste règne, toujours au service du propos, une vraie cohérence d’ensemble est de mise.
Plusieurs étant d’origine scandinave, nous entendrons d’ailleurs des propos en version originale, ce qui contextualise encore un peu plus la dramaturgie.
Pernille Bergendorf est bouleversante dans le rôle de cette femme qui perd son fœtus, et qui va petit petit dévoiler sa relation avec celui qui ne sera pas père.
La comédienne est troublante : ce personnage possède à la fois une vraie force et une fragilité qu’elle parvient parfaitement à mettre en avant.
Hjördis, c’est Pénélope Driant, qui campe cette jeune femme qui n’a pas voulu cette grossesse, et qui a essayé de l’arrêter.
Mademoiselle Driant est profondément crédible, incarnant un personnage qui doute, qui se remet en question, un personnage assez ambivalent. Je n’en dis pas plus.
Stina est interprétée par Sofia Maria Efraimson.
La comédienne, tout en exubérance et en jovialité est cette femme qui se réjouit intensément de cette grossesse tardant à arriver à terme.
Elle nous fait souvent sourire, notamment dans la belle de scène de comédie, avec l’huile de ricin et la bière.
La dernière partie met en avant un autre aspect du personnage, la comédienne devenant alors elle aussi bouleversante.
Et puis n’oublions pas Gwladys Rabardy en infirmière revêche au grand cœur.
Sa composition est elle aussi irréprochable.
La cohésion entre ces quatre interprètes est totale, toutes au service du texte.
Cette entreprise artistique, sans jamais tomber dans les clichés éculés propres au sujet abordé, a donc le grand mérite de nous rappeler que même dans une société libérale, tout ne se passe jamais comme l’on voudrait.
Ici, le bonheur des unes peut constituer le malheur d’une autre. Et bien entendu, il faut tâcher de survivre à ce malheur.
Pour autant, un joli message, bien loin d’être moralisateur, viendra terminer la pièce.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner la très belle partition musicale que l’on doit au compositeur et violoniste Jason Meyer, avec notamment des pièces magnifiques pour piano et violon.
Voici donc un intense et très beau moment de théâtre. Un moment fort et bouleversant.
Ce nécessaire spectacle est de ceux qu’il serait au passage judicieux de montrer aux classes des lycées français.
9,5/10
Ostie de criss de calice de tabarnak !
V’là-t’y pas qu’le p’tit chat, il est toujours pas ben vivant !
Ou quand Arnolphe est allé enfermer sa pupille du côté de Chicoutimi ou Chibougameau.
Avec son adaptation très réussie de cette première comédie à succès de Molière, celle qui le rendra célèbre, Anthony Magnier nous embarque en effet dans la Belle Province, où semblent avoir élu domicile les deux serviteurs à l’accent québecois prononcé, les gens de celui qui désormais souhaite qu’on l’appelle M. de la Souche.
Pour sa sixième confrontation avec l’œuvre du grand Jean-Baptiste, le metteur en scène est allé puiser du côté du registre de la farce burlesque pour nous proposer une version survitaminée, hilarante et rentre-dedans de cette école-là.
Oui, une farce qui va nous tirer énormément de rires et de fou-rires.
Nous attendent des passages dignes de Tex Avery ou de Chuck Jones, des moments mimés, des scènes où grimaces et mimiques vont nous ravir, des adresses au public jubilatoires.
Dès le 26 décembre 1662, Molière propose à son public une pièce qui mélange de façon très inédite et novatrice deux registres que nous allons retrouver pour notre plus grand plaisir : la farce, justement, et la grande comédie en vers.
Dans cette adaptation, Anthony Magnier prolonge donc les intentions de l’auteur, tout en réduisant à trois comédiens la distribution originelle.
Trois comédiens qui interpréteront avec beaucoup d’engagement et de force comique cinq des personnages originaux.
Dans cette mise en scène, la dimension corporelle aura beaucoup d’importance, comme à la Commedia dell’Arte
Les corps vont s’attirer, se repousser, tomber, se relever, s’empoigner, s’étreindre, se lâcher...
Il y a quelque chose de viscéral et d’organique, dans tout ceci. Pour dépoter, ça dépote !
Pour autant, nous retrouverons bien entendu les alexandrins originaux, qui seront dits de bien belle et très fluide manière, nous rappelant s’il en était encore besoin le génie de l’auteur.
Nous arrivons dans la salle noire du Lucernaire pour trouver sur le plateau une sorte de petit chalet en bois rouge, fermé par un rideau blanc.
Nous comprenons immédiatement que nous avons devant nous la « prison » d’Agnès, ce lieu d’enfermement physique et mental.
Agnès, elle apparaît derrière le rideau, innocente au possible, ignorant tout de la vie, découvrant même comment se relever plus ou moins facilement, après avoir jonglé au pied avec un ballon.
Cette première scène est très réussie et donne immédiatement le ton. Le burlesque sera roi.
Et puis le voilà, Arnolphe, seigneur de la Souche. En grand habit de voyage à pèlerine et au galon doré.
C’est Mickaël Fasulo qui interprète de façon épatante et drôlissime ce personnage aux deux facettes.
C’est cette capacité à nous montrer ces deux traits de caractère, un imbécile cocufié, « entremetteur involontaire », et un redoutable et implacable théoricien de l’asservissement féminin qui constitue à mon sens l’une des grandes réussites de cette pièce.
(Molière en effet s’est inspiré de deux textes déjà publiés, La précaution inutile, une nouvelle espagnole et Les facétieuses nuits du seigneur Satrapole, un texte italien proche justement de la commedia dell’arte, grâce auxquels il va synthétiser deux personnages pour aboutir à son Arnolphe.)
Le comédien a une sacrée vis comica.
Dans un mélange de jeu digne de cet immense acteur que fut De Funès et du Comédien français Christian Hecq, Mickaël Fasulo ne va vraiment pas ménager sa peine.
Quelle palette, quelle puissance comique, quel charisme sont les siens !
Sa démarche, ses mimiques, ses outrances, ses ruptures, ses adresses au public ravissent la salle entière.
Un grand Arnolphe de comédie !
Le double rôle féminin était interprété hier par Eva Dumont.
Son Agnès, petite figurine fragile tout droit sortie d’une boîte à musique, jeune innocente qui va s’émanciper, sa composition est particulièrement juste et réussie.
Beaucoup de grâce et de délicatesse, d’ingénuité puis d’aplomb émanent de son personnage.
Et puis sa scène dansée est également très réussie !
La comédienne est aussi une hilarante Georgette.
Matthieu Hornuss était quant à lui Horace et Alain.
Lui aussi ne donne pas sa part au chat. En blouson, casque et lunettes d’aviateur, il incarne ce jeune amoureux avec beaucoup d’engagement et d’à-propos.
Leur couple de serviteurs canadiens est particulièrement savoureux et constitue à chaque apparition un magnifique moment de comédie. Qu’est-ce qu’ils nous font rire, ces deux-là !
Un grand coup de chapeau au passage pour leur facilité et leur rapidité à changer souvent de costume derrière leur petite cabane.
Et le rideau blanc de se transformer poétiquement...
Vous aurez donc bien compris qu’il faut vous rendre au Lucernaire afin de passer une formidable heure et demie.
Cette Ecole des femmes est un brillant spectacle, malin et intelligent, aux irrésistibles parti-pris tous plus judicieux les uns que les autres.
En cette année Molière, ne passez surtout pas à côté !
V’là-t’y pas qu’le p’tit chat, il est toujours pas ben vivant !
Ou quand Arnolphe est allé enfermer sa pupille du côté de Chicoutimi ou Chibougameau.
Avec son adaptation très réussie de cette première comédie à succès de Molière, celle qui le rendra célèbre, Anthony Magnier nous embarque en effet dans la Belle Province, où semblent avoir élu domicile les deux serviteurs à l’accent québecois prononcé, les gens de celui qui désormais souhaite qu’on l’appelle M. de la Souche.
Pour sa sixième confrontation avec l’œuvre du grand Jean-Baptiste, le metteur en scène est allé puiser du côté du registre de la farce burlesque pour nous proposer une version survitaminée, hilarante et rentre-dedans de cette école-là.
Oui, une farce qui va nous tirer énormément de rires et de fou-rires.
Nous attendent des passages dignes de Tex Avery ou de Chuck Jones, des moments mimés, des scènes où grimaces et mimiques vont nous ravir, des adresses au public jubilatoires.
Dès le 26 décembre 1662, Molière propose à son public une pièce qui mélange de façon très inédite et novatrice deux registres que nous allons retrouver pour notre plus grand plaisir : la farce, justement, et la grande comédie en vers.
Dans cette adaptation, Anthony Magnier prolonge donc les intentions de l’auteur, tout en réduisant à trois comédiens la distribution originelle.
Trois comédiens qui interpréteront avec beaucoup d’engagement et de force comique cinq des personnages originaux.
Dans cette mise en scène, la dimension corporelle aura beaucoup d’importance, comme à la Commedia dell’Arte
Les corps vont s’attirer, se repousser, tomber, se relever, s’empoigner, s’étreindre, se lâcher...
Il y a quelque chose de viscéral et d’organique, dans tout ceci. Pour dépoter, ça dépote !
Pour autant, nous retrouverons bien entendu les alexandrins originaux, qui seront dits de bien belle et très fluide manière, nous rappelant s’il en était encore besoin le génie de l’auteur.
Nous arrivons dans la salle noire du Lucernaire pour trouver sur le plateau une sorte de petit chalet en bois rouge, fermé par un rideau blanc.
Nous comprenons immédiatement que nous avons devant nous la « prison » d’Agnès, ce lieu d’enfermement physique et mental.
Agnès, elle apparaît derrière le rideau, innocente au possible, ignorant tout de la vie, découvrant même comment se relever plus ou moins facilement, après avoir jonglé au pied avec un ballon.
Cette première scène est très réussie et donne immédiatement le ton. Le burlesque sera roi.
Et puis le voilà, Arnolphe, seigneur de la Souche. En grand habit de voyage à pèlerine et au galon doré.
C’est Mickaël Fasulo qui interprète de façon épatante et drôlissime ce personnage aux deux facettes.
C’est cette capacité à nous montrer ces deux traits de caractère, un imbécile cocufié, « entremetteur involontaire », et un redoutable et implacable théoricien de l’asservissement féminin qui constitue à mon sens l’une des grandes réussites de cette pièce.
(Molière en effet s’est inspiré de deux textes déjà publiés, La précaution inutile, une nouvelle espagnole et Les facétieuses nuits du seigneur Satrapole, un texte italien proche justement de la commedia dell’arte, grâce auxquels il va synthétiser deux personnages pour aboutir à son Arnolphe.)
Le comédien a une sacrée vis comica.
Dans un mélange de jeu digne de cet immense acteur que fut De Funès et du Comédien français Christian Hecq, Mickaël Fasulo ne va vraiment pas ménager sa peine.
Quelle palette, quelle puissance comique, quel charisme sont les siens !
Sa démarche, ses mimiques, ses outrances, ses ruptures, ses adresses au public ravissent la salle entière.
Un grand Arnolphe de comédie !
Le double rôle féminin était interprété hier par Eva Dumont.
Son Agnès, petite figurine fragile tout droit sortie d’une boîte à musique, jeune innocente qui va s’émanciper, sa composition est particulièrement juste et réussie.
Beaucoup de grâce et de délicatesse, d’ingénuité puis d’aplomb émanent de son personnage.
Et puis sa scène dansée est également très réussie !
La comédienne est aussi une hilarante Georgette.
Matthieu Hornuss était quant à lui Horace et Alain.
Lui aussi ne donne pas sa part au chat. En blouson, casque et lunettes d’aviateur, il incarne ce jeune amoureux avec beaucoup d’engagement et d’à-propos.
Leur couple de serviteurs canadiens est particulièrement savoureux et constitue à chaque apparition un magnifique moment de comédie. Qu’est-ce qu’ils nous font rire, ces deux-là !
Un grand coup de chapeau au passage pour leur facilité et leur rapidité à changer souvent de costume derrière leur petite cabane.
Et le rideau blanc de se transformer poétiquement...
Vous aurez donc bien compris qu’il faut vous rendre au Lucernaire afin de passer une formidable heure et demie.
Cette Ecole des femmes est un brillant spectacle, malin et intelligent, aux irrésistibles parti-pris tous plus judicieux les uns que les autres.
En cette année Molière, ne passez surtout pas à côté !