Ses critiques
1005 critiques
10/10
L'horreur est humaine !
Voici ce qu'une nouvelle fois, elle nous affirme, la metteure en scène de ce Cabaret horrifique, à la manière d'un George A. Romero au meilleur de sa forme.
Elle, c'est Valérie Lesort, qui toute petite déjà, voulait fabriquer des monstres.
Des monstres, il y en aura, à l'Opéra-Comique, dans cette reprise qui marque la ré-ouverture de la Salle-Favart.
Des monstres, des sorcières, des morts-vivants, des goules, des succubes, des incubes, j'en passe et des pires !
Le tout à la sauce Lesort, et ce, pour notre plus grand plaisir !
Durant une heure et quart, nos oreilles et nos yeux seront ravis et nos zygomatiques vont fonctionner à plein régime.
Le principe de ce cabaret est assez simple, finalement : dans un décor et des accessoires dignes de la Nuit des morts-vivants, Melle Lesort a confié au baryton Lionel Peintre et à la soprano Judith Fa la mission d'interpréter une quinzaine d'airs de différents répertoires, et dont le thème est l'horreur, la monstruosité, la peur.
C'est ainsi que Ravel, Weill, Gounod, Rameau vont côtoyer Vian, Marie-Paule Belle, Marie Dubas, et quelques surprises.
Oui oui, des surprises, car tous les airs ne sont pas indiqués sur le programme.
C'est d'ailleurs une de ces surprises qui va ouvrir le programme.
Au piano, l'excellente Marine Thoreau La Salle égrène quelques notes de Mike Oldfield, et Lionel Peintre enchaîne d'une façon lyrique et très décalée sur......... (Eh oh, et puis quoi encore, vous pensiez que j'allais vous en dire plus ? )
Le chanteur lyrique, avec les quatre premiers mots de ce premier « tube » déchaîne l'hilarité générale. Le ton sera immédiatement donné !
Le deux artistes lyriques vont nous enchanter.
Par leur talent intrinsèque de musiciens, certes, évidemment, mais également par leur vis comica.
Il faut les voir jouer la comédie, adoptant des gestuelles, des poses et des mimiques sataniques, diaboliques et méphistophéliques très suggestives.
Qu'est-ce qu'ils nous font rire !
C'est là une autre marque de fabrique de la metteure en scène, dans la droite ligne du Domino noir, ou encore Ercole Amante que de mélanger talent musical et humour décalé. Le sérieux et le drôlissime mêlés dans une même fête artistique !
De grands moments musicaux m'ont ravi.
L'interprétation du Roi des Aulnes, de Schubert, par Lionel Peintre est un de ces moments magnifiques, tout comme le Tango stupéfiant, de Marie Dubas, par Judith Fa.
Les deux musiciens vont véritablement nous régaler, notamment avec deux duos : leur version du Fantôme de l'Opéra, d'Andrew Lloyd-Weber est un moment formidable. Comment en même temps chanter à la perfection et faire rire aux larmes tout un public.
Et puis, surtout, un duo tiré de l'opéra Armide, de Jean-Philippe Rameau, est absolument magnifique.
Quel ensemble, quelle pâte sonore, quelle technique irréprochable, quelle sensibilité ! Que d'émotion !
Il faut souligner qu'au piano et parfois « aux grandes orgues » (merci au clavier Roland), Melle Thoreau La Salle servira de « souffre-douleur » tout au long du spectacle. Le runing-gag fonctionne à la perfection.
La patronne, elle, a opté pour coiffure assez originale : elle porte sur la tête une main coupée, dont les doigts s'agitent en permanence. C'est très moignon, tout ça !
Grâce à des outils et autres accessoires eux aussi très décalés, elle bruite de façon épatante tous les « événements » comiques qui vont parsemer tout le récital.
Réouverture de la Salle-Favart post-confinement oblige, cette reprise du Cabaret horrifique est placée sous le signe du COVID 19 !
La mise en scène a été remaniée, avec une disposition scénique et spatiale entièrement nouvelle.
Le gel hydro-alcoolique trône sur le piano, les masques sont là, dociles ou récalcitrants, certes, mais surtout maculés de sang.
Melle Lesort nous démontre également qu'on peut faire beaucoup rire avec très peu de moyens, notamment dans L'air du Froid, de Purcell. C'est très malin ! Mais là encore, je n'en dirai pas plus...
Le final interviendra hélas beaucoup trop tôt, avec l'apparition sur scène d'un personnage emblématique en matière de frissons en tous genres.
La boucle est bouclée.
On l'aura compris, Valérie Lesort enchante une nouvelle fois le public de l'Opéra-Comique.
Sa patte, sa marque de fabrique, son style propre et inimitable font mouche !
C'est un spectacle lyrique brillant, intelligent, irrésistible de drôlerie !
C'est devenu une habitude !
Voici ce qu'une nouvelle fois, elle nous affirme, la metteure en scène de ce Cabaret horrifique, à la manière d'un George A. Romero au meilleur de sa forme.
Elle, c'est Valérie Lesort, qui toute petite déjà, voulait fabriquer des monstres.
Des monstres, il y en aura, à l'Opéra-Comique, dans cette reprise qui marque la ré-ouverture de la Salle-Favart.
Des monstres, des sorcières, des morts-vivants, des goules, des succubes, des incubes, j'en passe et des pires !
Le tout à la sauce Lesort, et ce, pour notre plus grand plaisir !
Durant une heure et quart, nos oreilles et nos yeux seront ravis et nos zygomatiques vont fonctionner à plein régime.
Le principe de ce cabaret est assez simple, finalement : dans un décor et des accessoires dignes de la Nuit des morts-vivants, Melle Lesort a confié au baryton Lionel Peintre et à la soprano Judith Fa la mission d'interpréter une quinzaine d'airs de différents répertoires, et dont le thème est l'horreur, la monstruosité, la peur.
C'est ainsi que Ravel, Weill, Gounod, Rameau vont côtoyer Vian, Marie-Paule Belle, Marie Dubas, et quelques surprises.
Oui oui, des surprises, car tous les airs ne sont pas indiqués sur le programme.
C'est d'ailleurs une de ces surprises qui va ouvrir le programme.
Au piano, l'excellente Marine Thoreau La Salle égrène quelques notes de Mike Oldfield, et Lionel Peintre enchaîne d'une façon lyrique et très décalée sur......... (Eh oh, et puis quoi encore, vous pensiez que j'allais vous en dire plus ? )
Le chanteur lyrique, avec les quatre premiers mots de ce premier « tube » déchaîne l'hilarité générale. Le ton sera immédiatement donné !
Le deux artistes lyriques vont nous enchanter.
Par leur talent intrinsèque de musiciens, certes, évidemment, mais également par leur vis comica.
Il faut les voir jouer la comédie, adoptant des gestuelles, des poses et des mimiques sataniques, diaboliques et méphistophéliques très suggestives.
Qu'est-ce qu'ils nous font rire !
C'est là une autre marque de fabrique de la metteure en scène, dans la droite ligne du Domino noir, ou encore Ercole Amante que de mélanger talent musical et humour décalé. Le sérieux et le drôlissime mêlés dans une même fête artistique !
De grands moments musicaux m'ont ravi.
L'interprétation du Roi des Aulnes, de Schubert, par Lionel Peintre est un de ces moments magnifiques, tout comme le Tango stupéfiant, de Marie Dubas, par Judith Fa.
Les deux musiciens vont véritablement nous régaler, notamment avec deux duos : leur version du Fantôme de l'Opéra, d'Andrew Lloyd-Weber est un moment formidable. Comment en même temps chanter à la perfection et faire rire aux larmes tout un public.
Et puis, surtout, un duo tiré de l'opéra Armide, de Jean-Philippe Rameau, est absolument magnifique.
Quel ensemble, quelle pâte sonore, quelle technique irréprochable, quelle sensibilité ! Que d'émotion !
Il faut souligner qu'au piano et parfois « aux grandes orgues » (merci au clavier Roland), Melle Thoreau La Salle servira de « souffre-douleur » tout au long du spectacle. Le runing-gag fonctionne à la perfection.
La patronne, elle, a opté pour coiffure assez originale : elle porte sur la tête une main coupée, dont les doigts s'agitent en permanence. C'est très moignon, tout ça !
Grâce à des outils et autres accessoires eux aussi très décalés, elle bruite de façon épatante tous les « événements » comiques qui vont parsemer tout le récital.
Réouverture de la Salle-Favart post-confinement oblige, cette reprise du Cabaret horrifique est placée sous le signe du COVID 19 !
La mise en scène a été remaniée, avec une disposition scénique et spatiale entièrement nouvelle.
Le gel hydro-alcoolique trône sur le piano, les masques sont là, dociles ou récalcitrants, certes, mais surtout maculés de sang.
Melle Lesort nous démontre également qu'on peut faire beaucoup rire avec très peu de moyens, notamment dans L'air du Froid, de Purcell. C'est très malin ! Mais là encore, je n'en dirai pas plus...
Le final interviendra hélas beaucoup trop tôt, avec l'apparition sur scène d'un personnage emblématique en matière de frissons en tous genres.
La boucle est bouclée.
On l'aura compris, Valérie Lesort enchante une nouvelle fois le public de l'Opéra-Comique.
Sa patte, sa marque de fabrique, son style propre et inimitable font mouche !
C'est un spectacle lyrique brillant, intelligent, irrésistible de drôlerie !
C'est devenu une habitude !
8,5/10
Un grand cru, cet entre-deux mères !
Pas facile d'être mère.
Aucune école, aucune formation diplômante, aucune université n'apprend à devenir mère.
Chaque mère doit se débrouiller toute seule, glaner ici et là des conseils, des informations, des tuyaux dans des livres ou auprès de ses sœurs en maternité.
Souvent, tout ceci fonctionne.
Mais parfois, le logiciel maternel connaît des bugs. Et ce, pour de multiples raisons.
C'est ce qui est arrivé à Harpie.
Une femme qui a décidé de changer de prénom, après avoir abandonné sa fille dans un train.
La Harpie, une tête de femme sur un corps d'oiseau.
Les plumes noires, nous les voyons sur le manteau de ce personnage qui rôde autour du foyer de Minette et Deidre.
Nous n'allons pas tarder à comprendre qui est Minette pour Deidre.
Wendy Beckett a écrit cette belle pièce pour trois comédiennes.
Le sujet est périlleux.
Une fille tiraillée entre ses deux mamans : la maman biologique et la maman d'adoption.
Périlleux, parce qu'il serait très facile de verser dans la mièvrerie et le pathos de mauvais aloi.
Ici, il n'en est absolument rien.
Le texte de Miss Beckett, finement traduit par Dominique Hollier, nous raconte cette histoire de façon presque brute, quasiment de façon sociologique, sans jamais vouloir nous apitoyer sur qui que ce soit.
Ici, il n'est pas question de plaindre tel ou tel personnage, ni de porter un quelconque jugement.
Seuls les liens de la relation mère-fille seront subtilement exposés durant les quelque quatre-vingt minutes que dure la pièce.
Avec pour objectif de nous faire réfléchir sur les tenants et les aboutissants de l'adoption.
Tous les points de vue seront respectables, dans ce qui nous sera exposé.
Le texte. Et puis les comédiennes.
Il fallait trois actrices capables de nous faire vivre cette histoire sans donner dans le côté larmoyant.
Là encore, c'est pleinement le cas.
Le trio constitué par Hélène Babu, Christine Gagnepain et Rebecca Williams fonctionne à la perfection.
Hélène Babu, en mère couturière (Oh pardon ! Designer de mode, pas couturière...), sorte de cougar blonde obnubilée par les apparences, tentant de gommer l'irréparable outrage des années passées, portée sur la boisson, Hélène Babu est irréprochable.
A aucun moment, elle ne verse dans la caricature. Bien au contraire. Elle donne une réelle épaisseur à cette femme qui a subi bien des coups du sort. (Je ne développe volontairement pas...)
La comédienne nous fait parfaitement ressentir l'ambivalence de cette femme, pour qui nous avons à la fois de l'empathie et de la répulsion. Et puis, nous ressentons complètement sa peur de perdre sa fille.
C'est une composition épatante.
Tout comme celle de Rebecca Williams, qui incarne la fille de dix-sept ans.
Là encore, la comédienne est totalement crédible, elle qui nous fait partager le tiraillement de cette adolescente envers ses deux mères.
Harpie est interprété par Christine Gagnepain.
Le personnage est dans un premier temps assez mystérieux, symbolisé par une harpe projetée sur un rideau de tulle à cour.
Melle Gagnepain nous distille délicatement et progressivement les informations successives qui vont nous faire comprendre qui est cette femme vêtue de noir.
Souvent un côté poétique pointe dans son discours, qui tranche avec le côté un peu sociologique évoqué plus haut.
La comédienne nous propose elle aussi une bien belle composition.
Cette pièce est par ailleurs magnifique sur le plan visuel et sonore.
La scénographie de Halcyon Pratt, qui permet d'ouvrir le tout petit plateau de la salle Christian-Bérard est très réussie. Même de fausses prises électriques sont installées sur les plinthes. C'est vous dire le souci du détail !
Formidables également les nombreux costumes de Sylvie Skinazi, dans un style et une gamme de couleurs souvent très flashy fin des années 60.
Il me faut également mentionner la création musicale de Felicity Wilcox et le subtil design sonore de Mehdi Bourayou, que les habitués de ce site connaissent bien.
C'est donc un intense et bien beau moment de théâtre qui vous attend à l'Athénée-Louis Jouvet.
D'autant que cette pièce donne immanquablement envie d'imaginer le destin de ces trois femmes après que le noir final ait assombri la salle.
Une vraie réussite !
Pas facile d'être mère.
Aucune école, aucune formation diplômante, aucune université n'apprend à devenir mère.
Chaque mère doit se débrouiller toute seule, glaner ici et là des conseils, des informations, des tuyaux dans des livres ou auprès de ses sœurs en maternité.
Souvent, tout ceci fonctionne.
Mais parfois, le logiciel maternel connaît des bugs. Et ce, pour de multiples raisons.
C'est ce qui est arrivé à Harpie.
Une femme qui a décidé de changer de prénom, après avoir abandonné sa fille dans un train.
La Harpie, une tête de femme sur un corps d'oiseau.
Les plumes noires, nous les voyons sur le manteau de ce personnage qui rôde autour du foyer de Minette et Deidre.
Nous n'allons pas tarder à comprendre qui est Minette pour Deidre.
Wendy Beckett a écrit cette belle pièce pour trois comédiennes.
Le sujet est périlleux.
Une fille tiraillée entre ses deux mamans : la maman biologique et la maman d'adoption.
Périlleux, parce qu'il serait très facile de verser dans la mièvrerie et le pathos de mauvais aloi.
Ici, il n'en est absolument rien.
Le texte de Miss Beckett, finement traduit par Dominique Hollier, nous raconte cette histoire de façon presque brute, quasiment de façon sociologique, sans jamais vouloir nous apitoyer sur qui que ce soit.
Ici, il n'est pas question de plaindre tel ou tel personnage, ni de porter un quelconque jugement.
Seuls les liens de la relation mère-fille seront subtilement exposés durant les quelque quatre-vingt minutes que dure la pièce.
Avec pour objectif de nous faire réfléchir sur les tenants et les aboutissants de l'adoption.
Tous les points de vue seront respectables, dans ce qui nous sera exposé.
Le texte. Et puis les comédiennes.
Il fallait trois actrices capables de nous faire vivre cette histoire sans donner dans le côté larmoyant.
Là encore, c'est pleinement le cas.
Le trio constitué par Hélène Babu, Christine Gagnepain et Rebecca Williams fonctionne à la perfection.
Hélène Babu, en mère couturière (Oh pardon ! Designer de mode, pas couturière...), sorte de cougar blonde obnubilée par les apparences, tentant de gommer l'irréparable outrage des années passées, portée sur la boisson, Hélène Babu est irréprochable.
A aucun moment, elle ne verse dans la caricature. Bien au contraire. Elle donne une réelle épaisseur à cette femme qui a subi bien des coups du sort. (Je ne développe volontairement pas...)
La comédienne nous fait parfaitement ressentir l'ambivalence de cette femme, pour qui nous avons à la fois de l'empathie et de la répulsion. Et puis, nous ressentons complètement sa peur de perdre sa fille.
C'est une composition épatante.
Tout comme celle de Rebecca Williams, qui incarne la fille de dix-sept ans.
Là encore, la comédienne est totalement crédible, elle qui nous fait partager le tiraillement de cette adolescente envers ses deux mères.
Harpie est interprété par Christine Gagnepain.
Le personnage est dans un premier temps assez mystérieux, symbolisé par une harpe projetée sur un rideau de tulle à cour.
Melle Gagnepain nous distille délicatement et progressivement les informations successives qui vont nous faire comprendre qui est cette femme vêtue de noir.
Souvent un côté poétique pointe dans son discours, qui tranche avec le côté un peu sociologique évoqué plus haut.
La comédienne nous propose elle aussi une bien belle composition.
Cette pièce est par ailleurs magnifique sur le plan visuel et sonore.
La scénographie de Halcyon Pratt, qui permet d'ouvrir le tout petit plateau de la salle Christian-Bérard est très réussie. Même de fausses prises électriques sont installées sur les plinthes. C'est vous dire le souci du détail !
Formidables également les nombreux costumes de Sylvie Skinazi, dans un style et une gamme de couleurs souvent très flashy fin des années 60.
Il me faut également mentionner la création musicale de Felicity Wilcox et le subtil design sonore de Mehdi Bourayou, que les habitués de ce site connaissent bien.
C'est donc un intense et bien beau moment de théâtre qui vous attend à l'Athénée-Louis Jouvet.
D'autant que cette pièce donne immanquablement envie d'imaginer le destin de ces trois femmes après que le noir final ait assombri la salle.
Une vraie réussite !
Afficher le commentaire
9,5/10
Les fidèles lecteurs de ce site le savent bien : je suis un vrai fan du travail d'Emeline Bayart.
Je vous rappelle ce que j'avais écrit à propos de son passage au Caf' conc' le Kibélé.
C'était ici :
Emeline Bayart - D'elle à lui - De la cour au jardin
http://delacouraujardin.over-blog.com/2020/02/emeline-bayart-d-elle-a-lui.html
J'avais donc hâte de la retrouver, cette fois-ci à l'Opéra Comique, pour un autre récital, intitulé cette fois-ci Affreuses, divines et méchantes.
Le principe de ce deuxième spectacle est le même.
Melle Bayart a sélectionné une vingtaine de chansons tirées du répertoire du Caf' Conc' ou quelquefois des titres plus récents.
Ces chansons, ce sont des petits morceaux de vie, des mini-pièces de théâtre, qui nous racontent des des femmes (surtout...) et quelques hommes confrontés bien souvent à l'adversité, à des tracas surréalistes, des problèmes de couple, ou encore des situations paroxystiques.
D'où le titre en question.
Les textes choisis sont très drôles, des instantanés exacerbés de la vie quotidienne que la comédienne-chanteuse interprète une nouvelle fois de façon hilarante.
Mais qu'est-ce que j'ai ri !
Emeline Bayart déploie à nouveau sa formidable vis comica, son énergie, son humour ravageur pour interpréter de façon drôlissime, parfois burlesque ces chansons-là.
Elle est avant tout comédienne, Emeline Bayart, ce qui lui permet de nous faire vivre devant nous ces personnages multiples et variés.
C'est ainsi que nous ferons la connaissance de cette femme qui nous dit « J'ai un faible pour les forts ». Cette chanson fut interprétée naguère par Pauline Carton.
Inoubliable également cette interprétation de « Je suis pocharde », que popularisa Yvette Guilbert.
La comédienne parvient à chanter toujours aussi bien en jouant le personnage d'une noceuse ayant abusé du Moët et Chandon...
Le public hurle alors de rire, et n'en croit pas ses yeux.
Oui, le champagne coule... (Et je n'en dis pas plus...)
Beaucoup de titres également avec des doubles sens et autres sous-entendus nous tirent bien des rires, comme « La tour Eiffel », interprétée naguère par Marguerite Duval.
A ses côtés, l'excellent Manuel Peskine au piano est toujours aussi imperturbable, campant quant à lui un personnage sévère, en contraste épatant avec la chanteuse.
Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire.
Il faut noter que lui aussi aura droit à sa chanson, dans laquelle il nous démontrera de façon très amusante ses talents de polyglotte ! bon débarras ! Je vous laisse découvrir !
Les habitués de la Salle Favart ne s'y tompent pas : un tonnerre d'applaudissements rythmés, des « bravo » en veux-tu en voilà, des rappels nombreux viennent clôturer cette soirée.
Et puis deux titres en bonus.
« La gérontophile », version féminine de la chanson de Bernard Joyet.
« Mignonne allons voir si l'arthrose
A point d'effets libidineux! »
Et enfin « Ce concerto », qui nous démontre et rappelle de façon évidente la filiation artistique entre Emeline Bayart et la géniale Jacqueline Maillan.
Les petits pois et le beurre semblent alors valser dans la salle Georges-Bizet de l'Opéra Comique.
Un spectacle irrésistible et incontournable, vous dis-je !
Je vous rappelle ce que j'avais écrit à propos de son passage au Caf' conc' le Kibélé.
C'était ici :
Emeline Bayart - D'elle à lui - De la cour au jardin
http://delacouraujardin.over-blog.com/2020/02/emeline-bayart-d-elle-a-lui.html
J'avais donc hâte de la retrouver, cette fois-ci à l'Opéra Comique, pour un autre récital, intitulé cette fois-ci Affreuses, divines et méchantes.
Le principe de ce deuxième spectacle est le même.
Melle Bayart a sélectionné une vingtaine de chansons tirées du répertoire du Caf' Conc' ou quelquefois des titres plus récents.
Ces chansons, ce sont des petits morceaux de vie, des mini-pièces de théâtre, qui nous racontent des des femmes (surtout...) et quelques hommes confrontés bien souvent à l'adversité, à des tracas surréalistes, des problèmes de couple, ou encore des situations paroxystiques.
D'où le titre en question.
Les textes choisis sont très drôles, des instantanés exacerbés de la vie quotidienne que la comédienne-chanteuse interprète une nouvelle fois de façon hilarante.
Mais qu'est-ce que j'ai ri !
Emeline Bayart déploie à nouveau sa formidable vis comica, son énergie, son humour ravageur pour interpréter de façon drôlissime, parfois burlesque ces chansons-là.
Elle est avant tout comédienne, Emeline Bayart, ce qui lui permet de nous faire vivre devant nous ces personnages multiples et variés.
C'est ainsi que nous ferons la connaissance de cette femme qui nous dit « J'ai un faible pour les forts ». Cette chanson fut interprétée naguère par Pauline Carton.
Inoubliable également cette interprétation de « Je suis pocharde », que popularisa Yvette Guilbert.
La comédienne parvient à chanter toujours aussi bien en jouant le personnage d'une noceuse ayant abusé du Moët et Chandon...
Le public hurle alors de rire, et n'en croit pas ses yeux.
Oui, le champagne coule... (Et je n'en dis pas plus...)
Beaucoup de titres également avec des doubles sens et autres sous-entendus nous tirent bien des rires, comme « La tour Eiffel », interprétée naguère par Marguerite Duval.
A ses côtés, l'excellent Manuel Peskine au piano est toujours aussi imperturbable, campant quant à lui un personnage sévère, en contraste épatant avec la chanteuse.
Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire.
Il faut noter que lui aussi aura droit à sa chanson, dans laquelle il nous démontrera de façon très amusante ses talents de polyglotte ! bon débarras ! Je vous laisse découvrir !
Les habitués de la Salle Favart ne s'y tompent pas : un tonnerre d'applaudissements rythmés, des « bravo » en veux-tu en voilà, des rappels nombreux viennent clôturer cette soirée.
Et puis deux titres en bonus.
« La gérontophile », version féminine de la chanson de Bernard Joyet.
« Mignonne allons voir si l'arthrose
A point d'effets libidineux! »
Et enfin « Ce concerto », qui nous démontre et rappelle de façon évidente la filiation artistique entre Emeline Bayart et la géniale Jacqueline Maillan.
Les petits pois et le beurre semblent alors valser dans la salle Georges-Bizet de l'Opéra Comique.
Un spectacle irrésistible et incontournable, vous dis-je !
8/10
Et j'étais sur la route, toute la sainte année...
Départementale, la route.
La route départementale, le personnage principal de cette pièce.
Comme souvent chez Peter Handke, tout part d'un lieu.
Un lieu métaphore.
Un lieu-non lieu, finalement.
Un lieu qui nous renvoie à notre société, notre monde.
Le tout nouveau prix Nobel 2019 nous propose selon ses propres mots d'assister à un rêve éveillé, un long poème dramatique, sans dialogues mais au contraire constitué de longs monologues.
Un rêve qui durerait quatre saisons. Une année entière.
Un rêve qu'il est difficile de raconter.
Il y aurait un Moi.
Ce Moi, ce pourrait-être l'auteur. Ou le narrateur.
En tout cas, un Moi-conflit, qui oscillerait entre les deux entités sus-nommées. Un Moi qui aurait deux esprits, deux âmes.
Un Moi qui s'adresserait à cette route, et surtout à ceux qui vont s'y trouver.
Eux aussi. Les Innocents.
Ces Innocents-là, ce serait un chœur, un groupe d'hommes et de femmes.
Ce pourrait-être le peuple, la majorité silencieuse s'opposant au Moi, le Tout au Seul, la Foule à l'Individu, la Communauté universelle à la Singularité humaine.
Mais finalement, s'affrontent-ils vraiment ces deux « personnages-là » ?
En tout cas, ce qui les réunit de façon indéniable, c'est la marche. Ils marchent tous, bien avant que la marche constitue une sorte de concept politique. Suivez mon regard.
On retrouve évidemment l'un des thèmes principaux du travail dramaturgique de l'auteur, à savoir l'angoisse de l'individu face à la société contemporaine dans laquelle il se débat.
Tout ce petit monde est présenté au printemps. Le temps du renouveau, des espérances aussi...
L'été sera le temps des griefs exposés, le moment de dire les choses, de mettre exergue les conceptions de la gouvernance du monde qui diffèrent,
« Comme elles me fatiguent, toutes les majorités », s'écriera l'un des deux Moi, alors que pour l'autre, c'est le salut...
La recherche puis la prise de parole de la fameuse Inconnue résoudront-elles ces conflits ?
Le temps réel de l'hiver (un chronographe apparaît pour nous signifier que nous ne sommes plus dans l'immatérialité temporelle) constituera le dernier acte du poème tragique et de la tragédie poétique.
Il faut être clair et appeler un chat un chat.
Durant ces deux heures et vingt, il faut s'accrocher.
Le texte de Handke n'est pas un texte toujours évident à suivre. Un texte parfois difficile.
(Ce fut en tout cas ce que j'ai ressenti.)
Plusieurs spectateurs sont partis assez tôt dans la pièce. Ils ont eu tort.
Tort, parce qu'il faut faire l'effort de se laisser immerger dans la langue de l'auteur, qui a lui-même traduit son texte de l'Allemand.
Ces longs monologues, ce sont des aria d'un oratorio complexe dans lequel les comédiens sont des instrumentistes.
De sacrés instrumentistes !
Ce que nous disent Gilles Privat (le Moi), Pierre-François Garel (Le chef de la tribu des Innocents), et Dominique Valadié (l'Inconnue), ce qu'ils nous disent et la façon dont ils le disent est fascinante.
Quel talent faut-il pour mettre en oralité de tels passages ardus, sans véritable fil narratif, sans dialoguer avec un partentaire !
Il faut vraiment être habité par son art pour pouvoir exprimer les longues logorrhées, les phrases et le style particuliers de l'auteur.
Melle Valadié, et MM Garel et Privat, habitués du travail avec Alain Françon, s'en sortent de façon merveilleuse et époustouflante.
La fin du poème sera constituée de sa propre critique. Lucidité. Encore et toujours.
A son habitude, la mise en scène d'Alain Françon est toute en délicatesse et subtilité.
C'est sans aucun doute à l'heure actuelle l'un des plus grands directeurs d'acteurs.
Les comédiens évoluent de façon on ne peut plus naturelle, « simple », il y a toujours quelque chose qui relève de l'évidence, comme à chaque fois chez Françon.
Une évidence qui est également le signe d'une vraie vision et d'une grande appropriation de l'œuvre de Handke.
Ses marcheurs évoluent dans une belle chorégraphie générale.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner les magnifiques lumières de Joël Hourbeigt, qui contribuent très artistiquement au propos de la pièce.
Ce très riche, foisonnant et très exigeant spectacle se mérite.
Il faut entrer dedans, accepter de se laisser porter par le texte, être conscient de ne pas tout saisir du premier coup (là encore, ce fut mon cas). Et se dire qu'on lira avec grand intérêt le texte de la pièce, édité chez Gallimard.
Mais au final, c'est une pièce qui nous oblige avec force à prendre conscience de la complexité de plus en plus grandissante de notre monde sur lequel Handke porte un regard à la fois implacable et très avisé.
Départementale, la route.
La route départementale, le personnage principal de cette pièce.
Comme souvent chez Peter Handke, tout part d'un lieu.
Un lieu métaphore.
Un lieu-non lieu, finalement.
Un lieu qui nous renvoie à notre société, notre monde.
Le tout nouveau prix Nobel 2019 nous propose selon ses propres mots d'assister à un rêve éveillé, un long poème dramatique, sans dialogues mais au contraire constitué de longs monologues.
Un rêve qui durerait quatre saisons. Une année entière.
Un rêve qu'il est difficile de raconter.
Il y aurait un Moi.
Ce Moi, ce pourrait-être l'auteur. Ou le narrateur.
En tout cas, un Moi-conflit, qui oscillerait entre les deux entités sus-nommées. Un Moi qui aurait deux esprits, deux âmes.
Un Moi qui s'adresserait à cette route, et surtout à ceux qui vont s'y trouver.
Eux aussi. Les Innocents.
Ces Innocents-là, ce serait un chœur, un groupe d'hommes et de femmes.
Ce pourrait-être le peuple, la majorité silencieuse s'opposant au Moi, le Tout au Seul, la Foule à l'Individu, la Communauté universelle à la Singularité humaine.
Mais finalement, s'affrontent-ils vraiment ces deux « personnages-là » ?
En tout cas, ce qui les réunit de façon indéniable, c'est la marche. Ils marchent tous, bien avant que la marche constitue une sorte de concept politique. Suivez mon regard.
On retrouve évidemment l'un des thèmes principaux du travail dramaturgique de l'auteur, à savoir l'angoisse de l'individu face à la société contemporaine dans laquelle il se débat.
Tout ce petit monde est présenté au printemps. Le temps du renouveau, des espérances aussi...
L'été sera le temps des griefs exposés, le moment de dire les choses, de mettre exergue les conceptions de la gouvernance du monde qui diffèrent,
« Comme elles me fatiguent, toutes les majorités », s'écriera l'un des deux Moi, alors que pour l'autre, c'est le salut...
La recherche puis la prise de parole de la fameuse Inconnue résoudront-elles ces conflits ?
Le temps réel de l'hiver (un chronographe apparaît pour nous signifier que nous ne sommes plus dans l'immatérialité temporelle) constituera le dernier acte du poème tragique et de la tragédie poétique.
Il faut être clair et appeler un chat un chat.
Durant ces deux heures et vingt, il faut s'accrocher.
Le texte de Handke n'est pas un texte toujours évident à suivre. Un texte parfois difficile.
(Ce fut en tout cas ce que j'ai ressenti.)
Plusieurs spectateurs sont partis assez tôt dans la pièce. Ils ont eu tort.
Tort, parce qu'il faut faire l'effort de se laisser immerger dans la langue de l'auteur, qui a lui-même traduit son texte de l'Allemand.
Ces longs monologues, ce sont des aria d'un oratorio complexe dans lequel les comédiens sont des instrumentistes.
De sacrés instrumentistes !
Ce que nous disent Gilles Privat (le Moi), Pierre-François Garel (Le chef de la tribu des Innocents), et Dominique Valadié (l'Inconnue), ce qu'ils nous disent et la façon dont ils le disent est fascinante.
Quel talent faut-il pour mettre en oralité de tels passages ardus, sans véritable fil narratif, sans dialoguer avec un partentaire !
Il faut vraiment être habité par son art pour pouvoir exprimer les longues logorrhées, les phrases et le style particuliers de l'auteur.
Melle Valadié, et MM Garel et Privat, habitués du travail avec Alain Françon, s'en sortent de façon merveilleuse et époustouflante.
La fin du poème sera constituée de sa propre critique. Lucidité. Encore et toujours.
A son habitude, la mise en scène d'Alain Françon est toute en délicatesse et subtilité.
C'est sans aucun doute à l'heure actuelle l'un des plus grands directeurs d'acteurs.
Les comédiens évoluent de façon on ne peut plus naturelle, « simple », il y a toujours quelque chose qui relève de l'évidence, comme à chaque fois chez Françon.
Une évidence qui est également le signe d'une vraie vision et d'une grande appropriation de l'œuvre de Handke.
Ses marcheurs évoluent dans une belle chorégraphie générale.
Je n'aurai garde d'oublier de mentionner les magnifiques lumières de Joël Hourbeigt, qui contribuent très artistiquement au propos de la pièce.
Ce très riche, foisonnant et très exigeant spectacle se mérite.
Il faut entrer dedans, accepter de se laisser porter par le texte, être conscient de ne pas tout saisir du premier coup (là encore, ce fut mon cas). Et se dire qu'on lira avec grand intérêt le texte de la pièce, édité chez Gallimard.
Mais au final, c'est une pièce qui nous oblige avec force à prendre conscience de la complexité de plus en plus grandissante de notre monde sur lequel Handke porte un regard à la fois implacable et très avisé.
10/10
A l'ombre d'une jeune fille en verre...
Ainsi donc, je pourrai dire « j'y étais ! »
Je pourrai raconter que j'ai assisté à une leçon de théâtre !
Un magistral cours d'art dramatique donné par l'un des plus talentueux et inspirés metteurs en scène de sa génération, et par un quatuor de comédiens en état de grâce.
C'est la deuxième fois qu'Ivo Van Hove signe une mise en scène à l'Odéon, où il continue d'explorer sa vision du théâtre américain, un théâtre qu'il affectionne tout particulièrement.
Après le « Vu du pont » d'Arthur Miller, il se frotte à Tennessee Williams. Parce que le texte n'a peut-être jamais été aussi actuel.
En effet, le texte résonne furieusement avec notre monde contemporain.
Dans ces années 30, les apparences, l'idéalisation du passé, le mensonge, la réaction instantanée, le « réflexe sans réflexion », la violence facile, gratuite et décomplexée ont mené aux fascismes et puis à la guerre totale.
Ne serions nous pas en train de revivre ces années-là ?
Pour autant, de « La ménagerie de verre », de cette pièce intérieure à bien des points de vue (une pièce qui se joue pratiquement dans un huis clos oppressant, et qui explore l'intériorité des personnages), le metteur en scène parvient totalement à extirper et mettre en évidence le caractère ambivalent de cette mère et de ses enfants.
Des personnages à la fois pétris de violence et très vulnérables.
Au sein d'un monde d'une dureté implacable, ces trois-là, remplis de blessures, de doutes, de fragilités, mais aussi de non-dits et de secrets, ces trois-là vont se réfugier dans le passé ou se retirer dans leur monde.
Cette mère, ce frère et cette sœur ne cherchent qu'une seul chose, finalement : quitter leur monde.
La maman se réfugie dans un passé sudiste idéalisé, Laura la fille se calfeutre dans un monde intérieur de plus en plus lointain et inaccessible, et Tom le fils, lui, veut s'échapper de cette étouffante cellule familiale.
La fuite.
Cette vision d'Ivo Van Hove, c'est un bouleversant cri de douleur, un hurlement déchirant d'êtres qui souffrent, et ce faisant, se font souffrir.
Un cri...
Celui poussé par Isabelle Huppert, Isabelle la Magnifique, Isabelle la Formidable, Isabelle la Sidérante.
Le cri quasi inhumain, bestial, sorti des tripes, le cri qu'elle pousse lorsqu'elle comprend que son projet de trouver un « galant » à sa fille tombe à l'eau.
Un cri qui vous reste à vie, un cri inoubliable, un cri dont l'intensité et la justesse vous vrillent les oreilles et l'âme.
La comédienne est à son habitude exceptionnelle. Sa capacité à changer de registre, d'intensité, d'expression en une fraction de seconde, son jeu intense, au scalpel, l'humour acide qu'elle distille dans certaines répliques, sa faculté phénoménale d'habiter cette mère-courage pétrie de résilience qui lutte en permanence, sans concession même dans le déni, tout ceci force le respect le plus total.
Une leçon, vous dis-je !
Les trois comédiens qui l'accompagnent sur le plateau sont eux aussi excellents. Il faut l'être pour donner la réplique à une telle « monstre sacrée ».
Tom, le personnage alter-égo de Tennessee Williams, est interprété de façon irréprochable par Nahuel Perez Biscayart.
En tant que narrateur de la pièce et fils de la maison, il est lui aussi impressionnant dans sa manière de laisser planer les non-dits de son existence. Un rôle trouble et sûrement bien difficile.
On sent de façon plus qu'évidente que son Tom cache tout un pan de sa vie.
Le challenge consistant à jouer ce qu'il ne dit pas et ne fait pas est remporté haut la main.
J'ai énormément aimé la Laura de Justine Bachelet.
La jeune comédienne habille son personnage d'un subtil mélange de candeur, de force et de fragilité.
A la fois très vive ou très alanguie, parfois à la limite de la transe, telle un animal pris au piège, elle incarne parfaitement le caractère sûrement bipolaire (pour reprendre une terminologie actuelle) de Laura.
Sa longue scène avec le présumé « galant » Jim O'Connor est magnifique.
Cyril Guei et Melle Bachelet sont tous les deux d'une troublante justesse et nous émeuvent au plus haut point.
Ivo Van Hove et son scénographe Jan Versweyveld ont imaginé la maison familiale comme une espèce de souterrain troglodyte aux parois tapissées d'un tissus en velours long qui permet de laisser quantité de traces. (Notamment de visages, et je n'en dis pas plus.)
Dès le début, nous ressentons une impression étouffante, un sentiment d'enfermement inéluctable.
Impression renforcée par le rideau noir qui se baisse à de nombreuses reprises.
Nous allons rester, grâce également aux costumes d'An D'Huys, dans un très beau camaieu d'ocres, de bruns, des couleurs qui ne sont pas sans évoquer celle de la terre.
Le brun de la terre du Sud, la terre qui retient et ne laisse pas partir facilement ceux qui s'y sont enracinés, où même la pluie ne rafraîchit pas.
La terre où il faut se débattre, lutter pour exister.
La mise en scène est en effet organique, viscérale, l'action parfois violente se déroulant souvent à même le sol.
Ne manquez surtout pas cet indispensable et incontournable spectacle !
Comme une impression de toucher au sublime.
Hier soir, huit rappels, (c'est devenu très rare), et un neuvième surprenant les comédiens en train de sortir du plateau.
Les applaudissement nourris, très sonores et en rythme, les nombreux « Bravo ! » témoignaient de l'adhésion du public envers cette totale et intense réussite, hommage magnifique à Mister Williams !
Ainsi donc, je pourrai dire « j'y étais ! »
Je pourrai raconter que j'ai assisté à une leçon de théâtre !
Un magistral cours d'art dramatique donné par l'un des plus talentueux et inspirés metteurs en scène de sa génération, et par un quatuor de comédiens en état de grâce.
C'est la deuxième fois qu'Ivo Van Hove signe une mise en scène à l'Odéon, où il continue d'explorer sa vision du théâtre américain, un théâtre qu'il affectionne tout particulièrement.
Après le « Vu du pont » d'Arthur Miller, il se frotte à Tennessee Williams. Parce que le texte n'a peut-être jamais été aussi actuel.
En effet, le texte résonne furieusement avec notre monde contemporain.
Dans ces années 30, les apparences, l'idéalisation du passé, le mensonge, la réaction instantanée, le « réflexe sans réflexion », la violence facile, gratuite et décomplexée ont mené aux fascismes et puis à la guerre totale.
Ne serions nous pas en train de revivre ces années-là ?
Pour autant, de « La ménagerie de verre », de cette pièce intérieure à bien des points de vue (une pièce qui se joue pratiquement dans un huis clos oppressant, et qui explore l'intériorité des personnages), le metteur en scène parvient totalement à extirper et mettre en évidence le caractère ambivalent de cette mère et de ses enfants.
Des personnages à la fois pétris de violence et très vulnérables.
Au sein d'un monde d'une dureté implacable, ces trois-là, remplis de blessures, de doutes, de fragilités, mais aussi de non-dits et de secrets, ces trois-là vont se réfugier dans le passé ou se retirer dans leur monde.
Cette mère, ce frère et cette sœur ne cherchent qu'une seul chose, finalement : quitter leur monde.
La maman se réfugie dans un passé sudiste idéalisé, Laura la fille se calfeutre dans un monde intérieur de plus en plus lointain et inaccessible, et Tom le fils, lui, veut s'échapper de cette étouffante cellule familiale.
La fuite.
Cette vision d'Ivo Van Hove, c'est un bouleversant cri de douleur, un hurlement déchirant d'êtres qui souffrent, et ce faisant, se font souffrir.
Un cri...
Celui poussé par Isabelle Huppert, Isabelle la Magnifique, Isabelle la Formidable, Isabelle la Sidérante.
Le cri quasi inhumain, bestial, sorti des tripes, le cri qu'elle pousse lorsqu'elle comprend que son projet de trouver un « galant » à sa fille tombe à l'eau.
Un cri qui vous reste à vie, un cri inoubliable, un cri dont l'intensité et la justesse vous vrillent les oreilles et l'âme.
La comédienne est à son habitude exceptionnelle. Sa capacité à changer de registre, d'intensité, d'expression en une fraction de seconde, son jeu intense, au scalpel, l'humour acide qu'elle distille dans certaines répliques, sa faculté phénoménale d'habiter cette mère-courage pétrie de résilience qui lutte en permanence, sans concession même dans le déni, tout ceci force le respect le plus total.
Une leçon, vous dis-je !
Les trois comédiens qui l'accompagnent sur le plateau sont eux aussi excellents. Il faut l'être pour donner la réplique à une telle « monstre sacrée ».
Tom, le personnage alter-égo de Tennessee Williams, est interprété de façon irréprochable par Nahuel Perez Biscayart.
En tant que narrateur de la pièce et fils de la maison, il est lui aussi impressionnant dans sa manière de laisser planer les non-dits de son existence. Un rôle trouble et sûrement bien difficile.
On sent de façon plus qu'évidente que son Tom cache tout un pan de sa vie.
Le challenge consistant à jouer ce qu'il ne dit pas et ne fait pas est remporté haut la main.
J'ai énormément aimé la Laura de Justine Bachelet.
La jeune comédienne habille son personnage d'un subtil mélange de candeur, de force et de fragilité.
A la fois très vive ou très alanguie, parfois à la limite de la transe, telle un animal pris au piège, elle incarne parfaitement le caractère sûrement bipolaire (pour reprendre une terminologie actuelle) de Laura.
Sa longue scène avec le présumé « galant » Jim O'Connor est magnifique.
Cyril Guei et Melle Bachelet sont tous les deux d'une troublante justesse et nous émeuvent au plus haut point.
Ivo Van Hove et son scénographe Jan Versweyveld ont imaginé la maison familiale comme une espèce de souterrain troglodyte aux parois tapissées d'un tissus en velours long qui permet de laisser quantité de traces. (Notamment de visages, et je n'en dis pas plus.)
Dès le début, nous ressentons une impression étouffante, un sentiment d'enfermement inéluctable.
Impression renforcée par le rideau noir qui se baisse à de nombreuses reprises.
Nous allons rester, grâce également aux costumes d'An D'Huys, dans un très beau camaieu d'ocres, de bruns, des couleurs qui ne sont pas sans évoquer celle de la terre.
Le brun de la terre du Sud, la terre qui retient et ne laisse pas partir facilement ceux qui s'y sont enracinés, où même la pluie ne rafraîchit pas.
La terre où il faut se débattre, lutter pour exister.
La mise en scène est en effet organique, viscérale, l'action parfois violente se déroulant souvent à même le sol.
Ne manquez surtout pas cet indispensable et incontournable spectacle !
Comme une impression de toucher au sublime.
Hier soir, huit rappels, (c'est devenu très rare), et un neuvième surprenant les comédiens en train de sortir du plateau.
Les applaudissement nourris, très sonores et en rythme, les nombreux « Bravo ! » témoignaient de l'adhésion du public envers cette totale et intense réussite, hommage magnifique à Mister Williams !
Afficher le commentaire