Ses critiques
38 critiques
7,5/10
Raconter la vie de Saint Augustin, théologien chrétien du IVème siècle après J-C, pas facile… Et pourtant !... Et pourtant c’est le défi relevé avec brio par Dominique Touzé et Guillaume Bongiraud.
Seul sur scène, Dominique Touzé fait le récit de la vie d’Augustin à la première personne, en ayant pour seul interlocuteur Dieu, matérialisé par le violoncelliste Guillaume Bongiraud qui nous livre une prestation et un son incroyable.
Au début j’ai eu peur d’avoir une réplique d’un sermon chrétien ennuyeux mis sous la forme d’un récit ; Mal m’en pris ! La mise en scène de cette adaptation passe par une multitude d’étapes, d’états d’esprit : il y a un côté mystique créé par le violoncelle et les appels à Dieu, un joyeux et presque enfantin lorsque le violoncelle chantonne "apprend et lis" pour Augustin qui reprend la comptine, mais aussi un aspect rock’n roll lorsque l’acteur parle dans un micro vintage et fait suinter sa voix.
On rit aussi beaucoup lorsqu’Augustin parle de sa mère très protectrice, et nous fait penser, dans ses discours, à un adolescent d’aujourd’hui qui ferait tout pour échapper à la surveillance de ses parents et qui ne voudrait qu’une chose : faire tout et n’importe quoi pourvu que cela soit proscrit par ceux-ci.
La pièce est jouée dans la salle « bohème » des déchargeurs, soit un tout petit sous sol qui ressemble à une crypte, ce qui renforce le côté mystique de certaines scènes.
J’ai été délicieusement surprise par cette mise en scène minimaliste mais en même temps très puissante, notamment grâce au violoncelle qui renforce chaque atmosphère et leur donne une certaine spiritualité.
Seul sur scène, Dominique Touzé fait le récit de la vie d’Augustin à la première personne, en ayant pour seul interlocuteur Dieu, matérialisé par le violoncelliste Guillaume Bongiraud qui nous livre une prestation et un son incroyable.
Au début j’ai eu peur d’avoir une réplique d’un sermon chrétien ennuyeux mis sous la forme d’un récit ; Mal m’en pris ! La mise en scène de cette adaptation passe par une multitude d’étapes, d’états d’esprit : il y a un côté mystique créé par le violoncelle et les appels à Dieu, un joyeux et presque enfantin lorsque le violoncelle chantonne "apprend et lis" pour Augustin qui reprend la comptine, mais aussi un aspect rock’n roll lorsque l’acteur parle dans un micro vintage et fait suinter sa voix.
On rit aussi beaucoup lorsqu’Augustin parle de sa mère très protectrice, et nous fait penser, dans ses discours, à un adolescent d’aujourd’hui qui ferait tout pour échapper à la surveillance de ses parents et qui ne voudrait qu’une chose : faire tout et n’importe quoi pourvu que cela soit proscrit par ceux-ci.
La pièce est jouée dans la salle « bohème » des déchargeurs, soit un tout petit sous sol qui ressemble à une crypte, ce qui renforce le côté mystique de certaines scènes.
J’ai été délicieusement surprise par cette mise en scène minimaliste mais en même temps très puissante, notamment grâce au violoncelle qui renforce chaque atmosphère et leur donne une certaine spiritualité.
8/10
Une scène toute petite, un auteur inconnu (du moins, que je ne connaissais pas du tout), deux personnages sur scène, une histoire de séparation : des ingrédients qui ne nous préparent sûrement pas à la puissance que dégage la pièce Diktat.
Deux demi-frères se retrouvent dans un endroit incongru après 25 ans d’absence. Dans ce laps de temps, une guerre meurtrière et traumatisante pour les deux personnages.
L’un, Piet, est psychiatre renommé, futur ministre de la santé : il s’est battu du côté des Traces, pour que ceux-ci retrouvent leur « terre » et leurs « droits ». L’autre, Val, est Tribe et enseigne l’Histoire en France.
L’un a gagné la guerre, l’autre l’a perdu mais a perdu bien plus que cela, en commençant par son enfance et son innocence. Ils sont demi-frères et viennent de la même mère ; pourtant ils se sont battus dans deux camps différents, et se sont trahis.
On s’attend à un règlement de compte, à des explications plus ou moins convaincantes de la part des deux personnages, à des larmes, à des cris de désespoir et des envies de vengeance. Ces éléments sont bien présents mais ils ne font que le tiers du spectacle : celui-ci possède un cheminement de pensée plus complexe, et je dois dire, bien plus intéressant.
A travers les paroles des deux personnages, nous écoutons le parcours de deux vies, et de deux modes de réflexion dissemblables et qui vont néanmoins se rejoindre. A mesure que ce cheminement de pensée se fait, l’action déroule son cours, nous tenant en haleine autant par les émotions que par l’esprit. Jusqu’à une fin des plus surprenantes mais cependant parfaite conclusion d’une évolution des discours des deux protagonistes mise en œuvre dès le début de la pièce.
Une mise en scène simple, épurée, qui met en valeur le merveilleux texte de Diktat. Deux acteurs justes, tout ce qu’il y a de plus juste et donc de plus vrai : pas une fausse note dans chacune de leurs paroles, dans chacun de leurs gestes. Bien plus qu’une histoire de guerre, et de ruines provoquées par celle-ci, Diktat nous raconte deux HISTOIRES, deux contes contemporains qui touchent pourtant une vérité bien plus réelle que n’importe quel témoignage authentique.
Deux demi-frères se retrouvent dans un endroit incongru après 25 ans d’absence. Dans ce laps de temps, une guerre meurtrière et traumatisante pour les deux personnages.
L’un, Piet, est psychiatre renommé, futur ministre de la santé : il s’est battu du côté des Traces, pour que ceux-ci retrouvent leur « terre » et leurs « droits ». L’autre, Val, est Tribe et enseigne l’Histoire en France.
L’un a gagné la guerre, l’autre l’a perdu mais a perdu bien plus que cela, en commençant par son enfance et son innocence. Ils sont demi-frères et viennent de la même mère ; pourtant ils se sont battus dans deux camps différents, et se sont trahis.
On s’attend à un règlement de compte, à des explications plus ou moins convaincantes de la part des deux personnages, à des larmes, à des cris de désespoir et des envies de vengeance. Ces éléments sont bien présents mais ils ne font que le tiers du spectacle : celui-ci possède un cheminement de pensée plus complexe, et je dois dire, bien plus intéressant.
A travers les paroles des deux personnages, nous écoutons le parcours de deux vies, et de deux modes de réflexion dissemblables et qui vont néanmoins se rejoindre. A mesure que ce cheminement de pensée se fait, l’action déroule son cours, nous tenant en haleine autant par les émotions que par l’esprit. Jusqu’à une fin des plus surprenantes mais cependant parfaite conclusion d’une évolution des discours des deux protagonistes mise en œuvre dès le début de la pièce.
Une mise en scène simple, épurée, qui met en valeur le merveilleux texte de Diktat. Deux acteurs justes, tout ce qu’il y a de plus juste et donc de plus vrai : pas une fausse note dans chacune de leurs paroles, dans chacun de leurs gestes. Bien plus qu’une histoire de guerre, et de ruines provoquées par celle-ci, Diktat nous raconte deux HISTOIRES, deux contes contemporains qui touchent pourtant une vérité bien plus réelle que n’importe quel témoignage authentique.
7,5/10
Une comédie-ballet de Molière et de Lully qu’on ne connaît guère mais qui expose des thèmes chers à l’auteur, et qui est d’une violence rare dans ses propos, et où l’on mélange comédiens, chanteurs et musiciens dans une histoire rocambolesque.
C’est l’histoire de Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme limousin, qui monte à Paris pour épouser la fille d’un de ses amis, se prénommant Julie. Mal lui en prend car l’amant de cette même Julie lui prépare les pires tours possible afin de le rendre fou et d’annuler ce mariage arrangé. En passant par la médecine et ses remèdes mortifères, ainsi que la justice parisienne qui « pend les gens avant de faire leur procès », le pauvre Monsieur de Pourceaugnac repartira en courant chez lui, dans un habit de femme, en bredouillant des phrases incompréhensibles dont ressortiront le plus souvent le mot « lavement ».
Durant toute la durée du spectacle, j’ai eu l’impression d’assister à une pièce de Labiche ou de Feydeau, tant le rythme était soutenu, les acteurs tournoyant et alternant entre danses sataniques, figures (presque) acrobatiques, chant, tours de passe-passe… De plus, la transposition de la pièce dans les années 50 donne encore plus d’énergie et d’audace à la représentation.
Les diableries d’Eraste, l’amant de Julie, et de ses compagnons, ne s’arrêtent jamais pour mieux faire tourner en bourrique le gentilhomme limousin. La musique accompagne à merveille ces instants de farce, mais aussi de chants et de danse, notamment celui où toute la clique d’Eraste tourne et cavalcade en une ronde diabolique autour de Monsieur de Pourceaugnac, alors que celui-ci va recevoir son premier lavement. On en a presque mal à la tête !
L’atmosphère reste très joyeuse, enfantine, on se croirait dans une cour de récréation : les acteurs courent de partout, préparent sur scène leurs manigances, lancent des poireaux dans le public, et se moquent allègrement de leur victime. On en oublie presque avec quelle cruauté ils le font, traitant Monsieur de Pourceaugnac de fou, d’impuissant, de menteur, d’homme à femmes, et le condamnant finalement à la pendaison. Le tout est tellement grotesque que l’acteur lui-même, jouant Monsieur de Pourceaugnac, ne semble pas ressentir la détresse absolue de son personnage, il semble s’en moquer lui aussi, comme les autres personnages. Il joue très bien la confusion dans laquelle se trouve son personnage, mais son drame est presque occulté au profit du rire. On en perd ainsi la saveur tragico-comique de la pièce, et sa profondeur peut être.
C’est l’histoire de Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme limousin, qui monte à Paris pour épouser la fille d’un de ses amis, se prénommant Julie. Mal lui en prend car l’amant de cette même Julie lui prépare les pires tours possible afin de le rendre fou et d’annuler ce mariage arrangé. En passant par la médecine et ses remèdes mortifères, ainsi que la justice parisienne qui « pend les gens avant de faire leur procès », le pauvre Monsieur de Pourceaugnac repartira en courant chez lui, dans un habit de femme, en bredouillant des phrases incompréhensibles dont ressortiront le plus souvent le mot « lavement ».
Durant toute la durée du spectacle, j’ai eu l’impression d’assister à une pièce de Labiche ou de Feydeau, tant le rythme était soutenu, les acteurs tournoyant et alternant entre danses sataniques, figures (presque) acrobatiques, chant, tours de passe-passe… De plus, la transposition de la pièce dans les années 50 donne encore plus d’énergie et d’audace à la représentation.
Les diableries d’Eraste, l’amant de Julie, et de ses compagnons, ne s’arrêtent jamais pour mieux faire tourner en bourrique le gentilhomme limousin. La musique accompagne à merveille ces instants de farce, mais aussi de chants et de danse, notamment celui où toute la clique d’Eraste tourne et cavalcade en une ronde diabolique autour de Monsieur de Pourceaugnac, alors que celui-ci va recevoir son premier lavement. On en a presque mal à la tête !
L’atmosphère reste très joyeuse, enfantine, on se croirait dans une cour de récréation : les acteurs courent de partout, préparent sur scène leurs manigances, lancent des poireaux dans le public, et se moquent allègrement de leur victime. On en oublie presque avec quelle cruauté ils le font, traitant Monsieur de Pourceaugnac de fou, d’impuissant, de menteur, d’homme à femmes, et le condamnant finalement à la pendaison. Le tout est tellement grotesque que l’acteur lui-même, jouant Monsieur de Pourceaugnac, ne semble pas ressentir la détresse absolue de son personnage, il semble s’en moquer lui aussi, comme les autres personnages. Il joue très bien la confusion dans laquelle se trouve son personnage, mais son drame est presque occulté au profit du rire. On en perd ainsi la saveur tragico-comique de la pièce, et sa profondeur peut être.
7/10
Un grand homme arrive sur scène, nous interpelle directement dans la salle, nous parle de la pluie et du beau temps, de la fête de la musique… Et de poésie.
Oui, il nous récite du Rimbaud, du Baudelaire, du Cocteau ainsi que des poèmes d’Aragon, tout en nous précisant « c’est du concret tout ça ». Et ce n’est pas peu dire : il rapproche le thème de la femme dans la poésie de Baudelaire à ses mésaventures entre sa mère qu’il n’aimait pas, sa maitresse qui n’aimait pas son chat et le jetait dehors, et même son beau-père qu’il détestait. Il raconte aussi les fugues répétitives de Rimbaud qui exécrait son village natal, Charleville, et qui multipliait les évadés et les voyages dans sa poésie, notamment dans Le bateau ivre. Vous voyez bien, tout cela, c’est du concret, la poésie nous parle de choses que l’on connait !
Avec son timbre particulier, il rend la poésie musique car en effet, on oublie souvent que la poésie est « une hésitation entre le son et le sens ». Il fait vibrer (littéralement) ces vers dans sa gorge et nous les envoie doucement au travers de la salle, tout en coupant ses salves poétiques, d’explications plus ou moins fumeuses mais toujours dites avec humour et douceur.
Laurent Perreaux nous dit ici son amour de la poésie, des poètes, et de la vie. Et il nous fait même un teaser pour son prochain spectacle, autour de la poésie du XVIème siècle jusqu’au XXIème siècle, en nous récitant le poème d’un auteur contemporain, et nous donnant très envie de le revoir l’année prochaine.
Oui, il nous récite du Rimbaud, du Baudelaire, du Cocteau ainsi que des poèmes d’Aragon, tout en nous précisant « c’est du concret tout ça ». Et ce n’est pas peu dire : il rapproche le thème de la femme dans la poésie de Baudelaire à ses mésaventures entre sa mère qu’il n’aimait pas, sa maitresse qui n’aimait pas son chat et le jetait dehors, et même son beau-père qu’il détestait. Il raconte aussi les fugues répétitives de Rimbaud qui exécrait son village natal, Charleville, et qui multipliait les évadés et les voyages dans sa poésie, notamment dans Le bateau ivre. Vous voyez bien, tout cela, c’est du concret, la poésie nous parle de choses que l’on connait !
Avec son timbre particulier, il rend la poésie musique car en effet, on oublie souvent que la poésie est « une hésitation entre le son et le sens ». Il fait vibrer (littéralement) ces vers dans sa gorge et nous les envoie doucement au travers de la salle, tout en coupant ses salves poétiques, d’explications plus ou moins fumeuses mais toujours dites avec humour et douceur.
Laurent Perreaux nous dit ici son amour de la poésie, des poètes, et de la vie. Et il nous fait même un teaser pour son prochain spectacle, autour de la poésie du XVIème siècle jusqu’au XXIème siècle, en nous récitant le poème d’un auteur contemporain, et nous donnant très envie de le revoir l’année prochaine.
5/10
La pièce de Strindberg « Mademoiselle Julie » est transposée dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Tout se passe dans une ferme au milieu d’un désert. L’atmosphère est lourde, on attend la pluie, et l’orage qui gronde ne se décide toujours pas à éclater. Les comédiens n’ont même pas encore débuté la première scène qu’ils ont déjà chaud, leur corps suinte, et une tension palpable est présente dès le moment où Julie pose un pied sur la petite scène délimitée par du sable, qui représente la cuisine de la maison. On dirait un lion en cage, elle ne cesse de sauter partout, de courir, de faire des mouvements brusques.
La mise en scène fait ressentir au spectateur cette chaleur, cette tension, et en même temps la lourdeur des traditions qui pèse sur les personnages. Tout est brutal, chaque mouvement est haché : on tape, on frappe, on baise, on tue. On aime et on hait, mais toujours violemment. Même la langue (toute la pièce est en anglais surtitrée français) semble comme heurtée, et j’ai été impressionnée par cette faculté qu’ont les acteurs de faire un discours saccadé, chaque consonne est comme crachée hors de la bouche, et cela ne me semblait pas compatible avec la langue anglaise, de prime abord.
Je n’ai pas réussi à rentrer dans cette mise en scène. Il me semblait que le texte de Strindberg était aussi haché par les prises de positions des personnages et par leurs comportements, alors qu’il méritait un traitement plus fin, ou peut être plus nuancé. Néanmoins la pièce a ce parti pris et le garde jusqu’au bout (et elle le fait plutôt bien), elle l’assume entièrement. Mais certaines scènes m’ont fait presque rire tant elles étaient traitées sans finesse : la danse de la virilité de John ou encore le discours d’amoureuse transi de Julie.
C’est une mise en scène extrêmement violente : âmes sensibles, SURTOUT s’abstenir. Pourtant elle est entière, comme ses personnages, elle va jusqu’au bout de ce qu’elle veut montrer, et on ne peut le lui reprocher.
La mise en scène fait ressentir au spectateur cette chaleur, cette tension, et en même temps la lourdeur des traditions qui pèse sur les personnages. Tout est brutal, chaque mouvement est haché : on tape, on frappe, on baise, on tue. On aime et on hait, mais toujours violemment. Même la langue (toute la pièce est en anglais surtitrée français) semble comme heurtée, et j’ai été impressionnée par cette faculté qu’ont les acteurs de faire un discours saccadé, chaque consonne est comme crachée hors de la bouche, et cela ne me semblait pas compatible avec la langue anglaise, de prime abord.
Je n’ai pas réussi à rentrer dans cette mise en scène. Il me semblait que le texte de Strindberg était aussi haché par les prises de positions des personnages et par leurs comportements, alors qu’il méritait un traitement plus fin, ou peut être plus nuancé. Néanmoins la pièce a ce parti pris et le garde jusqu’au bout (et elle le fait plutôt bien), elle l’assume entièrement. Mais certaines scènes m’ont fait presque rire tant elles étaient traitées sans finesse : la danse de la virilité de John ou encore le discours d’amoureuse transi de Julie.
C’est une mise en scène extrêmement violente : âmes sensibles, SURTOUT s’abstenir. Pourtant elle est entière, comme ses personnages, elle va jusqu’au bout de ce qu’elle veut montrer, et on ne peut le lui reprocher.