• Classique
  • Théâtre des Bouffes du Nord
  • Paris 10ème

Monsieur de Pourceaugnac

Monsieur de Pourceaugnac
De Molière , Lully
Mis en scène par Clément Hervieu-Léger
  • Théâtre des Bouffes du Nord
  • 37 bis, boulevard de la Chapelle
  • 75010 Paris
Itinéraire
Billets de 18,00 à 40,00
Evénement plus programmé pour le moment
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Le 6 octobre 1669, la troupe de Molière crée, au château de Chambord, une nouvelle comédie-ballet, sur une musique de Lully, pour le « divertissement du Roi ».

Monsieur de Pourceaugnac narre les aventures de ce gentilhomme limougeaud monté à Paris pour épouser la jeune Julie mais que Sbrigani et Nérine, gens d’intrigue payés par l’amant de la belle, vont s’ingénier à perdre. La pièce connaît un grand succès. Elle ne sera pourtant que rarement montée par la suite. Certains ont ainsi voulu voir dans la comédie-ballet l’éphémère triomphe d’un genre mineur. C’est là bien mal considérer l’ambition du projet de Molière.

 

En mêlant inextricablement l’art dramatique, la musique et la danse, Molière rêve d’un spectacle total qui révélerait, aux yeux de tous, la puissance du théâtre. Dans Monsieur de Pourceaugnac, peut-être davantage que dans toute autre pièce, il nous rappelle que le théâtre est un monde où toutes les transgressions sont permises, un monde où les fous sont les rois, où les fous sont les sages.

La critique de Phane (rédac' AuBalcon) : 7.5/10. Une comédie-ballet de Molière et de Lully qu’on ne connaît guère mais qui expose des thèmes chers à l’auteur, et qui est d’une violence rare dans ses propos, et où l’on mélange comédiens, chanteurs et musiciens dans une histoire rocambolesque.

C’est l’histoire de Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme limousin, qui monte à Paris pour épouser la fille d’un de ses amis, se prénommant Julie. Mal lui en prend car l’amant de cette même Julie lui prépare les pires tours possible afin de le rendre fou et d’annuler ce mariage arrangé. En passant par la médecine et ses remèdes mortifères, ainsi que la justice parisienne qui « pend les gens avant de faire leur procès », le pauvre Monsieur de Pourceaugnac repartira en courant chez lui, dans un habit de femme,  en bredouillant des phrases incompréhensibles dont ressortiront le plus souvent  le mot « lavement ».

Durant toute la durée du spectacle, j’ai eu l’impression d’assister à une pièce de Labiche ou de Feydeau, tant le rythme était soutenu, les acteurs tournoyant et alternant entre danses sataniques, figures (presque) acrobatiques, chant, tours de passe-passe…  De plus, la transposition de la pièce dans les années 50 donne encore plus d’énergie et d’audace à la représentation.

Les diableries d’Eraste, l’amant de Julie, et de ses compagnons, ne s’arrêtent jamais pour mieux faire tourner en bourrique le gentilhomme limousin. La musique accompagne à merveille ces instants de farce, mais aussi de chants et de danse, notamment celui où toute la clique d’Eraste tourne et cavalcade en une ronde diabolique autour de Monsieur de Pourceaugnac, alors que celui-ci va recevoir son premier lavement. On en a presque mal à la tête !

L’atmosphère reste très joyeuse, enfantine, on se croirait dans une cour de récréation : les acteurs courent de partout, préparent sur scène leurs manigances, lancent des poireaux dans le public, et se moquent allègrement de leur victime. On en oublie presque avec quelle cruauté ils le font, traitant Monsieur de Pourceaugnac de fou, d’impuissant, de menteur, d’homme à femmes, et le condamnant finalement à la pendaison. Le tout est tellement grotesque que l’acteur lui-même, jouant Monsieur de Pourceaugnac, ne semble pas ressentir la détresse absolue de son personnage, il semble s’en moquer lui aussi, comme les autres personnages. Il joue très bien la confusion dans laquelle se trouve son personnage, mais son drame est presque occulté au profit du rire. On en perd ainsi la saveur tragico-comique de la pièce, et sa profondeur peut être. 

Note rapide
8,7/10
pour 6 notes et 4 critiques
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Note de 4 à 7
17%
4 critiques
Note de 8 à 10
83%
Toutes les critiques
7 juil. 2016
9,5/10
226
La Grâce !
Durant deux heures, la Grâce a enveloppé les Bouffes-du-Nord !

Ce Monsieur de Pourceaugnac-là n'est pas un spectacle, c'est un plaisir à l'état pur !

Molière, Lully, Clément Hervieu-Léger, le metteur en scène, William Christie, le directeur musical, les comédiens, les musiciens des Arts Florissants nous ont offert des moments rares.

De ces moments qui vous réconcilient avec le genre humain, de ces moments qui vous rendent purement et simplement heureux.

Mais un petit retour en arrière s'impose.

6 octobre 1669, Chambord.
Molière présente au roi et à sa cour une pièce en trois actes.
Mais pas n'importe quelle pièce !
Poquelin a voulu un « spectacle total », comme on dirait de nos jours.
Avec son compère Lully, il sont allés au-delà de la comédie-ballet : la musique, le chant et la danse vont faire totalement partie de la dramaturgie.

L'un des grands mérites de Clément Hervieu-Léger est d'avoir bien compris ce parti-pris et de l'avoir lumineusement mis en avant.
En s'adjoignant les illustres services de William Christie, il a parfaitement su exploiter ce mélange des genres pour créer un formidable spectacle.
Sa mise en scène est à la fois ample et précise, aérienne et enlevée.
En tant que familier de la danse classique, il possède un sens affirmé de l'espace : il sait où placer les corps, il sait comment les faire bouger, évoluer, comment les faire se déplacer, les regrouper, les isoler.
Le tout, avec une élégance et délicatesse rares.

Sans oublier une irrésistible drôlerie qui provoque durant ces deux heures bien des rires et fou-rires.

Et pourtant, Molière nous raconte une histoire bien cruelle, une vraie descente aux enfers : M. de Porceaugnac, sur fond (déjà....) d'opposition Paris-Province, en étant empêché d'épouser sa Julie, va totalement perdre son identité propre, au fur et à mesure que l'action se déroule.

Gilles Privat, dans le rôle-titre, est épatant de drôlerie (la scène des clystères est impayable) et d'humour (ses improvisations au balcon sont excellentes) !
De plus, il réussit également à rendre très palpable le désespoir qui envahit son personnage : on rit de ce gentilhomme limougeaud, mais on souffre également pour lui.
La compassion et la pitié ne sont pas loin.

Les autres comédiens sont également à l'avenant !

Daniel San Pedro est un Sbrigani on ne peut plus roué ! (Il est délirant en matador castillan, au féroce accent ! )
Clémence Boué incarne une Nérine du même acabit.
Ces deux-là ne ménagent pas leur peine.

Quant à Matthieu Lécroart, il nous propose avec brio et maestria un médecin tel qu'on n'en voudrait pas rencontrer tous les jours !
Il faut noter sa belle voix de baryton-basse.

D'ailleurs, d'autres comédiens eux aussi chantent, et de belle façon : Cyril Constanzo (basse), Claire Debono (soprano), et Erwin Aros (haute-contre).

Mention spéciale à Caroline de Vivaise qui a créé de très jolis costumes années 50.

Et puis, il y a l'un de mes héros !

William Christie, au clavecin et à la direction musicale est purement et simplement merveilleux.
Lui aussi s'amuse beaucoup, étant inclus dans la dramaturgie.
Etant assis tout près de lui, j'ai pu le surprendre à rire également des facéties des comédiens.

Deux heures de bonheur, vous dis-je !

A l'unisson de ce que chante le choeur dans le dernier intermède :
« Ne songez qu'à vous réjouir,
La grande affaire est le plaisir ! »
22 juin 2016
9/10
120
Une gourmandise théâtrale. Cousue de fil d’or mouillé dans l’eau vive pour rendre plus précieuse l’élégance et plus fluide la farce, la pièce Monsieur de Pourceaugnac nous permet de voir un Molière illustrant à nouveau, acerbe et cynique, sa lutte contre les excès du pouvoir, de la forfanterie et des pourceaux qui s’en enorgueillissent.

Dans cette comédie-ballet, divertissement pour le roi, jouée en 1669, Molière joue de la folie comme d’une arme contre la puissance et ses abus, rendant tout possible et dévastant au passage les obstacles foudroyés par sa vindicte délirante.

De la folie, Molière en fait souvent son lot et du fou un de ses personnages de prédilection, incontournable de sa dramaturgie, à l’instar des médecins et des vieux parents avares ou calculateurs. Et à chaque fois, cela fleure bon la duperie ou la mascarade, permettant à son théâtre tout le burlesque qui en fait sa saveur.

Servie par une distribution en forme, réjouissante et saccageuse, la pièce est ici montée par Clément Hervieu-Léger. Il n’en laisse rien perdre de sa cruelle férocité et de sa drôlerie à l’abattage fourbe et désopilant. Nous rions franchement et de bon plaisir, saisis par un beau et soigneux spectacle.

Les musiciens des Arts Florissants donnent à la musique de Lully un raffinement brillant et mémorable.

La mise en scène d’Hervieu-Léger semble avoir choisi d’opposer à la grâce et à la légèreté de la musique, une rudesse et une brutalité étonnantes des jeux de comédie, renforçant la cocasserie bouffonne des situations et la puissance du ridicule porté par le texte.

Tout va très vite, tout s’enchaîne avec ardeur. Les entrées et les sorties de toutes parts et à toute allure : devant, derrière, de la cour, du jardin, du balcon… Nous sommes emportés dans ce tourbillon rieur et nous savourons comme un apaisement les parties musicales, instrumentales, chantées ou dansées.

L’harmonie de l’ensemble fonctionne à merveille, le plaisir est en abondance. Du bel ouvrage. Un fichu beau moment.
19 juin 2016
8,5/10
94
Pousser la porte du Théâtre des Bouffes du Nord et prendre place dans la salle aux murs nus portant encore les vestiges d’un incendie ravageur, c’est déjà faire un bond dans le temps et plonger dans une histoire lointaine sublimée dans nos oreilles quand dix musiciens prennent place sur le plateau, à jardin, faisant s’élever jusqu’à nous la mélodie de Lully.

« Aimons-nous d’une ardeur éternelle » peut-on lire à la craie sur le mur de la maison principale, sous une ancienne publicité pour la Suze, effacée par le temps. Choc auditif et visuel donc puisque les notes et la scénographie semblent en décalage. Cependant, tout s’imbrique parfaitement au fil de la représentation. Après un début quelque peu fragile voire laborieux, dans une agitation perpétuelle, le rythme trouve le ton juste à l’arrivée de Monsieur de Pourceaugnac et sa prise en charge par ceux qui ne vont cesser de le malmener. Molière et Lully s’amusent à ne faire plus qu’un de la musique et du théâtre dans cette comédie-ballet non dépourvue d’humour. On rit beaucoup de l’infortune du personnage éponyme et de sa crédulité grâce à une distribution de haut vol et une mise en scène enjouée. Que ce soit les entrées et sorties par le public, la déambulation plaisante de Monsieur de Pourceaugnac dans les rangs du balcon ou l’affrontement à coups de poireaux terminant aux pieds de certains spectateurs, nous ne restons jamais extérieurs à l’intrigue et tout est fait pour que nous nous sentions concernés et investis dans cette mascarade où « il pleut en cette ville des femmes et des lavements » pour l’infortuné étranger à qui l’on rappelle que « la polygamie est un cas pendable ».

Si nous émettons quelques réserves au sujet de Juliette Léger qui incarne une Julie plutôt fade et lisse qui ne permet pas à la charismatique actrice de montrer l’étendue de ses capacités scéniques, en revanche, nous attribuons une mention spéciale à Gilles Privat qui est un Monsieur de Pourceaugnac désemparé et crédule, avec une justesse remarquable. Nous sommes pris d’empathie pour son personnage qui devra affronter un Daniel San Pedro survolté, surjouant à la perfection avec un bel équilibre pour atteindre son but.

Clémence Boué est une envoûtante Nérine. Les faux médecins, avocats ou apothicaire, Cyril Costanzo, Stéphane Facco et Matthieu Lécroart, sont irrésistibles tandis qu’Alain Trétout est un formidable patriarche, donnant du relief au personnage d’Oronte. Acteurs et chanteurs se fondent les uns aux autres pour un mélange des genres et des arts fort réussi. Notons la belle prestation de la soprano Claire Debono dont les jolies couleurs vocales ont su nous séduire d’entrée de jeu. La scénographie, signée Aurélie Maestre, affiche une dominance de noir, gris et blanc. Des couleurs plus vives sont apportés par les costumes de Caroline de Vivaise, collaboratrice régulière de Patrice Chéreau (qui fera l’objet d’une exposition en novembre 2017 à l’Opéra national de Paris) avec lequel Clément Hervieu-Léger avait également travaillé pour l’opéra Così Fan Tutte de Mozart. D’ailleurs, sa mise en scène énergique laisse transparaitre les influences du « maestro ». Usant du travestissement et de l’exagération à grand renfort d’accents, de danses, d’intermèdes chantés et de musique, il nous livre une partition sans réelle fausse note, en adéquation avec le talent des musiciens des Arts Florissants dirigés en juin par Paolo Zanzu et en juillet par William Christie lui-même.

Monsieur de Pourceaugnac s’inscrit pleinement dans le genre de la comédie-ballet qui mêle la danse, la musique et le théâtre. Ce mélange des arts est orchestré d’une main de maître par Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie-Française, à la mise en scène, et par William Christie, chef d’orchestre des Arts Florissants, à la direction musicale. Ils célèbrent tous deux avec virtuosité et sensibilité le mariage fougueux entre Molière et Lully au Théâtre des Bouffes du Nord pour notre plus grand plaisir afin de nous offrir un moment troublant et savoureux, s’amusant à conjuguer à l’unisson musique et théâtre jusqu’au dénouement marquant le bonheur et l’harmonie retrouvés.
15 juin 2016
9/10
134
Après avoir créé son Monsieur de Pourceaugnac au Théâtre de Caen fin 2015 puis emmené ses comédiens et la fine équipe de la compagnie des Arts Florissants dirigée par William Christie à Madrid ou Bilbao, Clément Hervieu Léger s’installe aux Bouffes du Nord pour 20 représentations hautes en couleurs, en rires et en chansons.

La comédie-ballet, telle que l’avaient écrite Molière et Lully en 1669 se transforme, sous la houlette du pensionnaire du Français, en pétillante et virevoltante farce où rires et chants s’entremêlent pour le plus grand plaisir des spectateurs.

L’histoire, tout d’abord, reste fidèle aux thèmes favoris de Molière : un brave provincial, Mr de Pourceaugnac, vient à Paris pour épouser la jolie Julie, promise par son père Oronte à Pourceaugnac. Mais Julie aime Eraste et les jeunes amants mettent au point une ruse diabolique pour déjouer les plans du naïf bourgeois. A coup de faux médecins, d’amantes abandonnées fictives, de simili brigands, Pourceaugnac sera berné, trompé et n’aura plus d’autre choix que de retourner à Limoges déguisé en femme.

C’est une belle alchimie qui lie les comédiens et chanteurs lyriques réunis par Clément Hervieu-Léger. Tous, dans une énergie virevoltante et débridée, s’en donnent à cœur joie et participent de concert à la farce étonnamment moderne de Molière. A commencer par Gilles Privat, formidable Pourceaugnac tour à tour sûr de lui, puis perdu pour finir totalement terrorisé, à qui le comédien donne un coté terriblement attachant malgré son ridicule grotesque copieusement raillé. Daniel San Pedro campe un Sbrigani délicieusement machiavélique et roublard, scapinement toinesque ou toinesquement scapin, au choix. Clémence Boué est une Nérine aussi rusée que son comparse, tandis que Juliette Léger (mutine Julie) et Guillaume Ravoire (romantique Eraste) sont des amants touchants et ingénus. Alain Trétout n'est pas en reste en Oronte dépassé et berné, tandis que Stéphane Facco campe un médecin aussi usurpateur que Diaforus ou Purgon le furent dans Le malade imaginaire.

Clément Hervieu-Léger situe l'intrigue dans le Paris des années 50 : jupes corolles et tailles de guêpe, corsaires, débardeurs jacquard et vestons courts ajoutent à la malice de cette jeunesse impertinente qui se fiche de ce provincial mal dégrossi mal affublé. Les décors, sont composés de panneaux manipulés à vue par les comédiens et l'on verra même arriver vélos ou carrément une vieille Simca 5. On pourrait être en Italie, aussi, tant les accents chantants que prennent les faux brigands ou fausses épouses laissent planer le doute, tant quelque intermède est chanté lui aussi en italien, tant la décontraction sereine et rieuse de cette jeunesse laisse planer un délicieux goût de dolce vita, qui plus est magnifiquement éclairé par Bertrand Couderc, dont on avait pu admirer le travail dans le Roméo et Juliette, de Eric Ruf au Français.

Ce Monsieur de Pourceaugnac est donc une transposition énergique et vive qui mêle chants (les musiciens des Arts Florissants s'amusent visiblement à accompagner l'équipe des comédiens) satire (les thèmes chers à Molière sont bien là comme la raillerie de la médecine, de la bourgeoisie ou de l'avarice) et farce habilement modernisée (on verra des poireaux voler dans le public, les travestissements sont truculents) et, au final, provoque de francs éclats de rire dans le public.

On en sort le sourire aux lèvres, étourdi, fier que Molière suscite encore autant d'engouement et de plaisirs, heureux que cette joie communicative et pétaradante soit venue nous surprendre et nous ravir.

« Ne songeons qu'à nous réjouir, La grande affaire est le plaisir », fredonnent les personnages dans le dernier intermède. Réjouissons-nous donc de cette délicieuse comédie, et prenons-y le plus grand plaisir.
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor