Ses critiques
119 critiques
8/10
2666, c’est un roman fleuve (1300 pages) où les trois premières parties semblent être totalement distinctes, rassemblant des personnages, situations géographiques, époques totalement différentes. Quatre critiques européens spécialistes d’un obscur auteur allemand Benno von Archimboldi dans la première (la partie des critiques), un professeur de philosophie chilien reclus dans la petite ville de Santa Teresa dans la deuxième (la partie d’Amalfitano) un journaliste politique noir-américain envoyé couvrir un combat de boxe dans la ville de Santa Teresa (la partie de Fate). Seuls points d’ancrages qui reviennent petit à petit puis de plus en plus souvent dans ces récits : une série de crimes violents, inouïs, commis sur des femmes dans la petite ville de Santa Teresa.
La quatrième partie (la partie des crimes) résume un par un les assassinats. Dans la cinquième, enfin, (la partie d’Archimboldi) les pièces du puzzle se rassemblent et on saisira le monstrueux et édifiant tableau qu’a voulu peindre Bolano.
Foisonnant et complexe, donc, mais matière incroyablement substantifique qui permet à Julien Gosselin de proposer un spectacle fleuve (11 h) dont on sort à la fois rincé et sous le choc d’une telle maîtrise.
Du texte, Julien Gosselin retient l’essentiel : les cinq parties sont conservées et le spectateur sera à son tour perdu entre elles, réduit en conjectures et perplexité devant un tel foisonnement. Il a également fait traduire dans les langues originelles de chaque personnage leurs textes et le spectacle en devient polyglotte et multiculturel (allemand, anglais, espagnol, français surtitrés alternent au fil des scènes). Pour représenter ces multiples lieux, contextes, la scénographie de Hubert Colas utilise des cubes qui coulissent en avant ou en arrière, sur eux-même, des voiles : espaces démultipliés, juxtaposés, divisés pour une scénographie toute en volumes et dimensions, ombres et lumières qui décuple l’effet, démultiplie ou atténue, c’est selon, la violence de certaines et scènes, tout comme leur beauté.
L’utilisation de la vidéo permet également des jeux de profondeur et de miroirs : les comédiens se filment (parfois eux même) avec des micro caméras (on est loin de l’imposant et parfois envahissant attirail utilisé par Ivo van Hove dans les Damnés), et les écrans vidéos au dessus et sur les cotés de la scène projettent les images. Le spectateur est pris dans l’étau de ces images démultipliées, envoûté par leur force et la musique jouée en live par des musiciens discrètement installés en hauteur. C’est parfois très fort, parfois trop, parfois aveuglant, parfois déroutant, parfois insoutenable de bruit, toujours captivant.
Au delà ce ce travail impressionnant où l’on devine la minutie extrême de la mise en scène, le travail de fourmi fait en amont pour découper, réécrire, étudier et proposer au spectateur une histoire incroyablement dense, on ne peut qu’applaudir également le travail de troupe qui est offert ici : les comédiens de Julien Gosselin jouent ensemble dans une réelle harmonie. Parfois inégaux ou plutôt parfois lestés de monologues longs et lancinants (monologue de Hugo Halder, de la députée mexicaine ou narratrice finale) mais toujours totalement investis malgré les heures qui défilent, on salue particulièrement Adama Diop, formidable, Carine Goron, parfaite équilibriste des sentiments, tout comme Noémie Gontier ou Antoine Ferron, magnifiques. Surprise pour les connaisseurs, l’apparition de Vincent Macaigne dans une des videos.
On en sort rincés, donc, mais aussi et surtout épatés par le travail monumental, millimétré, minutieux. Epatés par l’énergie des comédiens qui rejoueront dès demain pendant 11 heures et plus, épatés par les heures qu’on n’a pas vues défiler et par cette / ces quêtes entre le bien et le mal, entre l’horreur absolue du monde et l’espoir qu’il ne faut jamais cesser de garder .
La quatrième partie (la partie des crimes) résume un par un les assassinats. Dans la cinquième, enfin, (la partie d’Archimboldi) les pièces du puzzle se rassemblent et on saisira le monstrueux et édifiant tableau qu’a voulu peindre Bolano.
Foisonnant et complexe, donc, mais matière incroyablement substantifique qui permet à Julien Gosselin de proposer un spectacle fleuve (11 h) dont on sort à la fois rincé et sous le choc d’une telle maîtrise.
Du texte, Julien Gosselin retient l’essentiel : les cinq parties sont conservées et le spectateur sera à son tour perdu entre elles, réduit en conjectures et perplexité devant un tel foisonnement. Il a également fait traduire dans les langues originelles de chaque personnage leurs textes et le spectacle en devient polyglotte et multiculturel (allemand, anglais, espagnol, français surtitrés alternent au fil des scènes). Pour représenter ces multiples lieux, contextes, la scénographie de Hubert Colas utilise des cubes qui coulissent en avant ou en arrière, sur eux-même, des voiles : espaces démultipliés, juxtaposés, divisés pour une scénographie toute en volumes et dimensions, ombres et lumières qui décuple l’effet, démultiplie ou atténue, c’est selon, la violence de certaines et scènes, tout comme leur beauté.
L’utilisation de la vidéo permet également des jeux de profondeur et de miroirs : les comédiens se filment (parfois eux même) avec des micro caméras (on est loin de l’imposant et parfois envahissant attirail utilisé par Ivo van Hove dans les Damnés), et les écrans vidéos au dessus et sur les cotés de la scène projettent les images. Le spectateur est pris dans l’étau de ces images démultipliées, envoûté par leur force et la musique jouée en live par des musiciens discrètement installés en hauteur. C’est parfois très fort, parfois trop, parfois aveuglant, parfois déroutant, parfois insoutenable de bruit, toujours captivant.
Au delà ce ce travail impressionnant où l’on devine la minutie extrême de la mise en scène, le travail de fourmi fait en amont pour découper, réécrire, étudier et proposer au spectateur une histoire incroyablement dense, on ne peut qu’applaudir également le travail de troupe qui est offert ici : les comédiens de Julien Gosselin jouent ensemble dans une réelle harmonie. Parfois inégaux ou plutôt parfois lestés de monologues longs et lancinants (monologue de Hugo Halder, de la députée mexicaine ou narratrice finale) mais toujours totalement investis malgré les heures qui défilent, on salue particulièrement Adama Diop, formidable, Carine Goron, parfaite équilibriste des sentiments, tout comme Noémie Gontier ou Antoine Ferron, magnifiques. Surprise pour les connaisseurs, l’apparition de Vincent Macaigne dans une des videos.
On en sort rincés, donc, mais aussi et surtout épatés par le travail monumental, millimétré, minutieux. Epatés par l’énergie des comédiens qui rejoueront dès demain pendant 11 heures et plus, épatés par les heures qu’on n’a pas vues défiler et par cette / ces quêtes entre le bien et le mal, entre l’horreur absolue du monde et l’espoir qu’il ne faut jamais cesser de garder .
9/10
Certains pourraient être décontenancés quand commence Antoine et Cléopâtre au Théâtre de la Bastille. Le décor est épuré, une bâche grise recouvre le sol, à cour un tourne-disque est posé sur une petite table, au fond est pendu un immense pendule, sorte de spirale de Calder, où pendent des cercles bleu et or. Le tout est surprenant : on ne sait où on est vraiment.
Sofia Diaz et Victor Roriz arrivent. Vêtus de jeans et T-Shirt, ils entament alors une lente psalmodie : Sofia Diaz nous dit « Antoine dit… » et Victor Roriz nous dit « Cléopâtre dit… ». Chacun tour à tour ils prennent la parole pour délivrer la parole de l’autre. Et ce qui pourrait être déconcertant, déroutant, se met insensiblement en place : au gré du récit, au gré des mots, on se laisse bercer, entraîner, hypnotiser dans la danse d’Antoine et Cléopâtre. On se laisse embarquer dans leur monde résumé à leur amour où leurs devoirs, leurs guerres, leurs pays, ne sont des obstacles insurmontables uniquement pour les autres.
Tiago Rodrigues, qui dirige le Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, le dit : il s’agit ici d’une écriture inspirée de la tragédie shakespearienne, elle-même inspirée de Plutarque, accompagné d’extraits musicaux du film de Mankiewicz, tournée avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. Une inspiration plurielle qui devient, sous une écriture a priori purement factuelle, un hypnotisant voyage, une lente et sublime mélopée dans laquelle on se laisse emporter sans résister. De laquelle on ne veut s’extraire.
C’est là la magie de Tiago Rodrigues, tout comme celle de ses interprètes : avec ce récit dit à la place de l’autre, avec ces images suggérées, délivrées par une chorégraphie ralentie, minimaliste, on finit par accompagner les amants maudits comme un souffle sur leur épaule, invisibles et pourtant présents, envoutés, aspirés dans leur lente spirale de passion et de peurs, de certitudes et de passion, happés par les mots lancinants, entêtants des deux amants.
Alors on aime, oui, on aime, tout comme Tiago Rodrigues aime sans doute Antoine et Cléopâtre, tout comme Sofia Dias aime Victor Roriz, tout comme Antoine aimait Cléopâtre et Cléopâtre aimait Antoine.
Antoine et Cléopâtre. Un spectacle où l’on retient son souffle. Où l’on respire. Où l’on expire. Où l’on inspire. Doucement. Et dont on se souvient longtemps après.
Sofia Diaz et Victor Roriz arrivent. Vêtus de jeans et T-Shirt, ils entament alors une lente psalmodie : Sofia Diaz nous dit « Antoine dit… » et Victor Roriz nous dit « Cléopâtre dit… ». Chacun tour à tour ils prennent la parole pour délivrer la parole de l’autre. Et ce qui pourrait être déconcertant, déroutant, se met insensiblement en place : au gré du récit, au gré des mots, on se laisse bercer, entraîner, hypnotiser dans la danse d’Antoine et Cléopâtre. On se laisse embarquer dans leur monde résumé à leur amour où leurs devoirs, leurs guerres, leurs pays, ne sont des obstacles insurmontables uniquement pour les autres.
Tiago Rodrigues, qui dirige le Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, le dit : il s’agit ici d’une écriture inspirée de la tragédie shakespearienne, elle-même inspirée de Plutarque, accompagné d’extraits musicaux du film de Mankiewicz, tournée avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. Une inspiration plurielle qui devient, sous une écriture a priori purement factuelle, un hypnotisant voyage, une lente et sublime mélopée dans laquelle on se laisse emporter sans résister. De laquelle on ne veut s’extraire.
C’est là la magie de Tiago Rodrigues, tout comme celle de ses interprètes : avec ce récit dit à la place de l’autre, avec ces images suggérées, délivrées par une chorégraphie ralentie, minimaliste, on finit par accompagner les amants maudits comme un souffle sur leur épaule, invisibles et pourtant présents, envoutés, aspirés dans leur lente spirale de passion et de peurs, de certitudes et de passion, happés par les mots lancinants, entêtants des deux amants.
Alors on aime, oui, on aime, tout comme Tiago Rodrigues aime sans doute Antoine et Cléopâtre, tout comme Sofia Dias aime Victor Roriz, tout comme Antoine aimait Cléopâtre et Cléopâtre aimait Antoine.
Antoine et Cléopâtre. Un spectacle où l’on retient son souffle. Où l’on respire. Où l’on expire. Où l’on inspire. Doucement. Et dont on se souvient longtemps après.
9/10
Tous vêtus du rouge de la passion, les comédiens du Grenier de Babouchka, sous la houlette de Jean-Philippe Daguerre, se lancent dans une version du Cid fichtrement dynamitée voire virevoltante si ce n’est bondissante. Ici, le tragique se fond dans l’énergie et devient force centrifuge qui entraîne nos personnages dans une heure quarante d’émotions, de passions, de harangues, de soupirs et de combats à l’épée tous plus réussis que les autres. De la tragédie l’essentiel est conservé : la beauté des alexandrins évidemment, tout comme la trame, rapidement résumée et facilement compréhensible. Chimène aime Rodrigue qui aime Chimène mais Rodrigue, au duel, tue le père de Chimène. Elle ne peut plus aimer l’assassin de son père et réclame justice auprès du roi.
30 mots pour résumer la tragédie cornélienne et aller à l’essentiel.
On assiste, au Ranelagh, à une prestation délicieusement revigorée. L’essentiel cornélien y est et l’histoire, habilement racourcie, est posée dès le début. La compagnie le Grenier de Babouchka, rappelons le, a toujours favorisé les créations jeunesse et leurs adaptations de chefs d’oeuvre du théâtre classique ont été réussies : Le malade imaginaire, Les fourberies de Scapin, Cyrano de Bergerac (que nous avions admiré au Théâtre Michel et qui seront reprises au Ranelagh à partir du 19 décembre prochain). Le Cid n’échappe pas à la règle et resserre habilement l’intrigue sans sacrifier la beauté des alexandrins et la richesse de la plume cornélienne. Pour cette adaptation, quelques aménagements / réinterprétations pourront étonner, comme la vision d’un Roi plus fou du Roi que Roi tout court. Certes, Alexandre Bonstein détonne avec son zézaiement et son ridicule assumé, mais – et n’oublions pas la cible jeunesse du Grenier de Babouchka- déclenche dès son arrivée les rires du public, raccrochant au wagon les plus jeunes des spectateurs.
Judicieusement accompagnés par Petr Ruzicka (violon, percussions) et Antonio Matias (accordéon, guitare, percussions), les comédiens s’élancent dans leurs rôles avec un détermination sans faille : Kamel Isker (en alternance avec Thibault Pinson) propose un Rodrigue à la fois fougueux et romantique sans jamais tomber dans un des deux excès; Manon Gilbert est une Chimène passionnée (qui aurait mérité peut-être un peu plus de nuances), Alexandre Bonstein (en alternance avec Didier Lafaye) s’amuse visiblement dans le personnage totalement loufoque du Roi. A leurs cotés Sophie Reynaud (Elvire) Charlotte Matzneff (l’Infante) Edouard Rouland (Don Sanche) ou Mona Thanaël complètent efficacement la distribution.
Il faut aussi saluer les costumes de Virginie Houdinière, magnifiques dans leur harmonie sanguine et passionnelle, tout comme les combats à l’épée chorégraphiés par Christophe Mie, ainsi que la scénographie qui alterne très joliment ombres et lumières ; le tout fait de Cid une tragi-comédie de cape et d’épée euphorisante, qui ne manque pas de provoquer nombreux rappels et applaudissements chaleureux. Et, de plus, quand on entend, en quittant le ravissant théâtre du Ranelagh, plusieurs enfants qui commentent, résument, réécrivent l’histoire de Rodrigue et de Chimène, on se dit que le but est atteint : faire aimer le texte, l’histoire, faire connaître et faire aimer, encore, le théâtre. Pari réussi, donc.
30 mots pour résumer la tragédie cornélienne et aller à l’essentiel.
On assiste, au Ranelagh, à une prestation délicieusement revigorée. L’essentiel cornélien y est et l’histoire, habilement racourcie, est posée dès le début. La compagnie le Grenier de Babouchka, rappelons le, a toujours favorisé les créations jeunesse et leurs adaptations de chefs d’oeuvre du théâtre classique ont été réussies : Le malade imaginaire, Les fourberies de Scapin, Cyrano de Bergerac (que nous avions admiré au Théâtre Michel et qui seront reprises au Ranelagh à partir du 19 décembre prochain). Le Cid n’échappe pas à la règle et resserre habilement l’intrigue sans sacrifier la beauté des alexandrins et la richesse de la plume cornélienne. Pour cette adaptation, quelques aménagements / réinterprétations pourront étonner, comme la vision d’un Roi plus fou du Roi que Roi tout court. Certes, Alexandre Bonstein détonne avec son zézaiement et son ridicule assumé, mais – et n’oublions pas la cible jeunesse du Grenier de Babouchka- déclenche dès son arrivée les rires du public, raccrochant au wagon les plus jeunes des spectateurs.
Judicieusement accompagnés par Petr Ruzicka (violon, percussions) et Antonio Matias (accordéon, guitare, percussions), les comédiens s’élancent dans leurs rôles avec un détermination sans faille : Kamel Isker (en alternance avec Thibault Pinson) propose un Rodrigue à la fois fougueux et romantique sans jamais tomber dans un des deux excès; Manon Gilbert est une Chimène passionnée (qui aurait mérité peut-être un peu plus de nuances), Alexandre Bonstein (en alternance avec Didier Lafaye) s’amuse visiblement dans le personnage totalement loufoque du Roi. A leurs cotés Sophie Reynaud (Elvire) Charlotte Matzneff (l’Infante) Edouard Rouland (Don Sanche) ou Mona Thanaël complètent efficacement la distribution.
Il faut aussi saluer les costumes de Virginie Houdinière, magnifiques dans leur harmonie sanguine et passionnelle, tout comme les combats à l’épée chorégraphiés par Christophe Mie, ainsi que la scénographie qui alterne très joliment ombres et lumières ; le tout fait de Cid une tragi-comédie de cape et d’épée euphorisante, qui ne manque pas de provoquer nombreux rappels et applaudissements chaleureux. Et, de plus, quand on entend, en quittant le ravissant théâtre du Ranelagh, plusieurs enfants qui commentent, résument, réécrivent l’histoire de Rodrigue et de Chimène, on se dit que le but est atteint : faire aimer le texte, l’histoire, faire connaître et faire aimer, encore, le théâtre. Pari réussi, donc.
5/10
Qui n’a pas menti un jour pour échapper à une obligation, un dîner, une invitation, en sautant sur le premier prétexte venu ? C’est ce que fait Edouard (Daniel Russo) un peu malgré lui pour expliquer son absence au mariage de son meilleur ami Fred (Laurent Gamelon). Et un mensonge en entraînant souvent un autre le menteur se retrouvera pris à son propre piège, enferré dans une spirale inextricable de mensonges tous les plus invraisemblables que les autres.
Rentrée théâtrale rime souvent avec comédies de boulevard et Mariage et Châtiment ne déroge pas à la règle. On n’y retrouvera pas un amant dans le placard mais des menteurs et des crédules qui mentiront à leur tour. Les personnages correspondent aux stéréotypes de la comédie de boulevard parisienne : le couple de bourgeois quinquagénaire à l’appartement cossu, la blonde (ici présentatrice météo) à l’intelligence inversement proportionnelle à son tour de poitrine, le bon copain un peu bourru, la jeune stagiaire bobo-intello. Le comique de situation correspond également aux standards avec les habituels quiproquos, malentendus, retournements de situation et gags multiples. Mais, et c’est dommage, le texte de David Pharao pêche par excès : les gags et les mensonges s’enchaînent pour finir par être de moins en moins crédibles. Cette surenchère d’imbroglios finit par lasser, d’autant qu’elle surfe trop sur des facilités ajoutées en vrac (comme la prévisible blague sur le mariage pour tous, l’inévitable cruche de service) pour nous convaincre. La mise en scène, attendue, utilise habilement le coûteux et beau décor avec ses deux entrées opposées de l’appartement ou la fenêtre pivotante. Néanmoins le tout manque de rythme et la pièce aurait pu être resserrée davantage par la mise en scène de Jean-Luc Moreau. Pour dynamiser tout ça, Daniel Russo en fait des tonnes : toujours présent dans une partition très physique, il se donne à fond, mais sans nuance. Son pendant Laurent Gamelon surprend par sa présence scénique mais son potentiel comique ne m’a pas paru suffisamment exploité, le cantonnant dans un rôle de faire-valoir trop caricatural parce que sans profondeur. Les trois comédiennes s’en tirent honorablement : Delphine Rich est Marianne, bourgeoise cinglante et cynique, Fannie Outeiro joue admirablement les idiotes, notamment dans un dialogue hilarant autour du mot autel, tandis que Zoé Nonn campe une stagiaire plutôt rigolote mais pas vraiment crédible en passionaria des 10 commandements.
Au final, une comédie qui fait parfois sourire mais dont l’écriture est trop approximative pour nous convaincre. Soyons honnête ceci dit : la salle, bien peu remplie, a souvent ri.
Rentrée théâtrale rime souvent avec comédies de boulevard et Mariage et Châtiment ne déroge pas à la règle. On n’y retrouvera pas un amant dans le placard mais des menteurs et des crédules qui mentiront à leur tour. Les personnages correspondent aux stéréotypes de la comédie de boulevard parisienne : le couple de bourgeois quinquagénaire à l’appartement cossu, la blonde (ici présentatrice météo) à l’intelligence inversement proportionnelle à son tour de poitrine, le bon copain un peu bourru, la jeune stagiaire bobo-intello. Le comique de situation correspond également aux standards avec les habituels quiproquos, malentendus, retournements de situation et gags multiples. Mais, et c’est dommage, le texte de David Pharao pêche par excès : les gags et les mensonges s’enchaînent pour finir par être de moins en moins crédibles. Cette surenchère d’imbroglios finit par lasser, d’autant qu’elle surfe trop sur des facilités ajoutées en vrac (comme la prévisible blague sur le mariage pour tous, l’inévitable cruche de service) pour nous convaincre. La mise en scène, attendue, utilise habilement le coûteux et beau décor avec ses deux entrées opposées de l’appartement ou la fenêtre pivotante. Néanmoins le tout manque de rythme et la pièce aurait pu être resserrée davantage par la mise en scène de Jean-Luc Moreau. Pour dynamiser tout ça, Daniel Russo en fait des tonnes : toujours présent dans une partition très physique, il se donne à fond, mais sans nuance. Son pendant Laurent Gamelon surprend par sa présence scénique mais son potentiel comique ne m’a pas paru suffisamment exploité, le cantonnant dans un rôle de faire-valoir trop caricatural parce que sans profondeur. Les trois comédiennes s’en tirent honorablement : Delphine Rich est Marianne, bourgeoise cinglante et cynique, Fannie Outeiro joue admirablement les idiotes, notamment dans un dialogue hilarant autour du mot autel, tandis que Zoé Nonn campe une stagiaire plutôt rigolote mais pas vraiment crédible en passionaria des 10 commandements.
Au final, une comédie qui fait parfois sourire mais dont l’écriture est trop approximative pour nous convaincre. Soyons honnête ceci dit : la salle, bien peu remplie, a souvent ri.
8/10
Créé en 2010 à Buenos Aeres dans le Laburatorio, sorte de vivier d’artistes où chacun peut venir s’exprimer et présenter son travail, Un poyo rojo n’en finit plus de tourner de par le monde. L’an dernier les représentations au Rond Point avaient dû s’interrompre suite à une blessure de Luciano Rosso mais cet automne les deux artistes argentins sont de retour. Grand bien leur fasse car leur public fidèle est au rendez-vous, largement enthousiaste, provoquant même quelques fou-rires chez les deux artistes.
La scène se situe dans un vestiaire quelconque. Deux hommes s’exercent, se jaugent, s’observent, se jugent jusqu’à entamer peu à peu un ballet viril, une danse qui se transforme en un magnifique combat de coqs (un poyo rojo signifie un coq rouge) : rivalité, virilité, compétition, puissance, chacun veut surpasser l’autre et le mettre KO. A la fois acrobates, danseurs, comédiens, clowns, Luciano Rossi et Alfonso Baron, deux saltimbanques au talent protéiforme, entraînent le public – conquis dès les premières minutes – dans une danse décalée, où le mâle qui se veut dominant ressemblera bien vite à un hilarant gallinacé.
La mise en scène de Hermes Gaido imbrique très adroitement performance physique et artistique et l’on se régale des mouvements et acrobaties calculées, effectuées au millimètre près, tout comme des mimiques, grimaces, regards et position hilarantes des deux hommes. La rivalité masculine est tournée en dérision, la malice et l’ironie taclant tous ses travers ; on rit à gorge déployée de ces deux coqs aussi ridicules que férocement doués, et l’on adore forcément voir le désir apparaître peu à peu, voir les corps et regards s’embraser, se chercher, se séparer, le tout avec une cocasserie totalement assumée.
Le décor est minimal, tout comme l’accessoire presque unique et rudimentaire : une radio qui finit par devenir le troisième personnage du spectacle. Au fil des stations, les deux artistes s’adaptent et improvisent au gré des émissions reçues en direct, installant une certaine connivence avec le public.
Cette mise en scène qui tire parti de presque rien est particulièrement délicieuse en ces temps d’effets techniques, de vidéos, de bandes sons amplifiées : elle prouve s’il en est encore besoin que l’on peut aussi, à partir de presque rien offrir un spectacle d’une richesse et d’une créativité étonnantes. Et dans ce nouveau gallodrome qu’est le Rond Point, Luciano Rossi, Alfonso Baron et Hermes Gaido offrent au public un spectacle jubilatoire où se mêlent humour, danse, dérision, sensualité, précision et rires. Et des rires il y en eut, ce mercredi soir au Rond Point : des rires d’enfants, de grand-mères, des rires qui parfois faisaient rire les artistes aux-même. On en ressort avec une envie folle, celle d’y retourner et de savourer, encore, ce pur régal pour les yeux et le moral.
La scène se situe dans un vestiaire quelconque. Deux hommes s’exercent, se jaugent, s’observent, se jugent jusqu’à entamer peu à peu un ballet viril, une danse qui se transforme en un magnifique combat de coqs (un poyo rojo signifie un coq rouge) : rivalité, virilité, compétition, puissance, chacun veut surpasser l’autre et le mettre KO. A la fois acrobates, danseurs, comédiens, clowns, Luciano Rossi et Alfonso Baron, deux saltimbanques au talent protéiforme, entraînent le public – conquis dès les premières minutes – dans une danse décalée, où le mâle qui se veut dominant ressemblera bien vite à un hilarant gallinacé.
La mise en scène de Hermes Gaido imbrique très adroitement performance physique et artistique et l’on se régale des mouvements et acrobaties calculées, effectuées au millimètre près, tout comme des mimiques, grimaces, regards et position hilarantes des deux hommes. La rivalité masculine est tournée en dérision, la malice et l’ironie taclant tous ses travers ; on rit à gorge déployée de ces deux coqs aussi ridicules que férocement doués, et l’on adore forcément voir le désir apparaître peu à peu, voir les corps et regards s’embraser, se chercher, se séparer, le tout avec une cocasserie totalement assumée.
Le décor est minimal, tout comme l’accessoire presque unique et rudimentaire : une radio qui finit par devenir le troisième personnage du spectacle. Au fil des stations, les deux artistes s’adaptent et improvisent au gré des émissions reçues en direct, installant une certaine connivence avec le public.
Cette mise en scène qui tire parti de presque rien est particulièrement délicieuse en ces temps d’effets techniques, de vidéos, de bandes sons amplifiées : elle prouve s’il en est encore besoin que l’on peut aussi, à partir de presque rien offrir un spectacle d’une richesse et d’une créativité étonnantes. Et dans ce nouveau gallodrome qu’est le Rond Point, Luciano Rossi, Alfonso Baron et Hermes Gaido offrent au public un spectacle jubilatoire où se mêlent humour, danse, dérision, sensualité, précision et rires. Et des rires il y en eut, ce mercredi soir au Rond Point : des rires d’enfants, de grand-mères, des rires qui parfois faisaient rire les artistes aux-même. On en ressort avec une envie folle, celle d’y retourner et de savourer, encore, ce pur régal pour les yeux et le moral.