Ses critiques
119 critiques
8/10
« Jacques Anquetil a traversé mon enfance comme une majestueuse caravelle. Son coup de pédale était un mensonge. Il disait la facilité et la grâce, il disait l’envol et la danse dans un sport de bûcherons. » Ces mots de Paul Fournel, dans son livre sur Jacques Anquetil, un des coureurs les plus impopulaires mais aussi les plus mythiques et sulfureux, ouvrent la pièce de Roland Guenoun.
Le narrateur (Stéphane Olivié Bisson) raconte son amour pour le cycliste, la passion qui l’a animé et poussé à écrire. Il viendra régulièrement raconter, remplir les vides entre les courses, les étapes de la vie du coureur, interpréter aussi d’autres personnages qui ont entouré Anquetil tout au long de sa carrière (Poulidor, Geminiani…). Face à lui, une superbe blonde, mi Marylin mi Bardot, arrive : Jeannine Anquetil (Clémentine Lebocey) la femme poupée, muse, manager, celle qui sera l’ange et le démon, la plus fidèle, la plus influente.
Entre eux, au centre de la scène, une frêle silhouette est perchée sur son vélo. C’est Jacques Anquetil (Matila Mallarikis). Il pédale doucement, puis de plus en plus vite, il parle, se raconte. Lui, le monstre des routes, la bête de course, la machine de guerre. Il pédale, sans arrêt, transpire déjà, continue. Pas de concessions, on comprend très vite que l’homme n’est pas un tendre ni un ange. Femmes, argent, champagne, argent, vin, champagne, argent, dopage : on court pour la gloire, on pédale pour l’oseille, on sue pour être le premier, pour écraser les autres, gagner encore et toujours plus (« Poulidor se fait payer au tarif de l’amour. Pas moi »).
Et nous voilà happés par ce héros hors normes, portés par l’écriture à la fois sobre et forte de Paul Fournel dont les mots et extraits ont été choisis avec soin par Roland Guenoun. Au fil des kilomètres et du récit, on découvre ou redécouvre la force, l’obstination, la rage du coureur solitaire et mal-aimé, les exploits historiques comme ce doublé Dauphiné Libéré puis Bordeaux-Paris enchaînés en quelques heures à peine.
La scénographie est minimale mais d’une beauté sobre et crépusculaire. Utilisant avec pertinence les vidéos, images d’archives, projections de routes qui défilent, elle nous promène d’une route de montagne à une voiture qui traverse le pays en pleine nuit, d’un podium à la ferme des Anquetil. Elle sert d’écrin au central, unique et essentiel élément de décor : le vélo d’Anquetil sur lequel trône, impérial, Matila Mallarikis. Emacié, silhouette de jockey, torse glabre, le comédien, outre sa ressemblance avec le cycliste, s’offre une performance aussi physique que artistique : en selle pendant la majeure partie de la pièce, il incarne la douleur du coureur parvenu au bout de ses forces et pourtant toujours en selle, puisant dans une volonté de fer la rage nécessaire pour continuer d’être le seul, l’unique, le grand Anquetil.
Le texte dit donc sans concessions le rapport d’Anquetil à l’argent, la course, ses adversaires (« D’entrée de jeu, j’ai enseigné sa place à Poulidor »), tout autant que la presse, les médecins et directeurs sportifs. Tyrannique et méprisant, l’homme voué à son seul culte et ses seules victoires le fut aussi dans sa vie privée, une fois le guidon raccroché. On n’en dira pas plus pour ne rien déflorer.
On en ressort riche de l’histoire hors normes d’un héros à la fois détestable et admirable, une histoire faite de sueurs et de courage, de rage et de mépris.
« Je n’aime pas le vélo, je n’ai jamais aimé le vélo mais le vélo m’aime : il va me le payer. »
Le narrateur (Stéphane Olivié Bisson) raconte son amour pour le cycliste, la passion qui l’a animé et poussé à écrire. Il viendra régulièrement raconter, remplir les vides entre les courses, les étapes de la vie du coureur, interpréter aussi d’autres personnages qui ont entouré Anquetil tout au long de sa carrière (Poulidor, Geminiani…). Face à lui, une superbe blonde, mi Marylin mi Bardot, arrive : Jeannine Anquetil (Clémentine Lebocey) la femme poupée, muse, manager, celle qui sera l’ange et le démon, la plus fidèle, la plus influente.
Entre eux, au centre de la scène, une frêle silhouette est perchée sur son vélo. C’est Jacques Anquetil (Matila Mallarikis). Il pédale doucement, puis de plus en plus vite, il parle, se raconte. Lui, le monstre des routes, la bête de course, la machine de guerre. Il pédale, sans arrêt, transpire déjà, continue. Pas de concessions, on comprend très vite que l’homme n’est pas un tendre ni un ange. Femmes, argent, champagne, argent, vin, champagne, argent, dopage : on court pour la gloire, on pédale pour l’oseille, on sue pour être le premier, pour écraser les autres, gagner encore et toujours plus (« Poulidor se fait payer au tarif de l’amour. Pas moi »).
Et nous voilà happés par ce héros hors normes, portés par l’écriture à la fois sobre et forte de Paul Fournel dont les mots et extraits ont été choisis avec soin par Roland Guenoun. Au fil des kilomètres et du récit, on découvre ou redécouvre la force, l’obstination, la rage du coureur solitaire et mal-aimé, les exploits historiques comme ce doublé Dauphiné Libéré puis Bordeaux-Paris enchaînés en quelques heures à peine.
La scénographie est minimale mais d’une beauté sobre et crépusculaire. Utilisant avec pertinence les vidéos, images d’archives, projections de routes qui défilent, elle nous promène d’une route de montagne à une voiture qui traverse le pays en pleine nuit, d’un podium à la ferme des Anquetil. Elle sert d’écrin au central, unique et essentiel élément de décor : le vélo d’Anquetil sur lequel trône, impérial, Matila Mallarikis. Emacié, silhouette de jockey, torse glabre, le comédien, outre sa ressemblance avec le cycliste, s’offre une performance aussi physique que artistique : en selle pendant la majeure partie de la pièce, il incarne la douleur du coureur parvenu au bout de ses forces et pourtant toujours en selle, puisant dans une volonté de fer la rage nécessaire pour continuer d’être le seul, l’unique, le grand Anquetil.
Le texte dit donc sans concessions le rapport d’Anquetil à l’argent, la course, ses adversaires (« D’entrée de jeu, j’ai enseigné sa place à Poulidor »), tout autant que la presse, les médecins et directeurs sportifs. Tyrannique et méprisant, l’homme voué à son seul culte et ses seules victoires le fut aussi dans sa vie privée, une fois le guidon raccroché. On n’en dira pas plus pour ne rien déflorer.
On en ressort riche de l’histoire hors normes d’un héros à la fois détestable et admirable, une histoire faite de sueurs et de courage, de rage et de mépris.
« Je n’aime pas le vélo, je n’ai jamais aimé le vélo mais le vélo m’aime : il va me le payer. »
7,5/10
Sur le plateau du Monfort gît un amas de papier blanc, un monceau de feuilles froissées d’où émerge un bruissement qui peu à peu se transforme en crissement. La forme bouge lentement puis de plus en plus fermement, vigoureusement. On devine une courbe et bientôt un bras, une main, un pied viennent affleurer l’extérieur, se rétractent, se lovent dans cette coquille de papier, l’enlacent autant qu’ils s’en éloignent, y reviennent, s’y enfoncent, s’en imprègnent. Seul le silence – presque religieux – accompagne ces froissements de papier. Un homme finira par en émerger. Lui, c’est Matias Pilet, acrobate. Sa sœur jumelle est décédée in utero trois jours avant leur naissance. Avec Olivier Meyrou, documentariste et metteur en scène, l’acrobate est parti au Chili, y a interrogé sa mère mapuche, son père et des sages-femmes pour y puiser sa propre histoire, remplir les trous sur lesquels son enfance s’est construite. Combler les vides. De ces récits et échanges est né TU, le fruit d’un travail introspectif autour de la souffrance de n’être qu’un et du manque de l’autre.
Seul et concentré, Matias Pilet danse donc dans ces vagues déroulantes de papier qui surgissent et tombent en cascade. Le mouvement est primal, le geste viscéral. Il cabriole, bondit, s’élance : l’homme-embryon et ce placenta de papier ne font plus qu’un dans une intimité dont nous nous maintenons pudiquement à distance… par respect ou par crainte ? Des vidéos et bandes-son chiliens (surtitrés) s’intercalent ou se superposent : la mère de Matias Pilet y dit son propre manque et sa quête de l’enfant mort avant d’être né. Le tout est à la fois poignant et d’une intimité introspective telle qu’on n’ose s’en approcher. On devine la souffrance mais on peine à la ressentir tant ce travail incroyablement millimétré, cette intensité jaillissante sont personnels : on pourra se sentir voyeur d’une quête si viscéralement intime que l’on se refuse à y pénétrer, par pudeur et discrétion. Par excès d’empathie ?
TU est le spectacle d’une renaissance vitale, un monologue intuitivement dansé dans une solitude palpable, un voyage aérien autant que personnel dans lequel on a peur de s’immiscer, tant cette quête relève de l’intime.
Seul et concentré, Matias Pilet danse donc dans ces vagues déroulantes de papier qui surgissent et tombent en cascade. Le mouvement est primal, le geste viscéral. Il cabriole, bondit, s’élance : l’homme-embryon et ce placenta de papier ne font plus qu’un dans une intimité dont nous nous maintenons pudiquement à distance… par respect ou par crainte ? Des vidéos et bandes-son chiliens (surtitrés) s’intercalent ou se superposent : la mère de Matias Pilet y dit son propre manque et sa quête de l’enfant mort avant d’être né. Le tout est à la fois poignant et d’une intimité introspective telle qu’on n’ose s’en approcher. On devine la souffrance mais on peine à la ressentir tant ce travail incroyablement millimétré, cette intensité jaillissante sont personnels : on pourra se sentir voyeur d’une quête si viscéralement intime que l’on se refuse à y pénétrer, par pudeur et discrétion. Par excès d’empathie ?
TU est le spectacle d’une renaissance vitale, un monologue intuitivement dansé dans une solitude palpable, un voyage aérien autant que personnel dans lequel on a peur de s’immiscer, tant cette quête relève de l’intime.
8/10
Repartir en ces temps de rentrée, qui n’en rêve pas ?
Au Lucernaire cet automne on pourra s’évader quelques 70 minutes, se surprendre à oublier le temps d’un récit la grisaille et la bitume fraîchement retrouvés. Et c’est pour l’Uruguay que l’on s’envole ou plutôt que l’on embarque. Le voyage durera plusieurs semaines en compagnie de Robespierre, Osiris, Serpolet, Guerilla… à bord de l’Aphar, le cargo qui emmène Philippe, un jeune vacher normand chargé d’accompagner ses bêtes à bon port à quelques milliers de milles de sa Normandie natale pour les livrer à un éleveur Uruguayen.
Clément Hervieu-Leger a puisé dans sa mémoire et dans ses carnets d’enfance les bribes d’un récit que lui a raconté mille fois son grand père. Comment un vieil oncle, alors tout jeune homme, a quitté sa Normandie natale pour Rotterdam où il embarquât pour un long voyage, avec pour seuls bagages sa fougue et son engagement auprès de ses vaches. Pour servir le texte de Clément Hervieu-Leger, Daniel San Pedro a fait confiance à Guillaume Ravoire : le jeune comédien est tour à tour candide, fougueux, exalté, étonné. Toujours juste, il incarne avec conviction le jeune vacher naïf qui part à l’aventure et découvre la vie des matelots, des navigateurs, des moussaillons. Au gré du récit, il passe du candide vacher au narrateur lui-même, quelques années après avec pour seul accessoire de transformation une paire de lunettes. On se promène donc avec beaucoup de tendresse et d’empathie au fil de cette histoire touchante parce que teintée de nostalgie et de saveurs d’enfance, de fantômes du passé. La mise en scène resserrée dans un décor minimal mais ingénieux, (quelques planches de bois, des bottes de paille, des bidons d’eau) laisse le spectateur imaginer la vie à bord, et les déboires du jeune gaucho forcé d’aider une vache à mettre bas, entre autres péripéties et anecdotes.
Le tout a le goût d’une histoire que l’on se raconte le soir au coin du feu, d’une légende familiale transmise au fil des générations. Entre mythologie et véritable témoignage, Voyage en Uruguay est un témoignage touchant, un hommage vibrant qui nous transporte, le temps d’une soirée, loin de nos préoccupations de rentrée. Et très clairement, ça fait du bien.
Au Lucernaire cet automne on pourra s’évader quelques 70 minutes, se surprendre à oublier le temps d’un récit la grisaille et la bitume fraîchement retrouvés. Et c’est pour l’Uruguay que l’on s’envole ou plutôt que l’on embarque. Le voyage durera plusieurs semaines en compagnie de Robespierre, Osiris, Serpolet, Guerilla… à bord de l’Aphar, le cargo qui emmène Philippe, un jeune vacher normand chargé d’accompagner ses bêtes à bon port à quelques milliers de milles de sa Normandie natale pour les livrer à un éleveur Uruguayen.
Clément Hervieu-Leger a puisé dans sa mémoire et dans ses carnets d’enfance les bribes d’un récit que lui a raconté mille fois son grand père. Comment un vieil oncle, alors tout jeune homme, a quitté sa Normandie natale pour Rotterdam où il embarquât pour un long voyage, avec pour seuls bagages sa fougue et son engagement auprès de ses vaches. Pour servir le texte de Clément Hervieu-Leger, Daniel San Pedro a fait confiance à Guillaume Ravoire : le jeune comédien est tour à tour candide, fougueux, exalté, étonné. Toujours juste, il incarne avec conviction le jeune vacher naïf qui part à l’aventure et découvre la vie des matelots, des navigateurs, des moussaillons. Au gré du récit, il passe du candide vacher au narrateur lui-même, quelques années après avec pour seul accessoire de transformation une paire de lunettes. On se promène donc avec beaucoup de tendresse et d’empathie au fil de cette histoire touchante parce que teintée de nostalgie et de saveurs d’enfance, de fantômes du passé. La mise en scène resserrée dans un décor minimal mais ingénieux, (quelques planches de bois, des bottes de paille, des bidons d’eau) laisse le spectateur imaginer la vie à bord, et les déboires du jeune gaucho forcé d’aider une vache à mettre bas, entre autres péripéties et anecdotes.
Le tout a le goût d’une histoire que l’on se raconte le soir au coin du feu, d’une légende familiale transmise au fil des générations. Entre mythologie et véritable témoignage, Voyage en Uruguay est un témoignage touchant, un hommage vibrant qui nous transporte, le temps d’une soirée, loin de nos préoccupations de rentrée. Et très clairement, ça fait du bien.
8/10
Cédric Chapuis, je l’ai rencontré alors qu’il incarnait Hadrien, jeune autiste fou de batterie. Je l’ai tellement aimé que j’y suis retournée. Que j’ai aussi acheté le DVD. Regardé plusieurs fois. Et que, quand j’ai appris qu’il présentait à Avignon non pas un mais deux spectacles en alternance, que ce deuxième spectacle s’appelle Au dessus de la mêlée, j’ai aussitôt pensé vestiaires, troisième mi-temps, calendrier des dieux du stade, chevelu barbu, sueur, muscles… bref…
En fait je me suis souvenue, une fois rentrée dans la salle du Pandora d’Avignon, que Cédric Chapuis est aussi et surtout un magicien. Qu’à partir d’un simple ballon, de simples accessoires comme un banc, il réussit à transporter son public d’Avignon à Brignac, à Toulouse, à Brives, dans toutes ces villes qui sentent bon l’ovalie.
Au dessus de la mêlée, cette fois, c’est l’histoire de Bastien. Bastien a cinq ans quand son papa, joueur aguerri, l’inscrit dans un club de rugby. Commence alors le récit de cette passion dévorante qui petit à petit s’installe, monte, s’agrippe, se greffe par tous les pores dans la peau du petit garçon. Avec peu de moyens mais cent fois plus de belles idées et une mise en scène simple et ingénieuse de Mira Simova, Cédric Chapuis réussit à nous promener des vestiaires au stade, des entraînements aux compétitions. Habité, possédé, Cédric Chapuis raconte les entraînements, les doutes, les encouragements des amis, les petites amies. Il se transforme, devient le meilleur pote, le père, la mère, l’entraineur (émouvant puis bouleversant). Au fil du récit, on suit le jeune garçon qui deviendra jeune homme, ses études, ses premières amours, ses déceptions, l’amitié, la rivalité, et surtout, surtout, cet amour, cette passion, cet esprit d’équipe et cette cohésion qui lie indissolublement les joueurs d’une équipe et ces valeurs qui sont indissociables du ballon ovale : solidarité, fraternité, courage, et surtout sens de l’équipe-famille.
C’est drôle, émouvant, touchant, on rit autant que l’on s’émeut, on applaudit encore, encore, la salle se lève, et on se réjouit de voir les petits nouveaux, ceux qui n’avaient pas vu Une vie sur mesure, la bande que l’on a traînée et les autres, se précipiter à la billetterie pour réserver à leur tour.
A quand le prochain ?
En fait je me suis souvenue, une fois rentrée dans la salle du Pandora d’Avignon, que Cédric Chapuis est aussi et surtout un magicien. Qu’à partir d’un simple ballon, de simples accessoires comme un banc, il réussit à transporter son public d’Avignon à Brignac, à Toulouse, à Brives, dans toutes ces villes qui sentent bon l’ovalie.
Au dessus de la mêlée, cette fois, c’est l’histoire de Bastien. Bastien a cinq ans quand son papa, joueur aguerri, l’inscrit dans un club de rugby. Commence alors le récit de cette passion dévorante qui petit à petit s’installe, monte, s’agrippe, se greffe par tous les pores dans la peau du petit garçon. Avec peu de moyens mais cent fois plus de belles idées et une mise en scène simple et ingénieuse de Mira Simova, Cédric Chapuis réussit à nous promener des vestiaires au stade, des entraînements aux compétitions. Habité, possédé, Cédric Chapuis raconte les entraînements, les doutes, les encouragements des amis, les petites amies. Il se transforme, devient le meilleur pote, le père, la mère, l’entraineur (émouvant puis bouleversant). Au fil du récit, on suit le jeune garçon qui deviendra jeune homme, ses études, ses premières amours, ses déceptions, l’amitié, la rivalité, et surtout, surtout, cet amour, cette passion, cet esprit d’équipe et cette cohésion qui lie indissolublement les joueurs d’une équipe et ces valeurs qui sont indissociables du ballon ovale : solidarité, fraternité, courage, et surtout sens de l’équipe-famille.
C’est drôle, émouvant, touchant, on rit autant que l’on s’émeut, on applaudit encore, encore, la salle se lève, et on se réjouit de voir les petits nouveaux, ceux qui n’avaient pas vu Une vie sur mesure, la bande que l’on a traînée et les autres, se précipiter à la billetterie pour réserver à leur tour.
A quand le prochain ?
9/10
A Avignon, après que la chanson de Sardou Les lacs du Connemara ait résonné à plusieurs reprises lors du réjouissant Au dessus de la mêlée de Cédric Chapuis, nous voici encore dans la région de Galway, Connemara, dans le petit village de Leenane. Mais de terres brûlées et de landes de pierre on ne verra rien, si ce n’est dans l’imaginaire que Martin Mc Donagh, l’auteur irlandais, réussit à insuffler dans son texte à la fois pessimiste et truffé d’humour noir. A Leenane, donc, vivent Mag (Catherine Salviat) et sa fille Maureen (Sophie Parel). Vieille, acariâtre, aussi têtue que sournoise, Mag fait de la vie de Maureen un enfer. La quarantaine pas encore fanée mais déjà étiolée par l’ennui, l’horizon sclérosé par un avenir qui n’a jamais éclos, Maureen rêve encore naïvement d’un ailleurs qui ne serait pas vampirisé par sa mère. Quand Ray, un ami d’enfance, vient inviter Maureen à une soirée, l’éclaircie inespérée dans la morne vie de sa fille est loin de réjouir Mag qui a trop peur de se retrouver seule.
A coup de répliques assassines entre les deux femmes, d’uppercuts verbaux aussi violents que rageurs, les deux comédiennes nous entraînent dans une comédie noire dont l’humour n’est qu’un baume apaisant, une politesse du désespoir aussi grave que désabusée. On rit, pourtant, devant Sophie Parel qui trimbale sa nonchalance provocatrice et vulgaire avec conviction tandis que la toujours magnifique Catherine Salviat se transforme avec brio en une vieille peau aussi méchante que pathétiquement seule. Regard noir, langue de vipère, dos vouté et corps avachi dans son vieux fauteuil roulant, l’œil vitreux rivé à sa télé, la sociétaire honoraire du Français se régale visiblement dans un rôle à contrecourant de sa carrière classique. Magistrale.
Aux côtés de ces deux furies, Grégori Baquet (Pato Douley) est très juste en amoureux éconduit et patient tandis qu’Arnaud Dupont touchant en ami d’enfance pataud et rustre.
Un texte sans concessions, donc, qui nous transporte dans une Irlande où les rêves ne parviennent même plus à naître sous la misère sociale, où la détresse transforme même l’amour en haine, où les rancoeurs sont aussi persistantes et opaques que le brouillard sur les lacs. Le décor (une vieille cuisine terne et fatiguée), la mise en scène sobre et efficace qui laisse la part belle à l’histoire font de cette Reine de beauté un régal de noirceur à la fois fiévreux et touchant, jusqu’au dénouement aussi surprenant qu’édifiant.
Là-bas , au Connemara, on dit que la vie c’est une folie, dit la chanson. Ici, la folie est noire, amère, brûlante et désespérée.
Une réussite.
A coup de répliques assassines entre les deux femmes, d’uppercuts verbaux aussi violents que rageurs, les deux comédiennes nous entraînent dans une comédie noire dont l’humour n’est qu’un baume apaisant, une politesse du désespoir aussi grave que désabusée. On rit, pourtant, devant Sophie Parel qui trimbale sa nonchalance provocatrice et vulgaire avec conviction tandis que la toujours magnifique Catherine Salviat se transforme avec brio en une vieille peau aussi méchante que pathétiquement seule. Regard noir, langue de vipère, dos vouté et corps avachi dans son vieux fauteuil roulant, l’œil vitreux rivé à sa télé, la sociétaire honoraire du Français se régale visiblement dans un rôle à contrecourant de sa carrière classique. Magistrale.
Aux côtés de ces deux furies, Grégori Baquet (Pato Douley) est très juste en amoureux éconduit et patient tandis qu’Arnaud Dupont touchant en ami d’enfance pataud et rustre.
Un texte sans concessions, donc, qui nous transporte dans une Irlande où les rêves ne parviennent même plus à naître sous la misère sociale, où la détresse transforme même l’amour en haine, où les rancoeurs sont aussi persistantes et opaques que le brouillard sur les lacs. Le décor (une vieille cuisine terne et fatiguée), la mise en scène sobre et efficace qui laisse la part belle à l’histoire font de cette Reine de beauté un régal de noirceur à la fois fiévreux et touchant, jusqu’au dénouement aussi surprenant qu’édifiant.
Là-bas , au Connemara, on dit que la vie c’est une folie, dit la chanson. Ici, la folie est noire, amère, brûlante et désespérée.
Une réussite.