- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Bastille
- Paris 11ème
Antoine et Cléopatre

- Sofia Dias
- Vítor Roriz
- Théâtre de la Bastille
- 76, rue de la Roquette
- 75011 Paris
- Voltaire (l.9)
Antoine... Cléopâtre. Et vice versa. Inséparables dans notre mémoire, leurs deux noms nous racontent une histoire d'amour historique et fascinante, qui inspira notamment Plutarque, Shakespeare et Mankiewicz.
Tiago Rodrigues, connu pour son théâtre singulier et engagé (on pense à By Heart ou Bovary), aujourd’hui directeur du Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, s’empare très librement de la légende et de ses héritages. Il propose une pièce de théâtre pour un duo de chorégraphes : Sofia Dias et Vítor Roriz jouent et dansent Antoine et Cléopâtre.
À travers leurs corps et leur douce complicité, tout est histoire de projection. Obsédée, minutieuse, Cléopâtre décrit Antoine. Et vice versa. On imagine. Lui plonge à travers elle, il voit le monde par ses yeux. Et vice versa. Sur les murs, à travers des mobiles couleur désert et ciel, leurs ombres prennent corps tandis que le récit se déploie : Rome, l’Égypte, la guerre, l’amour, le déshonneur, la mort bientôt.
La critique de la rédaction : 5/10. Une pièce atypique, assez conceptuelle, usante à la longue.
Elle parle pour Antoine, lui s'exprime à la place de Cléopâtre. Ils décrivent leurs faits et gestes tout en nommant leur personnage à chacune de leur phrase "Antoine inspire" "Cléopâtre marche" "Antoine marche" "Cléopâtre expire"... Ce procédé original rend la pièce poétique.
Cela m'a au départ beaucoup plu, puis j'ai été lassé par les nombreuses répétitions et les lenteurs dans l'action.
La performance des deux acteurs est tout de même remarquable, notamment au moment où ils répètent très vite des mots en les transformant peu à peu : la mort devient l'amour, le vin devient du sang.
Je me suis assoupi malgré la durée relativement courte d'Antoine et Cléopâtre (1h15).
Sofia Diaz et Victor Roriz arrivent. Vêtus de jeans et T-Shirt, ils entament alors une lente psalmodie : Sofia Diaz nous dit « Antoine dit… » et Victor Roriz nous dit « Cléopâtre dit… ». Chacun tour à tour ils prennent la parole pour délivrer la parole de l’autre. Et ce qui pourrait être déconcertant, déroutant, se met insensiblement en place : au gré du récit, au gré des mots, on se laisse bercer, entraîner, hypnotiser dans la danse d’Antoine et Cléopâtre. On se laisse embarquer dans leur monde résumé à leur amour où leurs devoirs, leurs guerres, leurs pays, ne sont des obstacles insurmontables uniquement pour les autres.
Tiago Rodrigues, qui dirige le Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, le dit : il s’agit ici d’une écriture inspirée de la tragédie shakespearienne, elle-même inspirée de Plutarque, accompagné d’extraits musicaux du film de Mankiewicz, tournée avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. Une inspiration plurielle qui devient, sous une écriture a priori purement factuelle, un hypnotisant voyage, une lente et sublime mélopée dans laquelle on se laisse emporter sans résister. De laquelle on ne veut s’extraire.
C’est là la magie de Tiago Rodrigues, tout comme celle de ses interprètes : avec ce récit dit à la place de l’autre, avec ces images suggérées, délivrées par une chorégraphie ralentie, minimaliste, on finit par accompagner les amants maudits comme un souffle sur leur épaule, invisibles et pourtant présents, envoutés, aspirés dans leur lente spirale de passion et de peurs, de certitudes et de passion, happés par les mots lancinants, entêtants des deux amants.
Alors on aime, oui, on aime, tout comme Tiago Rodrigues aime sans doute Antoine et Cléopâtre, tout comme Sofia Dias aime Victor Roriz, tout comme Antoine aimait Cléopâtre et Cléopâtre aimait Antoine.
Antoine et Cléopâtre. Un spectacle où l’on retient son souffle. Où l’on respire. Où l’on expire. Où l’on inspire. Doucement. Et dont on se souvient longtemps après.