Ses critiques
205 critiques
5/10
J’ai une histoire toute particulière avec Labiche : il a contribué à mon amour du théâtre, avec un gros coup de coeur pour une mise en scène de Doit-on le dire que j’ai vu trois fois quand j’avais neuf ou dix ans, et qui a gravé en moi, je pense, l’enthousiasme que peut provoquer le théâtre de divertissement. Même si j’élargis mes horizons théâtrales depuis quelques années, je ne peux snober ce théâtre-là en raison de ce beau souvenir. J’aime rire au théâtre, j’aime me détendre, j’aime le vaudeville quand il est bien monté.
Isménie ne pense qu’à une chose : elle souhaite se marier. Seulement voilà, son père n’est pas vraiment de cet avis et renvoie tous les prétendus les uns après les autres. Mais cette fois-ci, le jeune Dardenboeuf est envoyé par sa soeur qui surveille la rencontre : elle et Isménie vont tout faire pour que tout se passe bien. Le père tente tout ce qui est en son pouvoir pour coincer le galant, mais rien n’y fait : il déjoue tous les pièges.
En fait, j’ai aussi une histoire avec Daniel Mesguich, qui m’a fait découvrir Pinter dans ses Trahisons du OFF 2014, et dont la mise en scène du Cyrano l’année dernière m’a laissée la fois froide et fascinée. Du texte je ne me souviens de presque rien, mais il y a une atmosphère et un souffle que je ressens encore aujourd’hui. C’est ce que j’aime chez Mesguich, en tout cas du peu que je connais de lui. Mais j’avais du mal à voir comment cela pouvoir seoir à Labiche. Et j’ai toujours du mal, en fait.
La question que je me pose est la suivante : Daniel Mesguich a-t-il monté beaucoup de vaudevilles ? Ce type de pièce, sous son apparence simplette, répond à des codes bien précis. Or Mesguich ne semble pas avoir bien senti la mécanique de cette Isménie. J’en ai vu, des Labiche, et il y a d’un côté les mises en scène où on se dit qu’il y a quelque chose de l’ordre du génie tellement tout s’enchaîne avec simplicité, rythme, et rires, et celles où l’un des rouages est manquant et où l’on s’enlise dans quelque chose de lourd, mal huilé, presque ennuyeux. Ce spectacle est de ceux-là.
Le problème apparaît dès les premières minutes : Daniel Mesguich a cherché à en faire trop. Si j’ai du mal à percevoir ce qui manque pour que la mécanique se mette en place – car tout semble y être, le rythme, l’enthousiasme sur scène, une assez bonne direction d’acteur – je sens ce qui est en trop. Les ajouts, les comiques de répétition qui n’en finissent pas, les clins d’oeil répétés au public alourdissent un texte qui n’avait pas besoin de modifications. Ce texte forme un tout à jouer à toute allure, pas une base à étirer à l’infini.
Si quelques ajouts dans les répliques ne me choquent, pour moderniser un peu les blagues par exemple, je ne comprends pas l’intérêt de remanier tout le texte : on perd en fluidité, donc on perd en rythme, donc on perd en rire. On sent beaucoup trop les ajouts – il va même jusqu’à ajouter un monologue entier – on voit beaucoup trop Mesguich devant Labiche ; mais le mélange est hétérogène, la symbiose ne prend pas. Les ajouts sont grossiers, le plateau est complètement surexcité en enchaînant ses vannes et on se perd. Et c’est dommage, parce que l’élan était là, mais il aurait fallu davantage faire confiance au texte et à ses comédiens avant d’essayer de le mettre à sa sauce.
Isménie ne pense qu’à une chose : elle souhaite se marier. Seulement voilà, son père n’est pas vraiment de cet avis et renvoie tous les prétendus les uns après les autres. Mais cette fois-ci, le jeune Dardenboeuf est envoyé par sa soeur qui surveille la rencontre : elle et Isménie vont tout faire pour que tout se passe bien. Le père tente tout ce qui est en son pouvoir pour coincer le galant, mais rien n’y fait : il déjoue tous les pièges.
En fait, j’ai aussi une histoire avec Daniel Mesguich, qui m’a fait découvrir Pinter dans ses Trahisons du OFF 2014, et dont la mise en scène du Cyrano l’année dernière m’a laissée la fois froide et fascinée. Du texte je ne me souviens de presque rien, mais il y a une atmosphère et un souffle que je ressens encore aujourd’hui. C’est ce que j’aime chez Mesguich, en tout cas du peu que je connais de lui. Mais j’avais du mal à voir comment cela pouvoir seoir à Labiche. Et j’ai toujours du mal, en fait.
La question que je me pose est la suivante : Daniel Mesguich a-t-il monté beaucoup de vaudevilles ? Ce type de pièce, sous son apparence simplette, répond à des codes bien précis. Or Mesguich ne semble pas avoir bien senti la mécanique de cette Isménie. J’en ai vu, des Labiche, et il y a d’un côté les mises en scène où on se dit qu’il y a quelque chose de l’ordre du génie tellement tout s’enchaîne avec simplicité, rythme, et rires, et celles où l’un des rouages est manquant et où l’on s’enlise dans quelque chose de lourd, mal huilé, presque ennuyeux. Ce spectacle est de ceux-là.
Le problème apparaît dès les premières minutes : Daniel Mesguich a cherché à en faire trop. Si j’ai du mal à percevoir ce qui manque pour que la mécanique se mette en place – car tout semble y être, le rythme, l’enthousiasme sur scène, une assez bonne direction d’acteur – je sens ce qui est en trop. Les ajouts, les comiques de répétition qui n’en finissent pas, les clins d’oeil répétés au public alourdissent un texte qui n’avait pas besoin de modifications. Ce texte forme un tout à jouer à toute allure, pas une base à étirer à l’infini.
Si quelques ajouts dans les répliques ne me choquent, pour moderniser un peu les blagues par exemple, je ne comprends pas l’intérêt de remanier tout le texte : on perd en fluidité, donc on perd en rythme, donc on perd en rire. On sent beaucoup trop les ajouts – il va même jusqu’à ajouter un monologue entier – on voit beaucoup trop Mesguich devant Labiche ; mais le mélange est hétérogène, la symbiose ne prend pas. Les ajouts sont grossiers, le plateau est complètement surexcité en enchaînant ses vannes et on se perd. Et c’est dommage, parce que l’élan était là, mais il aurait fallu davantage faire confiance au texte et à ses comédiens avant d’essayer de le mettre à sa sauce.
6/10
Voilà un spectacle qui était très attendu. Après le triomphe de Vingt mille lieues sous les mers à la Comédie-Française, le retour du couple Christophe Hecq / Valérie Lesort ne pouvait qu’être lié à de grandes espérances. Je n’avais pas vu le film adapté de la nouvelle de George Langelaan, mais je ne doutais pas qu’ils en feraient quelque chose d’à la fois fascinant et effrayant. J’étais très impatiente, mais j’aurais dû me méfier, car si ils ajoutaient leur univers scénographique à la base de Jules Verne dans leur première création, pour notre plus grand bonheur, il s’agit ici de construire autour d’une histoire bien moins prenante, pour ma plus grande déception.
Robert vit avec sa mère, Odette, à la manière de Jean-Claude et Suzanne de l’émission de Strip Tease « La soucoupe et le perroquet » que j’ai regardée pour l’occasion. Ils sont un peu étranges mais rien de bien méchant : lui cherche à créer une machine à téléporter dans sa chambre transformée en laboratoire, il a parfois quelques petits problèmes de comportement mais il les règle à l’aide de calmants ; elle passe son temps à commérer avec ses amies, à enfiler sa perruque et à regarder la télévision. Alors quand Marie-Pierre, la fille de la voisine Chantal, revient vivre chez sa mère, Odette cherche à tout pris à la caser avec Robert.
Et la mouche dans tout ça ? Eh bien la mouche, on l’attend longtemps. Le spectacle dure 1h30, et on commence à la voir poindre le bout de son nez au bout de 50 minutes, quand enfin Robert tente de se téléporter lui-même et, comme dans le film et la nouvelle, subit l’expérience alors qu’une mouche se trouve avec lui dans la cabine, ce qui marquera le point de départ de sa transformation. Il ne reste alors plus qu’une demi-heure de spectacle.
Tout cela me fait penser que cette Mouche était une fausse bonne idée : nous ne sommes pas au cinéma, donc pour simuler la transformation, Christian Hecq doit se maquiller, enfiler des prothèses, changer totalement d’apparence en coulisse, ce qui restreint de manière totalement pragmatique sa présence sur scène. Conscient de cette contrainte, on comprend mieux pourquoi la mouche apparaît si tard : la transformation, compliquée et nécessairement hors de scène, est trop longue pour la faire durer tout le temps de la représentation.
Alors on remplit. J’ai mieux compris d’où venait la situation de départ, mère-fils, en regardant la fameuse émission dont parle le résumé du spectacle. Le truc, c’est que cette histoire est sans grand intérêt. Les dialogues sont pauvres, les comédiens n’ont pas grand chose à jouer, les scènes s’enchaînent sans parvenir à me captiver. L’apéritif avec Marie-Pierre, le coup de téléphone d’Odette à ses amies, le déjeuner d’Odette et Robert, la venue de l’inspecteur, tout cela sent le remplissage à plein nez. C’est vain.
Ce qui est vraiment dommage, c’est qu’on a presque l’impression que l’idée de départ était d’utiliser cette compétence spéciale qu’ont Hecq et Lesort à travers leur utilisation de la magie et des effets spéciaux sur scène, qu’ils ont choisi La Mouche parce qu’ils avaient quelques idées scénographiques intéressantes – et c’est vrai, c’est plutôt chouette de voir l’appareil à téléportation, même si on s’en lasse vite, ou encore la mouche qui marche au mur vers la fin du spectacle – mais on ne peut s’empêcher de dire : et ensuite ? Ensuite, j’ai surtout l’impression qu’ils ont brodé autour pour construire un ensemble à peu près cohérent. Cohérent, peut-être, mais surtout ennuyeux.
Et pourtant, il y a du beau monde sur scène. A quoi bon souligner une nouvelle fois l’incroyable précision du jeu de Christian Hecq ? La composition de son Robert est évidemment parfaite, ses numéros clownesques sont évidemment à tomber, mais on le voit finalement trop peu à cause de tout ce qui est à côté et dont je n’ai su que faire. Je tiens à saluer également le jeu de Christine Murillo, qui avec une partition proche du vide arrive à faire beaucoup : son personnage a quelque chose de très touchant malgré tout, et elle parvient à créer une ambiance dans cette maison, une relation avec le public, quelque chose de tendre et de très humain. Chapeau bas. Et que dire de Valérie Lesort et Stephan Wojtowicz, dont les personnages sont absolument dénués d’intérêt, et qu’on aurait aimé distribués dans des rôles davantage à la hauteur de leur talent.
Robert vit avec sa mère, Odette, à la manière de Jean-Claude et Suzanne de l’émission de Strip Tease « La soucoupe et le perroquet » que j’ai regardée pour l’occasion. Ils sont un peu étranges mais rien de bien méchant : lui cherche à créer une machine à téléporter dans sa chambre transformée en laboratoire, il a parfois quelques petits problèmes de comportement mais il les règle à l’aide de calmants ; elle passe son temps à commérer avec ses amies, à enfiler sa perruque et à regarder la télévision. Alors quand Marie-Pierre, la fille de la voisine Chantal, revient vivre chez sa mère, Odette cherche à tout pris à la caser avec Robert.
Et la mouche dans tout ça ? Eh bien la mouche, on l’attend longtemps. Le spectacle dure 1h30, et on commence à la voir poindre le bout de son nez au bout de 50 minutes, quand enfin Robert tente de se téléporter lui-même et, comme dans le film et la nouvelle, subit l’expérience alors qu’une mouche se trouve avec lui dans la cabine, ce qui marquera le point de départ de sa transformation. Il ne reste alors plus qu’une demi-heure de spectacle.
Tout cela me fait penser que cette Mouche était une fausse bonne idée : nous ne sommes pas au cinéma, donc pour simuler la transformation, Christian Hecq doit se maquiller, enfiler des prothèses, changer totalement d’apparence en coulisse, ce qui restreint de manière totalement pragmatique sa présence sur scène. Conscient de cette contrainte, on comprend mieux pourquoi la mouche apparaît si tard : la transformation, compliquée et nécessairement hors de scène, est trop longue pour la faire durer tout le temps de la représentation.
Alors on remplit. J’ai mieux compris d’où venait la situation de départ, mère-fils, en regardant la fameuse émission dont parle le résumé du spectacle. Le truc, c’est que cette histoire est sans grand intérêt. Les dialogues sont pauvres, les comédiens n’ont pas grand chose à jouer, les scènes s’enchaînent sans parvenir à me captiver. L’apéritif avec Marie-Pierre, le coup de téléphone d’Odette à ses amies, le déjeuner d’Odette et Robert, la venue de l’inspecteur, tout cela sent le remplissage à plein nez. C’est vain.
Ce qui est vraiment dommage, c’est qu’on a presque l’impression que l’idée de départ était d’utiliser cette compétence spéciale qu’ont Hecq et Lesort à travers leur utilisation de la magie et des effets spéciaux sur scène, qu’ils ont choisi La Mouche parce qu’ils avaient quelques idées scénographiques intéressantes – et c’est vrai, c’est plutôt chouette de voir l’appareil à téléportation, même si on s’en lasse vite, ou encore la mouche qui marche au mur vers la fin du spectacle – mais on ne peut s’empêcher de dire : et ensuite ? Ensuite, j’ai surtout l’impression qu’ils ont brodé autour pour construire un ensemble à peu près cohérent. Cohérent, peut-être, mais surtout ennuyeux.
Et pourtant, il y a du beau monde sur scène. A quoi bon souligner une nouvelle fois l’incroyable précision du jeu de Christian Hecq ? La composition de son Robert est évidemment parfaite, ses numéros clownesques sont évidemment à tomber, mais on le voit finalement trop peu à cause de tout ce qui est à côté et dont je n’ai su que faire. Je tiens à saluer également le jeu de Christine Murillo, qui avec une partition proche du vide arrive à faire beaucoup : son personnage a quelque chose de très touchant malgré tout, et elle parvient à créer une ambiance dans cette maison, une relation avec le public, quelque chose de tendre et de très humain. Chapeau bas. Et que dire de Valérie Lesort et Stephan Wojtowicz, dont les personnages sont absolument dénués d’intérêt, et qu’on aurait aimé distribués dans des rôles davantage à la hauteur de leur talent.
3/10
Je n’avais rien lu, rien vu. Je ne savais rien du spectacle présenté au Studio-Théâtre. Un vague rappel de la présentation de saison de Ruf, rien qui m’avait fait vibrer mais si j’avais pris mes places c’est bien qu’il y avait une raison. J’aurais dû me douter. Autrice inconnue de moi, metteur en scène inconnu de moi – ce n’est pas une raison suffisante mais parfois cela doit mettre la puce à l’oreille. Il faut que j’arrête de prendre tous les spectacles de la saison sous prétexte qu’on est au Français, car, apparemment, ça ne suffit plus.
La pièce se déroule dans un hôtel, quelque part dans un trou paumé, à quelques kilomètres du village le plus proche, dans les montagnes. Une cliente et la tenante du lieu se font face, elles discutent, elles sont seules dans l’hôtel. La directrice souhaiterait fermer l’hôtel mais la cliente insiste pour rester. Un soir, un homme débarque, il dit avoir percuté un cerf sur la route, et tout bascule.
J’écris cet article parce que j’aurais aimé que quelqu’un me prévienne de ne pas perdre mon temps. Le temps est un bien précieux. Je n’ai pas grand chose à dire sur ce spectacle, mis à part qu’il a provoqué en moi un ennui profond. En moi, et en quelques-uns de mes voisins. Les scènes initiales sont d’une longueur infini. Les dialogues entre la tenante de l’hôtel et la cliente posent des jalons qui ne serviront jamais par la suite – le fait que des maisons soient inhabitées dans le village, le fait que la cliente soit séparée de son mari, le fait que l’hôtel soit vide. On parle pour ne rien dire, on n’a pas de situation de départ, on ne va nulle part.
Alors je comprends un peu l’idée. Le suspens, le thriller, tout ça. Mais ça n’a pas du tout fonctionné sur moi. J’ai éprouvé un profond désintérêt pour ce qui se déroulait devant mes yeux, attendant le massacre annoncé par le titre, et observant la fameuse scène sans la moindre émotion. Cette scène unique se suffit quasiment à elle-même, les scènes qui l’entourent en sont presque totalement décorrélées.
Au sortir du spectacle, je me décide à lire le programme de salle pour mieux comprendre le pourquoi du comment. Qu’est-ce qui a conduit à programmer cette pièce ? Alors si je suis parfaitement d’accord avec la première partie du résumé, j’hallucine devant la seconde. « Massacre (dont le titre original est Occisió) met en scène deux femmes, D et H, qui se voient contraintes de cohabiter dans un hôtel pendant une semaine. D est la propriétaire de cet établissement perdu dans les montagnes, à plusieurs kilomètres du premier village habité. Par manque d’affluence, l’hôtel est sur le point de fermer définitivement. H est la dernière cliente. Elle a réservé une chambre et compte bien y rester. » Jusque-là, on est d’accord. « D a beau insister pour qu’elle quitte les lieux, H refuse comme s’il en allait d’une nécessité presque existentielle. » Déjà, là, ça se gâte : personnellement je n’ai ressenti aucune nécessité existentielle dans le refus de H de quitter l’hôtel. Mais bon, soit, après tout on est au théâtre, il faut bien dramatiser un peu.
« Ces deux femmes, que tout oppose, sont à une étape cruciale de leur vie : l’une hésite à vendre l’affaire familiale pour se construire un avenir ailleurs et l’autre doit apprendre à faire face à la solitude après son divorce. Chaque soir, tel un rituel, elles se retrouvent dans le salon de l’hôtel pour échanger sur leur quotidien, mais ce dialogue a priori ordinaire laisse peu à peu entrevoir le trouble qui les habite. L’arrivée imprévue de A, automobiliste victime d’un accident au beau milieu de la nuit, fait voler en éclats l’équilibre précaire du huis clos. » C’est là que les bras m’en tombent. Entre la description du spectacle et le ressenti, un gouffre. Là où on parle d’une étape cruciale de leur vie, je vois un moment anecdotique. Là où on mentionne un dialogue a priori ordinaire, rectifions le tir en un dialogue carrément ordinaire. Là où on évoque le trouble qui les habite, je n’ai senti qu’une profonde lassitude. Là où il est fait mention d’équilibre précaire, je peine à voir de quoi on parle. Là où la description du spectacle peut faire envie, le moment en lui-même est d’un profond ennui.
La pièce se déroule dans un hôtel, quelque part dans un trou paumé, à quelques kilomètres du village le plus proche, dans les montagnes. Une cliente et la tenante du lieu se font face, elles discutent, elles sont seules dans l’hôtel. La directrice souhaiterait fermer l’hôtel mais la cliente insiste pour rester. Un soir, un homme débarque, il dit avoir percuté un cerf sur la route, et tout bascule.
J’écris cet article parce que j’aurais aimé que quelqu’un me prévienne de ne pas perdre mon temps. Le temps est un bien précieux. Je n’ai pas grand chose à dire sur ce spectacle, mis à part qu’il a provoqué en moi un ennui profond. En moi, et en quelques-uns de mes voisins. Les scènes initiales sont d’une longueur infini. Les dialogues entre la tenante de l’hôtel et la cliente posent des jalons qui ne serviront jamais par la suite – le fait que des maisons soient inhabitées dans le village, le fait que la cliente soit séparée de son mari, le fait que l’hôtel soit vide. On parle pour ne rien dire, on n’a pas de situation de départ, on ne va nulle part.
Alors je comprends un peu l’idée. Le suspens, le thriller, tout ça. Mais ça n’a pas du tout fonctionné sur moi. J’ai éprouvé un profond désintérêt pour ce qui se déroulait devant mes yeux, attendant le massacre annoncé par le titre, et observant la fameuse scène sans la moindre émotion. Cette scène unique se suffit quasiment à elle-même, les scènes qui l’entourent en sont presque totalement décorrélées.
Au sortir du spectacle, je me décide à lire le programme de salle pour mieux comprendre le pourquoi du comment. Qu’est-ce qui a conduit à programmer cette pièce ? Alors si je suis parfaitement d’accord avec la première partie du résumé, j’hallucine devant la seconde. « Massacre (dont le titre original est Occisió) met en scène deux femmes, D et H, qui se voient contraintes de cohabiter dans un hôtel pendant une semaine. D est la propriétaire de cet établissement perdu dans les montagnes, à plusieurs kilomètres du premier village habité. Par manque d’affluence, l’hôtel est sur le point de fermer définitivement. H est la dernière cliente. Elle a réservé une chambre et compte bien y rester. » Jusque-là, on est d’accord. « D a beau insister pour qu’elle quitte les lieux, H refuse comme s’il en allait d’une nécessité presque existentielle. » Déjà, là, ça se gâte : personnellement je n’ai ressenti aucune nécessité existentielle dans le refus de H de quitter l’hôtel. Mais bon, soit, après tout on est au théâtre, il faut bien dramatiser un peu.
« Ces deux femmes, que tout oppose, sont à une étape cruciale de leur vie : l’une hésite à vendre l’affaire familiale pour se construire un avenir ailleurs et l’autre doit apprendre à faire face à la solitude après son divorce. Chaque soir, tel un rituel, elles se retrouvent dans le salon de l’hôtel pour échanger sur leur quotidien, mais ce dialogue a priori ordinaire laisse peu à peu entrevoir le trouble qui les habite. L’arrivée imprévue de A, automobiliste victime d’un accident au beau milieu de la nuit, fait voler en éclats l’équilibre précaire du huis clos. » C’est là que les bras m’en tombent. Entre la description du spectacle et le ressenti, un gouffre. Là où on parle d’une étape cruciale de leur vie, je vois un moment anecdotique. Là où on mentionne un dialogue a priori ordinaire, rectifions le tir en un dialogue carrément ordinaire. Là où on évoque le trouble qui les habite, je n’ai senti qu’une profonde lassitude. Là où il est fait mention d’équilibre précaire, je peine à voir de quoi on parle. Là où la description du spectacle peut faire envie, le moment en lui-même est d’un profond ennui.
8,5/10
J’étais absolument ravie à l’annonce de ce spectacle. J’ai un grand faible pour Nicolas Vaude. Alors certes, mes derniers retours pouvaient laisser penser le contraire, mais c’est parce que j’adore ce comédien que je suis très exigeante avec ce qu’il peut présenter. Et j’avais l’intuition que ce spectacle-là ferait partie de ceux que je suis absolument ravie de soutenir et de recommander. Pari réussi.
Alceste ne peut pas vivre dans cette société qui l’entoure et qu’il hait, composée d’hypocrites et misant tout sur l’apparence. Dès le début de la pièce, son caractère si particulier se fait sentir, et il se détache du reste des personnages. Cependant, c’est un homme qui se contredit sans cesse, et le paradoxe le plus important qu’il renferme est son amour pour la plus coquette et la plus mondaine des femmes, Célimène, qu’il tentera d’ailleurs de convaincre de s’exiler avec lui, loin des hommes.
Je sais ce que vous vous dites : « encore un Misanthrope ! ». On pourrait se dire qu’on a tout vu. On pourrait se demander à quoi bon. Même si je suis de ceux qui ne se lassent pas de ce texte je vous demande de me faire confiance. Il y a eu d’autres versions récentes, avec davantage de grands noms, qui ont fait salle comble. Mais ce Misanthrope-là est meilleur que celui d’Alain Françon puisqu’il nous fait rire. Mais ce Misanthrope-là est meilleur que celui de Peter Stein puisqu’il fait la part belle à l’ensemble des personnages.
Il faut saluer la mise en scène de Nicolas Vaude et Chloé Lambert qui, sans chercher à se démarquer par tous les points – ici pas de vidéo ni de nudité, pas d’inversion des genres ni d’ajouts au texte – servent la pièce de Molière avec brio. La scène d’ouverture est des plus réussies, donnant immédiatement au spectacle un rythme qu’il ne perdra plus. La mise en scène très fluide s’appuie sur de nombreux détails simples mais qui rendent la lecture très claire en ne laissant rien de côté : on entend notamment tout ce qui a trait au procès d’Alceste et qui est habituellement traité sans attention particulière.
Cela permet également de mettre en valeur les différentes histoires dans l’histoire, en dessinant de manière toujours très fine les relations des personnages, comme ce lien qui se crée de manière ingénieuse et poétique entre Eliante et Philinte lors de la tirade d’Eliante. La musique, les accessoires, les lumières sont utilisés très efficacement pour diriger notre regard ou souligner certaines scènes pour en faire des moments très soignés qui forment un tout sans accroc.
Et puis, évidemment, il y a cette distribution. Il n’y avait aucun doute possible : Vaude est fait pour ce rôle. En réalité, c’est l’image-même de mon Alceste depuis toujours. Ses changements de tonalité brutaux, cette bizarrerie dont parle Philinte, ses grimaces et le ton bougon qu’il peut adopter soudainement, tout ce qui compose l’animal sauvage qu’est Nicolas Vaude sur scène correspond à notre misanthrope. Il y est donc évidemment délicieux.
C’est également un grand plaisir de retrouver Laurent Natrella à ses côtés. Pour sa première apparition hors de la Comédie-Française, il faut dire qu’elle est très réussie : sa composition inattendue prend le contrepoint de la figure bienveillante et sage du Philinte habituel pour le rendre un brin libertin et lui laisser une grande possibilité d’évolution au cours de la pièce. Mais c’est Chloé Lambert qui crée la surprise avec sa Célimène séduisante et un poil autoritaire, sorte de femme fatale qui se joue de ses amants et ne laisse à aucun moment apparaître de faille : c’est une vision du personnage qui se tient et qu’elle incarne à merveille !
Alceste ne peut pas vivre dans cette société qui l’entoure et qu’il hait, composée d’hypocrites et misant tout sur l’apparence. Dès le début de la pièce, son caractère si particulier se fait sentir, et il se détache du reste des personnages. Cependant, c’est un homme qui se contredit sans cesse, et le paradoxe le plus important qu’il renferme est son amour pour la plus coquette et la plus mondaine des femmes, Célimène, qu’il tentera d’ailleurs de convaincre de s’exiler avec lui, loin des hommes.
Je sais ce que vous vous dites : « encore un Misanthrope ! ». On pourrait se dire qu’on a tout vu. On pourrait se demander à quoi bon. Même si je suis de ceux qui ne se lassent pas de ce texte je vous demande de me faire confiance. Il y a eu d’autres versions récentes, avec davantage de grands noms, qui ont fait salle comble. Mais ce Misanthrope-là est meilleur que celui d’Alain Françon puisqu’il nous fait rire. Mais ce Misanthrope-là est meilleur que celui de Peter Stein puisqu’il fait la part belle à l’ensemble des personnages.
Il faut saluer la mise en scène de Nicolas Vaude et Chloé Lambert qui, sans chercher à se démarquer par tous les points – ici pas de vidéo ni de nudité, pas d’inversion des genres ni d’ajouts au texte – servent la pièce de Molière avec brio. La scène d’ouverture est des plus réussies, donnant immédiatement au spectacle un rythme qu’il ne perdra plus. La mise en scène très fluide s’appuie sur de nombreux détails simples mais qui rendent la lecture très claire en ne laissant rien de côté : on entend notamment tout ce qui a trait au procès d’Alceste et qui est habituellement traité sans attention particulière.
Cela permet également de mettre en valeur les différentes histoires dans l’histoire, en dessinant de manière toujours très fine les relations des personnages, comme ce lien qui se crée de manière ingénieuse et poétique entre Eliante et Philinte lors de la tirade d’Eliante. La musique, les accessoires, les lumières sont utilisés très efficacement pour diriger notre regard ou souligner certaines scènes pour en faire des moments très soignés qui forment un tout sans accroc.
Et puis, évidemment, il y a cette distribution. Il n’y avait aucun doute possible : Vaude est fait pour ce rôle. En réalité, c’est l’image-même de mon Alceste depuis toujours. Ses changements de tonalité brutaux, cette bizarrerie dont parle Philinte, ses grimaces et le ton bougon qu’il peut adopter soudainement, tout ce qui compose l’animal sauvage qu’est Nicolas Vaude sur scène correspond à notre misanthrope. Il y est donc évidemment délicieux.
C’est également un grand plaisir de retrouver Laurent Natrella à ses côtés. Pour sa première apparition hors de la Comédie-Française, il faut dire qu’elle est très réussie : sa composition inattendue prend le contrepoint de la figure bienveillante et sage du Philinte habituel pour le rendre un brin libertin et lui laisser une grande possibilité d’évolution au cours de la pièce. Mais c’est Chloé Lambert qui crée la surprise avec sa Célimène séduisante et un poil autoritaire, sorte de femme fatale qui se joue de ses amants et ne laisse à aucun moment apparaître de faille : c’est une vision du personnage qui se tient et qu’elle incarne à merveille !
4/10
Ha, Michel Fau ! Si vous me suivez un peu, vous connaissez ma relation tumultueuse avec cet artiste : le coup de foudre initial porté par des merveilles telles que Demain il fera jour ou Un amour qui ne finit pas s’est soldé par un divorce brutal lorsque j’ai vu Fleur de Cactus. J’ai bien essayé de renouer avec ce créateur que j’avais tant aimé mais mes diverses tentatives se sont toutes soldées en échecs. Mais je continue d’y croire, sans doute portée par le souvenir d’une esthétique et d’une théâtralité avec lesquelles j’étais en harmonie complète – et que je ne retrouve toujours pas dans ces Trahisons.
Qu’elle est belle cette pièce de Pinter qui revient dans le temps pour recomposer les détails et les discussions qui ont mené à la situation actuelle d’une séparation entre deux époux, Emma et Robert. On revient plusieurs années en arrière dans la vie des deux époux, et on comprend petit à petit comment leur mariage a tourné ainsi, quelle relation elle a entretenu avec Jerry, le meilleur ami de Robert devenu son amant, et comment ils se sont tous un peu trahis les uns les autres…
Il y a sans doute une grosse erreur qui plombe le spectacle et sans qui, peut-être, j’aurais pu passer un moment plus que correct. C’est une erreur de casting, et elle porte le nom de Roschdy Zem. J’étais pourtant super emballée devant cette proposition, parce que Roubaix une lumière, parce que Persona non grata, parce que découverte de cet comédien au théâtre, parce que ça pouvait marcher. Mais allez savoir pourquoi, ça ne fonctionne pas. Roschdy Zem est une coquille vide. Ses répliques se suivent et se ressemblent sans la moindre incarnation. Pire, il semble absent dès qu’il finit de parler, comme s’il se concentrait pour ne pas oublier sa phrase suivante.
Difficile pour sa partenaire Claude Perron de s’accrocher à une telle prestation. Est-ce pour cela que Michel Fau la dirige de manière aussi froide ? Son personnage, qui devrait quand même faire preuve d’un minimum de désir et de chaleur pour son amant, est glacial. Son jeu, trop stylisé, aurait pu être intéressant s’il n’était pas que stylisé. Résultat : les scènes entre les deux amants passent trop lentement et l’ennui s’installe. Pour essayer de pallier ce problème, le metteur en scène a tenté de monter certaines scènes avec des accents de boulevard, perdant tout le mystère, l’ambiguïté et la perversité propres à ces trahisons qui deviennent alors bien plates. Dommage car Michel Fau, lui, avait su adopter le bon ton.
Différemment entouré, cela aurait donné un tout autre spectacle ; j’aurais même pu me laisser convaincre par la mise en scène de Fau. Certes, j’ai trouvé les lumières trop agressives – on les connaît ces lumières radicales qui lui sont chères, et je dois même dire que je les ai beaucoup aimées avant mais là, peut-être était-ce dû à la mayonnaise qui ne prenait pas, mais je les ai trouvées justes radicales et comme déconnectées du spectacle dans son ensemble. Mais je dois dire que j’ai trouvé le décor très malin, cette reconstitution du puzzle comme des représentations des souvenirs des amants et des époux qui s’entremêlent au fil des révélations, c’est à la fois visuellement très réussi et très parlant. Une très chouette idée !
Qu’elle est belle cette pièce de Pinter qui revient dans le temps pour recomposer les détails et les discussions qui ont mené à la situation actuelle d’une séparation entre deux époux, Emma et Robert. On revient plusieurs années en arrière dans la vie des deux époux, et on comprend petit à petit comment leur mariage a tourné ainsi, quelle relation elle a entretenu avec Jerry, le meilleur ami de Robert devenu son amant, et comment ils se sont tous un peu trahis les uns les autres…
Il y a sans doute une grosse erreur qui plombe le spectacle et sans qui, peut-être, j’aurais pu passer un moment plus que correct. C’est une erreur de casting, et elle porte le nom de Roschdy Zem. J’étais pourtant super emballée devant cette proposition, parce que Roubaix une lumière, parce que Persona non grata, parce que découverte de cet comédien au théâtre, parce que ça pouvait marcher. Mais allez savoir pourquoi, ça ne fonctionne pas. Roschdy Zem est une coquille vide. Ses répliques se suivent et se ressemblent sans la moindre incarnation. Pire, il semble absent dès qu’il finit de parler, comme s’il se concentrait pour ne pas oublier sa phrase suivante.
Difficile pour sa partenaire Claude Perron de s’accrocher à une telle prestation. Est-ce pour cela que Michel Fau la dirige de manière aussi froide ? Son personnage, qui devrait quand même faire preuve d’un minimum de désir et de chaleur pour son amant, est glacial. Son jeu, trop stylisé, aurait pu être intéressant s’il n’était pas que stylisé. Résultat : les scènes entre les deux amants passent trop lentement et l’ennui s’installe. Pour essayer de pallier ce problème, le metteur en scène a tenté de monter certaines scènes avec des accents de boulevard, perdant tout le mystère, l’ambiguïté et la perversité propres à ces trahisons qui deviennent alors bien plates. Dommage car Michel Fau, lui, avait su adopter le bon ton.
Différemment entouré, cela aurait donné un tout autre spectacle ; j’aurais même pu me laisser convaincre par la mise en scène de Fau. Certes, j’ai trouvé les lumières trop agressives – on les connaît ces lumières radicales qui lui sont chères, et je dois même dire que je les ai beaucoup aimées avant mais là, peut-être était-ce dû à la mayonnaise qui ne prenait pas, mais je les ai trouvées justes radicales et comme déconnectées du spectacle dans son ensemble. Mais je dois dire que j’ai trouvé le décor très malin, cette reconstitution du puzzle comme des représentations des souvenirs des amants et des époux qui s’entremêlent au fil des révélations, c’est à la fois visuellement très réussi et très parlant. Une très chouette idée !