Ses critiques
205 critiques
8/10
Pour Lazare Herson-Macarel, Cyrano est « l’oeuvre la plus importante du monde ». Nous étions donc faits pour nous entendre ! Je dois lui dire un grand merci, car avec ce spectacle il me rappelle que Cyrano peut se monter avec 3 planches de bois, un violoncelle et un batteur. J’ai trop en tête la version de Denis Podalydès et j’avais jusqu’alors du mal à me faire à l’idée qu’un jour je verrai un autre Cyrano que celui-ci ,mais j’ai fait la démarche et cela me permet de me rouvrir les yeux. Donc merci, monsieur Herson-Macarel.
Car il faut bien le reconnaître, sa version de Cyrano est également très intelligente. Les scènes collectives, particulièrement, fonctionnent très bien, et tout le début du spectacle est dynamique à souhait, nous permettant de bien rentrer dans l’atmosphère proposée. Cette scène initiale, qui a donc lieu dans un théâtre, mêle les comédiens aux spectateurs et fait vivre les échanges depuis la salle, ce qui crée une dimension supplémentaire : nous aussi, on se retrouve avec l’envie de huer Montfleury au même titre que les autres. J’ai également beaucoup apprécié la manière dont la scène de la balade était menée, avec inventivité et poésie.La mort de Christian reste également un moment phare marqué par une belle scénographie. De manière générale, la mise en scène de Lazare Herson-Macarel m’a totalement convaincue.
Ce qui m’a laissée un peu plus de marbre, c’est sa direction d’acteur. D’abord, il faut reconnaître que si je n’avais su le texte par coeur, j’aurais probablement manqué quelques échanges : doit-on en imputer à l’acoustique de la salle, la présence de ces hauts murs de bois sur scène absorbant le son, ou des problèmes de diction des comédiens ? Sûrement un peu des trois. De plus, si Roxane (Morgane Nairaud) a des petits accents hystériques, j’avoue que je préfère le personnage avec plus de nuances et la jouer constamment surexcitée fait perdre un peu en poésie. De même, il ne semble avoir gardé de Cyrano (Eddie Chignara) que l’aspect intellectuel, l’homme à la singulière faconde, mais moins l’amoureux transi et le poète passionné. Difficile également pour le comédien, dont le physique se rapproche de Michel Vuillermoz, d’arriver à vaincre la superposition évidente qui se faisait dans mon esprit. En revanche, tant son Christian – charmant Joseph Fourez – que son Ragueneau – bouillonnant David Guez – ont su me convaincre.
Car il faut bien le reconnaître, sa version de Cyrano est également très intelligente. Les scènes collectives, particulièrement, fonctionnent très bien, et tout le début du spectacle est dynamique à souhait, nous permettant de bien rentrer dans l’atmosphère proposée. Cette scène initiale, qui a donc lieu dans un théâtre, mêle les comédiens aux spectateurs et fait vivre les échanges depuis la salle, ce qui crée une dimension supplémentaire : nous aussi, on se retrouve avec l’envie de huer Montfleury au même titre que les autres. J’ai également beaucoup apprécié la manière dont la scène de la balade était menée, avec inventivité et poésie.La mort de Christian reste également un moment phare marqué par une belle scénographie. De manière générale, la mise en scène de Lazare Herson-Macarel m’a totalement convaincue.
Ce qui m’a laissée un peu plus de marbre, c’est sa direction d’acteur. D’abord, il faut reconnaître que si je n’avais su le texte par coeur, j’aurais probablement manqué quelques échanges : doit-on en imputer à l’acoustique de la salle, la présence de ces hauts murs de bois sur scène absorbant le son, ou des problèmes de diction des comédiens ? Sûrement un peu des trois. De plus, si Roxane (Morgane Nairaud) a des petits accents hystériques, j’avoue que je préfère le personnage avec plus de nuances et la jouer constamment surexcitée fait perdre un peu en poésie. De même, il ne semble avoir gardé de Cyrano (Eddie Chignara) que l’aspect intellectuel, l’homme à la singulière faconde, mais moins l’amoureux transi et le poète passionné. Difficile également pour le comédien, dont le physique se rapproche de Michel Vuillermoz, d’arriver à vaincre la superposition évidente qui se faisait dans mon esprit. En revanche, tant son Christian – charmant Joseph Fourez – que son Ragueneau – bouillonnant David Guez – ont su me convaincre.
2,5/10
J’étais très enthousiaste à l’idée de découvrir le travail de Simon Stone. J’ai raté son Ibsen Huis qui a fait tant de bruit, cet été à Avignon, et j’avais hâte de connaître, moi aussi, les idées révolutionnaires de ce metteur en scène montant. J’ai un rapport particulier aux Trois Soeurs car ça a été le premier Tchekhov bien monté que j’ai vu ; le premier qui m’a permis de comprendre que malgré l’absence d’action, malgré la simplicité apparente des situations, ses pièces étaient d’une beauté sincère et prenante.Chez Tchekhov, je cherche aujourd’hui des tranches de vie : naturelles, limpides. Pas superficielles.
Simon Stone a entièrement réécrit Tchekhov en arguant que le dramaturge plaçait ses pièces dans le présent. Pourquoi pas ? Tchekhov n’a pas réellement besoin de ça car il a une écriture telle que ses oeuvres sont en réalité intemporelles, mais après tout, pourquoi pas. Julie Deliquet l’a fait avec le si grand Vania de la Comédie-Française avant lui, je n’ai rien contre l’idée de base. Mais on peut moderniser sans être vulgaire. On peut être moderne sans dire « pute », « allez vous faire enculer », « ça vaut la peau de mes couilles », ou mettre putain dans toutes ses phrases. Ces premiers échanges blessent mes oreilles et je tente alors de me reconcentrer : après tout, je suis venue voir Les Trois Soeurs d’après Tchekhov.
Mais petit à petit, de plus en plus de choses me dérangent. L’art de Tchekhov est de montrer un tout à partir d’un rien. De saisir un instant, un rapport, une émotion, un souffle avec une puissance vertigineuse et de transformer la simplicité du quotidien en une vérité à la fois intemporelle et bouleversante. Mais n’a pas le talent de Tchekhov qui veut, et l’erreur de Stone a été de vouloir reconstruire ce rien en se basant sur rien. Mais le rien au théâtre, ça ne donne pas grand chose, à part de l’ennui. Ces Trois Soeurs sont pour moi une dénaturation de Tchekhov car elle laissent de côté ce qui, à mon sens, constitue l’essence-même de l’auteur : l’émotion, la grâce, l’âpreté, l’innocence. La vie.
L’idée de départ était pourtant intéressante : puisque notre époque est vide, qu’elle se construit sur le paraître, cette décadence peut faire l’objet d’un spectacle. Deux questions alors : pourquoi se baser sur Tchekhov ? N’est-il pas, par nature, intemporel ? Dire l’amour est intemporel, non ? Le sentiment de ne pas trouver sa place est intemporel, non ? La sensation d’être passé à côté de sa vie est intemporelle, non ? Tchekhov basant ses oeuvres sur les rapports humains, à quoi bon utiliser sa pièce pour parler de quelque chose qui, fondamentalement, les dénigre ?
Et si on parvient à accepter l’utilisation de Tchekhov pour un tel usage, une autre interrogation suit la première : pour montrer le néant qui nous entoure aujourd’hui, la meilleure manière était-elle réellement de le faire passer par un spectacle tout aussi pauvre ? N’y a-t-il pas d’autre manière d’être moderne que de parler de Kim Kardashian, d’Instagram, de veganisme, de Donald Trump à tout va ? N’y a-t-il pas d’autre manière de stimuler notre intellect que de faire rire à partir d’une Macha devenue vegan, d’un André qui fait des croque-monsieur, ou du même qui passe du sent-bon dans les toilettes après avoir ouvertement crié à qui voulait l’entendre qu’il avait « envie de chier » ? J’ai parfois l’impression qu’on méprise le spectateur, à lui servir un repas aussi dilué et peu consistant. Comme s’il n’était pas capable de mâcher et de digérer lui-même les échanges Tchekhoviens.
Tchekhov ne montre pas. Il évoque, il suggère, il propose. Simon Stone a manqué à cette finesse. Il abandonne totalement la conceptualisation des rapports humains sous forme de dialogues pour compenser ses rapports vides par des éléments toujours concrets ; il oublie la psychologie de ses personnages en les montrant sans arrêt se mêlant dans un lit, s’enlaçant autour d’un baiser, se vidant aux toilettes, s’abîmant par la drogue. En se concentrant ainsi sur les actions, il met de côté les rapports humains. Il ne présente pas ses personnages, ne nous montre pas leurs peurs, leurs ambitions, leur histoire. Et tout reste en surface. Les émotions sont absentes, les personnages s’effacent derrière les allers-retours incessants des comédiens. Pourtant, scénographiquement, il y avait quelque chose. Comme ces dix secondes de temps suspendu, cet instant volé à la période de Noël où la famille se retrouve pour chanter alors que Roman marche seul dehors, sous la neige. Dix secondes sans dialogue. J’aurais peut-être dû aller voir Les Trois Soeurs de Kouliabine, finalement.
Simon Stone a entièrement réécrit Tchekhov en arguant que le dramaturge plaçait ses pièces dans le présent. Pourquoi pas ? Tchekhov n’a pas réellement besoin de ça car il a une écriture telle que ses oeuvres sont en réalité intemporelles, mais après tout, pourquoi pas. Julie Deliquet l’a fait avec le si grand Vania de la Comédie-Française avant lui, je n’ai rien contre l’idée de base. Mais on peut moderniser sans être vulgaire. On peut être moderne sans dire « pute », « allez vous faire enculer », « ça vaut la peau de mes couilles », ou mettre putain dans toutes ses phrases. Ces premiers échanges blessent mes oreilles et je tente alors de me reconcentrer : après tout, je suis venue voir Les Trois Soeurs d’après Tchekhov.
Mais petit à petit, de plus en plus de choses me dérangent. L’art de Tchekhov est de montrer un tout à partir d’un rien. De saisir un instant, un rapport, une émotion, un souffle avec une puissance vertigineuse et de transformer la simplicité du quotidien en une vérité à la fois intemporelle et bouleversante. Mais n’a pas le talent de Tchekhov qui veut, et l’erreur de Stone a été de vouloir reconstruire ce rien en se basant sur rien. Mais le rien au théâtre, ça ne donne pas grand chose, à part de l’ennui. Ces Trois Soeurs sont pour moi une dénaturation de Tchekhov car elle laissent de côté ce qui, à mon sens, constitue l’essence-même de l’auteur : l’émotion, la grâce, l’âpreté, l’innocence. La vie.
L’idée de départ était pourtant intéressante : puisque notre époque est vide, qu’elle se construit sur le paraître, cette décadence peut faire l’objet d’un spectacle. Deux questions alors : pourquoi se baser sur Tchekhov ? N’est-il pas, par nature, intemporel ? Dire l’amour est intemporel, non ? Le sentiment de ne pas trouver sa place est intemporel, non ? La sensation d’être passé à côté de sa vie est intemporelle, non ? Tchekhov basant ses oeuvres sur les rapports humains, à quoi bon utiliser sa pièce pour parler de quelque chose qui, fondamentalement, les dénigre ?
Et si on parvient à accepter l’utilisation de Tchekhov pour un tel usage, une autre interrogation suit la première : pour montrer le néant qui nous entoure aujourd’hui, la meilleure manière était-elle réellement de le faire passer par un spectacle tout aussi pauvre ? N’y a-t-il pas d’autre manière d’être moderne que de parler de Kim Kardashian, d’Instagram, de veganisme, de Donald Trump à tout va ? N’y a-t-il pas d’autre manière de stimuler notre intellect que de faire rire à partir d’une Macha devenue vegan, d’un André qui fait des croque-monsieur, ou du même qui passe du sent-bon dans les toilettes après avoir ouvertement crié à qui voulait l’entendre qu’il avait « envie de chier » ? J’ai parfois l’impression qu’on méprise le spectateur, à lui servir un repas aussi dilué et peu consistant. Comme s’il n’était pas capable de mâcher et de digérer lui-même les échanges Tchekhoviens.
Tchekhov ne montre pas. Il évoque, il suggère, il propose. Simon Stone a manqué à cette finesse. Il abandonne totalement la conceptualisation des rapports humains sous forme de dialogues pour compenser ses rapports vides par des éléments toujours concrets ; il oublie la psychologie de ses personnages en les montrant sans arrêt se mêlant dans un lit, s’enlaçant autour d’un baiser, se vidant aux toilettes, s’abîmant par la drogue. En se concentrant ainsi sur les actions, il met de côté les rapports humains. Il ne présente pas ses personnages, ne nous montre pas leurs peurs, leurs ambitions, leur histoire. Et tout reste en surface. Les émotions sont absentes, les personnages s’effacent derrière les allers-retours incessants des comédiens. Pourtant, scénographiquement, il y avait quelque chose. Comme ces dix secondes de temps suspendu, cet instant volé à la période de Noël où la famille se retrouve pour chanter alors que Roman marche seul dehors, sous la neige. Dix secondes sans dialogue. J’aurais peut-être dû aller voir Les Trois Soeurs de Kouliabine, finalement.
9/10
L’idée de base me plaisait, je dois l’avouer, avec ce personnage à qui des barbelés poussent dans le ventre jusqu’à atteindre les cordes vocales, lui laissant une heure pour parler. Une ultime heure. Cette situation, angoissante, a également son penchant. Fascinant. Victime d’un voyeurisme invétéré, je voulais savoir ce qu’il pouvait bien avoir à dire pendant cette dernière heure. Cette situation, ce simple « et si il ne restait plus qu’une heure pour… » nous met face à nos contradictions. Une heure pour parler, c’est aussi prendre une revanche sur toutes ces minutes où l’on s’est tu.
Ce spectacle, c’est la découverte de trois mondes. D’abord, l’écriture âpre de d’Annick Lefebvre. Outre une idée brillante, ses mots sont forts, parfaitement aiguisés, ils connaissent les points faibles de leur cible et savent où appuyer, à quel instant, avec quelle puissance. Les barbelés sont certes du côté du personnage mais il s’insinuent aussi chez les spectateurs : ils grimpent le long des sièges, nous obligeant à faire face à des vérités refoulées, ouvrant des plaies béantes à chaque tentative d’évasion. S’ils mettront un terme à la voix du personnage, de notre côté ils nous paralysent aussi peu à peu, nous imposant une parole parfois désagréable ; c’est littéralement une prise d’otage verbale. Tout ce que le personnage a à dire avant cette heure dernière résonne en nous comme un écho acide : ce jour où nous aurions dû dire quelque chose face au racisme ou à la lâcheté, ce jour où tout se joue dans l’apparence et non plus dans la connaissance, ce jour où ma douleur a plus compté que celle de ceux pour qui je pleurais.
J’ai également découvert une metteuse en scène – une scénographe ? – de grand talent, en la personne d’Alexia Brüger. En n’utilisant qu’une partie de la scène du Petit Théâtre de La Colline, elle crée un espace vital restreint, sorte de ring parfois très étouffant. Le travail sur les lumières mais également sur les sons apportent une dimension supplémentaire au tourbillon verbal qui se déchaîne sur scène : qu’elle épluche son pamplemousse à s’en abîmer les mains ou qu’elle marche sur des céréales, ces petits riens auxquels on pourrait ne pas faire attention dérangent et deviennent presque obscènes sur ce plateau où, de manière généralisée, tout devient peu à peu insoutenable. Une fin du monde est en cours, et la transformation progressive de l’espace scénique en est le miroir.
Enfin, il fallait sans nul doute des épaules suffisamment solides pour porter ce texte ravageur. Pour compléter le trio féminin, Marie-Êve Milot a su apporter sa présence et donner sa voix à ce personnage, initialement non genré. Elle livre son message avec brio : impressionnante et forte, elle n’est jamais imposante et, loin de « faire l’actrice », elle joue plutôt le jeu du spectateur et semble prendre nos visages au fil de ses déblatérations. Elle est nous, citoyenne lambda qui fait ses bonnes actions régulières pour pouvoir assumer sa vie confortable de bobo occidentale ; et lorsque ses pupilles croisent les nôtres, son regard n’accuse pas, il interroge : toi qui me regardes confortablement installé dans ton siège, à quel point sens-tu présentement les Barbelés au fond de ta gorge ?
Ce spectacle m’a complètement retournée. Il est beau, puissant, sincère, et nécessaire. Il fait mal, et ça fait du bien.
Ce spectacle, c’est la découverte de trois mondes. D’abord, l’écriture âpre de d’Annick Lefebvre. Outre une idée brillante, ses mots sont forts, parfaitement aiguisés, ils connaissent les points faibles de leur cible et savent où appuyer, à quel instant, avec quelle puissance. Les barbelés sont certes du côté du personnage mais il s’insinuent aussi chez les spectateurs : ils grimpent le long des sièges, nous obligeant à faire face à des vérités refoulées, ouvrant des plaies béantes à chaque tentative d’évasion. S’ils mettront un terme à la voix du personnage, de notre côté ils nous paralysent aussi peu à peu, nous imposant une parole parfois désagréable ; c’est littéralement une prise d’otage verbale. Tout ce que le personnage a à dire avant cette heure dernière résonne en nous comme un écho acide : ce jour où nous aurions dû dire quelque chose face au racisme ou à la lâcheté, ce jour où tout se joue dans l’apparence et non plus dans la connaissance, ce jour où ma douleur a plus compté que celle de ceux pour qui je pleurais.
J’ai également découvert une metteuse en scène – une scénographe ? – de grand talent, en la personne d’Alexia Brüger. En n’utilisant qu’une partie de la scène du Petit Théâtre de La Colline, elle crée un espace vital restreint, sorte de ring parfois très étouffant. Le travail sur les lumières mais également sur les sons apportent une dimension supplémentaire au tourbillon verbal qui se déchaîne sur scène : qu’elle épluche son pamplemousse à s’en abîmer les mains ou qu’elle marche sur des céréales, ces petits riens auxquels on pourrait ne pas faire attention dérangent et deviennent presque obscènes sur ce plateau où, de manière généralisée, tout devient peu à peu insoutenable. Une fin du monde est en cours, et la transformation progressive de l’espace scénique en est le miroir.
Enfin, il fallait sans nul doute des épaules suffisamment solides pour porter ce texte ravageur. Pour compléter le trio féminin, Marie-Êve Milot a su apporter sa présence et donner sa voix à ce personnage, initialement non genré. Elle livre son message avec brio : impressionnante et forte, elle n’est jamais imposante et, loin de « faire l’actrice », elle joue plutôt le jeu du spectateur et semble prendre nos visages au fil de ses déblatérations. Elle est nous, citoyenne lambda qui fait ses bonnes actions régulières pour pouvoir assumer sa vie confortable de bobo occidentale ; et lorsque ses pupilles croisent les nôtres, son regard n’accuse pas, il interroge : toi qui me regardes confortablement installé dans ton siège, à quel point sens-tu présentement les Barbelés au fond de ta gorge ?
Ce spectacle m’a complètement retournée. Il est beau, puissant, sincère, et nécessaire. Il fait mal, et ça fait du bien.
7,5/10
Décidément, cette saison, j’enchaîne les comédies cyniques sur les familles à éviter absolument ! Après La Perruche et Ramsès II, c’est dans Comme à la maison qu’on se retrouve au sein d’une famille un peu barjot pleine de secrets bien enfouis jusqu’ici mais qui vont un peu exploser au cours de ce déjeuner post-réveillon où toute la famille est réunie. Je m’abstiendrais d’en dévoiler davantage au risque de trop vous divulgacher le spectacle mais je préviens d’avance : âmes sensibles, s’abstenir !
Difficile de se faire un avis arrêté devant ce spectacle : on est en équilibre sur un fil et on penche sans arrêt de chaque côté : devant des blagues vraiment trash, on a du mal à rire franchement, et puis finalement une réplique passe un peu de pommade de manière à nous faire sortir ce rire qu’on retenait peut-être par la force. C’est un sentiment étrange que d’hésiter ainsi entre rire et s’indigner. Peut-être est-ce dû aussi à l’utilisation de ficelles parfois un peu lourdes du théâtre de boulevard qui fait qu’on n’arrive pas vraiment à lâcher prise devant ces situations extravagantes et franchement hardcore ?
Pourtant, si les situations sont parfois grotesques, on sent que niveau dialogue les auteurs se sont fait plaisir. Les échanges sont cyniques, insolents, parfois bien trouvés, souvent acerbes. On le comprend dès que le rideau se lève : les premières répliques d’Annie Grégorio imposent un rythme soutenu et des vannes piquantes qui fusent à chaque fin de dialogue. Les bases d’un bon boulevard sont là, et pourtant le spectacle semble se chercher encore : avec ces situations loufoques style humour anglais, ces répliques indigestes qui oscillent entre un rire francs et ces relations poisons qui ont un côté touchant devant l’humanité indéniable de chaque personnage, difficile de se positionner.
En vérité, je ne suis pas sûre que le spectacle tiendrait sans le bel ensemble de comédiens que Pierre Cassignard a réuni sur la scène de la Salle Réjane. Annie Grégorio mène la danse avec une verve impressionnante, sorte de monstre de pierre au coeur de velours. Sous sa carapace de mère indigne où elle enchaîne les (bons) mots les plus immoraux, on sent malgré tout une grande humanité, une peur de se dévoiler, une impossibilité à donner l’amour dont elle semble avoir été privée.
Tous oscillent ainsi entre l’être et le paraître ; Lisa Martino touche par son regard de l’enfant qui attend la récompense et la reconnaissance, Aude Thirion est une bru méprisée qui a su obtenir rapidement toute ma sympathie et un soutien sans faille tout le long du spectacle. Jeoffrey Bourdenet affiche le sourire en coin de celui qui a réussi mais parvient à montrer l’indicible. Heureusement, Françoise Pinkwasser vient raviver le tout avec un bel entrain et son regard apaisant est un échappatoire non négligeable. Enfin, Pierre-Olivier Mornas est sans nul doute le personnage qui nous met dans la situation la plus inconfortable. Il est gênant et sa situation dérange autant qu’elle indigne. Il est l’oiseau tombé du nid et sa détresse irradie le plateau à la manière d’une douleur diffuse.
Difficile de se faire un avis arrêté devant ce spectacle : on est en équilibre sur un fil et on penche sans arrêt de chaque côté : devant des blagues vraiment trash, on a du mal à rire franchement, et puis finalement une réplique passe un peu de pommade de manière à nous faire sortir ce rire qu’on retenait peut-être par la force. C’est un sentiment étrange que d’hésiter ainsi entre rire et s’indigner. Peut-être est-ce dû aussi à l’utilisation de ficelles parfois un peu lourdes du théâtre de boulevard qui fait qu’on n’arrive pas vraiment à lâcher prise devant ces situations extravagantes et franchement hardcore ?
Pourtant, si les situations sont parfois grotesques, on sent que niveau dialogue les auteurs se sont fait plaisir. Les échanges sont cyniques, insolents, parfois bien trouvés, souvent acerbes. On le comprend dès que le rideau se lève : les premières répliques d’Annie Grégorio imposent un rythme soutenu et des vannes piquantes qui fusent à chaque fin de dialogue. Les bases d’un bon boulevard sont là, et pourtant le spectacle semble se chercher encore : avec ces situations loufoques style humour anglais, ces répliques indigestes qui oscillent entre un rire francs et ces relations poisons qui ont un côté touchant devant l’humanité indéniable de chaque personnage, difficile de se positionner.
En vérité, je ne suis pas sûre que le spectacle tiendrait sans le bel ensemble de comédiens que Pierre Cassignard a réuni sur la scène de la Salle Réjane. Annie Grégorio mène la danse avec une verve impressionnante, sorte de monstre de pierre au coeur de velours. Sous sa carapace de mère indigne où elle enchaîne les (bons) mots les plus immoraux, on sent malgré tout une grande humanité, une peur de se dévoiler, une impossibilité à donner l’amour dont elle semble avoir été privée.
Tous oscillent ainsi entre l’être et le paraître ; Lisa Martino touche par son regard de l’enfant qui attend la récompense et la reconnaissance, Aude Thirion est une bru méprisée qui a su obtenir rapidement toute ma sympathie et un soutien sans faille tout le long du spectacle. Jeoffrey Bourdenet affiche le sourire en coin de celui qui a réussi mais parvient à montrer l’indicible. Heureusement, Françoise Pinkwasser vient raviver le tout avec un bel entrain et son regard apaisant est un échappatoire non négligeable. Enfin, Pierre-Olivier Mornas est sans nul doute le personnage qui nous met dans la situation la plus inconfortable. Il est gênant et sa situation dérange autant qu’elle indigne. Il est l’oiseau tombé du nid et sa détresse irradie le plateau à la manière d’une douleur diffuse.
6/10
Le spectacle proposé par Audrey Dana s’articule autour de la vie d’une jeune fille qui sait lors de son plus jeune âge qu’elle voudra être peintre. Mais comme les choses ne sont pas simples, il ne suffit pas de vouloir pour être, et son père passe un pacte avec elle : peintre, elle le sera si elle obtient son bac. Docile malgré elle, la jeune femme accepte. Elle tente de refouler son trop plein d’énergie dans un monde se basant sur les apparences, où le calme et la politesse font loi. Autour d’elle, des rencontres, chacune indocile à sa manière.
Je dois reconnaître à Audrey Dana et à sa partenaire Lucie Antunes, à la batterie, une belle énergie. La comédienne incarne chaque personnage avec un dynamisme et un souffle sans cesse renouvelé. L’accompagnement musical est bienvenu, soutenant le rythme déjà effréné des compositions qui s’enchaînent, appuyant cette vitalité qui déborde déjà de l’actrice.
Néanmoins, j’ai trouvé le tout un peu trop fade pour un spectacle qui se veut insoumis. En effet, les personnages dessinés restent malgré tout trop obéissants à mon goût et j’aurais souhaité une vraie rébellion, tant dans le fond que dans la forme. J’ai eu du mal à comprendre où le spectacle voulait réellement nous emmener, pourquoi nous montrer ces différentes étapes de vie, et comment je pourrais entrer avec elles dans l’histoire. Il y a de beaux moments, mais le tout ne laisse pas une impression d’indiscipline marquée. Seule la dernière scène marque une belle envolée et donne littéralement envie de se révolter à son tour.
Je dois reconnaître à Audrey Dana et à sa partenaire Lucie Antunes, à la batterie, une belle énergie. La comédienne incarne chaque personnage avec un dynamisme et un souffle sans cesse renouvelé. L’accompagnement musical est bienvenu, soutenant le rythme déjà effréné des compositions qui s’enchaînent, appuyant cette vitalité qui déborde déjà de l’actrice.
Néanmoins, j’ai trouvé le tout un peu trop fade pour un spectacle qui se veut insoumis. En effet, les personnages dessinés restent malgré tout trop obéissants à mon goût et j’aurais souhaité une vraie rébellion, tant dans le fond que dans la forme. J’ai eu du mal à comprendre où le spectacle voulait réellement nous emmener, pourquoi nous montrer ces différentes étapes de vie, et comment je pourrais entrer avec elles dans l’histoire. Il y a de beaux moments, mais le tout ne laisse pas une impression d’indiscipline marquée. Seule la dernière scène marque une belle envolée et donne littéralement envie de se révolter à son tour.