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Mordue de Théâtre
Mordue de Théâtre
Théâtrholic
27 ans
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"Dans le grand ordre des choses, le spectacle le plus médiocre a sans doute plus de valeur que notre critique qui le dénonce comme tel."
Son blog : http://mordue-de-theatre.com/
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Ses critiques

205 critiques
Névrotik Hôtel

Névrotik Hôtel

4/10
39
C’était le spectacle de la dernière chance. Ceux qui lisent régulièrement mes chroniques connaissent mon admiration pour Michel Fau et cette lente déchéance depuis quelques spectacles – depuis ce Fleur de Cactus si décevant la saison dernière. Depuis, je vais de déception en déception. Je misais beaucoup sur ce Névrotik-Hôtel qui semblait déjà plus fidèle au Fau que j’aimais, plus éloigné de ses dernières lubies, et j’y suis allée pleine d’espoir. J’en ressors le coeur gros, avec l’impression qu’une étoile s’est éteinte à tout jamais. Cette année, son Tartuffe à la Porte Saint-Martin s’était entièrement déroulé sans moi. Il en sera de même pour Fric Frac la saison prochaine au Théâtre de Paris. C’est la fin d’une époque. La fin du Fau.

Excitée, donc, je l’étais, en me rendant au Théâtre des Bouffes du Nord ce soir-là. Ce Névrotik-Hôtel semblait surfer sur la vague de son merveilleux Récital Emphatique : il aura malheureusement du mal à supporter la comparaison. Je suis quand même rassurée en constatant que le texte n’est pas de Fau : cela signifie qu’une fois encore, c’est bien son appréciation du texte qui est en cause, et non pas son talent. Quelque part, cela m’apaise. On se retrouve dans cet Hôtel où une diva – Michel Fau, qui d’autre ? – utilisera son talent monétaire en achetant le boy Antoine pour qu’il satisfasse ses plus étranges désirs. Ce que ce spectacle semble oublier, c’est que, quelque part, même l’extravagance a ses règles.

Décor rose acidulé qui pique les yeux, jusque-là rien de choquant. Michel Fau a toujours eu un goût particulier pour les couleurs flashys, c’est aussi pour ça qu’on l’aime. Les choses commencent à se gâter à son entrée en scène : il est seul, et il a beau être lui, le texte est si vide que je sens un poids grossir dans ma gorge. Peut-être que, fort de ses précédents succès, il a fini par croire qu’il pouvait tout monter avec brio. Il faut dire qu’une partie du public sera avec lui ce soir-là ; une partie qui commence à rire à peu près à l’instant où il met un pied sur la scène. La deuxième partie, dont je suis, semble déjà plus boudeuse ; menton dans la main, yeux fermés, petit coup d’oeil sur la montre… Quant à la troisième partie, elle est tout simplement absente : on est samedi soir et pourtant je n’ai jamais vu les Bouffes du Nord aussi peu remplies…

Qu’importe le texte, je me rassure en me disant que je pourrai me raccrocher aux chansons. Sur la bible, il est indiqué que ce sont des chansons inédites : on comprend rapidement pourquoi. J’exagère un peu : certaines sont agréables à l’oreille et même plutôt entraînantes. Mais la plupart du temps, ce sont surtout des paroles désespérément creuses, si bien que seuls les arrangements de Jean-Pierre Stora prennent un véritable intérêt. Et dire que Michel Fau parle d’hommage décalé et poignant à la grande chanson française…

Alors bon, tout n’est pas si noir, mais tout n’est pas aussi rose que le voudrait le décor. Par instant, le Michel Fau d’avant revient. Dans une réplique, dans une grimace, dans un geste, je retrouve ce que j’étais venue chercher, cette grandiloquence assumée, cette originalité sans complexe, cette faulie unique. Alors je prends, comme une dernière offrande, les restes d’un être qui peu à peu s’efface, perdu dans la folie des théâtres privés qui lui ouvrent leurs portes.

Le truc, c’est que le personnage de diva de Michel Fau ne chante pas divinement bien – et son acolyte Antoine Kahan non plus. C’est un peu comme Miss Knife pour Olivier Py : on ne vient pas la voir parce qu’elle va ravir nos oreilles mais parce que c’est un personnage formidable de composition et, dans le cas de ce dernier, avec des paroles qui valent vraiment le détour. Si on enlève et les paroles et la composition, il est clair que le personnage perd beaucoup de son intérêt… Et c’est exactement ce qui se passe ici. Les chansons étant ce qu’elles sont, l’intrigue étant ce qu’elle est, les voix des deux comédiens étant ce qu’elles sont… qu’est-ce qui reste ?
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Le maître et marguerite

Le maître et marguerite

7/10
42
Je suis le travail d’Igor Mendjisky depuis longtemps : découvert par hasard au Théâtre Mouffetard quand celui-ci n’était pas encore consacré aux marionnettes, j’avais été très intéressée par son adaptation moderne de la pièce de Shakespeare, avec de belles trouvailles scéniques de sorte que des images me restent encore aujourd’hui. Par la suite, c’est pour ses formidables Masques et Nez que je l’ai essentiellement suivi, moments d’improvisations uniques et drôles, mais j’étais ravie de le retrouver à nouveau avec un grand roman classique dans les mains.

N’ayant pas lu l’oeuvre de Boulgakov, je découvrais l’histoire : étalée sur trois temps différents, elle est une sorte de parcours initiatique d’Ivan, le personnage principal, un auteur qui au début de l’histoire rencontre le diable et lui déclare qu’il ne croit pas en lui. Celui-ci prédit alors la mort de son ami Berlioz, et tandis que les deux amis continuent de le nier, la réalité les rattrape et la prophétie se réalise. Ivan, témoin de cette scène, tente alors de faire éclater la vérité au grand jour mais ne réussit qu’à se faire enfermer dans un asile de fous où il passera la suite de l’histoire. C’est dans cet asile qu’il rencontrera le Maître, ce qui donnera lieu à un deuxième temps – le temps de son histoire passée, la découverte de Marguerite, et, par la suite, les épreuves qui attendront sa bien-aimée. Enfin, le troisième temps semble totalement décorrélé du reste, et se situe à Jérusalem sous le gouvernement du procurateur Ponce-Pilate – c’est sans doute la partie qui m’a laissée le plus perplexe.

Décidément cette saison, je n’ai pas beaucoup de chance avec le diable : après le désastreux Faust de la Comédie-Française, ma deuxième rencontre de l’année avec le démon, si elle s’avère bien moins ennuyeuse, me laisse tout de même encore désappointée. Car si je ne me suis pas ennuyée le moins du monde durant ce spectacle, j’en ressors l’esprit – sinon vide – du moins pas franchement plus rempli qu’à l’arrivée. Je sens que je suis passée à côté de quelques sentences de ce texte, et je sens aussi que le choix d’adaptation et de mise en scène d’Igor Mendjisky n’y est pas pour rien.

Je suis donc un peu partagée. Il faut savoir que j’y allais le coeur léger : retrouver cet endroit utopique qu’est La Cartoucherie sous un soleil de début d’été est un véritable plaisir. Or l’état d’esprit dans lequel on découvre un spectacle est primordial : selon mon humeur, je sais que je peux être plus ou moins exigeante pour entrer dans un spectacle. Ici, clairement, je me suis laissée porter par ce qu’on me proposait, j’ai sauté d’un temps à l’autre avec aisance, j’ai participé aux jeux proposés par les personnages, j’ai apprécié les différents éléments de scénographie. En fait, durant tout le spectacle, je me demandais gaiment où tout cela nous menait, mais arrivée à la fin, je n’ai pas vraiment eu de réponse à ma question.

La proposition d’Igor Mendjisky est foisonnante : utilisation de la vidéo en direct, voix amplifiées au micro, projections, participation du public, images fortes créées sur la scène, tout est là pour ravir les yeux et les oreilles. Mais est-ce vraiment du Mendjisky que je vois là ? Les éléments qu’il utilise me font penser à Gosselin, à Bellorini, sans qu’une réelle harmonie les lie entre eux. Si j’apprécie le jeu avec le public, je ne peux m’empêcher d’y trouver un petit côté démago, ne saisissant pas toujours le rapport entre l’histoire et l’intermède proposé. Avec du recul, cela rend un peu comme s’il avait combiné un ensemble de « trucs à la mode » dans lesquels il n’a pas toujours su imposer sa patte.

En réalité, tout semble axé sur la scénographie… au détriment parfois des relations entre les personnages : ce ne sont pas tout à fait des pantins, mais ils semblent en tout cas dénués de tout sentiment. L’histoire d’amour entre le Maître et Marguerite, si elle est soulignée par un effet de neige visuellement agréable, ne transparaît pas du tout chez les comédiens, si bien que le spectacle se retrouve privé de toute émotion.

J’ai tendance à penser que le problème du spectacle réside dans son adaptation. Je ne connais pas le roman mais je suppose que, à la manière du spectacle qu’en a tiré Mendjisky, il jongle avec ces trois temps et ne suit aucune linéarité. Cela donne lieu à une adaptation composée de nombreux tableaux, ce qui peut facilement nuire au rythme de la pièce. Pour pallier ce problème, le metteur en scène a choisi l’abondance – cela a fonctionné sur moi, puisque j’ai suivi avec intérêt cette histoire, mais au détriment d’une part de morale qui m’a sans doute échappé. La scénographie, bien que très prenante, a finalement un petit goût artificiel qui vient combler une difficulté à traduire la pensée de l’auteur sur scène.

Cependant, Igor Mendjisky a su s’entourer d’une équipe qui fait plaisir à voir. J’aurais aimé qu’il fasse preuve d’autant de clairvoyance jusqu’au bout en ne se distribuant pas dans le rôle d’Ivan – sans être mauvais comédien, il est souvent dans le même registre et peine à donner plus d’une couleur au personnage d’Ivan, qui reste cantonné au sentiment de peur la plupart du temps. Mais à ses côtés, on retrouve un Romain Cottard très en forme : son diable-dandy fait grand effet et joue de son côté mystérieux pour impressionner tant ses camarades que le public !

Après avoir échangé de nombreux regards dans le noir avec Yuriy Zavalnyouk, je peux également saluer l’angoisse qu’il parvient à faire naître par ses coups d’oeil inquiétants. Chez les femmes, Esther Van den Driessche a su particulièrement retenir mon attention pour ses parties muettes dans lesquelles elle propose des parties dansées très gracieuses qui viennent ajouter encore à la beauté de la scénographie. Mention spéciale aussi à Alexandre Soulié pour la composition de son rôle de chat, dont la toilette récurrente trouve toujours son quota de rire dans le public !
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Tristesses

Tristesses

8,5/10
164
Réconciliée avec la programmation de l’Odéon cette saison, j’ajoute des spectacles au fil de l’année, à mesure que ma confiance dans le travail Braunschweig en tant que directeur de ce théâtre grandit. Quand je lis le courriel annonçant l’avant-première du spectacle, ni une ni deux, je réserve. D’abord, parce que c’est une compagnie que je ne connais pas du tout et un spectacle qui m’intrigue, mais aussi car la proposition des avant-premières de l’Odéon me plaît énormément et mérite d’être soutenue : assister la veille ou l’avant-veille de la première au spectacle à moitié prix, c’est quand même chouette. Et pour un spectacle comme Tristesses, qui est en réalité une reprise puisque la création date du Festival In de l’an dernier, cela valait franchement le coup.

La pièce s’ouvre sur le suicide d’une des 8 dernières habitantes de l’île de Tristesses, au nord du Danemark. Le lieu autrefois prospère a vu ses habitants déserter avec la mort de ses abattoirs, qui constituait leur principale source de revenue. Martha Heiger, la fille de cette femme pendue au drapeau danois, et par ailleurs favorite des prochaines élections avec son parti du Réveil Populaire, vient chercher sa mère avec pour ambition de la ramener sur le continent, ce qui semble contraire à ses dernières volontés. L’arrivée de Martha sera le catalyseur de l’agonie de cette île, révélant tensions et manipulations jusqu’alors latentes.

J’avoue : j’ai triché. Moi qui ne lis jamais la bible avant un spectacle – connaître l’intention du metteur en scène détruit l’objectivité de la perception du spectateur – j’ai jeté sur le livret un petit gauche-droite juste avant le spectacle pour me faire une idée du sujet de la pièce. C’est peut-être grâce à cette première entrée en matière que je suis rentrée directement dans ce thriller politique qui m’a transportée sans problème jusqu’à son issue finale. Un beau morceau.

Bon alors, on ne va pas se mentir, la caméra au théâtre, on commence à avoir l’habitude. Elle est sortie à toutes les sauces mais elle n’a pas toujours un rôle clairement défini. Ici, simplement, si on enlève la caméra c’est un spectacle entièrement différent qui est joué. Il faut savoir que le décor est constitué de petites maisons fermées dont on ne voit pas l’intérieur. Et toute l’intelligence du dispositif réside en ce que le cameraman n’est jamais à vue des spectateurs – ou rarement, et quand il apparaît c’est pour de très belles raisons – et que tout ce qui est filmé se passe à l’intérieur des maisons.

Ainsi, ce qui se passe sur scène et ce qui se passe à l’écran sont deux événements véritablement complémentaires et il ne s’agit pas, comme dans Festen par exemple, de choisir de regarder l’un ou l’autre par préférence d’un gros plan ou d’un plan d’ensemble. Ce que j’ai trouvé très ingénieux, c’est que ce dispositif soulignait remarquablement la désertification de l’île : lorsque tout le monde est dans sa maison et que l’action est à l’écran, le plateau est bien triste. Oui, triste, c’est le mot.

Tristesses, c’est le nom de l’île, mais c’est aussi globalement l’état d’esprit général qui règne sur le plateau. Au-delà du texte venant vilipender la montée des populismes, l’atmosphère générale est sombre et les relations semblent toutes entachées par un secret passé. Aucune relation, d’ailleurs, ne semble égalitaire, et l’impact du pouvoir, la puissance du paraître, sont merveilleusement rendus par des dialogues et des comédiens dirigés au cordeau. Pour pallier cette lourde ambiance, Anne-Cécile Vandalem a su jongler avec des scènes plus potaches qui déclenchent un rire sonnant comme une issue de secours chez le spectateur. J’ai beaucoup aimé cette alternance de tension et de relâchement, et j’ai presque honte d’avoir ri à des blagues d’un niveau parfois douteux – mais dans ce spectacle, le spectateur est manipulé aussi facilement que les habitants de l’île…

Je découvre à l’instant, en faisant mes recherches sur les acteurs, que c’était l’autrice / metteuse en scène, Anne-Cécile Vandalem en personne, qui a joué ce personnage si désagréable qu’est Martha. J’ai trouvé son jeu d’une finesse et d’une acuité telles que je n’en reviens pas qu’elle signe également le texte et la mise en scène. Son personnage jure avec les autres par son caméléonisme – c’est un effet voulu et cela fonctionne très bien : là où chacun semble accentuer un trait de leur caractère, dans des jeux frôlant parfois la caricature, elle semble se transformer suivant les situations, montrant différentes facettes de son personnage – pour notre plus grande frayeur.
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A la Trace

A la Trace

6,5/10
17
Dans A la Trace, plusieurs histoires se superposent. Le fil directeur se décompose en deux trames principales : d’un côté, les recherches généalogiques de Clara ; de l’autre, la vie d’Anna. Clara cherche celle qui a été la maîtresse de son père et dont elle n’a que quelques objets matériels et un nom pour seuls indices : une certaine Anna Girardin aurait oublié un sac et quelques affaires, retrouvées par Clara à la mort de son père. Mais des Anna Girardin, il y en a des centaines ! Elle se met alors en tête de trouver la vraie, celle qui pourra la renseigner sur cette mystérieuse relation qui lui était inconnue. De son côté, la véritable Anna Girardin semble fuir quelque chose : on la retrouve dans des hôtels toujours différents, occupant ses soirées sur des réseaux dans lesquels elle discute avec des hommes mais ne semble pas vouloir s’attacher. C’est à travers ces discutions que l’on va en apprendre plus sur Anna, sur son passé et sur les étranges ressemblances avec celui de Clara.

Je suis très partagée sur ce spectacle. J’ai eu du mal à m’intéresser vraiment à cette histoire de famille qui me paraissait assez surfaite : sans vouloir divulgacher certains rebondissements (qu’on voit venir assez rapidement cela dit), le texte est quand même empreint de clichés et le côté mélo-dramatique de ces trois générations qui se cherchent autant qu’elles cherchent à nous tirer des larmes me laisse les yeux bien secs. Cependant, une force mystérieuse m’a maintenue dans le spectacle et malgré mon intuition sur sa fin j’ai suivi le spectacle avec plus de curiosité que je ne voudrais l’avouer.

Cette force, je pense pouvoir l’imputer à la scénographie renversante de Barbara Kraft. Le décor est un terrain de jeu incroyable : 6 cases empilées les unes sur les autres sur trois niveaux, chaque scène se déroulant dans une case spécifique. Seul défaut : une réelle distance est imposée entre les personnages et le spectateur, ce qui a certainement participé à me laisser de côté. Néanmoins, visuellement, ce dispositif est une belle réussite. Les interactions entre Anna Girardin et ses différents hommes suivent ainsi toujours la même forme : elle, dans une case, ou parfois sur le plateau, et son interlocuteur projeté sur le décor, conversant avec cette inconnue.

Ce sont les scènes les plus prenantes du spectacle : omniprésence des réseaux sociaux, soutien évident que les conversations peuvent représenter mais également distanciation imposée par de tels dispositifs, le sujet est primordial pour moi et j’y ai sans doute plaqué beaucoup de personnel mais il m’a littéralement happée. Lorsque le film est diffusé sur plus d’une case, projetant une tête sur très grand écran, cela jure avec la petitesse d’Anna alors présente sur le plateau, et je n’ai pu refouler cette image de Black Mirror dans laquelle un personnage est introduit physiquement dans le cerveau d’un autre et lui parle jusqu’à ce que celui qui a gardé son corps décide de lui couper la parole, de le mettre sur off, et ainsi de l’empêcher d’exister. Brillant.

Un texte assez creux soutenu par un dispositif percutant, je m’étonne moi-même d’avoir tenu le choc. Je salue quand même cette pièce qui emploie quatre comédiennes sur le plateau, chose qui n’est que trop rare au théâtre. Parmi elle, Judith Henry m’a particulièrement marquée. Elle incarne à elle seule les différentes « fausses » Anna Girardin que Clara rencontre et il serait réducteur de se contenter de dire qu’elle les incarne toutes différemment. Ce ne sont pas seulement des caractères changés qu’elle propose, mais littéralement des femmes spécifiques, avec des histoires qui leur sont propres. Sur le plateau, elle rayonne, si bien qu’à aucun moment son personnage ne peut être considéré comme secondaire. Des quatre personnages présents sur le plateau, en considérant que toutes ses Anna Girardin n’en font qu’un, elle est celle qui a le mieux transcrit sa part de mystère, en ne cherchant à aucun moment à le souligner.
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Probablement les Bahamas

Probablement les Bahamas

8,5/10
22
Martin Crimp est un auteur contemporain que l’on a souvent comparé à Pinter : lui aussi prise les dialogues apparemment anodins, mais mystérieux, recelant des rapports de force et une menace latente. Dans Probablement les Bahamas, un vieux couple reçoit un invité (que nous ne verrons jamais que de dos, et qui ne dira pas un mot) ; la femme, Milly (Catherine Salviat), qui détient l’essentiel de la parole, lui expose leur petite vie : elle parle de leurs habitudes, mais aussi de leur fils marié (qui vient de faire un voyage aux Bahamas, à moins que ce ne soit aux Canaries) ainsi que de la jeune fille au pair hollandaise (Marijka) qui les aide dans leur vie quotidienne. Celle-ci est le quatrième personnage, qui aura un long monologue dans la dernière partie de la pièce.

Le contenu du dialogue est répétitif : Milly revient sur les mêmes faits, en les développant avec des détails différents, sur lesquels son mari Franck n’est pas d’accord. On montre des photos à l’invité, mais l’interprétation du moment qu’elles ont fixé diffère selon Milly, Frank ou Marijka. Au fil de ces paroles apparemment erratiques et redondantes, des tensions se font jour : peut-être que le bien-être apparent, le bonheur affiché dans ce charmant cottage masquent des fustrations, des haines, voire des épisodes effroyables (ou peut-être pas…). Ces personnages si ordinaires sont (peut-être) au bord de l’explosion.

Le spectateur n’est donc pas conduit à suivre une action, mais à recomposer et interpréter certains épisodes du passé, sans aucune certitude. Le dialogue demande une grande attention, mais il est mené de façon à ce qu’on ne lâche pas prise : on a envie de comprendre le rapport entre les personnages, de trouver des pistes d’interprétation. Il est certain que l’on a ici affaire à un auteur qui compose finement son texte : la progression est presque insensible, mais elle existe, et soutient l’intérêt.

Ce texte pourrait néanmoins être fade : il demande une mise en scène très précise, et des acteurs qui sachent faire passer mille choses sous des propos insignifiants et dans des silences. De ce point de vue, le pari est vraiment gagné. Anne-Marie Lazarini a d’abord choisi un décor qui attise chez le specteteur le démon de l’interprétation, indispensable pour que le texte ait son plein effet. Le décor représente une maison entière, dont on aurait seulement enlevé les murs : le jardin planté de roses, le séjour où Milly et Franck parlent à leur invité, la chambre conjugale et celle de la jeune fille au pair, la cuisine, la salle de bains. En même temps que se déroule la conversation, nous voyons Marijka se déplacer dans la maison, parfois c’est Milly ou Franck qui vont jusqu’à la cuisine ou la chambre… Cette extension de l’espace scénique n’est pas gratuite : forcément s’opèrent des relations entre ce que l’on entend et ce que l’on voit, qui sont source d’interprétation ou de question : si Franck va à la cuisine, est-ce seulement pour rincer son verre ou parce que Milly a dit quelque chose d’insupportable ? Pourquoi Marijka va-t-elle dans le jardin ? Ainsi l’esprit du spectateur est-il toujours en alerte : c’est une des choses qui m’ont le plus séduite dans le spectacle.

Mais l’atout majeur réside dans les acteurs. Leurs expressions, leurs voix sont les vecteurs principaux de l’irritant mystère du texte. Ils auraient pu forcer la note de la satire de la petite bourgeoisie crispée sur son confort (Crimp m’a semblé plus directement satirique que Pinter) mais cela aurait été réducteur : c’est la subtilité de leur jeu qui emporte l’admiration. Catherine Salviat est époustouflante : par une inflexion, un regard, elle démultiplie la force du texte. La variété des climats qu’elle instaure sur la scène est vraiment source de jubilation silencieuse pour le spectateur. Jacques Bondoux n’est pas en reste :la bonhomie de Franck est-elle faiblesse, résignation, violence rentrée ? Son jeu tout en finesse est une très belle composition. Heidi-Éva Clavier, l’actrice très singulière qui joue Marijka, ajoute sa note à la fois juste et déconcertante, à l’image du spectacle dans son ensemble.
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