- Théâtre contemporain
- Théâtre national de la Colline
- Paris 20ème
Notre innocence (Victoires)

- Véronique Nordey
- Mounia Zahzam
- Etienne Wu Paul Lou
- Charles Segard‑Noircière
- Simon Rembado
- Lisa Perrio
- Hatice Ozer
- Lucie Digout
- Théodora Breux
- Sarah Brannens
- Mohamed Bouadla
- Maxence Bod
- Emmanuel Besnault
- Hayet Darwich
- Maxime Le Gac‑Olanié
- Julie Julien
- Paul Toucang
- Jade Fortineau
- Yuriy Zavalnyouk
- Théâtre national de la Colline
- 15, rue Malte-Brun
- 75020 Paris
- Gambetta (l.3)
Une jeune femme d’une vingtaine d’années, portée par l’intuition du siècle qui l’a vue naître et refusant celui qui s’ouvre à elle, se tue un matin en se jetant de la fenêtre de son appartement.
Pourtant elle s’appelait Victoire, pourtant elle était portée par la force brutale de la poésie. Pourtant elle croyait aux mots qui disent les maux. Dans l’instant indicible qui veut qu’une femme choisisse de se donner la mort, il y a aussi parfois l’intuition d’un don comme si, par ce geste irréparable, ce qui ne pouvait être exprimé la mort seule savait l’offrir.
Si nous sommes chacun des chagrins potentiels aux êtres qui tiennent à nous, si la disparition du moindre être humain est un trou béant pour la tribu qui l’aimait, alors nul, dans cette tribu qui sera envahie par la stupeur à l’annonce du suicide de Victoire, n’aurait pu imaginer la férocité de la transformation qu’une telle mort va engendrer chez chacun d’eux.
Quand la disparition de l’un devient révélation pour l’autre, quand la mort terrifiante de la parole d’une jeunesse devient silence assourdissant pour tout un monde, quand la mort devient un geste posé avec une telle férocité, que tous devront bien reconnaître qu’un pas en avant a été fait, alors le nom de Victoire pourra devenir le nom de chacun et de ce nom éclore le mot de la vie.
Me voilà donc partie avec de bonnes dispositions.
Oeuvre collective, peu écrite, normal pour Mouawad.
Ca commence par ce groupe qui déclame pendant 40 minutes des idées jetées en pâture. Ca finit (pas trop tôt). Des gens se lèvent et sortent.
Deuxième partie, la jeunesse fait la fête. Le groupe apprend le suicide d'une camarade de promotion. Ils échangent sur les faits, le choc, le ressenti. Je ne suis pas touchée. Les discours sont assez banals, pas de fil tiré. Beaucoup de disputes, de gros mots et d'énervement gratuit.
Je craque, rideau pour moi. Je sors.
Je n'aime pas la critique négative mais je reste sans comprendre le choix de Mouawad pour cette promotion. Je n'ai rien vu d'exceptionnel. Je ne vois pas bien où est l'originalité, l'idée phare. C'est dommage de voir un spectacle qui parait vite ficelé après tous des oiseaux qui a été si fort. Dommage, rencontre ratée.
Pour les acteurs, j’ai un peu fait mes devoirs et je me suis aperçu que j’en avais déjà vu certains dans le spectacle « 60°Nord » au CNSAD en 2016 et que j’avais déjà été déçu par cette promotion que j’avais trouvé en grande partie fade (c’est très méchant ce que je viens d’écrire… Alors je ne sais pas, mais je me dis qu’à ce niveau-là, je ne dis pas qu’on doit trouver uniquement des bêtes de scène, mais en tout cas une qualité de jeu, des nuances que j’ai eu du mal à percevoir. Si je dois retenir certains visages, j’en citerai deux : Jade Fortineau et Etienne Lou. Ce dernier, peut-être aidé par le capital sympathie de son accent québécois et des mots qui vont avec, a su garder une fraîcheur et surtout un naturel dans son jeu. La scène autour de la table, dans laquelle on les voit réagir à la mort de Victoire est assez significative. Ils sont dix-huit et on voit dix-huit façons de montrer la tristesse. Ça crie, ça s’énerve, c’est articifiel : « Putain, c’est pas vrai » dit un des comédiens avec la mine renfrognée, les poings serrés qu’il gardera pendant tout le reste de la pièce jusqu’aux saluts. La question est : Pourquoi dix-huit comédiens, là où la moitié aurait permis à chacun de briller, de respirer et surtout d’avoir un vrai personnage à défendre, car c’est là où le bât blesse. (oui, je sais, c’est la promo d’un cours de théâtre, mais justement, on fait ce qu’on veut, si on veut qu’ils soient neuf, ben ils sont neuf !) Au début de la pièce, une des comédiennes explique comment elle aurait été embauchée par Wajdi Mouawad et que ce dernier l’aurait avertie qu’il n’aurait peut-être pas le temps de lui écrire un vrai rôle. Et c’est là le problème, pour la plupart, on voit des clichés de personnages. Et quand on tente d’inventer un background à ceux-ci, une origine étrangère, un conflit avec la disparue, on n’y croit pas et ça tombe comme un cheveu au milieu de la soupe.
Avant cela, il y a la fameuse scène de choeur (déjà vue ailleurs), impressionnante et maîtrisée mais dont le discours nous passe un peu au-dessus (la charge contre les aînés, la société de consommation…), une scène de danse (déjà vue au moins dans 1993 de Julien Gosselin), des comédiens qui se déshabillent (déjà vu), des chaises (déjà vu notamment dans la modeste et pas inintéressante « Parlons d’autre chose » de Léonore Confino). Après cela, l’apparition d’Alabama, la fille de Victoire la disparue, interprétée par une vraie petite fille, elle, hyper juste.
Pour conclure cette trop longue chronique, je suis très déçu et un peu colère, aussi par une écriture loin d’être convaincante (et j’ai toujours du mal avec les « tabarnak » et autres « osties » dits dans le choeur par des comédiens pratiquement tous français.)
Elle était élève d'un atelier de recherche théâtrale animé par Wajdi Mouwad au Conservatoire National Supérieur d'Art dramatique de Paris.
L'imparfait de l'indicatif est un temps à la fois définitif, irréversible et horrible.
Victoire est tombée de son treizième étage. Tout porte à croire que c'est un suicide.
Ce qui est certain, c'est que la mort, elle, est là. Définitive, irréversible et horrible.
Mouawad a créé ce texte avec les camarades de Victoire pour que cette triste histoire ne s'achève pas par la mort, justement. Pour donner une suite, raconter, témoigner.
Notre innocence, c'est en quelque sorte la mise à plat de ce décès brutal par le prisme de la jeunesse des dix-huit camarades de la Victoire.
Nous allons assister à une sorte de « sociologie de l'après-traumatisme ».
Tout commence par l'exposition du projet artistique et dramaturgique.
Puis un choeur antique et à la fois on ne peut plus moderne va s'adresser à nous.
Les dix-huit jeunes comédiens, tous entre vingt-cinq et trente ans, vont nous donner un long choral de mots.
Tous ensemble, dans une stupéfiante maîtrise et une parfaite synchronisation (c'en est même parfois troublant...), ils vont exprimer, dire, hurler ce qu'ils ont sur le cœur.
Ils vont « gueuler contre les vieux », ceux qui les ont mis au monde, ceux qui leur laissent cette atroce société, ceux qui leur rebattent les oreilles de mai 68, de leur combats qu'ils ont ensuite reniés.
Le constat qu'ils font à travers les mots scandés est implacable et accablant.
La deuxième partie sera une sorte de cène à l'envers. L'une d'entre eux est déjà partie, mais elle ne ressuscitera pas.
Tous réunis autour d'une table, chacun va tenter de trouver des explications, des justifications, des excuses, aussi.
Les personnages n'ont alors pas de nom.
Le dernier acte nous en fera faire la connaissance d'un autre, de personnage. Il s'agira d'Alabama, âgée de neuf ans, la fille de Victoire.
Elle mettra tout le monde face à ses responsabilités, car à leur tour, au delà de leur révolte et de leurs indignations, eux aussi devront transmettre un monde (peut-être) meilleur.
Elle, elle dira le prénom de tous les protagonistes.
Sur le plateau, règne en permanence une sacré cohérence de jeu. Tous les dix-huit comédiens forment un ensemble très homogène, et parviennent à faire ressortir en très peu de mots et de gestes les caractéristiques psychologiques de leur personnage. Tous sont très crédibles et en très peu de temps, loi du nombre oblige.
La direction d'acteurs est ultra-précise (on connaît Mouawad) et sa gestion des dix-huit acteurs est très pertinente. Beaucoup d'énergie se dégage de tout ça.
La scénographie de Clémentine Dercq est fort judicieuse, avec un grand fond blanc motorisé se déplaçant vers le proscénium, créant ainsi un véritable étouffement, avec également de beaux effets de rideaux de fine tulle.
Cette création à la Colline de Wajdi Mouwad est à la fois troublante et forcément émouvante, (Des comédiennes pleurent sur le plateau, je ne suis pas certain que ce soit pour "jouer", une réelle émotion se dégage très rapidement).
De plus, ce spectacle porte un beau message cathartique.
Au travers de la disparition d'un être humain, c'est le chaos de la vie qui est montré. Il faudra que ce soit la mort qui soit le catalyseur de la révélation de ce que chacun porte en soi.
Un moment de théâtre qui ne peut laisser indifférent.
Mouawad et ses comédiens nous enferment une nouvelle fois pour mieux nous libérer en nous posant une vraie question : comment nous positionnerions nous ? Nous.
Où en sommes-nous, de notre innocence ?
Il faut me comprendre. D’abord, le spectacle s’ouvre avec une longue tirade d’une jeune fille. J’avais vu passer des avis négatifs sur les comédiens, je ne suis pas d’accord, elle parvient à bien saisir l’attention. Cela part bien. Puis elle est rejointe par 17 autres comédiens qui se placent autour d’elle de sorte à former un choeur. Et pendant une demi-heure, ils vont déclamer ainsi leur texte. Je reconnais la prouesse technique d’un tel ensemble, car les comédiens sont parfaitement synchrones. Mais je passe complètement à côté de l’intérêt d’une telle forme…
Peut-être aussi parce que le fond me déplaît profondément. Peu à peu monte en moi une révolte face aux propos que j’entends. Ce que je vois manque d’authenticité : Mouawad pense parler pour la jeunesse, je l’entends parler pour lui-même. Ce qu’il dénonce me paraît pour beaucoup empli de cliché ; les combats qu’il mène ne sont pas les nôtres. Je ne me revendique pas de cette jeunesse-là. Au contraire. Cela sonne faux. Cela sonne vieux. Quant aux 10 minutes passées à déclamer « Je sais pas » sur tous les tons… Est-il vraiment nécessaire d’en parler ?
Une fois cette chorale close, les comédiens se changent à vue. Le sens d’un tel acte me manque. Mais passons. Commence alors l’histoire à proprement parler : les personnages sont confrontés à la mort d’une des leurs, Victoire, qui s’est défenestrée. On les verra essayer d’enregistrer la réalité impensable, et face à cette nouvelle se transformer, cracher ce qui est en eux et connaît soudainement un besoin irrépressible de sortir.
Autour de la table qui trône sur le plateau, les comédiens crient beaucoup. Des tirades pas très intéressantes, encore quelques clichés, des sujets qui s’ajoutent et dont on a peine à comprendre l’apparition soudaine. La direction d’acteur ne permet pas de faire entendre un propos qui s’étiole. Vous l’aurez compris : je n’ai pas réussi à entrer dans cette partie non plus. Mais le pire fut peut-être le dernier thème, où la prétendue fille de Victoire fait son apparition dans une scénographie qui rappelle beaucoup la Cendrillon de Pommerat. Sauf qu’ici, l’enfant semble se demander autant que nous ce qu’elle vient faire ici. Si le jeu du miroir était complet, on la verrait bientôt en train de regarder sa montre, dans l’espoir que les 2h15 annoncées ont été resserrées depuis la première. N’y comptez pas.
Au début du spectacle, un chœur -à l’antique- de 18 jeunes gens et filles, qui scandent longuement (avec talent, c’est impressionnant !) à la face des générations d’avant (le public ? -jeune pourtant ce soir-là dans sa majorité-) son désespoir, sa fureur, son impuissance, ses accusations, privés qu’ils sont , disent-ils, de toutes perspectives, de tout avenir… et qui ne se reconnaissent pas dans ce à quoi leurs aînés, les générations d’avant, s’accrochent, ont cru, leur ont transmis ou les obligent à vivre….
C’est rude, c’est excessif, c’est parfois drôle, c’est bien ficelé, même si sans doute un peu long.
C’est en tout cas un morceau de bravoure admirable que ce choral à l’unisson avec variations rythmiques (sans chef d’orchestre !). Bravo !
Ces jeunes qui se perdent dans les excès pour ne pas penser, pas désespérer trop, pas ressentir trop cruellement, ou pour ne pas sombrer… ni pour avoir à s’engager, ou à tenter de changer les choses. Jusqu’au moment où la tragédie survient et ils n’y sont pas préparés... on ne l'est jamais !
A la fin du spectacle, un souffle, du rêve, de l’imaginaire, un jeu de lumières, de voiles, de pénombres, de silhouettes, d’ombres …. et l’irruption d’une petite fille, réelle ou irréelle, orpheline peut-être, avec l’ouverture des possibles : de l’émotion, de la poésie, de l’onirisme…Tout n’est peut-être plus si noir… ni perdu… De l’espoir renaît !
Entre temps, la confrontation à la mort, aux questionnements âpres que suscite un suicide
Et, des manifestations d’incrédulité, d’indifférence, d’égoïsme, de culpabilité, de lâcheté, d’inquiétude, de prudence, de fureur, de faux semblant, de générosité -intéressée ?-, de dégoût, d’agressivité, d’irresponsabilité…
Les échanges sont durs, sans concessions, violents, dans une langue crue, directe, sans artifices. Les rôles (des archétypes ?) sont bien définis !
Chacun en apprend un peu plus sur lui-même, sur ce qu’il n’a pas fait, n’a pas voulu voir, croyait savoir et dont il se contentait, sur ce dont il se vantait, sur ce qu’il aurait pu faire, ou, sur le malheur, que par son indifférence, son cynisme ou sa lâcheté, il a précipité…
Et nous, on voit se dessiner une personne ou un personnage, « la suicidée ?»… dont ses copains, apprentis-comédiens comme elle, en fait ne savaient pas grand-chose, même ceux qui se pensaient proches d’elle, parce qu’au fond cela les arrangeait bien… Réalité, fiction s’entremêlent.
Chacun son trip, son histoire, sa vie, son mode de survie….et sa façon de « compagnonner » !
Ce spectacle aux formes et aux écritures multiples constitue un beau travail. Ces jeunes s’en sortent très bien et ont des talents nombreux.
« Notre innocence » m’a plu, intéressée, émue. Je n’ai pas vu le temps passer. 2H15 sans entracte. J’ai été captivée.
Wajdi Mouawad a eu raison d’encourager ces jeunes à se dépasser et à dépasser le traumatisme vécu, à travers ce spectacle qu’il a conçu pour eux et avec eux.
Ensemble ils ont « fait quelque chose » de ces événements tragiques (les vrais morts : le suicide du copain de Mouawad lors de sa jeunesse au Québec et, la crise cardiaque de leur camarade de promo, disparue elle aussi prématurément).
Le deuil a pris ici une forme collective inattendue et c’est bien !