- Théâtre contemporain
- Théâtre de Poche Montparnasse
- Paris 6ème
Une vie allemande
- Judith Magre
- Théâtre de Poche Montparnasse
- 75, boulevard du Montparnasse
- 75006 Paris
- Montparnasse (l.4, l.6, l.12, l.13, Trans N)
Judith Magre incarne Brunhilde Pomsel, secrétaire au ministère de la Propagande de Joseph Goebbels, qui attendit l’âge de 102 ans pour livrer ses souvenirs. Christopher Hampton trace ici le portrait d’une femme touchante et ambiguë, assurant n’avoir rien su de la solution finale.
Jouée en France pour la première fois, Une vie allemande porte une vision inédite sur une période de l’histoire qui n’a pas encore livré tous ses secrets…
L'AVIS DE LA REDACTION : 9/10
Quand nous entrons dans la salle, elle est déjà là, assise à sa table, impeccable, concentrée.
Merveilleuse !
Quatre vingt quinze printemps, soixante quatorze ans de carrière, trois Molières ....
A quoi s'attendre ?
Au meilleur.
Elle nous l'a donné.
Avec une incroyable palette d'émotions, elle pétille littéralement en nous racontant la vie de cette centenaire, ancienne nazie non repentie ....mais pas tout à fait coupable non plus.
La mise en scène est très simple mais parfaitement adaptée à la comédienne. Pas besoin d'en faire plus, tout le talent est là.
La salle, debout, salue l'artiste. Les bravos fusent.
Hier soir c'était la dernière, après des semaines de "Succès - Prolongations".
Une formule qui incarne parfaitement la vie de Judith Magre.
ET BIEN NON ! Ce n'était pas la dernière ! Elle est tellement incroyable qu'elle revient tous les lundis soir au "Poche", nous donner une sacré leçon !
En ce qui me concerne, je vais y retourner ! Quand on aime ....
Sylvie Tuffier
Merveilleuse !
Quatre vingt quinze printemps, soixante quatorze ans de carrière, trois Molières ....
A quoi s'attendre ?
Au meilleur.
Elle nous l'a donné.
Avec une incroyable palette d'émotions, elle pétille littéralement en nous racontant la vie de cette centenaire, ancienne nazie non repentie ....mais pas tout à fait coupable non plus.
La mise en scène est très simple mais parfaitement adaptée à la comédienne. Pas besoin d'en faire plus, tout le talent est là.
La salle, debout, salue l'artiste. Les bravos fusent.
Hier soir c'était la dernière, après des semaines de "Succès - Prolongations".
Une formule qui incarne parfaitement la vie de Judith Magre
L’ambiguïté de cette femme (secrétaire de Goebbels) est palpable et reste entière.
Judith Magre est à la fois solide et fragile dans ce rôle.
Une aventure de tenter !
Vraiment, on ne sait pas trop quoi penser sur cette femme, elle jongle avec les anecdotes sérieuses et les futilités, oui elle n’avait qu’une robe cocktail sur elle pendant le bombardement, essayant de sauver un panier de bas de soie ! c’est Mme Goebbels qui lui donnera un de ses tailleurs. Son amie juive ne veut plus la voir depuis qu’elle est secrétaire de Goebbels, Brunhilde recherchera son amie après la guerre, et trouvera son nom sur la liste des déportées. A la libération, elle ne comprendra pas pourquoi les Russes l’internent pendant cinq ans et dans les camps occupés des années avant par les déportés…
A sa sortie de prison elle retrouvera du travail.
Judith Magre met tout son art, son charme et son sourire pour interpréter cette vieille dame, on sourit, on est ému, vraiment une histoire passionnante à découvrir.
Cette femme, c’est Brunhilde Pomsel qui fut une des secrétaires de Joseph Goebbels, le ministre de la propagande nazie pendant la seconde guerre mondiale. Alors oui, elle était bien au centre de l’Histoire même si elle nous confie qu’elle n’a pas eu conscience de toute l’horreur qui s’est déroulée à ce moment là. Comme elle le dit elle même : » Il ne s’agit absolument pas de soulager ma conscience », mais de quoi s’agit il alors ? Elle se décrit comme une jeune femme superficielle et peu intéressée par la politique, qui vote aux élections en fonction de la couleur des banderoles, qui s’inscrit au parti nazi pour faire comme tout le monde, qui lorsqu’elle est devenue secrétaire de Goebbels a entendu parler des camps mais c’était des camps de rééducation… Elle n’a compris que ce qu’il s’était passé bien après les évènements.
La centenaire se livre sans fard, avec une force d’évocation remarquable. Malgré son âge, elle raconte certains épisodes de sa vie avec une profonde acuité, d’autres passages sont plus flous, est ce son grand âge la cause de ce flou ou s’agit il d’une manœuvre calculée ? Témoin d’une époque, elle nous livre sa vérité grâce au texte de Christopher Hampton, issu des entretiens pour la télévision. Le spectateur devra se forger sa propre opinion sur ses propos où l’ambiguïté règne en maitre.
Judith Magre est l’interprète idéale pour ce texte, elle possède l’expérience de personnage seul en scène (on se souvient de Rose) et possède une palette de jeu très large, jouant avec subtilité de toutes les nuances d’émotions possibles. Il faut le dire : Judith Magre est fantastique ! C’est une merveilleuse comédienne dirigée avec délicatesse par Thierry Harcourt qui est son complice depuis quatre pièces.
Quand nous arrivons dans la salle, elle est déjà là assise à son bureau comme perdue dans ses pensées. Quand la pièce démarre, nous ne sommes pas dans le noir total, elle nous voit et son témoignage n’en est que plus vivant, comme si elle attendait nos questions. Et effectivement certaines questions nous brulent les lèvres.
Une pièce majeure pour cette belle rentrée théâtrale !
Qu’est-ce qui peut bien pousser une dame âgée de 102 ans à raconter en 2013 à une équipe de journalistes-documentaristes autrichiens des souvenirs datant d’environ soixante-dix ans ?
Il faut dire que cette dame n’est pas n’importe qui, et que ces souvenirs-là ne sont pas n’importe quels souvenirs.
Brunehilde Pomsel fut en effet à partir de 1942 l’une des secrétaire de Joseph Goebbels, tristement célèbre ministre de la propagande du IIIème Reich nazi.
Besoin de témoigner, d’expurger de façon quasi cathartique une mémoire remplie d’événements dramatiques ? Nul ne le sait vraiment, y compris l’intéressée, qui précisait en tout cas en 2016 : « Il ne s’agit absolument pas de soulager ma conscience. »
Tout est dit.
Cette volonté de raconter « sa » vérité, de nous dire qu’elle ne savait rien des camps de concentrations, si ce n’est que c’était « seulement » une entreprise de rééducation des Juifs, de nous expliquer que sans véritable conscience politique, elle ignorait un certain nombre de faits, de nous certifier qu’elle avait adhéré au parti nazi « comme tout le monde », tout ceci constitue une réelle ambigüité.
C’est évidemment cette ambigüité-là qui a séduit l’auteur Christopher Hampton pour tirer de ces cent-treize minutes que dure le documentaire, un texte théâtral.
Car oui, ce texte créé à Londres en 2019 au Bridge Theatre par Maggie Smith, dans une mise en scène de Jonathan Kent, ce texte est bel et bien du théâtre.
(Il faut saluer au passage la traduction française de Dominique Hollier.)
Du théâtre, et non pas le relevé mot-à-mot du documentaire.
C’est ce qu’a bien compris le Thierry Harcourt, qui met en scène Judith Magre.
La merveilleuse Judith Magre. (Et non, je ne peux une nouvelle fois m’empêcher d’écrire ce pléonasme.)
Ces deux-là se connaissent bien. C’est en effet leur quatrième collaboration.
Une vraie complicité les unit.
Qui dit théâtre dit certes distanciation et catharsis, mais également fonction d’édification de l’opinion.
Nous autres spectateurs, accueillis par la comédienne déjà installée à son bureau derrière une pile de livres, nous, nous allons devoir nous forger notre propre avis.
Il faudra ainsi prendre position.
D’ailleurs, Melle Magre nous voit : durant la majeure partie de la pièce, les lumières resteront allumées. Comme si nous étions des jurés chargés de démêler le vrai du faux, et de nous forger notre intime conviction.
La voix. Les yeux. Les mains aux doigts effilés.
Dès ses premiers mots, Judith Magre nous envoûte.
Purement et simplement.
Je défie quiconque de lâcher prise durant l’heure et demie qu’elle va passer à nous dire et vivre les mots de Frau Pomsel.
Durant une première partie, elle raconte l' enfance et la jeunesse de son personnage, dans le Berlin d’avant-guerre.
Nous voyons devant nous la porte de Brandebourg, la maison de la radio berlinoise, les festivals de danse, les lieux de culture, les avenues chargées de voitures.
Nous faisons connaissance avec Heinz, son premier amoureux...
Nous sommes emportés dans ce tourbillon d'insouciance précédant l'horreur.
De grands moments nous attendent.
Des moments parfois drôles, d'ailleurs, que la comédienne raconte avec les yeux qui pétillent de malice… (La narration des naissances successives des quatre frères Pomsel suite aux permissions du père, la rencontre avec son idole, l’acteur-phare Attila Hörbiger, font par exemple partie de ces instants qui nous font rire.)
Et puis, au bout d’une vingtaine de minutes, la comédienne va subtilement, finement distiller l’ambigüité que j’évoquais un peu plus haut.
Par petites touches, alternant notamment admiration et répulsion pour son patron, le personnage incarné par la comédienne bâtit son argumentation.
Melle Magre parvient à nous déstabiliser en nous restituant les arguments de Brunehilde Pomsel.
Elle est très troublante.
Grâce à ses immenses talent et métier, elle est en permanence sur le fil du rasoir.
L’effet d’appropriation est tel que par moment, on a envie d’intervenir, de lui opposer des arguments ou encore de la conforter dans ses justifications.
La comédienne est également très émouvante, dans des scènes marquantes, comme celle où, une fois libérée du camp de Buchenwald en 1950, son personnage apprend l’assassinat, parmi les six millions de juifs, de sa camarade de jeunesse Eva Löwental.
Ou bien encore celle de la révélation du meurtre par leur mère des six enfants Goebbels.
Bouleversante Judith Magre !
C’est un intense et admirable moment de théâtre auquel il faut absolument assister.
Quelle rentrée, au Poche-Montparnasse !