- Théâtre contemporain
- Comédie Française - Salle Richelieu
- Paris 1er
Poussière

- Dominique Blanc
- Nâzim Boudjenah
- Jennifer Decker
- Martine Chevallier
- Anne Kessler
- Thierry Hancisse
- Comédie Française - Salle Richelieu
- 2, rue de Richelieu
- 75001 Paris
- Palais Royal (l.1, l.7)
Avec Poussière, c’est un écrivain contemporain majeur, l’un des plus représentés dans le monde, qui entre au répertoire de la Comédie-Française, s’inscrivant dans la tradition des auteurs écrivant pour la Troupe.
Lars Norén met ici en scène dix personnes, âgées, six hommes et quatre femmes. Et le fils attardé de l’une d’entre elles.
Des personnes qui partent en vacances depuis plus de trente ans au même endroit, une semaine, au soleil, dans un hôtel resort d’Espagne ou d’ailleurs. Si elles en avaient les moyens, elles partiraient ailleurs mais elles sont issues d’une classe modeste et n’ont pas d’autre solution pour échapper à leur quotidien.
Ainsi, elles se croisent dans ce lieu depuis des années, se connaissent et ne se connaissent pas. Ne se voient jamais ailleurs. Seulement ici, une fois par an. Depuis si longtemps. C’est peut-être pour certaines la dernière fois. D’autres ont déjà disparu sans doute.
Cette pièce est une symphonie des adieux qui se joue sous nos yeux. Nous sommes dans un temps qui n’est plus linéaire, il est seulement mémoire. Que reste-t-il, quels sont les visages, les faits, les émotions encore présents ? « Je n’aurais pas pu écrire ce texte avant d’avoir l’âge que j’ai aujourd’hui. C’est une pièce sur les au revoir et les souvenirs, sur les dernières vagues à traverser avant la fin. Une pièce belle et mélancolique qui ne parle que de la vie. » (Lars Norén)
Le spectateur suit cette longue agonie. La vieillesse a saisi chacun des personnages pour les guider vers le bal de la mort. Et quand tout a disparu, le spectateur enfin revit et prend une bouffée d’oxygène.
Les comédiens sont évidemment parfaits dans ces rôles où ils doivent être défaillants, boiteux et empêchés tout en étant lucides sur leur passé et leur désormais court avenir.
La raison et les passions s'étiolent, les regrets s'avivent. Les personnages se dépouillent du superflu à mesure que disparait l'essentiel : l'espoir.
C'est émouvant et drôle à la fois. Une belle leçon pour mieux comprendre les angoisses de nos aînés.
Mais l'émotion passe, le vertige est là, ce n'est pas bancal non plus. Juste mal équilibré.
Je l'ai vu au tout début, peut-être le souffle juste a-t-il été trouvé depuis !
Il faut concéder à ce spectacle un ton qui n’est pas sans rappeler Beckett, dans cette attente absurde et ce décor de cendres et de déchets (cf « Oh les beaux jours ! » avec Catherine Frot ensevelie sous un tas de détritus ou la mise en scène désolée de « Fin de partie » de et avec Charles Berling & Dominique Pinon).
Pour autant, le texte ne mériterait pas une analyse approfondie car les répliques n’en ont pas vraiment- de profondeur. Il y des propos crus, des gros mots, des voix qui ne se répondent pas mais qui s’enchaînent pour ne pas laisser de vide, pour continuer d’exister par la parole et pour continuer de puiser dans la mémoire pour que les proches aimés n’en disparaissent pas. Cela crée une ambiance, un cadre mais il eût été appréciable qu'il y ait plus de sens dans tous ces discours décousus. En fin de compte, chacun parle pour lui-même, ânonne de plus en plus difficilement l’histoire de sa vie et nous, public, nous lassons un peu de ces échanges stériles.
C’est là ma grande réserve car la pièce ne produit qu'une ambiance : une longue plainte sans queue ni tête. Il y a bien la magnifique Anne Kessler qui déclare à un moment « ici, on meurt moins vite qu’à l’Opéra » et qui fait rire le public. Il y a Françoise Gillard, incroyable de douceur dans son rôle d’handicapée. Il y a Didier Sandre perdu, Dominique Blanc fragile. Quelques répliques par ci par là…
Mais laissons le texte de côté car si les mots ne m’ont pas paru captivants certains détails de mise en scène ont fait écho. Il y a d’abord ces chaussures qui restent sur scène alors que petit à petit leurs propriétaires disparaissent derrière le drap de l’autre monde. Cela m’a étrangement fait penser au mémorial de la Shoah de Budapest. Il y a aussi ce cerbère au fond du plateau qui accueille les morts. Pour filer la métaphore, s’il fallait retenir une seule poignée de secondes de cette pièce, ce serait cette déroute de l’autre côté du drap lorsque les uns et les autres lancent des noms de gens qu’ils ont aimés : des âmes en peine au cri déchirant, des âmes terrifiantes comme celles que croise Orphée lors de sa descente aux enfers (cf Odyssée, Homère). Aussi, la scène finale, muette, m’a serré le cœur. Il y a cette mère épuisée qui prend une décision mortifère pour pouvoir enfin mourir en paix : tuer pour pouvoir disparaître.
Poussière tient donc pour moi en quelques éclairs de lucidité. Mais avoir pu entrevoir quelques échos, purement personnels, lorsque l’on parle de l’invariant de la vieillesse n’est pas suffisant pour être totalement convaincue. C’est une mise en scène qui crée un flottement au goût acre et amer : tout est affaire d’atmosphère et les comédiens créent cela. Le texte, lui, pèche un peu!
Station balnéaire, bord de mer, grisaille dans le décor, les costumes, onze pensionnaires d’une maison de retraite parlent de tout, de leurs maux, de leur vie.
Tout y est représenté, toutes les maladies neurologiques, il y a aussi la jeune femme attardée mentale, celle qui mendie pour nourrir son enfant.
Un seul moment un peu drôle, la prof de gym qui infantilise tout ce petit monde, ils sont affreux sales et méchants, vulgaires.
Le texte ne m’a pas transportée, ni la mise en scène, rien.