- Classique
- Théâtre de Poche Montparnasse
- Paris 6ème
Le journal d'une femme de chambre (Briançon)
- Théâtre de Poche Montparnasse
- 75, boulevard du Montparnasse
- 75006 Paris
- Montparnasse (l.4, l.6, l.12, l.13, Trans N)
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- HORAIRE
- 21:00
Ce que nous montre Celestine au delà de l’hypocrisie d’une société qui cache sa crasse sous les tapis, c’est notre humanité, dans sa solitude et ses paradoxes.
Jeu de massacre, le texte n’épargne personne. Aucune strate de la société. Des pauvres aux riches, personne ne sort grandi de ce brûlot
Cette pièce s'est déjà joué avec un grand succès au Théatre de la Huchette en 2022.
L'AVIS DE LA REDACTION : 9/10
"Ah, dans les cabinets de toilette, comme les masquent tombent ! "
Publié en 1900 le roman d'Octave Mirbeau fit scandale.
Donner la parole à une soubrette, c'était déjà subversif. Mais quand celle ci dénonce les dessous nauséabonds et les turpitudes de la société bourgeoise, c'est toute l'indignation du beau monde qui explose.
Il faut dire que l'auteur n'y va pas de main morte.
Cette jolie domestique, pas toujours farouche et qui plait beaucoup à ses patrons, est un porte parole très efficace pour asséner les accusations que le romancier porte à cette société qui l'écoeure.
C'est que tout le monde en prend pour son grade, les esclaves comme les bourreaux.
Et rien ne vient adoucir ce constat d'une noirceur glaciale.
Lisa Martino est incroyable dans la peau de Célestine !
S'emparant des mots d'Octave Mirbeau, sous la houlette d'un Nicolas Briançon particulièrement inspiré, tour à tour victime et mutine, elle enchaîne révélations et confidences avec éclat.
Passant sans cesse du présent au passé, elle fait monter la tension et le dégoût, sans jamais nous lâcher.
On sort de là ébranlés par les mots, admiratifs de son talent, et presque étonnés de se retrouver dans la rue de la Huchette tant on était pris par cette histoire !
Sylvie Tuffier
Parole d'actrice : " Pour trouver le courage d'être seule sur scène, il faut s'auto persuader que l'on est suffisante et légitime. Et l'apprentissage du texte est long et difficile " (Lisa Martino)
Publié en 1900 le roman d'Octave Mirbeau fit scandale.
Donner la parole à une soubrette, c'était déjà subversif. Mais quand celle ci dénonce les dessous nauséabonds et les turpitudes de la société bourgeoise, c'est toute l'indignation du beau monde qui explose.
Il faut dire que l'auteur n'y va pas de main morte.
Cette jolie domestique, pas toujours farouche et qui plait beaucoup à ses patrons, est un porte parole très efficace pour asséner les accusations que le romancier porte à cette société qui l'écoeure.
C'est que tout le monde en prend pour son grade, les esclaves comme les bourreaux.
Et rien ne vient adoucir ce constat d'une noirceur glaciale.
Lisa Martino est incroyable dans la peau de Célestine !
S'emparant des mots d'Octave Mirbeau, sous la houlette d'un Nicolas Briançon particulièrement inspiré, tour à tour victime et mutine, elle enchaîne révélations et confidences avec éclat.
Passant sans cesse du présent au passé, elle fait monter la tension et le dégoût, sans jamais nous lâcher.
On sort de là ébranlés par les mots, admiratifs de son talent, et presque étonnés de se retrouver dans la rue de la Huchette tant on était pris par cette histoire !
Elle est femme de chambre dans une maison bourgeoise en Normandie, ses nouveaux patrons Monsieur et Madame Lanlaire, ça la fait rire car ils portent un nom à faire et dire bien des blagues !
Célestine a été souvent placée, elle en a à dire sur le beau linge peu reluisant, des patronnes peu intéressées par la chose, par contre leurs maris c’est autre chose ! sans parler des obsédés, le dernier en date lustrait les bottines avec une jouissance évidente… d’autres la désirent, elle se laisse faire, elle aime parfois qu’on la possède. Son enfance ? un frère et une sœur dont elle n’a plus de nouvelles, elle n’en cherche pas non plus, et la mort de sa mère la laisse indifférente.
Joseph le cocher de Madame, ne laisse pas insensible la jolie Célestine, pourtant elle se doute bien de quel homme il est, quel monstre… Quelle importance après tout, elle sera patronne, deviendra égoïste ne s’embarrassant pas de principes, oui elle posera en patriote alsacienne, oui elle acceptera le racisme et l’antisémitisme. Un monde pas bien propre en somme.
Lisa Martino incarne parfaitement la domestique sensuelle, coquine, amusante et aussi la jeune fille fracassée par la vie, par l’alcool et les plaisirs.
Nicolas Briançon signe là une mise en scène dense, étouffante, cruelle, qui ne laisse pas indifférent.
Apres le somptueux Mlle Else au théâtre de Poche, le voilà au théâtre de la Huchette avec le "Journal d'une femme de chambre".
Autant le dire tout de suite, c'est une réussite totale !
L'adaptation - qui ne fait pas l'impasse sur la montée de l'antisémitisme et sa gangrène - la mise en scène, avec une superbe lumière un peu tremblée de Jean Pascal Pracht et des videos d'Olivier Simola, le dispositif scénique simple mais très élégant de Bastien Forestier et les costumes parfaits de Michel Dussarat.
Et enfin l'interprétation lumineuse, précise, sensuelle, ambiguë, de Lisa Martino qu'on avait rarement vue à ce niveau de jeu. C'est un superbe spectacle et il serait dommage que la discrétion du théâtre de la Huchette ne touche pas un grand public...
De temps en temps, du vrai, du bon, du merveilleux théâtre: ça fait du bien!
Le journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau a été publié sous forme de feuilleton dans "L'Echo de Paris" à la fin du 19ème siècle.
Octave Mirbeau décrit la société bourgeoise de la Belle Epoque étriquée, sainte nitouche, mesquine, hautaine et dédaigneuse avec son personnel
Il ne ménage pas non plus les domestiques qui se prêtent à la roublardise par vengeance pour sortir de cette condition de subordonné.
Célestine nouvellement engagée au Mesnil-Roy en Normandie, va nous conter son quotidien et revenir sur ses expériences passées ainsi que sur son enfance difficile auprès de sa mère à travers une galeries de portraits cuisants, ironiques, caustiques et pittoresques.
Très belle peinture de cette société bourgeoise, entre morale et hypocrisie, honnêteté et perversité.
S’affairant à sa toilette, sortant d’une baignoire sabot, elle nous dit en être aujourd’hui à sa douzième place ici en Normandie après avoir passée quelques années dans la capitale.
Nous la suivons avec passion dans son parcours et ses rencontres où les personnages sont haut en couleur. Quel est son destin, va-t-elle sortir de ce servage ?
Octave Mirbeau n’oublie pas que nous sommes en pleine affaire Dreyfus, la France est partagée en deux, les dreyfusards et les anti sémites.
Célestine se pose une question qui nous interpelle
"Pourtant, lorsque je m'interroge sérieusement, je ne sais pas pourquoi je suis contre les juifs...
La mise en scènes de Nicolas Briançon est rythmée, les tableaux s’enchainent avec aisance et dynamisme.
Célestine interprétée avec brio par Lisa Martino pétillante, plein de dynamisme, la frimousse coquine, nous entraine avec enjouement dans l’histoire de sa vie.
Octave Mirbeau écrit ce brulot aux allures de nausée sociale comme un exutoire de sa révolte. Son style alerte et caustique rend plus accessible la leçon. C’est sans doute pour cela que de nombreuses adaptations cinématographiques et théâtrales se sont succédé dans le monde entier, comme pour faire écho à l’universalité du combat éthique pour la liberté et contre l’exploitation de la misère humaine et notamment des femmes. La verve rageuse de cet intellectuel libertaire se retrouve dans son texte dont le style permet de faire savoir et d'accuser, avec des descriptions et des narrations percutantes, l’esclavage moderne de la condition domestique des « petites gens ».
Célestine, devenue femme de chambre pour échapper à une enfance maltraitée et une jeunesse soumisse, se retrouve dans un monde où la vie ne se conjugue pas avec le bonheur, où il lui faut encore se soumettre, courber l’échine, donner son corps sans son cœur et son cœur sans retour. Certes, elle trouvera une sorte d’apaisement de son combat pour la liberté dans une fin de vie qui, malgré son dégout, la conduira à inverser les rôles. Un recommencement implacable de la tragédie humaine dépeinte par Mirbeau.
Nicolas Briançon s’empare de ce texte avec une volonté de décrire les protagonistes du roman dans un jeu de massacre d’une humanité interpersonnelle exsangue de droits. L’obscénité des sentiments et l’avidité de revanche se fondent dans la dualité entre la pulsion de mort et la pulsion de vie parfaitement rendues par le jeu, rebondissant d’espiègleries caustiques et de descriptions cyniques.
De la peur à la rage, de l’amour à la haine, du manque de tout à l’amas de plus et d’encore, Briançon montre une Célestine cherchant avec acharnement les plaisirs qui lui ont manqué dans une quête incessante de satisfaction du désir d’affection. Les frontières entre le bien et le mal sont ténues dans les propos distillés et les actions énoncées. Lisa Martino maitrise cette interprétation avec brio. Le corps joue autant que la parole dit, les yeux parlent, les regards fulminent ou se font complices et séducteurs.
Une adaptation volontariste et sans concession, légère autant que noire. Une interprétation à la puissance de jeu remarquable.