Critiques pour l'événement Le Cid
25 févr. 2018
8/10
44
Un soir à Provins, au théâtre on donnait,
Du Cid de Corneille, une version enjouée.
Même l’hiver, même la neige ne saurait arrêter,
Celui qui, de longue date, avait pris son billet.

Mais fébrile, impatient quand le rideau se lève,
Quelle ne fut ma surprise et croyant que je rêve,
De voir cette scène nue, sans décor qui déguise,
Une audace qui m’étonne et j’avoue me défrise.

Diantre, me dis-je, alors point de lieu à voir ?
La déception me guette jusqu’à m’en émouvoir.
Quelle mouche a piqué cette troupe théâtrale ?
Veut-elle se moquer ? La jouer déloyal ?

Que nenni, mon ami, calmez-vous je prie,
Ecoutez un instant, sur scène, ce qui se dit.
Tout ouïe, concentré, le regard vers les planches,
Je reste captivé et ma passion s’enclenche.

Comédiens, comédiennes fascinaient le public,
Ne faisant aucun son pour troubler leurs répliques.
S’il faut du talent pour jouer un auteur,
Magistral et grand est foncièrement le leur.

Rodrigue, Chimène, Don Diègue vous envoûtent,
Epaté, vous vous délectez de leurs joutes,
Distribution parfaite, prestations incroyables,
Cette pièce se veut, pour le moins, impeccable.

Que penser et que dire du personnage du Roi,
Hilarant, merveilleux, il a conquis mon choix.
Ajoutez à cela d’épiques combats d’épées,
Et l’absence de décor semble vite oubliée.

Au Ranelagh, jusqu’en mai, cette pièce est jouée,
En humble spectateur, je peux la conseiller,
Du classique, oui certes, mais de belle qualité,
Si vous sortiez déçu, je vous rembours… tant pis !
4 janv. 2017
9/10
60
« Le Cid » au Ranelagh : la musique, la fougue, la cape et l’épée en plein coeur.

La Compagnie « Le Grenier de Babouchka » récidive en présentant au théâtre du Ranelagh une version du « Cid » aux tons mordorés délicats, tous essayent d'en casser les codes. Ici, l'invention charmante du personnage du roi-clown incarné par Didier Lafaye, zozotant en collants blancs.

Mise en scène impeccable. La splendide musique accompagne efficacement notre imaginaire dans ce voyage divertissant à la rencontre de notre héritage culturel.
18 sept. 2016
9/10
42
Tous vêtus du rouge de la passion, les comédiens du Grenier de Babouchka, sous la houlette de Jean-Philippe Daguerre, se lancent dans une version du Cid fichtrement dynamitée voire virevoltante si ce n’est bondissante. Ici, le tragique se fond dans l’énergie et devient force centrifuge qui entraîne nos personnages dans une heure quarante d’émotions, de passions, de harangues, de soupirs et de combats à l’épée tous plus réussis que les autres. De la tragédie l’essentiel est conservé : la beauté des alexandrins évidemment, tout comme la trame, rapidement résumée et facilement compréhensible. Chimène aime Rodrigue qui aime Chimène mais Rodrigue, au duel, tue le père de Chimène. Elle ne peut plus aimer l’assassin de son père et réclame justice auprès du roi.

30 mots pour résumer la tragédie cornélienne et aller à l’essentiel.

On assiste, au Ranelagh, à une prestation délicieusement revigorée. L’essentiel cornélien y est et l’histoire, habilement racourcie, est posée dès le début. La compagnie le Grenier de Babouchka, rappelons le, a toujours favorisé les créations jeunesse et leurs adaptations de chefs d’oeuvre du théâtre classique ont été réussies : Le malade imaginaire, Les fourberies de Scapin, Cyrano de Bergerac (que nous avions admiré au Théâtre Michel et qui seront reprises au Ranelagh à partir du 19 décembre prochain). Le Cid n’échappe pas à la règle et resserre habilement l’intrigue sans sacrifier la beauté des alexandrins et la richesse de la plume cornélienne. Pour cette adaptation, quelques aménagements / réinterprétations pourront étonner, comme la vision d’un Roi plus fou du Roi que Roi tout court. Certes, Alexandre Bonstein détonne avec son zézaiement et son ridicule assumé, mais – et n’oublions pas la cible jeunesse du Grenier de Babouchka- déclenche dès son arrivée les rires du public, raccrochant au wagon les plus jeunes des spectateurs.

Judicieusement accompagnés par Petr Ruzicka (violon, percussions) et Antonio Matias (accordéon, guitare, percussions), les comédiens s’élancent dans leurs rôles avec un détermination sans faille : Kamel Isker (en alternance avec Thibault Pinson) propose un Rodrigue à la fois fougueux et romantique sans jamais tomber dans un des deux excès; Manon Gilbert est une Chimène passionnée (qui aurait mérité peut-être un peu plus de nuances), Alexandre Bonstein (en alternance avec Didier Lafaye) s’amuse visiblement dans le personnage totalement loufoque du Roi. A leurs cotés Sophie Reynaud (Elvire) Charlotte Matzneff (l’Infante) Edouard Rouland (Don Sanche) ou Mona Thanaël complètent efficacement la distribution.

Il faut aussi saluer les costumes de Virginie Houdinière, magnifiques dans leur harmonie sanguine et passionnelle, tout comme les combats à l’épée chorégraphiés par Christophe Mie, ainsi que la scénographie qui alterne très joliment ombres et lumières ; le tout fait de Cid une tragi-comédie de cape et d’épée euphorisante, qui ne manque pas de provoquer nombreux rappels et applaudissements chaleureux. Et, de plus, quand on entend, en quittant le ravissant théâtre du Ranelagh, plusieurs enfants qui commentent, résument, réécrivent l’histoire de Rodrigue et de Chimène, on se dit que le but est atteint : faire aimer le texte, l’histoire, faire connaître et faire aimer, encore, le théâtre. Pari réussi, donc.
25 avr. 2016
8/10
231
Oui, ce soir encore, il en avait du coeur, le Rodrigue !

Quant à nous, spectateurs, nous partîmes deux, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois-cent-cinquante en arrivant au théâtre Michel, puisque la salle était archi-comble !

Le parti pris de Jean-Philippe Daguerre, le metteur en scène de ce Cid décoiffant, est simple, assumé, et pédagogique :
« l'idée, c'est de revisiter ces classiques avec une dimension rythmée et moderne, afin de les faire partager à toutes les générations. »

Et en terme de rythme et de modernité, nous avons été servis ! Et très bien servis !

C'est en effet l'objectif de cette troupe « Le grenier de Babouchka » que de proposer ces pièces qui traversent les siècles, mais qui ont besoin d'être un peu « bousculées » afin de les coller à l'air du temps, démontrant ainsi leur universalité.

Et paradoxalement, on retrouve avec cette démarche en général, et dans cette mise en scène en particulier, l'origine du théâtre : la farce, l'aspect brut, accessible à tous, ce sentiment d'immédiateté, sans afféterie ni affectation.

Ca pulse ! Ca bouge ! Les corps se touchent, s'attirent, se repoussent ! (Ah ! Ces beaux combats à l'épée, sur scène !)

On ne s'ennuie pas un seul instant ! Bien au contraire !
Car évidemment, un « Corneille » où l'on s'ennuie est un « Corneille » raté...

Les comédiens, justes, passant l'alexandrin de façon naturelle, nous comblent.
On sent bien qu'ils s'amusent, ensemble, en troupe.

Et nous aussi, on s'amuse. N'oublions pas que l'auteur définit sa pièce comme une « tragi-comédie ».

Mention spéciale à Don Fernand, le roi, interprété par Alexandre Bonstein !
Jean-Philippe Daguerre en a fait une sorte de précieux bouffon efféminé, doté d'un zézaiement irrésistible.
A aucun moment, il ne réussira à prononcer le nom de l'héroïne, se contentant d'un « sssschchchchimène » drôlissime !

Une autre trouvaille scénographique qui m'a beaucoup plu :
On parle beaucoup au théâtre des trois unités.
Daguerre en a introduit une quatrième : l'unité de couleur. Tous les costumes (aussi bien masculins que féminins) sont déclinés en un camaïeu de rouge et de pourpre du plus bel effet.

Je vous recommande également les deux musiciens qui tout au long du spectacle, ponctuent de belle façon les péripéties de l'intrigue.

Dans la salle, au moment du salut final, les nombreux et tout jeunes spectateurs applaudissaient à tout rompre !
C'est un signe qui ne trompe pas !