Critiques pour l'événement La mort d'Agrippine
Quelle aventure ! « Voir un Mesguich, c’est entrer dans un autre monde ! » m’avait-on prévenue. J’ai compris tout de suite. Il y a d’abord la seule pièce de Savinien de Cyrano de Bergerac (oui, l’original du 17ème) encore jouée aujourd’hui : « La Mort (d’)Agrippine ».
Un texte grandiloquent et semblable à l’écriture tragique : les alexandrins y sont, les rimes bien rythmées mais il faut s’accrocher car on n’y comprend pas grand-chose. Vengeance, honneur, guerre de pouvoir et tractations : on navigue étrangement entre les rois maudits (ringard mais culte !) et la série Game of Thrones, costumes fantastiques et dreadlocks à l’appui.
Malgré la voix off par laquelle Daniel Mesguich annonce les scènes à venir, la logique du texte reste opaque mais tant pis : il reste ici la langue, la sonorité des vers, leur diction et leur incarnation ; et quelle incarnation ! Le vertige du texte, est rempli par autre chose, par la mise en scène de Daniel Mesguich.
Sa direction d’acteur est singulière, elle aussi grandiloquente, pleine d’emphase et d’originalité… Gare à qui sait se laisser surprendre et bercer par cet objet non identifié !
Car pour ne rien ménager au spectateur, Daniel Mesguich a imaginé un déroutant système de miroir : les personnages sont comme organisés par pair, habillés sensiblement pareil et souvent deux sur le plateau. Articulant en même temps la tirade de leur partenaire/adversaire, les personnages se diluent comme dans un chœur. Comme une vengeance pour toutes les vengeances, un roi pour tous les rois, une quête de pouvoir pour toute les quêtes de pouvoir. L’effet et la synchronisation sont troublants de réalisme et ont dû demander une préparation intense en répétition. On sent la minutie du metteur en scène exigeant car d’ailleurs la diction ne pourrait être meilleure. Tout résonne et tout pulse, tout se meut dans ces vers bien qu’on ne sache très bien qui s’attaque à qui et qui d’Agrippine, Tibère, Livilla ou Séjanus en sort véritablement gagnant.
Des costumes à la gestuelle en passant par le jeu d’acteurs, tous les éléments de cette « Mort d’Agrippine » participent à l’expérience d’une pièce à la fois, belle, étrange et surprenante.
C’est extravagant à souhait au point de se laisser prendre au jeu, qu’on aime ou pas, cette proposition et ce style de théâtre est à voir au moins une fois !
Un texte grandiloquent et semblable à l’écriture tragique : les alexandrins y sont, les rimes bien rythmées mais il faut s’accrocher car on n’y comprend pas grand-chose. Vengeance, honneur, guerre de pouvoir et tractations : on navigue étrangement entre les rois maudits (ringard mais culte !) et la série Game of Thrones, costumes fantastiques et dreadlocks à l’appui.
Malgré la voix off par laquelle Daniel Mesguich annonce les scènes à venir, la logique du texte reste opaque mais tant pis : il reste ici la langue, la sonorité des vers, leur diction et leur incarnation ; et quelle incarnation ! Le vertige du texte, est rempli par autre chose, par la mise en scène de Daniel Mesguich.
Sa direction d’acteur est singulière, elle aussi grandiloquente, pleine d’emphase et d’originalité… Gare à qui sait se laisser surprendre et bercer par cet objet non identifié !
Car pour ne rien ménager au spectateur, Daniel Mesguich a imaginé un déroutant système de miroir : les personnages sont comme organisés par pair, habillés sensiblement pareil et souvent deux sur le plateau. Articulant en même temps la tirade de leur partenaire/adversaire, les personnages se diluent comme dans un chœur. Comme une vengeance pour toutes les vengeances, un roi pour tous les rois, une quête de pouvoir pour toute les quêtes de pouvoir. L’effet et la synchronisation sont troublants de réalisme et ont dû demander une préparation intense en répétition. On sent la minutie du metteur en scène exigeant car d’ailleurs la diction ne pourrait être meilleure. Tout résonne et tout pulse, tout se meut dans ces vers bien qu’on ne sache très bien qui s’attaque à qui et qui d’Agrippine, Tibère, Livilla ou Séjanus en sort véritablement gagnant.
Des costumes à la gestuelle en passant par le jeu d’acteurs, tous les éléments de cette « Mort d’Agrippine » participent à l’expérience d’une pièce à la fois, belle, étrange et surprenante.
C’est extravagant à souhait au point de se laisser prendre au jeu, qu’on aime ou pas, cette proposition et ce style de théâtre est à voir au moins une fois !
Un texte puissant, sublime, outrancier même.
Une grande tragédie qui fit scandale en son temps.
Des Alexandrins qui exigent de la démesure.
C'est à ce monument que s'attaque Daniel Mesguich. Pour être à la hauteur, il fallait une mise en scène radicale et excessive.
Pari réussi haut la main!!!
C'est magnifique, violent, érotique, parfois too much mais qu'importe.
Car ce sont la mort, le mensonge et la folie qui sont au centre de la pièce.
Aucune tiédeur, aucun compromis dans ce théâtre là, et c'est tant mieux.
Les comédiens, tous sublimes dans leurs costumes décadents et somptueux, ont un engagement total et une présence physique incroyable.
Sur cette grande scène noire et nue, les tableaux, presque irréels à force de beauté, se succèdent.
Bien sûr, le spectateur doit fournir un effort pour rentrer dans cet univers, mais quand il y parvient, quelle récompense!
Une grande tragédie qui fit scandale en son temps.
Des Alexandrins qui exigent de la démesure.
C'est à ce monument que s'attaque Daniel Mesguich. Pour être à la hauteur, il fallait une mise en scène radicale et excessive.
Pari réussi haut la main!!!
C'est magnifique, violent, érotique, parfois too much mais qu'importe.
Car ce sont la mort, le mensonge et la folie qui sont au centre de la pièce.
Aucune tiédeur, aucun compromis dans ce théâtre là, et c'est tant mieux.
Les comédiens, tous sublimes dans leurs costumes décadents et somptueux, ont un engagement total et une présence physique incroyable.
Sur cette grande scène noire et nue, les tableaux, presque irréels à force de beauté, se succèdent.
Bien sûr, le spectateur doit fournir un effort pour rentrer dans cet univers, mais quand il y parvient, quelle récompense!
Il est assez rare pour un créateur d'instaurer un style, preuve de son génie.
C'est ce que Daniel Mesguich a réussi à créer : son style reconnaissable d'entre tous. Ici, il en atteint l'apogée. Dans une brume de fumée, celle du mensonge et de la trahison, les lumières forment des découpes magnifiques traçant sur les visages des comédiens(e)s toutes les marques de la noirceur des âmes de ces personnages voués à la vengeance et à la cruauté. Tel un tableau de Rembrandt, les corps se dessinent dans un espace vidé de tout décor laissant comme seule vedette, LE TEXTE, très peu connu de Cyrano de Bergerac.
La voix off , reconnaissable d'entre toutes, celle de Mesguich, nous aide à suivre l'action et à en comprendre les enjeux. C'est envoutant. Comme est envoutant son principe de boucles musicales rythmant l'action de la pièce ou l'intériorité des personnages. La recherche de Daniel Mesguich sur " le double" est ici poussé à l'extrême puisque les personnages prennent tour à tour le texte de l'autre, leurs lèvres s'enchevêtrant les unes aux autres, les personnages analysant la parole de son adversaire... la prenant sienne... Le jeu des Miroirs , des diagonales en "transtav" sont saisissant. Le jeu de tous les protagonistes est excellent par la maîtrise de l'alexandrin, jamais redondant dans leur bouche, mais actuel et naturel.
Il est à noter que le travail corporel de Caroline Marcadé donne une dimension picturale à cette oeuvre dont la langue est atemporelle pour l'époque de Molière ou Racine. Courez voir cette somptueuse mise en scène au théâtre Dejazet.
Vous aimerez, n'aimerez pas, mais ne serez pas insensible. C'est LE THÉÂTRE.
C'est ce que Daniel Mesguich a réussi à créer : son style reconnaissable d'entre tous. Ici, il en atteint l'apogée. Dans une brume de fumée, celle du mensonge et de la trahison, les lumières forment des découpes magnifiques traçant sur les visages des comédiens(e)s toutes les marques de la noirceur des âmes de ces personnages voués à la vengeance et à la cruauté. Tel un tableau de Rembrandt, les corps se dessinent dans un espace vidé de tout décor laissant comme seule vedette, LE TEXTE, très peu connu de Cyrano de Bergerac.
La voix off , reconnaissable d'entre toutes, celle de Mesguich, nous aide à suivre l'action et à en comprendre les enjeux. C'est envoutant. Comme est envoutant son principe de boucles musicales rythmant l'action de la pièce ou l'intériorité des personnages. La recherche de Daniel Mesguich sur " le double" est ici poussé à l'extrême puisque les personnages prennent tour à tour le texte de l'autre, leurs lèvres s'enchevêtrant les unes aux autres, les personnages analysant la parole de son adversaire... la prenant sienne... Le jeu des Miroirs , des diagonales en "transtav" sont saisissant. Le jeu de tous les protagonistes est excellent par la maîtrise de l'alexandrin, jamais redondant dans leur bouche, mais actuel et naturel.
Il est à noter que le travail corporel de Caroline Marcadé donne une dimension picturale à cette oeuvre dont la langue est atemporelle pour l'époque de Molière ou Racine. Courez voir cette somptueuse mise en scène au théâtre Dejazet.
Vous aimerez, n'aimerez pas, mais ne serez pas insensible. C'est LE THÉÂTRE.
Une diction exacerbée "oh secours les alexandrins", un jeu scénique fractionné qui m' a perdu.
Pour ainsi dire, j'ai compris pourquoi cette oeuvre de Cyrano de Bergerac n'a pratiquement jamais été jouée et reste une oeuvre méconnue. J'ai eu du mal à comprendre l'histoire, trop pollué par cette mise en scène... Je m'y suis perdue et trouvé la soirée bien longue.
Toutefois, deux points positifs : un décor d'apparence simple mais aidé par cette mise en scène travaillée (jeux de lumière) de Daniel Mesguich et l'énergie de cette troupe qui met du coeur à l'ouvrage avec conviction.
Pour ainsi dire, j'ai compris pourquoi cette oeuvre de Cyrano de Bergerac n'a pratiquement jamais été jouée et reste une oeuvre méconnue. J'ai eu du mal à comprendre l'histoire, trop pollué par cette mise en scène... Je m'y suis perdue et trouvé la soirée bien longue.
Toutefois, deux points positifs : un décor d'apparence simple mais aidé par cette mise en scène travaillée (jeux de lumière) de Daniel Mesguich et l'énergie de cette troupe qui met du coeur à l'ouvrage avec conviction.
La mort d’Agrippine de Savinien de Cyrano de Bergerac 1619-1655, mise en scène par Daniel Mesguich.
Unique tragédie de Savinien de Cyrano de Bergerac, jouée à L’Hôtel de Bourgogne en1653. La pièce avait fait scandale par son athéisme, elle dénonce la noirceur du monde politique.
La salle est plongée dans la pénombre, la voix de Daniel Mesguich resonne. Il va nous guider tout au long de cette tragédie.
Nous sommes sous le règne de l’empereur Tibére (né 42av JC- 37 après JC).
Agrippine fille d’auguste désire venger la mort de son époux Germanicus.
Elle est persuadée qu’il a été empoisonné par ordre de Tibére…
Agrippine, Séjanus, Livilla vont tramer un complot contre Tibére mais ce n’est que tromperies et manipulations.
Le plateau est désert et dans l’obscurité, juste quelques fumeroles blanches. Tout à coup apparaît Agrippine dans un flamboyant costume baroque…
Un jet de lumière dévoile son visage et sa silhouette surgissant de l’ombre.
C’est magnifique.
Durant toute la pièce, nous avons l’impression d’être dans une galerie d’art baroque plongée dans la pénombre où seuls les tableaux seraient éclairés et prendraient vie.
C’est magique, quelle fabuleuse scénographie. Quel plaisir des yeux.
Dans cette tragédie nous côtoyons les mensonges, les dissimilations, les violences, la cruauté, le libertinage mais aussi l’attrait du pouvoir, de la vengeance et de la haine.
C’est un monde voué à la perdition. Un monde impitoyable.
Le texte en alexandrins est magistral et puissant. Les costumes d’une recherche et d’une grande beauté. Les comédiens sont pleins d’énergie, persuasifs et talentueux.
Unique tragédie de Savinien de Cyrano de Bergerac, jouée à L’Hôtel de Bourgogne en1653. La pièce avait fait scandale par son athéisme, elle dénonce la noirceur du monde politique.
La salle est plongée dans la pénombre, la voix de Daniel Mesguich resonne. Il va nous guider tout au long de cette tragédie.
Nous sommes sous le règne de l’empereur Tibére (né 42av JC- 37 après JC).
Agrippine fille d’auguste désire venger la mort de son époux Germanicus.
Elle est persuadée qu’il a été empoisonné par ordre de Tibére…
Agrippine, Séjanus, Livilla vont tramer un complot contre Tibére mais ce n’est que tromperies et manipulations.
Le plateau est désert et dans l’obscurité, juste quelques fumeroles blanches. Tout à coup apparaît Agrippine dans un flamboyant costume baroque…
Un jet de lumière dévoile son visage et sa silhouette surgissant de l’ombre.
C’est magnifique.
Durant toute la pièce, nous avons l’impression d’être dans une galerie d’art baroque plongée dans la pénombre où seuls les tableaux seraient éclairés et prendraient vie.
C’est magique, quelle fabuleuse scénographie. Quel plaisir des yeux.
Dans cette tragédie nous côtoyons les mensonges, les dissimilations, les violences, la cruauté, le libertinage mais aussi l’attrait du pouvoir, de la vengeance et de la haine.
C’est un monde voué à la perdition. Un monde impitoyable.
Le texte en alexandrins est magistral et puissant. Les costumes d’une recherche et d’une grande beauté. Les comédiens sont pleins d’énergie, persuasifs et talentueux.
Je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait un jour de fuir une pièce. Après les premières minutes, une idée fixe : comment sortir de la salle discrètement. Expérience très désagréable mais moins que celle d’endurer une mise en scène maladroite et ridicule.
C'est une voix reconnaissable entre toutes qui s'élève dans l'obscurité du théâtre Déjazet.
Une fois la salle plongée dans le noir, Daniel Mesguich nous éclaire.
Dans une annoncé pré-enregistrée, le metteur en scène nous rappelle les faits.
Agrippine désire se venger de l'empereur Tibère et de son favori Séjanus, qu'elle tient tous les deux pour responsables de la mort de son mari Germanicus. Ce même Tibère veut se débarrasser d'elle, jaloux de la popularité de cette veuve encombrante. Il craint pour son trône.
Le décor est planté. La vertigineuse et étourdissante tragédie, cette histoire de vengeance sombre au possible, cette histoire de violence peut commencer.
Hercule Savinien Cyrano, celui qui inspira à Rostand son héros, Cyrano donc, le libertin érudit, l'athée, a écrit en 1654 une tragédie d'une noirceur insondable, mettant l'accent sur la dissimulation, la tromperie, les faux-semblants, entre des caractères passionnés, entiers.
De façon poétique, philosophique, grâce à une étonnante langue aux alexandrins ciselés, l'auteur nous montre une femme aux prises avec les hommes, aux prises avec les passions humaines.
Une femme qui ne désire finalement qu'une chose : mourir afin de rejoindre son mari assassiné.
Daniel Mesguich s'est donc emparé de ce thème fondamental qu'est la mort, la non-vie, le passage, pour prolonger d'un point de vue quasi psychanalytique le propos de l'auteur.
Dans une nuit permanente, dépouillée (ici les éclairages serviront à créer les lumières, le clair-obscur de cette nuit), dans un plateau souvent vide, dans des costumes intemporels mélangeant les matières (on pense à Game of Thrones, aux dessins de Druillet ou Mézières), sur un plateau le plus souvent entièrement nu, les comédiens incarnent les personnages archétypaux et monstrueux, à la noirceur sidérale.
Une fumée envahit en permanence la cage de scène. Une fumée qui monte aux cieux, comme la métaphore d'une humanité qui voudrait s'élever, qui voudrait quitter son statut de mortel. Une fumée qu'il faut renouveler en permanence.
Une fumée qui participe à la dissimulation, à la confusion de ce qui se joue.
Sarah Mesguich est absolument époustouflante en lionne sauvage, en femme déchirée qui accomplit sa vengeance, sa destinée.
Son rôle est difficile, éprouvant, physique. Elle se débat comme une furie, se jette au sol, hurle parfois ses répliques, riant souvent de désespoir, enflammée, en colère, meurtrie.
C'est un incroyable portrait de femme que la comédienne nous peint.
Incroyable est l'épithète.
Tout au long de cette heure quarante, nous serons confrontés au verbe croire, et au thème de la croyance. Qu'est-ce que je dois croire, qui dois-je croire, qui puis-je croire ?
Car il mentent tous, ces personnages, ils feignent, ils dissimulent. Même l'empereur est incarné par une femme, la remarquable comédienne Sterenn Guirriec.
Daniel Mesguich ne nous abandonne pourtant pas face à ces mensonges en série.
Précédent de très nombreuses scènes, il a écrit et enregistré des passages nous permettant d'annoncer ce qui suit : « Où l'on apprend qu'Agrippine et son amant ont juré de tuer Tibère... »
Bien entendu, toute cette entreprise mensongère nous confronte à la vérité théâtrale. Il y là une vertigineuse réflexion consacrée à la représentation de ce que chaque spectateur tient pour vrai au théâtre, son degré d'acceptation de ce qu'on va lui monter.
A son habitude, le metteur en scène a particulièrement travaillé les personnages des favoris, des confidents.
Le thème du double est lui aussi omniprésent, le double-je, le double-miroir.
Les costumes participent à cet aspect de la dramaturgie, qui sont symétriques, entre le maître et son confident. Une manche droite en tissu vaporeux rouge se retrouvera à gauche sur le personnage-double. L'effet est très réussi.
C'est une impressionnante entreprise dramaturgique à la splendeur sombre et féroce qui nous est proposée au Déjazet.
C'est un maelstöm de passions que déferle sur scène, avec des fulgurances d'une force redoutable, parfois d'une actualité confondante.
Une pièce qui met en scène la libre pensée la plus radicale qui soit.
Hercule Savinien Cyrano l'athée, l'épicurien n'est pas dupe, lui qui brosse un tableau précis, impitoyable de la société dans laquelle il vit, face à des croyances destinées à l'asservir.
Il faut venir découvrir cette vertigineuse pièce, injustement méconnue, pratiquement jamais jouée et que Daniel Mesguich et ses comédiens nous donnent à découvrir.
C'est un intense voyage théâtral et intérieur auquel nous sommes conviés.
Une fois la salle plongée dans le noir, Daniel Mesguich nous éclaire.
Dans une annoncé pré-enregistrée, le metteur en scène nous rappelle les faits.
Agrippine désire se venger de l'empereur Tibère et de son favori Séjanus, qu'elle tient tous les deux pour responsables de la mort de son mari Germanicus. Ce même Tibère veut se débarrasser d'elle, jaloux de la popularité de cette veuve encombrante. Il craint pour son trône.
Le décor est planté. La vertigineuse et étourdissante tragédie, cette histoire de vengeance sombre au possible, cette histoire de violence peut commencer.
Hercule Savinien Cyrano, celui qui inspira à Rostand son héros, Cyrano donc, le libertin érudit, l'athée, a écrit en 1654 une tragédie d'une noirceur insondable, mettant l'accent sur la dissimulation, la tromperie, les faux-semblants, entre des caractères passionnés, entiers.
De façon poétique, philosophique, grâce à une étonnante langue aux alexandrins ciselés, l'auteur nous montre une femme aux prises avec les hommes, aux prises avec les passions humaines.
Une femme qui ne désire finalement qu'une chose : mourir afin de rejoindre son mari assassiné.
Daniel Mesguich s'est donc emparé de ce thème fondamental qu'est la mort, la non-vie, le passage, pour prolonger d'un point de vue quasi psychanalytique le propos de l'auteur.
Dans une nuit permanente, dépouillée (ici les éclairages serviront à créer les lumières, le clair-obscur de cette nuit), dans un plateau souvent vide, dans des costumes intemporels mélangeant les matières (on pense à Game of Thrones, aux dessins de Druillet ou Mézières), sur un plateau le plus souvent entièrement nu, les comédiens incarnent les personnages archétypaux et monstrueux, à la noirceur sidérale.
Une fumée envahit en permanence la cage de scène. Une fumée qui monte aux cieux, comme la métaphore d'une humanité qui voudrait s'élever, qui voudrait quitter son statut de mortel. Une fumée qu'il faut renouveler en permanence.
Une fumée qui participe à la dissimulation, à la confusion de ce qui se joue.
Sarah Mesguich est absolument époustouflante en lionne sauvage, en femme déchirée qui accomplit sa vengeance, sa destinée.
Son rôle est difficile, éprouvant, physique. Elle se débat comme une furie, se jette au sol, hurle parfois ses répliques, riant souvent de désespoir, enflammée, en colère, meurtrie.
C'est un incroyable portrait de femme que la comédienne nous peint.
Incroyable est l'épithète.
Tout au long de cette heure quarante, nous serons confrontés au verbe croire, et au thème de la croyance. Qu'est-ce que je dois croire, qui dois-je croire, qui puis-je croire ?
Car il mentent tous, ces personnages, ils feignent, ils dissimulent. Même l'empereur est incarné par une femme, la remarquable comédienne Sterenn Guirriec.
Daniel Mesguich ne nous abandonne pourtant pas face à ces mensonges en série.
Précédent de très nombreuses scènes, il a écrit et enregistré des passages nous permettant d'annoncer ce qui suit : « Où l'on apprend qu'Agrippine et son amant ont juré de tuer Tibère... »
Bien entendu, toute cette entreprise mensongère nous confronte à la vérité théâtrale. Il y là une vertigineuse réflexion consacrée à la représentation de ce que chaque spectateur tient pour vrai au théâtre, son degré d'acceptation de ce qu'on va lui monter.
A son habitude, le metteur en scène a particulièrement travaillé les personnages des favoris, des confidents.
Le thème du double est lui aussi omniprésent, le double-je, le double-miroir.
Les costumes participent à cet aspect de la dramaturgie, qui sont symétriques, entre le maître et son confident. Une manche droite en tissu vaporeux rouge se retrouvera à gauche sur le personnage-double. L'effet est très réussi.
C'est une impressionnante entreprise dramaturgique à la splendeur sombre et féroce qui nous est proposée au Déjazet.
C'est un maelstöm de passions que déferle sur scène, avec des fulgurances d'une force redoutable, parfois d'une actualité confondante.
Une pièce qui met en scène la libre pensée la plus radicale qui soit.
Hercule Savinien Cyrano l'athée, l'épicurien n'est pas dupe, lui qui brosse un tableau précis, impitoyable de la société dans laquelle il vit, face à des croyances destinées à l'asservir.
Il faut venir découvrir cette vertigineuse pièce, injustement méconnue, pratiquement jamais jouée et que Daniel Mesguich et ses comédiens nous donnent à découvrir.
C'est un intense voyage théâtral et intérieur auquel nous sommes conviés.
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