Critiques pour l'événement La magie lente
2 déc. 2019
8/10
6
La magie lente de Denis Lachaud mise en scène par Pierre Notte.
Benoit Giros avec un extraordinaire talent nous conte l’histoire abominable de Mr Louvier diagnostiqué à tort pendant 10 ans Schizophrène.
Mr Louvier souffrant de sa non-guérison, prend rendez-vous par un heureux hasard avec le docteur Quemener qui deviendra son nouveau psychiatre.
Le docteur Quemener diagnostique très vite Mr Louvier bipolaire et non schizophrène.
Au cours de leurs entretiens, à travers ;
*Les souvenirs abominables et tragiques de son enfance
Les vacances chez son oncle pédophile dans sa jeune enfance…
*Ses névroses et ses obsessions
« Tous les hommes agglutinés dans le métro veulent me sodomiser le métro »
*Les constats de sa vie actuelle, ses relations familiales, ses rencontres…
Mr Louvier apprend à se connaitre, à s’accepter et à se reconstruire.

Le texte est cru, impudique, puissant et nous single au visage. C’est violent, ça met mal à l’aise.
Mais comment parler sans violence du viol, de la terreur des enfants et de leur silence, des dégâts engendrés et des années gâchées à cause d’un mauvais diagnostique et de l’aveuglement de la famille.
Comment sortir de cet enfer sans révolte et fracas…

La mise scène simple et épurée laisse la place aux mots qui viennent nous transpercer le cœur.
Bravo à Benoit Giros qui interprète son rôle avec justesse, brio.
2 déc. 2019
8/10
12
Un texte profond, poignant et tragique qui porte à bout de bras la détresse du patient, en regard à une grave erreur de diagnostique aux conséquences déplorables.

Puis finalement c'est une sortie vers le haut par la force de la parole et de l'écoute active et bienveillante.

Très belle interprétation pour ce texte difficile raconté tout en nuance.
27 nov. 2019
10/10
22
Aucun spectateur ne peut se lever, une fois que Benoît Giros a définitivement rejoint la coulisse après son dernier rappel.
Il faudra attendre une bonne minute...

Parce que le comédien nous a donné une leçon de théâtre.
Une leçon de vie, également.

Impossible de retourner aussi rapidement à la réalité de la salle ré-allumée, après l'avoir entendu nous raconter et de quelle façon une histoire aussi forte, intense, et profonde.
La mise à nu d'un homme.

Une histoire qui touche à ce qui a fait et surtout a brisé un homme, un traumatisme de l'enfance qui a abouti à cette souffrance de ne pas savoir pour cet être humain qui il est vraiment.
Et puis l'histoire d'un long, douloureux mais salvateur chemin, qui va lui permettre une forme de reconstruction.
Un long processus psychanalytique.

Sigmund Freud avait coutume de dire « La psychanalyse est une magie lente ».

Denis Lachaud a écrit cette pièce en raison d'une commande qui lui a été faite : imaginer une pièce autour du thème de la schizophrénie.
Il ne connaissait strictement rien au sujet, et a procédé à de nombreuses recherches, dans différents hôpitaux. Le professeur Yves Sarfati, alors chef de service à l'hôpital Mignot de Versailles, a supervisé l'écriture de la pièce.

Bruno Louvier, le personnage principal, décide de changer de psychiatre.
Diagnostiqué schizophrène depuis dix ans, il sent bien que quelque chose ne fonctionne pas, dans ce diagnostic-là.
Le nouveau médecin réussir à faire émerger la pathologie bipolaire de son patient, au bout d'un long et libérateur chemin.

Mis en scène par Pierre Notte, Benoît Giros est cet homme qui souffre.
Durant une heure et dix minutes, nous allons suivre en accéléré le déroulé des séances psychanalytiques, les échanges entre le patient et le soignant.

Au fur et à mesure, nous allons comprendre.
Le comédien est bouleversant.
Nous allons nous rendre compte que la mise à nu du personnage n'est pas à prendre seulement au sens figuré.

Rien du traumatisme évoqué plus haut ne nous sera caché, ni épargné. Le personnage nous décrit tous les détails, horribles, sordides.
Oui, j'ai souffert. Parce que ce que le petit garçon a subi est impitoyablement raconté par le biais de la parole de l'adulte qu'il est devenu.
Une parole qui a forcément du mal à faire surface.

Bien entendu, je ne vous le décrirai pas plus en détail, ce traumatisme.
Benoît Giros, si.

Et c'est tant mieux.
Parce que ce crime qu'a subi le personnage durant l'enfance, ce crime, on en parle beaucoup, en ce moment. Mais presque comme une abstraction, une vue de l'esprit. On sait que c'est mal. Point.
Mais ici, les termes crus, sans aucun filtre et sans aucun détail tu, tout ceci nous permet de vraiment nous rendre compte.

En ce sens, la pièce de Denis Lachaud est vraiment une pièce consacrée à la parole. La parole qui raconte et libère.

La parole terrible, insoutenable, mais nécessaire, indispensable. Bien plus forte que les images.
Le théâtre permet de faire entendre cette parole-là.

Benoît Giros, est totalement seul, un stylo-objet transitionnel en permanence à la main.
Tellement seul qu'il assure lui-même les changements de lumières, les départs de différents sons et musiques, grâce à un déclencheur au pied relié à un système informatique.

Le metteur en scène Pierre Notte nous montre ainsi de manière habile la terrible solitude du personnage.

Mes voisins de siège et moi avions les larmes aux yeux, tout comme le comédien, à certains moments du spectacle.
Tellement ce qu'il nous dit touche au plus profond de l'identité humaine.

Cette pièce est un coup de poing infligé à chaque spectateur.
Un coup de poing nécessaire et qui ne peut laisser personne indifférent.
Alors ?
Benoit Giros, le comédien, fait quasiment office d'ouvreur de salle. Il accueille les spectateurs, tout sourire. Ils sont invités à prendre place au sein d'un rassemblement de psychiatres. Le docteur Kemener anime la séance. Il expose d'emblée l'erreur de diagnostic faite au sujet de Monsieur Louvier qui, en proie aux dépressions et aux moments d'hallucination, a été catalogué précocement comme schizophrène. À déconstruire son histoire et les traitements - forcément inefficaces - Monsieur Louvier va réapprendre à s'approprier son identité. Le terrain est glissant ; le langage est vif, cru et violent. Le patient est mis à nu. Légitiment, une gêne s'installe dans la salle. Chacun tente de comprendre, avec lui, ce qu'il a pu subir, ce qu'il a pu en tirer comme conséquence. Cette intrusion pousse à sortir du cadre. Le poids des mots est mis à l'honneur et les non-dits volent en éclats. Une belle leçon.
29 nov. 2018
9/10
12
C'est le comédien qui nous reçoit à l’entrée de la salle. Il est tranquille, souriant et nous salut calmement. La scène est presque vide : un ordinateur sur une table, quelques verres d’eau en fond de plateau posés sur des chaises noires.

Et puis la pièce commence, nous sommes à un colloque de psychiatres. Le cas de Monsieur Louvier y est présenté.
C’est un homme qui a été diagnostiqué schizophrène il y a 10 ans, mais son nouveau psychiatre va l’amener à remettre en question ce diagnostic. Il va comprendre qui il est aujourd’hui en redécouvrant son passé.

Son histoire, la chronologie de ses séances et l’analyse de sa pathologie seront déroulées tout au long de la pièce. Le comédien interprète tour à tour le psychiatre et Monsieur Louvier. La lente progression du travail psychanalytique se fait devant nous. Les différents lapsus, les prises de conscience, les compréhensions, les questionnements s’opèrent en direct sur le plateau.

Benoit Giros est d’une justesse incroyable et il nous semblerait presque qu’il fait chaque soir cette thérapie pour la première fois. Il nous adresse, nous confie ce texte, il vit chaque instant du déroulement de cette cure pourtant si douloureuse. On sent qu’il est à la fois seul face à son travail thérapeutique et à la fois complètement avec nous.
Il est malgré tout très seul face à sa douleur. D’ailleurs le metteur en scène le laisse gérer en autonomie les différents changement de lumières à l’aide de manettes qu’il actionne au pied ce qui renforce cet isolement.

À certains moments, le retour au colloque permet une mise à distance necessaire quand le récit devient insoutenable. Monsieur Louvier aura également cette très belle phrase adressée autant à son psychiatre qu’à nous, public, « vous devez en avoir marre de m’écouter vous raconter mes histoires sordides ».
Pourtant le public n’est pas voyeur, il n’est pas là pour juger mais pour accompagner et encourager Monsieur Louvier dans son cheminement personnel qui l’amène vers la découverte de soi.

L’auteur, Dénis Lachaud , nous livre avec douceur et tendresse un texte d’une grande violence. La monstruosité de cette histoire n’est acceptable ici que grâce à la finesse du texte, plein de nuances et de respirations, et à la bienveillance et au charme du comédien. Rien n’est en trop dans ce récit. Tout est mesuré et précis.
Les mots sont au centre de la pièce : mots destructeurs mais aussi mots moteurs de guérison. C’est une pièce sur le pouvoir des mots, une pièce où la simplicité et la vérité (de la mise en scène, du texte et du jeu) permettent de transmettre la force du verbe.
Un moment touchant et bouleversant. Une pièce utile et superbe !!
12 nov. 2018
7,5/10
9
La Magie lente commence comme une conférence. On va nous raconter la petite histoire de Monsieur Louvier qui, après avoir été diagnostiqué schizophrène par un psychiatre, découvrira une toute autre vérité à la faveur d'un changement de praticien.

Benoît Giros est bouleversant. Il incarne tous les personnages (sans utiliser le moindre accessoire) avec autant de naturel.

On ne perd pas une bribe des conversations. On le croit parce que le texte de Denis Lachaud est implacable mais on se demande pour quelle raison une telle aberration est possible.

Certaines répliques tracent leur chemin longtemps dans notre esprit : nous ne sommes pas ce que nous semblons être. Personne.

Le dernier mot, merci, fait multiple sens. C'est celui du patient qui gratifie le thérapeute, celui du conférencier qui salue son auditoire mais aussi celui du comédien qui salue le public.

Comment on peut rester dix ans à ne pas dire ce qu'il faudrait entendre...

Le spectacle donne une ébauche de réponse et met d'abord en cause le premier psy (ce qui fait que je comprends qu'un homme du "métier" ait détesté cette histoire qu'il a qualifiée de pot aux roses, totalement inconcevable à ses oreilles).

Et quoiqu'en pensent les professionnels il est (aussi) très intéressant de savoir que le "scénario" a été inspiré à l'auteur par un chef de service hospitalier, passionné par le théâtre, acteur lui-même, qui avait accepté de superviser l'écriture de la pièce, afin que les psychiatres soient vraiment des psychiatres, et les patients d'authentiques malades. Il a un jour suggéré d'aborder l'erreur de diagnostic, très courante en matière de psychose.

Denis Lachaud avait donc écrit une première scène en s'inspirant du cas d'un homme, diagnostiqué schizophrène puis, quinze ans plus tard, re-diagnostiqué bi-polaire, dont ce chef de service lui avait exposé quelques aspects. Il a ensuite inventé les éléments biographiques du patient concerné, l'a nommé M. Louvier, lui a composé un passé, avec des viols dans son enfance, et a imaginé le déroulement de sa cure psychanalytique.

Bien qu'il y ait plusieurs personnages – le psychiatre, qui fait une communication sur le cas, le patient, son nouveau et son ancien psychiatres, son oncle, les voix qu'il entend – l'auteur a tenu à ce que le texte soit pris en charge par un seul comédien Pour résonner avec les pathologies psychiatriques évoquées, à savoir la schizophrénie et la bi-polarité. Le metteur en scène va encore plus loin, puisque c’est l’acteur qui assure la régie, se chargeant des lumières et de la bande son, à l'instar d'un conférencier devant son auditoire.

Initialement intitulé Mon mal en patience Denis Lachaud a opté pour un autre titre parce que Sigmund Freud comparait la psychanalyse à une magie lente.

Il y a donc bien une question de temps dans le processus (même lorsqu'il n'est pas dévoyé par un praticien aveugle). C'est pourquoi Pierre Notte a voulu rendre la quête d’un homme cassé appelé à se reconstruire, par la voix de l'acteur, dans un écrin d’une simplicité extrême. Rigueur radicale, rythme tenu, tension préservée, musique théâtrale d’un mystère qui avance, d’un temps qui va de l’obscurité vers la lumière, de l’enfermement vers la liberté.

La parole, et uniquement elle, va progressivement faire son chemin pour permettre à cet homme de faire confiance en ses réminiscences, découvrir qui il est et pouvoir se réconcilier avec lui-même. Sa libération se dessine au fur et à mesure du récit de la tragédie simple, mais atroce, d'une enfance massacrée.

Vous êtes courageux dira le psychiatre pour l'aider à ouvrir les bons verrous. Le spectateur assiste à la découverte douloureuse de la vérité en ressentant de multiples émotions, jusqu'aux rires aussi, plutôt fréquents parce que le spectacle n'est pas du tout triste ni plombant. On le recommande à partir de 15 ans, ... J'ajouterais qu'il a néanmoins besoin d'un accompagnement. parce qu'on le sait : Les enfants épargnent les parents. Ils taisent leur honte. Ce qui n'est pas dit pourrit dans le noir.

J'ai consulté le dossier de presse et j'y ai découvert des chiffres alarmants. Pour résumer, 1 homme sur 10 a été violenté dans son enfance (sachant que dans la salle il y a ... spectateurs, le calcul est troublant) et la statistique est double parmi les femmes.

Les agresseurs ne sont pas des inconnus, et c'est sans doute le plus terrible car le loup est un familier, un membre de la famille dans plus de la moitié des cas. Il est donc presque impossible de se dégager de son emprise d'autant que 70% des parents préfèrent attendre d'avoir des preuves avant d'agir.

4 victimes sur 10 font des tentatives de suicide. Ne rien faire c'est aggraver la spirale des violences qui se reproduisent de proche en proche et de génération en génération, ce que dénonçait déjà un film comme Polisse.

Denis Lachaud est écrivain associé au CDN d’Orléans depuis 2007. Il est l'auteur de plusieurs romans et de neuf pièces de théâtre. Hetero, a été mis en scène par Thomas Condemine au Théâtre du Rond-Point puis en France en 2014.

Pierre Notte a mis en scène ses propres textes, notamment C’est Noël tant pis, la formidable Histoire d’une femme (programmée aussi cet été au festival), Sur les cendres en avant, Les Couteaux dans le dos, Pour l’amour de Gérard Philipe, Ma folle otarie, ou la version japonaise à Tokyo de Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Il a également mis en scène Night in white Satie et Noce de Jean-Luc Lagarce.
30 avr. 2018
6,5/10
7
L'émotion est au coeur du récit qui parle d'un sujet très sensible : la pédophilie.
L'histoire est autour d'un adulte qui prend conscience qu'enfant il a été abusé par son oncle. Impossible de ne pas être touché par cette lente découverte de son passé traumatisant. Le texte écrit par Denis Lachaud se veut troublant dans le dévoilement d'un passé volontairement oublié. Quatre ans de souvenirs oublié et le refoulement de son identité homosexuelle. Un point appuyé par la répétition excessive de l'expression : "je vais t'enculer". Un malaise s'installe.

La mise en scène très maligne de Pierre Notte permet à Benoit Giros d'interpréter tous les personnages au plus proche du ressenti. Un jeu de lumière par-ci avec projection d'une fenêtre et un jeu de lumière directe par-là pour la scène chez le psychologue. Les déplacements sont minutés, calculés avec grande précision. Alors le décor reste sobre avec une table, un ordinateur, des verres d'eau et quelques chaises. Juste le nécessaire. L'important se sont les mots choisis avec exactitude qui petit à petit prennent plus de sens pour mieux nous percuter.
8 avr. 2018
9,5/10
12
Une pièce coup de poing. Un spectacle captivant. Un comédien impressionnant. À ne surtout pas manquer.