Ses critiques
160 critiques
7,5/10
Le thème des rapports entre les milieux artistiques et le nazisme a été traité à plusieurs reprises par Ronald HARWOOD, tant au théâtre qu'au cinéma (cf. Le pianiste). Dans COLLABORATION c'est sous l'angle du travail en commun des deux grands artistes qu'étaient Richard STRAUSS et Stefan ZWEIG. Avec A TORT ET A RAISON c'est la confrontation entre un artiste et justice des vainqueurs qui est mise en scène.
Pour écrire sa pièce R. HARWOOD a utilisé comme source le journal de Wilhem FURTWANGLER. L'action se déroule sur plusieurs mois en 1946. Le chef d'orchestre, dont on disait que le talent dépassait celui de TOSCANINI, est interdit d'intervention publique et donc d'exercice de son métier, tant qu'il n'a pas été entendu et jugé par la commission alliée de dénazification des artistes. Pourquoi a-t-il serré la main d'Hitler ? Pourquoi a-t-il dirigé l'orchestre pour l'anniversaire du leader nazi ? Pourquoi est-il resté à son poste si ce n'est parce qu'il a bénéficié des faveurs du régime ? Le Commandant ARNOLD est persuadé d'avoir trouvé la seule question à laquelle le grand homme ne pourra répondre sans avouer sa collaboration avec les nazis.
Dans la première adaptation en français en 1999 Michel BOUQUET tenait déjà le rôle du chef d'orchestre et faisait face à Claude BRASSEUR. Dans cette nouvelle production c'est Francis LOMBRAIL qui s'oppose à l'artiste. Celui-ci excelle dans le rôle de l'accusateur désigné par les forces allées victorieuses. Il incarne à merveille cet ancien agent d'assurance qui ne connait rien de FURTWANGLER, raison pour laquelle il se voit confié cette mission. Il est persuadé qu'il saura confondre celui qu'il considère comme un traitre. Par son jeu il donne du rythme au spectacle. On est convaincu par ce soldat de circonstance bouleversé par les visions d'horreur des camps de concentration quelques jours après leur libération. Cette expérience nourrit son enquête de mise en accusation, son acharnement contre le vieil homme, cette agressivité qui choque Emmi STRAUBE, l'assistante du commandant (Margaux Van Den PLAS à la présence justement effacée et volontaire) et le jeune lieutenant David WILLS (Damien ZANOKI, fougueux, précis, dynamique et passionné), tous deux profonds admirateurs du chef d'orchestre.
Michel BOUQUET fait à nouveau preuve de son immense talent. Et ce n'est pas lui faire injure que de dire que malgré son âge (90 ans) il reste une présence scénique qui en impose tout en se glissant parfaitement dans la mise en scène à la fois classique et statique de Georges WERLER. Lorsqu'il entre en scène ce n'est pas seulement le grand FURSTWANGLER qui entre, c'est aussi toute l'aura artistique de son interprète, ce qui donne aussi le sentiment de figer le temps ou de ralentir le mouvement, offrant un contraste avec le bouillonnant, colérique et bourru Steve ARNOLD / Francis LOMBRAIL. Au militaire qui ne comprend pas et ne pardonne pas la neutralité il oppose la force et la sérénité de celui qui est sûr de son droit et n'accorde à personne le droit de le juger.
On se demande? comme Steve ARNOLD? si la défense de l'art permet toutes les compromissions et autorise la neutralité ? Des deux points de vue lequel a tort et lequel à raison ? Ronald HARWOOD n'impose aucune réponse et laisse au spectateur la possibilité de décider par lui-même.
En bref : A TORT ET A RAISON est un beau moment de théâtre porté par deux grands comédiens qui interpelle le spectateur sur le rôle de l'artiste face au pouvoir politique et pose l'éternelle question : à sa place qu'aurions-nous fait ?
Pour écrire sa pièce R. HARWOOD a utilisé comme source le journal de Wilhem FURTWANGLER. L'action se déroule sur plusieurs mois en 1946. Le chef d'orchestre, dont on disait que le talent dépassait celui de TOSCANINI, est interdit d'intervention publique et donc d'exercice de son métier, tant qu'il n'a pas été entendu et jugé par la commission alliée de dénazification des artistes. Pourquoi a-t-il serré la main d'Hitler ? Pourquoi a-t-il dirigé l'orchestre pour l'anniversaire du leader nazi ? Pourquoi est-il resté à son poste si ce n'est parce qu'il a bénéficié des faveurs du régime ? Le Commandant ARNOLD est persuadé d'avoir trouvé la seule question à laquelle le grand homme ne pourra répondre sans avouer sa collaboration avec les nazis.
Dans la première adaptation en français en 1999 Michel BOUQUET tenait déjà le rôle du chef d'orchestre et faisait face à Claude BRASSEUR. Dans cette nouvelle production c'est Francis LOMBRAIL qui s'oppose à l'artiste. Celui-ci excelle dans le rôle de l'accusateur désigné par les forces allées victorieuses. Il incarne à merveille cet ancien agent d'assurance qui ne connait rien de FURTWANGLER, raison pour laquelle il se voit confié cette mission. Il est persuadé qu'il saura confondre celui qu'il considère comme un traitre. Par son jeu il donne du rythme au spectacle. On est convaincu par ce soldat de circonstance bouleversé par les visions d'horreur des camps de concentration quelques jours après leur libération. Cette expérience nourrit son enquête de mise en accusation, son acharnement contre le vieil homme, cette agressivité qui choque Emmi STRAUBE, l'assistante du commandant (Margaux Van Den PLAS à la présence justement effacée et volontaire) et le jeune lieutenant David WILLS (Damien ZANOKI, fougueux, précis, dynamique et passionné), tous deux profonds admirateurs du chef d'orchestre.
Michel BOUQUET fait à nouveau preuve de son immense talent. Et ce n'est pas lui faire injure que de dire que malgré son âge (90 ans) il reste une présence scénique qui en impose tout en se glissant parfaitement dans la mise en scène à la fois classique et statique de Georges WERLER. Lorsqu'il entre en scène ce n'est pas seulement le grand FURSTWANGLER qui entre, c'est aussi toute l'aura artistique de son interprète, ce qui donne aussi le sentiment de figer le temps ou de ralentir le mouvement, offrant un contraste avec le bouillonnant, colérique et bourru Steve ARNOLD / Francis LOMBRAIL. Au militaire qui ne comprend pas et ne pardonne pas la neutralité il oppose la force et la sérénité de celui qui est sûr de son droit et n'accorde à personne le droit de le juger.
On se demande? comme Steve ARNOLD? si la défense de l'art permet toutes les compromissions et autorise la neutralité ? Des deux points de vue lequel a tort et lequel à raison ? Ronald HARWOOD n'impose aucune réponse et laisse au spectateur la possibilité de décider par lui-même.
En bref : A TORT ET A RAISON est un beau moment de théâtre porté par deux grands comédiens qui interpelle le spectateur sur le rôle de l'artiste face au pouvoir politique et pose l'éternelle question : à sa place qu'aurions-nous fait ?
8,5/10
On a l'habitude de venir à Gaveau pour y écouter des concerts de musique classique. En cette rentrée son acoustique réputée permet d'entendre la belle voix du jeune Nicolas Motet entouré de 20 artistes talentueux dans OLIVER TWIST. Une comédie musicale qui prouve que les productions françaises n'ont rien à envier à Broadway.
Le fog envahit la scène. Nous sommes dans le Londres du XIXème siècle. Que ce soit en maison de redressement ou dans leur famille d'accueil les orphelins ne trouvent grâce aux yeux de tortionnaires que s'ils rapportent plus qu'ils ne coûtent. L'un d'entre eux, Oliver Twist, a foi dans le fait de retrouver son père. Sans argent, il est enrôlé par une bande de voleurs au meneur très louche. Un jour il rencontre M. Brownlon. Une rencontre qui pourrait changer sa vie.
L'UNIVERS DE DICKENS ET 21 ARTISTES
L'équipe technique réussit un tour de force en recréant sur la relativement petite scène de la salle Gaveau l'univers de l'Angleterre victorienne. Les décors se succèdent, de l'orphelinat à la boutique du croque-mort, du marché à la demeure bourgeoise ou à l'antre des voleurs, tous plus beaux les uns que les autres pour la très belle scénographie de Emmanuelle ROY. Le soin particulier que Jean-Daniel VUILLERMOZ a apporté à la réalisation des costumes est un bouquet de couleurs et de tissus. La mise en lumière de Alban SAUVE rehausse l'ensemble. Une re-création de l'univers de Charles DICKENS qui a tout l'éclat des super-productions.
Quant à la troupe elle est d'une cohérence et d'une qualité dont, il faut le reconnaître, nous n'avions plus l'habitude depuis longtemps dans les comédies musicales made in France. Ils sont 21 artistes de talent rassemblés dont 7 musiciens qui jouent en live depuis les tribunes qui dominent de chaque côté de la scène.
Le rôle-titre a été confié au jeune Nicolas Motet. Les fidèles de The Voice Kids ne seront pas surpris de le retrouver à à peine 16 ans mener la troupe avec autant de maîtrise. Malgré son jeune âge il a déjà 8 ans de carrière derrière lui. Une formation complète de comédien, danseur, chanteur, une voix de crystal, un plaisir communicatif : une étoile est née.
Si le rôle d'Oliver Twist met le jeune artiste en lumière il faut noter l'esprit de troupe, la synergie de groupe de l'ensemble des comédiens. La distribution est extrêmement réussie. Tous interprètent avec énergie et enthousiasme les chorégraphies d'Avichai Acham. Les voix se complètent, s'affrontent dans la mise en scène fluide de Stanislas CHOLLAT. Shay ALON et Christopher DELARUE on créé des chansons et un univers musical d'une grande beauté.
Bon à savoir / Show in english :
Spectacle visible en anglais grâce à Theatre in Paris.
En bref : Dans le lot des comédies musicales de la saison Oliver TWIST est la très bonne surprise Créé dans la pure tradition anglo-saxonne tous les éléments sont au rendez-vous pour en faire une grande réussite qui séduit tous les publics. L'occasion de laisser éclater le talent du jeune Nicolas Motet qui mène avec brio une troupe talentueuse. Alors ne boudez pas votre plaisir et allez en famille à Gaveau découvrir cette très belle adaptation de l'oeuvre de Dickens.
Le fog envahit la scène. Nous sommes dans le Londres du XIXème siècle. Que ce soit en maison de redressement ou dans leur famille d'accueil les orphelins ne trouvent grâce aux yeux de tortionnaires que s'ils rapportent plus qu'ils ne coûtent. L'un d'entre eux, Oliver Twist, a foi dans le fait de retrouver son père. Sans argent, il est enrôlé par une bande de voleurs au meneur très louche. Un jour il rencontre M. Brownlon. Une rencontre qui pourrait changer sa vie.
L'UNIVERS DE DICKENS ET 21 ARTISTES
L'équipe technique réussit un tour de force en recréant sur la relativement petite scène de la salle Gaveau l'univers de l'Angleterre victorienne. Les décors se succèdent, de l'orphelinat à la boutique du croque-mort, du marché à la demeure bourgeoise ou à l'antre des voleurs, tous plus beaux les uns que les autres pour la très belle scénographie de Emmanuelle ROY. Le soin particulier que Jean-Daniel VUILLERMOZ a apporté à la réalisation des costumes est un bouquet de couleurs et de tissus. La mise en lumière de Alban SAUVE rehausse l'ensemble. Une re-création de l'univers de Charles DICKENS qui a tout l'éclat des super-productions.
Quant à la troupe elle est d'une cohérence et d'une qualité dont, il faut le reconnaître, nous n'avions plus l'habitude depuis longtemps dans les comédies musicales made in France. Ils sont 21 artistes de talent rassemblés dont 7 musiciens qui jouent en live depuis les tribunes qui dominent de chaque côté de la scène.
Le rôle-titre a été confié au jeune Nicolas Motet. Les fidèles de The Voice Kids ne seront pas surpris de le retrouver à à peine 16 ans mener la troupe avec autant de maîtrise. Malgré son jeune âge il a déjà 8 ans de carrière derrière lui. Une formation complète de comédien, danseur, chanteur, une voix de crystal, un plaisir communicatif : une étoile est née.
Si le rôle d'Oliver Twist met le jeune artiste en lumière il faut noter l'esprit de troupe, la synergie de groupe de l'ensemble des comédiens. La distribution est extrêmement réussie. Tous interprètent avec énergie et enthousiasme les chorégraphies d'Avichai Acham. Les voix se complètent, s'affrontent dans la mise en scène fluide de Stanislas CHOLLAT. Shay ALON et Christopher DELARUE on créé des chansons et un univers musical d'une grande beauté.
Bon à savoir / Show in english :
Spectacle visible en anglais grâce à Theatre in Paris.
En bref : Dans le lot des comédies musicales de la saison Oliver TWIST est la très bonne surprise Créé dans la pure tradition anglo-saxonne tous les éléments sont au rendez-vous pour en faire une grande réussite qui séduit tous les publics. L'occasion de laisser éclater le talent du jeune Nicolas Motet qui mène avec brio une troupe talentueuse. Alors ne boudez pas votre plaisir et allez en famille à Gaveau découvrir cette très belle adaptation de l'oeuvre de Dickens.
8/10
Ben, Reda et Ismaël sont trois jeunes belges. Ils sont nés et ont grandi à Schaerbeek, un quartier de Bruxelles. "Musulmans de la deuxième génération" comme on les décrit dans les journaux. Alors, comme beaucoup de jeunes désœuvrés, sans travail malgré leur formation, ils ont décidé de partir faire le djihad en Syrie et tuer les mécréants.
"Hou la la les gars, je suis trop excité. Ça va être comme dans Call of Duty. J'ai top hâte d'aller tuer des mécréants"
Ce sujet d'actualité Ismaël Saidi a choisi de le porter à la scène en décembre 2014. Avant Charlie Hebdo, avant le Bataclan, avant les attentats dans le métro de Bruxelles, à Magnanville, Nice ou Saint Etienne-du Rouvray. C'est un peu de lui qu'il a mis dans chacun des personnages, ses doutes d'adolescents lorsqu'il se sentait perdu et qu'à l'époque les jeunes partaient pour l'Afghanistan (et non, ce n'est pas une tendance récente). Il a aujourd'hui 40 ans et ne pensait pas que ce qu'il avait vécu à 16 ans serait toujours d'actualité.
Au départ il n'y avait que 5 représentations prévues. Puis une 6ème, dans l'après-midi du 9 janvier 2015 et depuis ça n'a pas arrêté, la troupe donnant souvent 3 représentations par jour. Parti d'une cave le spectacle a immédiatement connu le succès. Après 156 représentations devant plus de 55.000 spectateurs dont plus de 28.000 élèves, DJIHAD le spectacle arrive en France.
Comment expliquer le succès de cette tragi-comédie ? Par le fait qu'elle parle à tous, quelle que soit la religion, la condition sociale, l'âge, le sexe. La grande force est de "libérer la parole". On rit beaucoup du parcours de ces trois pieds nickelés qui sur la route du djihad vont se découvrir. Ce parti pris de l'humour permet d'aborder toutes les questions sans tabou : la radicalisation, le besoin de reconnaissance, la rupture identitaire, les préjugés inculqués par l'environnement culturel, la pression communautaire. Pas besoin de mettre en oeuvre les gros moyens du théâtre public pour nous toucher au plus profond. Par les mots, le jeu, DJIHAD nous fait rire malgré le tragique des situations, leur hyper-réalisme.
Ben, Reda et Ismaël ont chacun leur motivation. Chacun d'eux a dû renoncer à quelque chose. Ils aimaient la musique, les mangas, l'alcool. Ben, le leader du trio, était un fan d'Elvis Presley. Il est même allé à Graceland se recueillir sur la tombe de son idole. Et là c'est la fin : il découvre que son idole s'appelle Elvis Aaron Presley et réalise qu'il admire un juif. Ismaël "gribouille". Son kif c'était de dessiner des mangas. Mais à l'école coranique il a appris que les dessinateurs vont en enfer. Quand à Reda il a dû renoncer à Valérie, son amour de 10 ans, parce qu'elle n'est pas musulmane. Alors il lutte pour ne pas noyer son chagrin dans l'alcool. Tous les trois ont douté, perdu leurs repères, retrouvé confiance grâce à la religion. Et puis il y a les images des frères musulmans qui meurent en Syrie, le discours des recruteurs qui fait espérer qu'ils vont enfin pouvoir faire quelque chose de leur vie et aider. Ismaël SAIDI le répète lors de chaque débat ou interview : "Attention, la pièce ne cautionne pas les salopards qui reviennent tuer chez nous. Eux, ce sont des criminels. Mais je veux comprendre ce qui en amène tant là-bas". "Qu'est-ce qui fait qu'un type qui a grandi à Saint-Denis ou à Molenbeek, qui a été à l'école comme vous, qui aurait même pu être votre ami, qu'est-ce qui fait qu'il passe du côté obscur". Sur la route Ben, Ismaël et Reda vont apprendre ce qu'était la vie des deux autres et les chemins qui les ont menés à la radicalisation. Ils prendront conscience des non-dits, de la manipulation dont ils ont été l'objet, qu'elle vienne de la société ou de la communauté, de ce qu'ils ont laissé derrière eux. Deux d'entre eux ne reviendront pas.
Tandis que le Festival d'Automne avec 81 Avenue Victor Hugo nous interpelle sur les sans-papiers et la place que nous faisons aux étrangers, que le théâtre privé sature la rentrée théâtrale de pièces de boulevard des années 1950, les Feux de la Rampe nous questionnent sur les raisons qui poussent ses enfants à partir ainsi, et a le courage de programmer DJIHAD, un spectacle qui nous rappelle que le théâtre peut être un outil de prise de conscience. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement belge a déclaré ce spectacle d'utilité publique, ce qui lui permet d'être distribué gratuitement auprès des élèves. En contrepartie des représentations pour les scolaires, Ismaël SAIDI avait fait trois demandes au Ministre de l'Education Belge
- que les jeunes viennent le voir dans des théâtres, pas dans les lycées ou les gymnases
- qu'il y ait une mixité des publics et donc que les représentations ne soient pas organisées que dans les quartiers dits défavorisés
- que le gouvernement mette en oeuvre des actions pour aider les jeunes
Les deux premières demandes ont été honorées...
Pour les premières représentations c'est l'équipe belge qui est sur scène. Au bout de 10 jours elle sera remplacée par une nouvelle équipe qui s'annonce très prometteuse. 80 dates sont prévues en France. Des représentations auront lieu en scolaire mais aussi dans des prisons. Une autre équipe tourne aux Pays-Bas, et les représentations continuent en Belgique. A la demande de professeur il a été rédigé un livret pédagogique pour accompagner les représentations et les débats.
Comme l'a dit Maïtena Biraben lors de la première, ce spectacle "rassemble" et "réconcilie". On pardonnera aisément les pointes de caricature et les imperfections de jeu pour ne retenir que l'émotion. Celle qui nous saisit quand l'un d'eux tombe sous les balles, quand Michel pleure sa femme comme nous pleurons les victimes des attentats, quand Ben profite de la solitude de son tour de garde pour prendre sa kalachnikov pour un micro et chanter comme le King Elvis, quand Ismaël de retour en Belgique entend les voix de ses amis morts en Syrie.
DJIHAD nous touche au cœur. Véronique Roy était dans la salle en ce soir de première. L'un de ses fils est mort en Syrie en janvier dernier. Comme elle l'exprimait au cours de la discussion qui a suivi la représentation la pièce pointe bien les parcours hasardeux, ces espèces d'aventures surréalistes. Là où je pense que c'est important c'est que pour soigner cette société qui va mal il faut toucher au coeur. "Cette pièce touche à l'empathie".
Le mot de la fin revient à l'auteur et comédien Ismaël Saidi :
"Pour chaque affaire Dreyfus il y a un Zola, et à la fin c'est Zola qui gagne".
En plus sur le blog : "Le théâtre comme outils de médiation et de prévention contre la radicalisation" - Article publié le 07/11/165
"Hou la la les gars, je suis trop excité. Ça va être comme dans Call of Duty. J'ai top hâte d'aller tuer des mécréants"
Ce sujet d'actualité Ismaël Saidi a choisi de le porter à la scène en décembre 2014. Avant Charlie Hebdo, avant le Bataclan, avant les attentats dans le métro de Bruxelles, à Magnanville, Nice ou Saint Etienne-du Rouvray. C'est un peu de lui qu'il a mis dans chacun des personnages, ses doutes d'adolescents lorsqu'il se sentait perdu et qu'à l'époque les jeunes partaient pour l'Afghanistan (et non, ce n'est pas une tendance récente). Il a aujourd'hui 40 ans et ne pensait pas que ce qu'il avait vécu à 16 ans serait toujours d'actualité.
Au départ il n'y avait que 5 représentations prévues. Puis une 6ème, dans l'après-midi du 9 janvier 2015 et depuis ça n'a pas arrêté, la troupe donnant souvent 3 représentations par jour. Parti d'une cave le spectacle a immédiatement connu le succès. Après 156 représentations devant plus de 55.000 spectateurs dont plus de 28.000 élèves, DJIHAD le spectacle arrive en France.
Comment expliquer le succès de cette tragi-comédie ? Par le fait qu'elle parle à tous, quelle que soit la religion, la condition sociale, l'âge, le sexe. La grande force est de "libérer la parole". On rit beaucoup du parcours de ces trois pieds nickelés qui sur la route du djihad vont se découvrir. Ce parti pris de l'humour permet d'aborder toutes les questions sans tabou : la radicalisation, le besoin de reconnaissance, la rupture identitaire, les préjugés inculqués par l'environnement culturel, la pression communautaire. Pas besoin de mettre en oeuvre les gros moyens du théâtre public pour nous toucher au plus profond. Par les mots, le jeu, DJIHAD nous fait rire malgré le tragique des situations, leur hyper-réalisme.
Ben, Reda et Ismaël ont chacun leur motivation. Chacun d'eux a dû renoncer à quelque chose. Ils aimaient la musique, les mangas, l'alcool. Ben, le leader du trio, était un fan d'Elvis Presley. Il est même allé à Graceland se recueillir sur la tombe de son idole. Et là c'est la fin : il découvre que son idole s'appelle Elvis Aaron Presley et réalise qu'il admire un juif. Ismaël "gribouille". Son kif c'était de dessiner des mangas. Mais à l'école coranique il a appris que les dessinateurs vont en enfer. Quand à Reda il a dû renoncer à Valérie, son amour de 10 ans, parce qu'elle n'est pas musulmane. Alors il lutte pour ne pas noyer son chagrin dans l'alcool. Tous les trois ont douté, perdu leurs repères, retrouvé confiance grâce à la religion. Et puis il y a les images des frères musulmans qui meurent en Syrie, le discours des recruteurs qui fait espérer qu'ils vont enfin pouvoir faire quelque chose de leur vie et aider. Ismaël SAIDI le répète lors de chaque débat ou interview : "Attention, la pièce ne cautionne pas les salopards qui reviennent tuer chez nous. Eux, ce sont des criminels. Mais je veux comprendre ce qui en amène tant là-bas". "Qu'est-ce qui fait qu'un type qui a grandi à Saint-Denis ou à Molenbeek, qui a été à l'école comme vous, qui aurait même pu être votre ami, qu'est-ce qui fait qu'il passe du côté obscur". Sur la route Ben, Ismaël et Reda vont apprendre ce qu'était la vie des deux autres et les chemins qui les ont menés à la radicalisation. Ils prendront conscience des non-dits, de la manipulation dont ils ont été l'objet, qu'elle vienne de la société ou de la communauté, de ce qu'ils ont laissé derrière eux. Deux d'entre eux ne reviendront pas.
Tandis que le Festival d'Automne avec 81 Avenue Victor Hugo nous interpelle sur les sans-papiers et la place que nous faisons aux étrangers, que le théâtre privé sature la rentrée théâtrale de pièces de boulevard des années 1950, les Feux de la Rampe nous questionnent sur les raisons qui poussent ses enfants à partir ainsi, et a le courage de programmer DJIHAD, un spectacle qui nous rappelle que le théâtre peut être un outil de prise de conscience. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement belge a déclaré ce spectacle d'utilité publique, ce qui lui permet d'être distribué gratuitement auprès des élèves. En contrepartie des représentations pour les scolaires, Ismaël SAIDI avait fait trois demandes au Ministre de l'Education Belge
- que les jeunes viennent le voir dans des théâtres, pas dans les lycées ou les gymnases
- qu'il y ait une mixité des publics et donc que les représentations ne soient pas organisées que dans les quartiers dits défavorisés
- que le gouvernement mette en oeuvre des actions pour aider les jeunes
Les deux premières demandes ont été honorées...
Pour les premières représentations c'est l'équipe belge qui est sur scène. Au bout de 10 jours elle sera remplacée par une nouvelle équipe qui s'annonce très prometteuse. 80 dates sont prévues en France. Des représentations auront lieu en scolaire mais aussi dans des prisons. Une autre équipe tourne aux Pays-Bas, et les représentations continuent en Belgique. A la demande de professeur il a été rédigé un livret pédagogique pour accompagner les représentations et les débats.
Comme l'a dit Maïtena Biraben lors de la première, ce spectacle "rassemble" et "réconcilie". On pardonnera aisément les pointes de caricature et les imperfections de jeu pour ne retenir que l'émotion. Celle qui nous saisit quand l'un d'eux tombe sous les balles, quand Michel pleure sa femme comme nous pleurons les victimes des attentats, quand Ben profite de la solitude de son tour de garde pour prendre sa kalachnikov pour un micro et chanter comme le King Elvis, quand Ismaël de retour en Belgique entend les voix de ses amis morts en Syrie.
DJIHAD nous touche au cœur. Véronique Roy était dans la salle en ce soir de première. L'un de ses fils est mort en Syrie en janvier dernier. Comme elle l'exprimait au cours de la discussion qui a suivi la représentation la pièce pointe bien les parcours hasardeux, ces espèces d'aventures surréalistes. Là où je pense que c'est important c'est que pour soigner cette société qui va mal il faut toucher au coeur. "Cette pièce touche à l'empathie".
Le mot de la fin revient à l'auteur et comédien Ismaël Saidi :
"Pour chaque affaire Dreyfus il y a un Zola, et à la fin c'est Zola qui gagne".
En plus sur le blog : "Le théâtre comme outils de médiation et de prévention contre la radicalisation" - Article publié le 07/11/165
7,5/10
Est-ce un one-man show ? Est-ce du stand-up ? Le spectacle de Vincent Dedienne est inclassable. Comment définir un seul en scène où le comédien s'habille pour mieux se mettre à nu ? Pendant un peu plus d'une heure l'humoriste iconoclaste, qui chaque dimanche livrait une bio interdite dans Le Supplément sur Canal+ et chaque jeudi sa chronique sur France Inter, va nous raconter son parcours tout en l'émaillant de sketchs. On croise ses parents. On découvre le jeune Vincent déjà débordant de talent dans son premier show à 14 ans. On joue à un Qui est-ce géant.On apprend l'origine de sa vocation.
Son humour décalé nous emmène parfois sur des chemins biscornus pour mieux nous ramener au point de départ. Un mélange des genres qui peut parfois surprendre voire dérouter le spectateur. Mais il émane de Vincent DEDIENNE une tendresse, une simplicité, une générosité qui font oublier les quelques baisses de régime au cours du spectacle et qui font que, indiscutablement, il se passe quelque chose.
On ressort du spectacle avec le sourire, le sentiment d'avoir fait une rencontre, d'avoir partagé un moment intime dans la bonne humeur, une de ses soirées où l'on n'a pas envie de se quitter.
Un premier spectacle fin, intelligent, qui permet d'en savoir plus sur celui qui a éclaté sur les médias depuis 2 ans, après une formation classique, et que j'avais eu le plaisir de découvrir en tant que comédien en janvier 2014 dans Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, une pièce sur le mal-être de l'adolescence dans laquelle éclatait toute sa sensibilité.
Un spectacle original qui réconcilie théâtre et one-man show. Une personnalité terriblement attachante. Un humour décalé. Un autoportrait empreint de tendresse. Un très bon moment.
Son humour décalé nous emmène parfois sur des chemins biscornus pour mieux nous ramener au point de départ. Un mélange des genres qui peut parfois surprendre voire dérouter le spectateur. Mais il émane de Vincent DEDIENNE une tendresse, une simplicité, une générosité qui font oublier les quelques baisses de régime au cours du spectacle et qui font que, indiscutablement, il se passe quelque chose.
On ressort du spectacle avec le sourire, le sentiment d'avoir fait une rencontre, d'avoir partagé un moment intime dans la bonne humeur, une de ses soirées où l'on n'a pas envie de se quitter.
Un premier spectacle fin, intelligent, qui permet d'en savoir plus sur celui qui a éclaté sur les médias depuis 2 ans, après une formation classique, et que j'avais eu le plaisir de découvrir en tant que comédien en janvier 2014 dans Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, une pièce sur le mal-être de l'adolescence dans laquelle éclatait toute sa sensibilité.
Un spectacle original qui réconcilie théâtre et one-man show. Une personnalité terriblement attachante. Un humour décalé. Un autoportrait empreint de tendresse. Un très bon moment.
8/10
Le Off 2016 s'est enflammé avec justesse pour WE LOVE ARABS, une pièce qui tire à boulets rouges sur les préjugés concernant la relation israélien / arabes. Le titre en lui-même est déjà un pied-de-nez à la bien-pensance. Dans cette satire fine et mordante le chorégraphe Hillel KOGAN imagine le processus de création d'un spectacle kitch, prétentieux, pseudo-engagé, qui durera 3 jours, se déroulera dans le désert, et qui aurait pour thème l'identité et le partage de l'espace entre Juifs et Arabes. Vaste programme ! Oui mais pour cela il a besoin d'un danseur arabe. Sauf qu'il n'en a aucun dans son répertoire ! Se présente un danseur Arabe, le seul d'Israël, mais qui ne correspondant pas tout à fait à ce que recherche le chorégraphe.
Avec WE LOVE ARABS Hillel KOGAN dresse un réquisitoire lapidaire contre les réflexes racistes les plus sournois. Tout dans le spectacle est d'une profonde intelligence. Chaque mot, chaque mouvement est réfléchi, drôle, (im)pertinent. Il ne s'agit pas tant "d'une rencontre ou d'un conflit entre juif et arabe" mais de "la confrontation entre deux images" traitant avec subtilité les préjugés les plus larvés que l'on exprime sans même en avoir conscience. Dans cette perspective le duo avec Adi BOUTROUS est d'autant plus savoureux tant le danseur ne correspondant pas du tout à l'image typique de l'arabe. contrariant ainsi le projet de chorégraphe, le contraste entre les deux n'étant soudain plus aussi marqué qu'il le souhaiterait, ce qui donne lieu a de savoureux échanges, notamment dans les expressions.
Hillel KOGAN réalise également une satire savoureuse des milieux de la danse. Le chorégraphe qu'il interprète est une caricature assumée emplie d'auto-dérision. Que ce soit dans le vocabulaire ou dans la gestuelle il jongle avec les ressorts du comique, entre premier, deuxième, trentième degré. On se délecte de ce faux Hillel KOGAN qui impose à son danseur une relation dominant / dominé, infantilisant le danseur sans jamais lui laisser la parole. On savoure ce chorégraphe qui dans l'expression de son art utilise les danseurs comme une matière malléable qu'il peut triturer comme il l'entend pour en restituer sa pensée, sa vision créatrice, dans un processus de création qui peut être violent sans qu'il en ait parfois conscience. Une collaboration qui se termine en apothéose dans un magnifique duo, avant de partager l'houmous avec le public.
Un petit bijou d'autodérision qui traite avec humour et subtilité des comportements ordinaires. Hillel KOGAN et Adi BOUTROUS nous offrent un spectacle d'une rare intelligence qui foule aux pieds la bien-pensance sur la coexistence israelo-arabe, tout en n'épargnant pas les milieux artistiques. Une pépite à ne manquer sous aucun prétexte.
Avec WE LOVE ARABS Hillel KOGAN dresse un réquisitoire lapidaire contre les réflexes racistes les plus sournois. Tout dans le spectacle est d'une profonde intelligence. Chaque mot, chaque mouvement est réfléchi, drôle, (im)pertinent. Il ne s'agit pas tant "d'une rencontre ou d'un conflit entre juif et arabe" mais de "la confrontation entre deux images" traitant avec subtilité les préjugés les plus larvés que l'on exprime sans même en avoir conscience. Dans cette perspective le duo avec Adi BOUTROUS est d'autant plus savoureux tant le danseur ne correspondant pas du tout à l'image typique de l'arabe. contrariant ainsi le projet de chorégraphe, le contraste entre les deux n'étant soudain plus aussi marqué qu'il le souhaiterait, ce qui donne lieu a de savoureux échanges, notamment dans les expressions.
Hillel KOGAN réalise également une satire savoureuse des milieux de la danse. Le chorégraphe qu'il interprète est une caricature assumée emplie d'auto-dérision. Que ce soit dans le vocabulaire ou dans la gestuelle il jongle avec les ressorts du comique, entre premier, deuxième, trentième degré. On se délecte de ce faux Hillel KOGAN qui impose à son danseur une relation dominant / dominé, infantilisant le danseur sans jamais lui laisser la parole. On savoure ce chorégraphe qui dans l'expression de son art utilise les danseurs comme une matière malléable qu'il peut triturer comme il l'entend pour en restituer sa pensée, sa vision créatrice, dans un processus de création qui peut être violent sans qu'il en ait parfois conscience. Une collaboration qui se termine en apothéose dans un magnifique duo, avant de partager l'houmous avec le public.
Un petit bijou d'autodérision qui traite avec humour et subtilité des comportements ordinaires. Hillel KOGAN et Adi BOUTROUS nous offrent un spectacle d'une rare intelligence qui foule aux pieds la bien-pensance sur la coexistence israelo-arabe, tout en n'épargnant pas les milieux artistiques. Une pépite à ne manquer sous aucun prétexte.