Ses critiques
1005 critiques
10/10
Avec cette pièce « footballistique », Pauline Bureau joue la mouche du coach en allant là où on ne l'attendait pas !
Melle Bureau, que je tiens pour l'une des plus importantes et des plus intéressantes créatrices dramaturgiques de notre pays, Melle Bureau nous propose une merveilleuse comédie !
Oui, vous avez bien lu. Je pèse et j'assume complètement cet épithète.
Merveilleuse !
Je pleurais de joie et de bonheur en sortant du théâtre des Abbesses !
Après m'avoir déjà enchanté ces dernières années avec notamment sa version de La bohème, à l'Opéra Comique, Dormir cent ans, à l'Odéon, et très récemment à la Comédie Française la pièce Hors la Loi, la dramaturge a eu envie d'écrire une comédie qui mettrait en scène les Féminines.
Ces Féminines, ce sont les filles de la première équipe française de football féminin, créée en 1968.
Ce faisant, elle nous rappelle au passage qu'en 1941, le régime de Vichy avait interdit pour les femmes la pratique de certains sports, dont le football.
Bien entendu, pour celle dont l'une des principales thématiques est d'interroger finement les enjeux sociétaux de notre époque, le propos ici va dépasser, et de loin, la seule histoire de cette équipe de Reims devenue équipe de France féminine de foot.
Pauline Bureau va nous poser une question essentielle, qui sera exprimée par le coach lui-même : qu'est-ce qui fait un groupe ?
Qu'est-ce qui fait que des individus peuvent trouver du sens à vivre ensemble, à s'émanciper, à mener des actions, des luttes, des combats communs ?
La question et ses éléments de réponses, fondamentaux, constitueront le fil conducteur de ces deux heures.
Vivre ensemble au sein de l'équipe, mais également vivre ensemble dans l'usine où travaillent les jeunes femmes.
Une usine de façonnage de pièces métalliques, de travail à la chaîne, où elles connaissent des conditions de travail épouvantables.
Une usine où il faudra faire grève pour la conquête de droits sociaux .
Nous suivons donc les passionnantes relations qui s'établissent parallèlement dans l'équipe et dans l'usine, grâce à un dispositif très astucieux.
Des moments drôles, très drôles, souvent hilarants vont alterner dans une remarquable construction dramaturgique avec des scènes intenses, très émouvantes, parfois violentes.
Un groupe de personnes, c'est aussi un couple.
Oui, nous allons voir des couples se former, se déformer.
Nous sommes en 1968, ne l'oublions pas. Les femmes ont encore moins de considération et de droits que maintenant. Tout reste à faire. Il sera également question d'émancipation féminine.
De plus, la pièce rappelle que rien n'arrive par hasard.
Un groupe, quel qu'il soit, n'obtient pas des droits par l'opération du saint-esprit...
En cela, Féminines est aussi d'une brûlante actualité.
Autre groupe, c'est celui des comédiens et des comédiennes qui moi m'ont transporté sur un petit nuage.
Rarement, j'ai eu devant moi sur une scène de théâtre autant de personnages authentiques, attachants, touchants. Vrais !
S'appropriant avec grâce et talent l'écriture de Pauline Bureau, les formidables Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Léa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquéro, Anthony Roullier et Catherine Vinatier nous font vibrer, nous font beaucoup rire, nous émeuvent, nous touchent au plus profond, nous bouleversent.
Des moments de comédie formidables émaillent la pièce.
Les auditions des candidates sportives, une scène de danse, un repas de famille hilarant, une extraordinaire tirade finale, et j'en passe...
D'autres instants plus graves sont montrés avec beaucoup d'intensité, de justesse et d'émotion.
Dont un, bref mais terrible, qui glace la salle. (Là encore, quelle actualité !...)
Comme souvent, Pauline Bureau mêle théâtre et cinéma, de façon judicieuse et presque indispensable.
De façon très intelligente, elle projette les images de Nathalie Cabrol sur un écran au format inhabituel, nous transportant ainsi sur la pelouse de différents stades pour suivre les entraînements et les exploits des joueuses.
Ici, l'image projetée sert avec la plus grande cohérence le propos général.
De plus, l'universalité et l'actualité de ce propos-là sont accentuées par l'utilisation d'une bande son mêlant les compositions de Vincent Hulot, et des titres de Queen, Kc & the Sunshine Band, Gossip, ou encore Beyoncé.
La très belle scénographie d'Emmanuelle Roy permet de nous retrouver dans une multitude de lieux. Tout ceci est très habile.
Une véritable ovation, des « Bravo ! » sonores et innombrables viennent saluer ces merveilleuses deux heures.
Cette pièce est une réussite totale.
Le théâtre des abbesses est plongé dans un véritable état de grâce.
Il faut absolument aller découvrir et applaudir à tout rompre (vous ne pourrez pas faire autrement) ce spectacle qui fait un bien fou !
Melle Bureau, que je tiens pour l'une des plus importantes et des plus intéressantes créatrices dramaturgiques de notre pays, Melle Bureau nous propose une merveilleuse comédie !
Oui, vous avez bien lu. Je pèse et j'assume complètement cet épithète.
Merveilleuse !
Je pleurais de joie et de bonheur en sortant du théâtre des Abbesses !
Après m'avoir déjà enchanté ces dernières années avec notamment sa version de La bohème, à l'Opéra Comique, Dormir cent ans, à l'Odéon, et très récemment à la Comédie Française la pièce Hors la Loi, la dramaturge a eu envie d'écrire une comédie qui mettrait en scène les Féminines.
Ces Féminines, ce sont les filles de la première équipe française de football féminin, créée en 1968.
Ce faisant, elle nous rappelle au passage qu'en 1941, le régime de Vichy avait interdit pour les femmes la pratique de certains sports, dont le football.
Bien entendu, pour celle dont l'une des principales thématiques est d'interroger finement les enjeux sociétaux de notre époque, le propos ici va dépasser, et de loin, la seule histoire de cette équipe de Reims devenue équipe de France féminine de foot.
Pauline Bureau va nous poser une question essentielle, qui sera exprimée par le coach lui-même : qu'est-ce qui fait un groupe ?
Qu'est-ce qui fait que des individus peuvent trouver du sens à vivre ensemble, à s'émanciper, à mener des actions, des luttes, des combats communs ?
La question et ses éléments de réponses, fondamentaux, constitueront le fil conducteur de ces deux heures.
Vivre ensemble au sein de l'équipe, mais également vivre ensemble dans l'usine où travaillent les jeunes femmes.
Une usine de façonnage de pièces métalliques, de travail à la chaîne, où elles connaissent des conditions de travail épouvantables.
Une usine où il faudra faire grève pour la conquête de droits sociaux .
Nous suivons donc les passionnantes relations qui s'établissent parallèlement dans l'équipe et dans l'usine, grâce à un dispositif très astucieux.
Des moments drôles, très drôles, souvent hilarants vont alterner dans une remarquable construction dramaturgique avec des scènes intenses, très émouvantes, parfois violentes.
Un groupe de personnes, c'est aussi un couple.
Oui, nous allons voir des couples se former, se déformer.
Nous sommes en 1968, ne l'oublions pas. Les femmes ont encore moins de considération et de droits que maintenant. Tout reste à faire. Il sera également question d'émancipation féminine.
De plus, la pièce rappelle que rien n'arrive par hasard.
Un groupe, quel qu'il soit, n'obtient pas des droits par l'opération du saint-esprit...
En cela, Féminines est aussi d'une brûlante actualité.
Autre groupe, c'est celui des comédiens et des comédiennes qui moi m'ont transporté sur un petit nuage.
Rarement, j'ai eu devant moi sur une scène de théâtre autant de personnages authentiques, attachants, touchants. Vrais !
S'appropriant avec grâce et talent l'écriture de Pauline Bureau, les formidables Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Léa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquéro, Anthony Roullier et Catherine Vinatier nous font vibrer, nous font beaucoup rire, nous émeuvent, nous touchent au plus profond, nous bouleversent.
Des moments de comédie formidables émaillent la pièce.
Les auditions des candidates sportives, une scène de danse, un repas de famille hilarant, une extraordinaire tirade finale, et j'en passe...
D'autres instants plus graves sont montrés avec beaucoup d'intensité, de justesse et d'émotion.
Dont un, bref mais terrible, qui glace la salle. (Là encore, quelle actualité !...)
Comme souvent, Pauline Bureau mêle théâtre et cinéma, de façon judicieuse et presque indispensable.
De façon très intelligente, elle projette les images de Nathalie Cabrol sur un écran au format inhabituel, nous transportant ainsi sur la pelouse de différents stades pour suivre les entraînements et les exploits des joueuses.
Ici, l'image projetée sert avec la plus grande cohérence le propos général.
De plus, l'universalité et l'actualité de ce propos-là sont accentuées par l'utilisation d'une bande son mêlant les compositions de Vincent Hulot, et des titres de Queen, Kc & the Sunshine Band, Gossip, ou encore Beyoncé.
La très belle scénographie d'Emmanuelle Roy permet de nous retrouver dans une multitude de lieux. Tout ceci est très habile.
Une véritable ovation, des « Bravo ! » sonores et innombrables viennent saluer ces merveilleuses deux heures.
Cette pièce est une réussite totale.
Le théâtre des abbesses est plongé dans un véritable état de grâce.
Il faut absolument aller découvrir et applaudir à tout rompre (vous ne pourrez pas faire autrement) ce spectacle qui fait un bien fou !
6/10
No bullshit at Sopi !
Tel est le slogan de cette entreprise internationale, une réussite à la française...
Alain Péron a écrit cette pièce qui oscille entre comédie et spectacle plus noir.
Nous allons être en permanence tiraillés entre ces deux aspects dramaturgiques.
Une vision du monde du travail qui se situerait entre l'excellente série Caméra Café (dont je suis un fan absolu), la bande dessinée Largo Winch et le grand auteur français Michel Vinaver, ex-PDG de Gillette, et dont l'œuvre théâtrale est axée sur la dénonciation des mécanismes pervers du capitalisme.
On retrouve d'ailleurs dans l'écriture quelques aphorismes que ne renierait pas Jean-Claude Convenant, le commercial de la série sus-nommée, incarné par l'excellent Yvan Le Bolloch', un représentant de commerce roulant en Xantia et portant des costumes Rémi Garenne. (Fan absolu, je vous dis...)
Nous allons donc assister à l'ascension de la jeune Charlotte au sein de cette boîte.
Tromperies, faux semblants, coups plus ou moins bas, caricatures, stéréotypes, rien ne nous sera épargné.
Trois comédiens ont retenu toute mon attention, par leur justesse et leur engagement permanents.
L'auteur lui-même, Alain Péron, aux faux airs du regretté Jean Yanne.
Son sympathique personnage de « cadre-gros nounours » allergique à la technologie est assez réussi.
Johanne Ricard joue le rôle d'une cadre aux dents plus ou moins longues, pour qui la vie se résume à trois catégories d'individus : « les guerriers, les victimes et les fourbes ».
La comédienne est d'une parfaite crédibilité.
Et puis Thierry Fohrer, qui est une sorte de très haut dirigeant, sous-PDG un peu gourou sur les bords.
Le comédien cultive parfaitement l'ambivalence du personnage. Sa dernière tirade procure bien des frissons. (Je n'en dis pas plus, pour ne pas déflorer l'intrigue et le dernier rebondissement...).
Le public présent hier n'a pas boudé son plaisir.
S'il faut aller voir ce spectacle, c'est également en soutien à cette entreprise artistique.
Cette pièce est victime actuellement d'une vraie censure sur Facebook, comme l'annonce Alain Péron à la fin des saluts.
Censure, donc, au motif surréaliste d'une raison on ne peut plus hypocrite : l'emploi du mot « Bullshit » du titre, qui est un gros mot au pays de l'Oncle Sam...
Un gros mot apparemment terrible aux yeux des administrateurs du réseau social.
Dans un premier temps, après réclamation, Facebook France a admis que ce n'était pas si grave que ça, mais rien n'y a fait.
On a même conseillé à l'auteur de remplacer « Bullshit » par « Bull........ ». (Avec des petits points supposés pudiques...)
Incroyable mais vrai... Au royaume de la faux-cuterie la plus exacerbée, Facebook est roi...
C'en est pathétique !
Soutien donc inconditionnel à No bullshit !
Tel est le slogan de cette entreprise internationale, une réussite à la française...
Alain Péron a écrit cette pièce qui oscille entre comédie et spectacle plus noir.
Nous allons être en permanence tiraillés entre ces deux aspects dramaturgiques.
Une vision du monde du travail qui se situerait entre l'excellente série Caméra Café (dont je suis un fan absolu), la bande dessinée Largo Winch et le grand auteur français Michel Vinaver, ex-PDG de Gillette, et dont l'œuvre théâtrale est axée sur la dénonciation des mécanismes pervers du capitalisme.
On retrouve d'ailleurs dans l'écriture quelques aphorismes que ne renierait pas Jean-Claude Convenant, le commercial de la série sus-nommée, incarné par l'excellent Yvan Le Bolloch', un représentant de commerce roulant en Xantia et portant des costumes Rémi Garenne. (Fan absolu, je vous dis...)
Nous allons donc assister à l'ascension de la jeune Charlotte au sein de cette boîte.
Tromperies, faux semblants, coups plus ou moins bas, caricatures, stéréotypes, rien ne nous sera épargné.
Trois comédiens ont retenu toute mon attention, par leur justesse et leur engagement permanents.
L'auteur lui-même, Alain Péron, aux faux airs du regretté Jean Yanne.
Son sympathique personnage de « cadre-gros nounours » allergique à la technologie est assez réussi.
Johanne Ricard joue le rôle d'une cadre aux dents plus ou moins longues, pour qui la vie se résume à trois catégories d'individus : « les guerriers, les victimes et les fourbes ».
La comédienne est d'une parfaite crédibilité.
Et puis Thierry Fohrer, qui est une sorte de très haut dirigeant, sous-PDG un peu gourou sur les bords.
Le comédien cultive parfaitement l'ambivalence du personnage. Sa dernière tirade procure bien des frissons. (Je n'en dis pas plus, pour ne pas déflorer l'intrigue et le dernier rebondissement...).
Le public présent hier n'a pas boudé son plaisir.
S'il faut aller voir ce spectacle, c'est également en soutien à cette entreprise artistique.
Cette pièce est victime actuellement d'une vraie censure sur Facebook, comme l'annonce Alain Péron à la fin des saluts.
Censure, donc, au motif surréaliste d'une raison on ne peut plus hypocrite : l'emploi du mot « Bullshit » du titre, qui est un gros mot au pays de l'Oncle Sam...
Un gros mot apparemment terrible aux yeux des administrateurs du réseau social.
Dans un premier temps, après réclamation, Facebook France a admis que ce n'était pas si grave que ça, mais rien n'y a fait.
On a même conseillé à l'auteur de remplacer « Bullshit » par « Bull........ ». (Avec des petits points supposés pudiques...)
Incroyable mais vrai... Au royaume de la faux-cuterie la plus exacerbée, Facebook est roi...
C'en est pathétique !
Soutien donc inconditionnel à No bullshit !
9/10
Oh les filles, oh les filles ! Elles vont encore le rendre marteau !
Oui, les trois sœurs vont encore provoquer l'ire de Lear, le roi leur père.
La colère, puis le désespoir...
Cet opéra écrit en 1976 est une commande : le célèbre baryton Dietrich Fischer-Diskau voulait une version musicale de la tragédie de William Shakespeare.
Après s'être adressé sans succès à Benjamin Britten, il proposa le projet au compositeur allemand Aribert Reimann, qui après quelques hésitations, s'attela à la tâche.
La création de l'œuvre en France date de 1982, ici même à Garnier, avec à la baguette Friedeman Layer et à la mise en scène un certain Jacques Lassalle.
En 2016, le metteur en scène Calixto Bieito et le chef italien Fabio Luisi créaient leur propre version.
C'est cette vision de l'œuvre de Reimann qui est reprise aujourd'hui, toujours à l'Opéra Garnier.
Cet opéra en deux parties (comme une métaphore du bien et du mal, de la trahison et de la fidélité) porte en son sein une grande violence et une terrible intensité.
Cette violence est notamment exprimée par l'instrumentation : beaucoup de cuivres, beaucoup de percussions, beaucoup de clusters sonores, nombre d'aigus assourdissants.
Sans oublier le très fort volume des voix.
Les voix, justement.
Aribert Reimann, lui-même fils d'une cantatrice, fut durant de nombreuses années professeur de chant contemporain à l'école des Beaux-Arts de Berlin.
C'est un spécialiste de la chose chantée.
Ceci va se vérifier dans la grande variété de tessitures de sa distribution, et puis surtout dans la grande diversité des techniques vocales employées dans cette œuvre : le cri, le parlé-libre, le parlé-rythmé, le « chant-parlé », le parlé-chanté, la déclamation et bien entendu le chant libre et le chant à gorge déployée seront toutes utilisées.
Il y a quelque chose de délicieusement excessif dans cet opéra, où les dissonances, les atonalités, les micro-intervalles, et il faut bien le dire, un livret un peu bancal, créent en permanence pour le spectateur une impression de grande tension, de mise en danger.
Impossible de souffler, si ce n'est durant deux interludes aux sourds agrégats de notes des cordes.
Le metteur en scène Calixto Bieito, habitué aux images provocantes, dérangeantes, excessives, n'a donc pas eu besoin de pousser bien loin le curseur.
Sa mise en scène basée sur la belle scénographie de Rebecca Ringst, avec de gigantesques lattes en bois-métal noires mouvantes, ainsi que des projections en arrière plan lors de la deuxième partie, (dont on ne comprend pas forcément la teneur), cette mise en scène complète habilement et avec un vrai à-propos la violence intrinsèque de l'œuvre, sans provocs inutiles.
Certes, ne nous voilons pas la face, les scènes d'énucléation, de meurtres, de domination sont très, mais alors très réalistes. Âmes sensibles, vous voici averties...
Mais de très beaux moments nous seront également montrés, avec notamment deux scènes de pieta très émouvantes (des pieta père-fille, Lear-Cordelia).
Calixto Bieito a eu une autre excellente idée : matérialiser le Pouvoir avec un grand P par une grosse miche de pain, que le roi va partager entre ses filles.
Ce partage presque eucharistique en tout début de spectacle est très réussi, avec des personnages-rapaces qui se jettent sur les parts de pain, et se ruent sur les miettes qui tombent.
Quel symbole !
J'ai hâte de découvrir en 2020 et 2021 sa vision de la Tétralogie de Wagner.
La distribution de cette reprise de Lear est absolument irréprochable.
Tous les chanteurs, nordiques dans leur grande majorité, sont parfaitement à l'aise dans dans cette œuvre contemporaine.
Les spectateurs sont immédiatement conquis par les tessitures et surtout les qualités techniques et vocales en matière de chant contemporain.
J'ai particulièrement été impressionné par le baryton danois Bo Skovhus.
Le chanteur donne une profondeur intense au roi Lear. Le crâne rasé, se déshabillant au fur et à mesure de la première partie, se retrouvant dans la deuxième en SDF pour mourir au bord du plateau en caleçon, il campe un personnage complexe qui se met à nu, au figuré, et presque au propre.
La voix est puissante, profonde, envoûtante, impressionnante.
Le baryton sera très applaudi.
Tout comme les trois sœurs, les trois soprani, les allemandes Annette Dasch (Cordelia) et Evelyn Herlitzius (Goneril), ainsi que la Suédoise Erika Sunnegardh (Regan). Les trois chanteuses elles aussi feront preuve d'une belle puissance nécessaire à leurs partitions et rôles respectifs.
Et puis quelles comédiennes ! En plus de leurs talents musicaux, toutes trois sont d'une impressionnante justesse dramaturgique. Ce qu'elles font sur la scène de Garnier force le respect.
Le contre-ténor britannique Andrew Watts est lui aussi très remarqué dans son rôle d'Edgar, le fils légitime du comte de Gloucester.
Dans son déguisement d'une saleté repoussante, il incarne un contraste vocal très réussi avec les autres personnages masculins.
Fabio Luisi aussi à l'aise dans Verdi que dans Reimann, laisse éclater toute la force et la puissance de l'œuvre, en tirant de l'orchestre-maison des rugissements, des violences musicales et sonores, des fulgurances timbrales magnifiques.
De nombreux rappels viendront saluer les presque trois heures de cet opéra « shakespearien » âpre, assez austère, mais passionnant.
(Il faut rappeler que Verdi s'était cassé les dents sur le sujet.)
Les applaudissements sont nourris, et ce n'est que justice.
Oui, les trois sœurs vont encore provoquer l'ire de Lear, le roi leur père.
La colère, puis le désespoir...
Cet opéra écrit en 1976 est une commande : le célèbre baryton Dietrich Fischer-Diskau voulait une version musicale de la tragédie de William Shakespeare.
Après s'être adressé sans succès à Benjamin Britten, il proposa le projet au compositeur allemand Aribert Reimann, qui après quelques hésitations, s'attela à la tâche.
La création de l'œuvre en France date de 1982, ici même à Garnier, avec à la baguette Friedeman Layer et à la mise en scène un certain Jacques Lassalle.
En 2016, le metteur en scène Calixto Bieito et le chef italien Fabio Luisi créaient leur propre version.
C'est cette vision de l'œuvre de Reimann qui est reprise aujourd'hui, toujours à l'Opéra Garnier.
Cet opéra en deux parties (comme une métaphore du bien et du mal, de la trahison et de la fidélité) porte en son sein une grande violence et une terrible intensité.
Cette violence est notamment exprimée par l'instrumentation : beaucoup de cuivres, beaucoup de percussions, beaucoup de clusters sonores, nombre d'aigus assourdissants.
Sans oublier le très fort volume des voix.
Les voix, justement.
Aribert Reimann, lui-même fils d'une cantatrice, fut durant de nombreuses années professeur de chant contemporain à l'école des Beaux-Arts de Berlin.
C'est un spécialiste de la chose chantée.
Ceci va se vérifier dans la grande variété de tessitures de sa distribution, et puis surtout dans la grande diversité des techniques vocales employées dans cette œuvre : le cri, le parlé-libre, le parlé-rythmé, le « chant-parlé », le parlé-chanté, la déclamation et bien entendu le chant libre et le chant à gorge déployée seront toutes utilisées.
Il y a quelque chose de délicieusement excessif dans cet opéra, où les dissonances, les atonalités, les micro-intervalles, et il faut bien le dire, un livret un peu bancal, créent en permanence pour le spectateur une impression de grande tension, de mise en danger.
Impossible de souffler, si ce n'est durant deux interludes aux sourds agrégats de notes des cordes.
Le metteur en scène Calixto Bieito, habitué aux images provocantes, dérangeantes, excessives, n'a donc pas eu besoin de pousser bien loin le curseur.
Sa mise en scène basée sur la belle scénographie de Rebecca Ringst, avec de gigantesques lattes en bois-métal noires mouvantes, ainsi que des projections en arrière plan lors de la deuxième partie, (dont on ne comprend pas forcément la teneur), cette mise en scène complète habilement et avec un vrai à-propos la violence intrinsèque de l'œuvre, sans provocs inutiles.
Certes, ne nous voilons pas la face, les scènes d'énucléation, de meurtres, de domination sont très, mais alors très réalistes. Âmes sensibles, vous voici averties...
Mais de très beaux moments nous seront également montrés, avec notamment deux scènes de pieta très émouvantes (des pieta père-fille, Lear-Cordelia).
Calixto Bieito a eu une autre excellente idée : matérialiser le Pouvoir avec un grand P par une grosse miche de pain, que le roi va partager entre ses filles.
Ce partage presque eucharistique en tout début de spectacle est très réussi, avec des personnages-rapaces qui se jettent sur les parts de pain, et se ruent sur les miettes qui tombent.
Quel symbole !
J'ai hâte de découvrir en 2020 et 2021 sa vision de la Tétralogie de Wagner.
La distribution de cette reprise de Lear est absolument irréprochable.
Tous les chanteurs, nordiques dans leur grande majorité, sont parfaitement à l'aise dans dans cette œuvre contemporaine.
Les spectateurs sont immédiatement conquis par les tessitures et surtout les qualités techniques et vocales en matière de chant contemporain.
J'ai particulièrement été impressionné par le baryton danois Bo Skovhus.
Le chanteur donne une profondeur intense au roi Lear. Le crâne rasé, se déshabillant au fur et à mesure de la première partie, se retrouvant dans la deuxième en SDF pour mourir au bord du plateau en caleçon, il campe un personnage complexe qui se met à nu, au figuré, et presque au propre.
La voix est puissante, profonde, envoûtante, impressionnante.
Le baryton sera très applaudi.
Tout comme les trois sœurs, les trois soprani, les allemandes Annette Dasch (Cordelia) et Evelyn Herlitzius (Goneril), ainsi que la Suédoise Erika Sunnegardh (Regan). Les trois chanteuses elles aussi feront preuve d'une belle puissance nécessaire à leurs partitions et rôles respectifs.
Et puis quelles comédiennes ! En plus de leurs talents musicaux, toutes trois sont d'une impressionnante justesse dramaturgique. Ce qu'elles font sur la scène de Garnier force le respect.
Le contre-ténor britannique Andrew Watts est lui aussi très remarqué dans son rôle d'Edgar, le fils légitime du comte de Gloucester.
Dans son déguisement d'une saleté repoussante, il incarne un contraste vocal très réussi avec les autres personnages masculins.
Fabio Luisi aussi à l'aise dans Verdi que dans Reimann, laisse éclater toute la force et la puissance de l'œuvre, en tirant de l'orchestre-maison des rugissements, des violences musicales et sonores, des fulgurances timbrales magnifiques.
De nombreux rappels viendront saluer les presque trois heures de cet opéra « shakespearien » âpre, assez austère, mais passionnant.
(Il faut rappeler que Verdi s'était cassé les dents sur le sujet.)
Les applaudissements sont nourris, et ce n'est que justice.
10/10
Aucun spectateur ne peut se lever, une fois que Benoît Giros a définitivement rejoint la coulisse après son dernier rappel.
Il faudra attendre une bonne minute...
Parce que le comédien nous a donné une leçon de théâtre.
Une leçon de vie, également.
Impossible de retourner aussi rapidement à la réalité de la salle ré-allumée, après l'avoir entendu nous raconter et de quelle façon une histoire aussi forte, intense, et profonde.
La mise à nu d'un homme.
Une histoire qui touche à ce qui a fait et surtout a brisé un homme, un traumatisme de l'enfance qui a abouti à cette souffrance de ne pas savoir pour cet être humain qui il est vraiment.
Et puis l'histoire d'un long, douloureux mais salvateur chemin, qui va lui permettre une forme de reconstruction.
Un long processus psychanalytique.
Sigmund Freud avait coutume de dire « La psychanalyse est une magie lente ».
Denis Lachaud a écrit cette pièce en raison d'une commande qui lui a été faite : imaginer une pièce autour du thème de la schizophrénie.
Il ne connaissait strictement rien au sujet, et a procédé à de nombreuses recherches, dans différents hôpitaux. Le professeur Yves Sarfati, alors chef de service à l'hôpital Mignot de Versailles, a supervisé l'écriture de la pièce.
Bruno Louvier, le personnage principal, décide de changer de psychiatre.
Diagnostiqué schizophrène depuis dix ans, il sent bien que quelque chose ne fonctionne pas, dans ce diagnostic-là.
Le nouveau médecin réussir à faire émerger la pathologie bipolaire de son patient, au bout d'un long et libérateur chemin.
Mis en scène par Pierre Notte, Benoît Giros est cet homme qui souffre.
Durant une heure et dix minutes, nous allons suivre en accéléré le déroulé des séances psychanalytiques, les échanges entre le patient et le soignant.
Au fur et à mesure, nous allons comprendre.
Le comédien est bouleversant.
Nous allons nous rendre compte que la mise à nu du personnage n'est pas à prendre seulement au sens figuré.
Rien du traumatisme évoqué plus haut ne nous sera caché, ni épargné. Le personnage nous décrit tous les détails, horribles, sordides.
Oui, j'ai souffert. Parce que ce que le petit garçon a subi est impitoyablement raconté par le biais de la parole de l'adulte qu'il est devenu.
Une parole qui a forcément du mal à faire surface.
Bien entendu, je ne vous le décrirai pas plus en détail, ce traumatisme.
Benoît Giros, si.
Et c'est tant mieux.
Parce que ce crime qu'a subi le personnage durant l'enfance, ce crime, on en parle beaucoup, en ce moment. Mais presque comme une abstraction, une vue de l'esprit. On sait que c'est mal. Point.
Mais ici, les termes crus, sans aucun filtre et sans aucun détail tu, tout ceci nous permet de vraiment nous rendre compte.
En ce sens, la pièce de Denis Lachaud est vraiment une pièce consacrée à la parole. La parole qui raconte et libère.
La parole terrible, insoutenable, mais nécessaire, indispensable. Bien plus forte que les images.
Le théâtre permet de faire entendre cette parole-là.
Benoît Giros, est totalement seul, un stylo-objet transitionnel en permanence à la main.
Tellement seul qu'il assure lui-même les changements de lumières, les départs de différents sons et musiques, grâce à un déclencheur au pied relié à un système informatique.
Le metteur en scène Pierre Notte nous montre ainsi de manière habile la terrible solitude du personnage.
Mes voisins de siège et moi avions les larmes aux yeux, tout comme le comédien, à certains moments du spectacle.
Tellement ce qu'il nous dit touche au plus profond de l'identité humaine.
Cette pièce est un coup de poing infligé à chaque spectateur.
Un coup de poing nécessaire et qui ne peut laisser personne indifférent.
Il faudra attendre une bonne minute...
Parce que le comédien nous a donné une leçon de théâtre.
Une leçon de vie, également.
Impossible de retourner aussi rapidement à la réalité de la salle ré-allumée, après l'avoir entendu nous raconter et de quelle façon une histoire aussi forte, intense, et profonde.
La mise à nu d'un homme.
Une histoire qui touche à ce qui a fait et surtout a brisé un homme, un traumatisme de l'enfance qui a abouti à cette souffrance de ne pas savoir pour cet être humain qui il est vraiment.
Et puis l'histoire d'un long, douloureux mais salvateur chemin, qui va lui permettre une forme de reconstruction.
Un long processus psychanalytique.
Sigmund Freud avait coutume de dire « La psychanalyse est une magie lente ».
Denis Lachaud a écrit cette pièce en raison d'une commande qui lui a été faite : imaginer une pièce autour du thème de la schizophrénie.
Il ne connaissait strictement rien au sujet, et a procédé à de nombreuses recherches, dans différents hôpitaux. Le professeur Yves Sarfati, alors chef de service à l'hôpital Mignot de Versailles, a supervisé l'écriture de la pièce.
Bruno Louvier, le personnage principal, décide de changer de psychiatre.
Diagnostiqué schizophrène depuis dix ans, il sent bien que quelque chose ne fonctionne pas, dans ce diagnostic-là.
Le nouveau médecin réussir à faire émerger la pathologie bipolaire de son patient, au bout d'un long et libérateur chemin.
Mis en scène par Pierre Notte, Benoît Giros est cet homme qui souffre.
Durant une heure et dix minutes, nous allons suivre en accéléré le déroulé des séances psychanalytiques, les échanges entre le patient et le soignant.
Au fur et à mesure, nous allons comprendre.
Le comédien est bouleversant.
Nous allons nous rendre compte que la mise à nu du personnage n'est pas à prendre seulement au sens figuré.
Rien du traumatisme évoqué plus haut ne nous sera caché, ni épargné. Le personnage nous décrit tous les détails, horribles, sordides.
Oui, j'ai souffert. Parce que ce que le petit garçon a subi est impitoyablement raconté par le biais de la parole de l'adulte qu'il est devenu.
Une parole qui a forcément du mal à faire surface.
Bien entendu, je ne vous le décrirai pas plus en détail, ce traumatisme.
Benoît Giros, si.
Et c'est tant mieux.
Parce que ce crime qu'a subi le personnage durant l'enfance, ce crime, on en parle beaucoup, en ce moment. Mais presque comme une abstraction, une vue de l'esprit. On sait que c'est mal. Point.
Mais ici, les termes crus, sans aucun filtre et sans aucun détail tu, tout ceci nous permet de vraiment nous rendre compte.
En ce sens, la pièce de Denis Lachaud est vraiment une pièce consacrée à la parole. La parole qui raconte et libère.
La parole terrible, insoutenable, mais nécessaire, indispensable. Bien plus forte que les images.
Le théâtre permet de faire entendre cette parole-là.
Benoît Giros, est totalement seul, un stylo-objet transitionnel en permanence à la main.
Tellement seul qu'il assure lui-même les changements de lumières, les départs de différents sons et musiques, grâce à un déclencheur au pied relié à un système informatique.
Le metteur en scène Pierre Notte nous montre ainsi de manière habile la terrible solitude du personnage.
Mes voisins de siège et moi avions les larmes aux yeux, tout comme le comédien, à certains moments du spectacle.
Tellement ce qu'il nous dit touche au plus profond de l'identité humaine.
Cette pièce est un coup de poing infligé à chaque spectateur.
Un coup de poing nécessaire et qui ne peut laisser personne indifférent.
8/10
Garçon ! Un bock, et sans faux col !
Nous croyons pénétrer dans la petite salle du Poche-Montparnasse...
Erreur ! Nous voici dans une de ces brasseries parisiennes de la fin du XIXème siècle.
L'un de ces établissements qu'a bien connus l'auteur de Boule de Suif, du Horla ou encore de Bel-Ami.
Marie-Louise Bischofberger est fascinée par cet auteur-là. Guy de Maupassant.
Au point d'avoir l'excellente idée, suite à une commande d'une série radiophonique pour France-Culture, d'adapter pour la scène quelques-une de ses nouvelles.
Excellente idée, car le réalisme, le caractère vivant des récits, le pessimisme, le style dépouillé de l'écriture, sans afféteries psychologiques inutiles, tout ceci se prête admirablement au passage au gueuloir et au plateau de théâtre.
Ces personnages, cet homme qui boit bock sur bock, cette bourgeoise mondaine découvrant un rituel de la prostitution, cette femme qui livre une vraie confession, ce marin qui va perdre un bras en mer, comment ne pas penser que ce sont (presque) avant tout des personnages de théâtre ?
Dans ce premier volet, l'auteure du spectacle a sélectionné huit nouvelles.
Des nouvelles qui nous parlent des rapports hommes-femmes, des conflits entre être humains, des petites ou grandes misères de l'existence.
Maupassant l'écrivain, mais également Maupassant le journaliste.
Avec des faits divers, dont un plus ou moins sanglant.
Et puis bien entendu l'humour, parfois noir ou désespéré, qui émerge de ces textes courts.
Six comédiens vont incarner ces personnages, qui vont se rencontrer, se croiser, dans cet espace contraint qu'est ce café parisien.
Charlie Nelson, dont j'avais tant apprécié au Lucernaire, la saison passée, le spectacle Braise et Cendres, consacré à Blaise Cendrars, Charlie Nelson sera notamment le narrateur du fait divers maritime évoqué plus haut.
Il captive les spectateurs à raconter cette dramatique histoire, puis, très subitement, nous faire rire, avec les derniers mots de la nouvelle « En mer ».
Manon Combes, qui fut une délicieuse Eliante dans le Misanthrope de Peter Stein, l'an passé, apporte énormément d'humour à l'entreprise artistique.
Notamment dans son rôle de grande bourgeoise découvrant puis reproduisant le signe qu'adresse une prostituée à sa fenêtre, un signe destiné à attirer le client.
Elle est irrésistible de drôlerie lorsqu'elle nous fait comprendre que.... (Je vous laisse découvrir la suite...)
Le comédien franco-américain Dominic Gould incarne quant à lui cet homme désespéré qui engloutit bock sur bock tout au long de la journée.
Il nous émeut énormément lorsqu'il nous révèle la raison de ce désespoir. Une raison qui remonte à l'enfance, un vrai traumatisme familial.
Ce traumatisme est d'ailleurs très en phase avec la triste réalité française concernant les violences infligées aux femmes.
Marie Vialle, comédienne qu'on a vu récemment dans le Misanthrope mis en scène par Alain Françon au Théâtre de la Ville, que j'avais tant appréciée dans la passionnante version d'Ivanov, du très regretté Luc Bondy, Marie Vialle contribue elle aussi de bien belle manière à incarner ces personnages brinquebalés entre le tragique et le comique de l'existence.
Elle est épatante en comtesse demandant à son mari qui la trompe (mais qu'elle finit par reconquérir) une forte somme d'argent mensuelle pour continuer à lui accorder ses faveurs.
Elle aussi nous fait beaucoup rire.
Pierre Yvon est quant à lui le garçon de café, qui lui aussi devra répondre à une demande assez particulière de sa femme.
Quant à Antoine Bataille, lui trône derrière le clavier de son piano.
Tel un pianiste de bar, il joue ses propres compositions.
Je vous engage vraiment à venir découvrir ce bien beau moment de théâtre, qui permet de donner corps et vie aux écrits de Guy de Maupassant.
Marie-Louise Bischofberger a d'ailleurs prévu d'autres épisodes.
Il faut dire qu'il lui reste pratiquement trois cents nouvelles à sa disposition.
Nous croyons pénétrer dans la petite salle du Poche-Montparnasse...
Erreur ! Nous voici dans une de ces brasseries parisiennes de la fin du XIXème siècle.
L'un de ces établissements qu'a bien connus l'auteur de Boule de Suif, du Horla ou encore de Bel-Ami.
Marie-Louise Bischofberger est fascinée par cet auteur-là. Guy de Maupassant.
Au point d'avoir l'excellente idée, suite à une commande d'une série radiophonique pour France-Culture, d'adapter pour la scène quelques-une de ses nouvelles.
Excellente idée, car le réalisme, le caractère vivant des récits, le pessimisme, le style dépouillé de l'écriture, sans afféteries psychologiques inutiles, tout ceci se prête admirablement au passage au gueuloir et au plateau de théâtre.
Ces personnages, cet homme qui boit bock sur bock, cette bourgeoise mondaine découvrant un rituel de la prostitution, cette femme qui livre une vraie confession, ce marin qui va perdre un bras en mer, comment ne pas penser que ce sont (presque) avant tout des personnages de théâtre ?
Dans ce premier volet, l'auteure du spectacle a sélectionné huit nouvelles.
Des nouvelles qui nous parlent des rapports hommes-femmes, des conflits entre être humains, des petites ou grandes misères de l'existence.
Maupassant l'écrivain, mais également Maupassant le journaliste.
Avec des faits divers, dont un plus ou moins sanglant.
Et puis bien entendu l'humour, parfois noir ou désespéré, qui émerge de ces textes courts.
Six comédiens vont incarner ces personnages, qui vont se rencontrer, se croiser, dans cet espace contraint qu'est ce café parisien.
Charlie Nelson, dont j'avais tant apprécié au Lucernaire, la saison passée, le spectacle Braise et Cendres, consacré à Blaise Cendrars, Charlie Nelson sera notamment le narrateur du fait divers maritime évoqué plus haut.
Il captive les spectateurs à raconter cette dramatique histoire, puis, très subitement, nous faire rire, avec les derniers mots de la nouvelle « En mer ».
Manon Combes, qui fut une délicieuse Eliante dans le Misanthrope de Peter Stein, l'an passé, apporte énormément d'humour à l'entreprise artistique.
Notamment dans son rôle de grande bourgeoise découvrant puis reproduisant le signe qu'adresse une prostituée à sa fenêtre, un signe destiné à attirer le client.
Elle est irrésistible de drôlerie lorsqu'elle nous fait comprendre que.... (Je vous laisse découvrir la suite...)
Le comédien franco-américain Dominic Gould incarne quant à lui cet homme désespéré qui engloutit bock sur bock tout au long de la journée.
Il nous émeut énormément lorsqu'il nous révèle la raison de ce désespoir. Une raison qui remonte à l'enfance, un vrai traumatisme familial.
Ce traumatisme est d'ailleurs très en phase avec la triste réalité française concernant les violences infligées aux femmes.
Marie Vialle, comédienne qu'on a vu récemment dans le Misanthrope mis en scène par Alain Françon au Théâtre de la Ville, que j'avais tant appréciée dans la passionnante version d'Ivanov, du très regretté Luc Bondy, Marie Vialle contribue elle aussi de bien belle manière à incarner ces personnages brinquebalés entre le tragique et le comique de l'existence.
Elle est épatante en comtesse demandant à son mari qui la trompe (mais qu'elle finit par reconquérir) une forte somme d'argent mensuelle pour continuer à lui accorder ses faveurs.
Elle aussi nous fait beaucoup rire.
Pierre Yvon est quant à lui le garçon de café, qui lui aussi devra répondre à une demande assez particulière de sa femme.
Quant à Antoine Bataille, lui trône derrière le clavier de son piano.
Tel un pianiste de bar, il joue ses propres compositions.
Je vous engage vraiment à venir découvrir ce bien beau moment de théâtre, qui permet de donner corps et vie aux écrits de Guy de Maupassant.
Marie-Louise Bischofberger a d'ailleurs prévu d'autres épisodes.
Il faut dire qu'il lui reste pratiquement trois cents nouvelles à sa disposition.