Ses critiques
1005 critiques
9/10
Oui ! Définitivement oui !
C’est ma réponse à la question : « Desproges pourrait-il dire de nos jours ce qu’il disait à l’époque ? »
Oui, Je lui fais confiance, il se débrouillerait pour se faire entendre !
Patrice Carmouze a écrit un réjouissant et très intelligent spectacle non pas tant pour rendre hommage à Desproges, mais assurément pour que nous nous rendions compte à quel point ce dernier nous manque et combien il a marqué les esprits français.
Alors je vous entends d’ici : « Pas difficile, il suffit de dire les textes qui se suffisent à eux-mêmes. »
Oui, mais non…
Ici, pas de récital de sketches ou de formules lapidaires plus ou moins connues.
L’entreprise est beaucoup plus ambitieuse.
M. Carmouze et ses deux camarades de jeu Pierre Val et Sylvain Katan ont certes choisi des textes, ultra-célèbres ou moins connus, mais surtout ils vont les interpréter, les jouer, les mettre en images et en mouvement.
Ils vont se les approprier de la plus belle manière qui soit.
Et puis surtout, celui qui monte sur la scène pour la première fois de sa vie, a réussi très subtilement à lier la sauce.
Tour à tour comédien (et oui, pour une première en tant que comédien, c’est une vraie réussite), pédagogue, journaliste, pianiste, chanteur, il réussit à faire en sorte d’assurer une belle continuité en tant que « maître de cérémonie » de la soirée.
Pierre Val met en scène quant à lui le spectacle. Une mise en scène musclée, très enlevée. Pas un seul temps mort. Ca roule, ça coule, tout ceci est parfaitement huilé.
Nous allons beaucoup rire.
Les textes choisis seront en effet interprétés de façon hilarante.
Ca commence fort. Les juifs, les coiffeurs…
Tous dans la salle connaissons parfois par cœur ces morceaux d’anthologie desprogienne.
Ce serait une évidence que d’écrire que les citations choisies n’ont pas pris une ride.
Pierre Desproges fait décidément partie de notre patrimoine culturel commun. (Je ne suis pas certain qu’il ait goûté cette phrase, mais bon…)
De grands moments nous attendent !
Les trois compères, habillés à l’identique à part leur nœud papillon, ne ménagent pas leur peine.
Sylvain Katan, formé notamment à l’école du cirque Annie Fratellini, s’en donne à cœur joie, pour notre plus grand bonheur.
Ses grimaces, ses yeux qui louchent, sa lèvre qui se lève bizarrement à un moment, ses facéties, ses pitreries, osons le mot, tout ceci déclenche nombre de fou-rires dans le public.
Son personnage de la Mort-prostituée est épatant et finalement très émouvant.
Ses adresses à certains spectateurs sont jubilatoires. (J’en sais quelque chose…)
Pierre Val lui aussi est drôlissime.
Le rappel et l’interprétation de l’ITW d’une certaine écrivaine force le respect.
D’habiles parti-pris et trouvailles dramaturgiques nourrissent en permanence le spectacle, notamment durant les séquences où est évoqué le fameux M. Cyclopède.
Patrice Carmouze ne pouvait manquer de revenir sur le célèbre aphorisme : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. »
Le propos devient alors un peu plus sérieux. L’homme de télé-écrivain, de façon très fine, nous fait réfléchir. Bien entendu, tous ceux qui sont dans la salle, ont leur idée bien arrêtée sur la question.
On n’assiste pas à un spectacle consacré à Pierre Desproges sans avoir une réponse évidente à cette question.
La fin du spectacle arrive, bien trop tôt.
La mort, le crabe sont bien entendu évoqués, mais c’est une séquence hilarante et ahurissante qui va clôturé cette heure un quart. Les amateurs d’aubergines farcies se régalent !
Ce spectacle est on ne peut plus indispensable en ces temps de pensée unique et d’auto-censure permanentes et en cette époque de glorification du politiquement correct…
C’est un spectacle nécessaire, et qui fait du bien !
--------------
Ah ! J’allais oublier…
Non, Monsieur Katan, je n’ai jamais assisté à un concert de Tino Rossi ou de Maurice Chevalier.
Etonnant, non ?
C’est ma réponse à la question : « Desproges pourrait-il dire de nos jours ce qu’il disait à l’époque ? »
Oui, Je lui fais confiance, il se débrouillerait pour se faire entendre !
Patrice Carmouze a écrit un réjouissant et très intelligent spectacle non pas tant pour rendre hommage à Desproges, mais assurément pour que nous nous rendions compte à quel point ce dernier nous manque et combien il a marqué les esprits français.
Alors je vous entends d’ici : « Pas difficile, il suffit de dire les textes qui se suffisent à eux-mêmes. »
Oui, mais non…
Ici, pas de récital de sketches ou de formules lapidaires plus ou moins connues.
L’entreprise est beaucoup plus ambitieuse.
M. Carmouze et ses deux camarades de jeu Pierre Val et Sylvain Katan ont certes choisi des textes, ultra-célèbres ou moins connus, mais surtout ils vont les interpréter, les jouer, les mettre en images et en mouvement.
Ils vont se les approprier de la plus belle manière qui soit.
Et puis surtout, celui qui monte sur la scène pour la première fois de sa vie, a réussi très subtilement à lier la sauce.
Tour à tour comédien (et oui, pour une première en tant que comédien, c’est une vraie réussite), pédagogue, journaliste, pianiste, chanteur, il réussit à faire en sorte d’assurer une belle continuité en tant que « maître de cérémonie » de la soirée.
Pierre Val met en scène quant à lui le spectacle. Une mise en scène musclée, très enlevée. Pas un seul temps mort. Ca roule, ça coule, tout ceci est parfaitement huilé.
Nous allons beaucoup rire.
Les textes choisis seront en effet interprétés de façon hilarante.
Ca commence fort. Les juifs, les coiffeurs…
Tous dans la salle connaissons parfois par cœur ces morceaux d’anthologie desprogienne.
Ce serait une évidence que d’écrire que les citations choisies n’ont pas pris une ride.
Pierre Desproges fait décidément partie de notre patrimoine culturel commun. (Je ne suis pas certain qu’il ait goûté cette phrase, mais bon…)
De grands moments nous attendent !
Les trois compères, habillés à l’identique à part leur nœud papillon, ne ménagent pas leur peine.
Sylvain Katan, formé notamment à l’école du cirque Annie Fratellini, s’en donne à cœur joie, pour notre plus grand bonheur.
Ses grimaces, ses yeux qui louchent, sa lèvre qui se lève bizarrement à un moment, ses facéties, ses pitreries, osons le mot, tout ceci déclenche nombre de fou-rires dans le public.
Son personnage de la Mort-prostituée est épatant et finalement très émouvant.
Ses adresses à certains spectateurs sont jubilatoires. (J’en sais quelque chose…)
Pierre Val lui aussi est drôlissime.
Le rappel et l’interprétation de l’ITW d’une certaine écrivaine force le respect.
D’habiles parti-pris et trouvailles dramaturgiques nourrissent en permanence le spectacle, notamment durant les séquences où est évoqué le fameux M. Cyclopède.
Patrice Carmouze ne pouvait manquer de revenir sur le célèbre aphorisme : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. »
Le propos devient alors un peu plus sérieux. L’homme de télé-écrivain, de façon très fine, nous fait réfléchir. Bien entendu, tous ceux qui sont dans la salle, ont leur idée bien arrêtée sur la question.
On n’assiste pas à un spectacle consacré à Pierre Desproges sans avoir une réponse évidente à cette question.
La fin du spectacle arrive, bien trop tôt.
La mort, le crabe sont bien entendu évoqués, mais c’est une séquence hilarante et ahurissante qui va clôturé cette heure un quart. Les amateurs d’aubergines farcies se régalent !
Ce spectacle est on ne peut plus indispensable en ces temps de pensée unique et d’auto-censure permanentes et en cette époque de glorification du politiquement correct…
C’est un spectacle nécessaire, et qui fait du bien !
--------------
Ah ! J’allais oublier…
Non, Monsieur Katan, je n’ai jamais assisté à un concert de Tino Rossi ou de Maurice Chevalier.
Etonnant, non ?
9/10
Une équation à une seule Inconnue.
Mais quelle Inconnue !
Je devrais même écrire : Mais quelle Inconnue ?
Berlin. Dix ans après la fin de la première guerre mondiale. Les années folles.
Un groupe de fêtards.
L’un d’entre eux reconnaît en la personne d’une inconnue (un « corps sans nom », pour reprendre les mots mêmes de l’auteur), une certaine Lucia, l’épouse de son ami Bruno, disparue voici une dizaine d’années pendant l’invasion du Nord de l’Italie par les armées austro-hongroises.
Tout d’abord, l’Inconnue ne veut pas se laisser reconnaître.
Une première question nous est posée : les traumatismes de la guerre, les viols successifs par les soldats et leurs officiers l’ont-ils rendue amnésique ?
Ou bien ne veut-elle pas sciemment retourner vers son passé, après tout ce qu’il lui est arrivé ?
Pirandello lui aussi s’est expatrié à Berlin.
Finalement, le fascisme à la Mussolini, ce n’est pas aussi sympa qu’il l’avait espéré… Il ne sait pas encore ce qui attend l'Europe...
Ce sera sa seule « pièce historique », ou en tout cas la seule pièce qui fait référence à l’actualité contemporaine historique.
Finalement de retour en Vénétie, l’Inconnue se retrouve au sein de sa supposée famille.
C’est un monde d’après, symbolisant la reconstruction matérielle et psychologique.
La plus tellement Inconnue Lucia sera la seule qui sera cohérente, intègre.
Ce qui va se jouer sur le plateau de l’Odéon va être une difficile mais passionnante quête de la vérité, ce qui chez l’auteur relève d’un jeu de chat et de la souris, un jeu de dupes.
Le personnage de la Folle, sorte de double-face, reflet miroir traumatisé du personnage principal fait alors son apparition.
Le visage également de l’impossibilité de la guérison du traumatisme.
L’énigme devient totale. Il nous faut nous forger notre propre avis.
Stéphane Braunschweig a mis en scène ses comédiens dans une froide austérité.
Comme pour mieux matérialiser l’Inconnue, dans un contraste saisissant.
Ici, pas de chichis, pas de facilités à la mode.
De grandes tentures successives qui tombent entre chaque acte, trois fauteuils et deux pots de fleurs.
Le poste « mobilier » n’a pas dû exploser le budget de la production…
Seuls comptent les personnages.
Des personnages dont on rappelle parfois leur contexte par des projections d’images d’archives. Des immeubles détruits, promis à la reconstruction. C'est très pertinent.
Le metteur en scène a affûté son scalpel pourtant le plus aiguisé : il se dégage une réjouissante froideur de tout ceci.
Réjouissante parce que l’on ressent ainsi très bien le paradoxe dramaturgique : ce travail au cordeau permet de nous restituer parfaitement le propos incandescent de la pièce.
Ici, le froid chauffe !
Et puis, il y a les comédiens.
Tous parfaits.
Chloé Réjon.
Elle illumine le plateau, au sens propre (dans sa robe en lamé) comme au figuré.
Son interprétation de cette femme énigmatique relève d’un magnifique travail. Elle « embobine » les spectateurs que nous sommes, nous faisant douter en permanence.
Le reste de la petite troupe est lui aussi irréprochable.
Nous retrouvons pour notre plus grand plaisir des habitués des lieux.
Claude Duparfait nous fait bien rire, en conférant à son personnage d’écrivain des airs étonnés et incrédules.
Cécile Coustillac est étonnante dans le personnage de la Folle, durant le dernier acte, poussant des petits cris, ayant des gestes désordonnés.
L’extraordinaire (au sens premier) Annie Mercier, avec son incroyable voix, ravit une nouvelle fois le public.
Son rôle de la tante Lena force le respect.
En restant seule en scène avec la Folle, juste avant le tomber final du torchon, les deux comédiennes nous embarquent loin, très loin. Une dimension mystique s’empare alors du propos général.
Tonnerre d’applaudissements. Ovation.
Normal et ô combien mérité !
Un intense et admirable spectacle !
Mais quelle Inconnue !
Je devrais même écrire : Mais quelle Inconnue ?
Berlin. Dix ans après la fin de la première guerre mondiale. Les années folles.
Un groupe de fêtards.
L’un d’entre eux reconnaît en la personne d’une inconnue (un « corps sans nom », pour reprendre les mots mêmes de l’auteur), une certaine Lucia, l’épouse de son ami Bruno, disparue voici une dizaine d’années pendant l’invasion du Nord de l’Italie par les armées austro-hongroises.
Tout d’abord, l’Inconnue ne veut pas se laisser reconnaître.
Une première question nous est posée : les traumatismes de la guerre, les viols successifs par les soldats et leurs officiers l’ont-ils rendue amnésique ?
Ou bien ne veut-elle pas sciemment retourner vers son passé, après tout ce qu’il lui est arrivé ?
Pirandello lui aussi s’est expatrié à Berlin.
Finalement, le fascisme à la Mussolini, ce n’est pas aussi sympa qu’il l’avait espéré… Il ne sait pas encore ce qui attend l'Europe...
Ce sera sa seule « pièce historique », ou en tout cas la seule pièce qui fait référence à l’actualité contemporaine historique.
Finalement de retour en Vénétie, l’Inconnue se retrouve au sein de sa supposée famille.
C’est un monde d’après, symbolisant la reconstruction matérielle et psychologique.
La plus tellement Inconnue Lucia sera la seule qui sera cohérente, intègre.
Ce qui va se jouer sur le plateau de l’Odéon va être une difficile mais passionnante quête de la vérité, ce qui chez l’auteur relève d’un jeu de chat et de la souris, un jeu de dupes.
Le personnage de la Folle, sorte de double-face, reflet miroir traumatisé du personnage principal fait alors son apparition.
Le visage également de l’impossibilité de la guérison du traumatisme.
L’énigme devient totale. Il nous faut nous forger notre propre avis.
Stéphane Braunschweig a mis en scène ses comédiens dans une froide austérité.
Comme pour mieux matérialiser l’Inconnue, dans un contraste saisissant.
Ici, pas de chichis, pas de facilités à la mode.
De grandes tentures successives qui tombent entre chaque acte, trois fauteuils et deux pots de fleurs.
Le poste « mobilier » n’a pas dû exploser le budget de la production…
Seuls comptent les personnages.
Des personnages dont on rappelle parfois leur contexte par des projections d’images d’archives. Des immeubles détruits, promis à la reconstruction. C'est très pertinent.
Le metteur en scène a affûté son scalpel pourtant le plus aiguisé : il se dégage une réjouissante froideur de tout ceci.
Réjouissante parce que l’on ressent ainsi très bien le paradoxe dramaturgique : ce travail au cordeau permet de nous restituer parfaitement le propos incandescent de la pièce.
Ici, le froid chauffe !
Et puis, il y a les comédiens.
Tous parfaits.
Chloé Réjon.
Elle illumine le plateau, au sens propre (dans sa robe en lamé) comme au figuré.
Son interprétation de cette femme énigmatique relève d’un magnifique travail. Elle « embobine » les spectateurs que nous sommes, nous faisant douter en permanence.
Le reste de la petite troupe est lui aussi irréprochable.
Nous retrouvons pour notre plus grand plaisir des habitués des lieux.
Claude Duparfait nous fait bien rire, en conférant à son personnage d’écrivain des airs étonnés et incrédules.
Cécile Coustillac est étonnante dans le personnage de la Folle, durant le dernier acte, poussant des petits cris, ayant des gestes désordonnés.
L’extraordinaire (au sens premier) Annie Mercier, avec son incroyable voix, ravit une nouvelle fois le public.
Son rôle de la tante Lena force le respect.
En restant seule en scène avec la Folle, juste avant le tomber final du torchon, les deux comédiennes nous embarquent loin, très loin. Une dimension mystique s’empare alors du propos général.
Tonnerre d’applaudissements. Ovation.
Normal et ô combien mérité !
Un intense et admirable spectacle !
9,5/10
Dieu est un croqueur de Xanax ?
C’est vrai, quoi ! Il a raison, Eric-Emmanuel Schmitt ! Quand Dieu est en pleine déprime, qu’est-ce qu’il peut bien faire ?
Se shooter aux anxiolytiques ? Suivre une psychanalyse ? S’allonger sur un divan ? Mais alors auprès de qui ?
Voici une vingtaine d’années, c’est en suivant le JT de 20h00, porteur comme à l’accoutumée de son lot d’horreurs que l’écrivain a eu cette idée épatante : que se passerait-il si Dieu rencontrait un certain Sigmund Freud ?
Vienne. 1938.
Le bureau-cabinet de curiosités du père de la psychanalyse.
Dehors, le bruit des bottes rythmant les chants nazis. Ou le contraire…
Alors que sa fille Anna va être emmenée par un officier de la Gestapo, un type étrange, élégamment vêtu, œillet à la boutonnière, passe par la fenêtre et se fige devant le scientifique.
Qui est-il vraiment cet individu ?
Un fou ? Un illusionniste ? Un type qui voudrait séduire Anna ? Un songe de Freud ? Ou bien… Celui qui j’évoquais plus haut ?
Allez savoir…
Ce qui est certain, c’est que ces deux-là vont se livrer à une hallucinante joute oratoire.
Avec cette pièce, Eric-Emmanuel Schmitt nous interroge de façon vertigineuse au sujet d’un verbe étrange : le verbe croire !
Peut-on encore croire en Dieu, alors qu’autour du vous, le mal absolu règne ?
Peut-on encore croire en Dieu après qu’une poignée d’hommes aient décidé d’assassiner six millions de leurs semblables ?
Et si l’on ne croit plus en Dieu, faut-il croire en l’Homme, alors ?
Pas gagné d’avance, si l’on en juge par sa faculté à détruire le monde qui l’entoure, obnubilé qu’il est par l’argent-roi, cet Homme-là !
Croire ou ne pas croire ? Telle est la question.
En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’il faut absolument croire aux comédiens !
Ceux qui sont devant nous sur le plateau sont purement et simplement admirables !
Ce qui va se jouer devant nous est une incandescente et fascinante joute verbale entre Frank Desmedt, qui à peine sorti du Lucernaire pour sa Promesse de l’aube, rejoint Sam Karmann sur la scène du Rive-Gauche.
Ces deux-là, tels des félins, vont se chercher, s’apostropher, se provoquer, tenter de se convaincre l’un-l’autre.
C’est un bonheur total que de les voir jouer chacun leur partition, un vrai plaisir à entendre dans leur bouches les formules et les envolées littéraires de l’auteur.
Nous sommes cueillis dès leurs premiers mots, et captivés par ce qu’ils nous disent et par la façon dont ils le disent.
MM Desmedt et Karmann par petites touches, finement, subtilement, vont habiller leur personnage respectif d’une vraie profondeur, physique et psychologique, ainsi que d’une grande épaisseur dramaturgique.
Il faut un sacré talent pour incarner ce genre de rôle, et pour mettre en évidence l’ambiguïté du propos.
C’est bien simple, je me suis demandé si sur la scène, on ne tenait pas déjà le futur Molière 2022 du meilleur comédien.
Les deux sont véritablement impressionnants.
Katia Ganthy est une Anna qui tient tête à la fois à son père, mais surtout à l’officier SS interprété par Maxime Tolédo, en uniforme noir et casquette à tête de mort.
Une tout petite résistance ou sein d’une plus grande.
Les deux parviennent à exister, auprès des deux rôles principaux, et sont d’une irréprochable justesse.
Johanna Boyé a quant à elle pleinement réussi sa mise-en-scène.
Sur un plateau resserré par le beau décor de Camille Duchemin, elle parvient à créer beaucoup d’espace.
Elle sait placer et faire bouger les corps de ses acteurs et faire en sorte que nous éprouvions ce sentiment d’espace. Ici, on n’étouffe pas.
La majeure partie de la pièce étant constituée de scènes à deux personnages, Melle Boyé propose de multiples solutions pour ne pas ennuyer ou lasser les spectateurs.
Tout ceci est fluide, léger, aéré.
Elle est parvenue également à donner également un côté onirique au spectacle, par l’utilisation de quelques tours de magie nouvelle, ce qui vient renforcer en quelque sorte le côté surnaturel de l’entreprise littéraire et artistique.
Et non, vous n’en saurez pas plus…
La musique de Mehdi Bourayou et les lumières De Cyril Manetta contribuent également à cette impression d’onirisme.
Nom de Freud !
Allez vous faire votre propre opinion quant à l’identité de ce visiteur-là...
Courez toutes affaires cessantes au Rive-Gauche assister à une représentation de cet incontournable spectacle de début de saison.
Croyez-moi !
C’est vrai, quoi ! Il a raison, Eric-Emmanuel Schmitt ! Quand Dieu est en pleine déprime, qu’est-ce qu’il peut bien faire ?
Se shooter aux anxiolytiques ? Suivre une psychanalyse ? S’allonger sur un divan ? Mais alors auprès de qui ?
Voici une vingtaine d’années, c’est en suivant le JT de 20h00, porteur comme à l’accoutumée de son lot d’horreurs que l’écrivain a eu cette idée épatante : que se passerait-il si Dieu rencontrait un certain Sigmund Freud ?
Vienne. 1938.
Le bureau-cabinet de curiosités du père de la psychanalyse.
Dehors, le bruit des bottes rythmant les chants nazis. Ou le contraire…
Alors que sa fille Anna va être emmenée par un officier de la Gestapo, un type étrange, élégamment vêtu, œillet à la boutonnière, passe par la fenêtre et se fige devant le scientifique.
Qui est-il vraiment cet individu ?
Un fou ? Un illusionniste ? Un type qui voudrait séduire Anna ? Un songe de Freud ? Ou bien… Celui qui j’évoquais plus haut ?
Allez savoir…
Ce qui est certain, c’est que ces deux-là vont se livrer à une hallucinante joute oratoire.
Avec cette pièce, Eric-Emmanuel Schmitt nous interroge de façon vertigineuse au sujet d’un verbe étrange : le verbe croire !
Peut-on encore croire en Dieu, alors qu’autour du vous, le mal absolu règne ?
Peut-on encore croire en Dieu après qu’une poignée d’hommes aient décidé d’assassiner six millions de leurs semblables ?
Et si l’on ne croit plus en Dieu, faut-il croire en l’Homme, alors ?
Pas gagné d’avance, si l’on en juge par sa faculté à détruire le monde qui l’entoure, obnubilé qu’il est par l’argent-roi, cet Homme-là !
Croire ou ne pas croire ? Telle est la question.
En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’il faut absolument croire aux comédiens !
Ceux qui sont devant nous sur le plateau sont purement et simplement admirables !
Ce qui va se jouer devant nous est une incandescente et fascinante joute verbale entre Frank Desmedt, qui à peine sorti du Lucernaire pour sa Promesse de l’aube, rejoint Sam Karmann sur la scène du Rive-Gauche.
Ces deux-là, tels des félins, vont se chercher, s’apostropher, se provoquer, tenter de se convaincre l’un-l’autre.
C’est un bonheur total que de les voir jouer chacun leur partition, un vrai plaisir à entendre dans leur bouches les formules et les envolées littéraires de l’auteur.
Nous sommes cueillis dès leurs premiers mots, et captivés par ce qu’ils nous disent et par la façon dont ils le disent.
MM Desmedt et Karmann par petites touches, finement, subtilement, vont habiller leur personnage respectif d’une vraie profondeur, physique et psychologique, ainsi que d’une grande épaisseur dramaturgique.
Il faut un sacré talent pour incarner ce genre de rôle, et pour mettre en évidence l’ambiguïté du propos.
C’est bien simple, je me suis demandé si sur la scène, on ne tenait pas déjà le futur Molière 2022 du meilleur comédien.
Les deux sont véritablement impressionnants.
Katia Ganthy est une Anna qui tient tête à la fois à son père, mais surtout à l’officier SS interprété par Maxime Tolédo, en uniforme noir et casquette à tête de mort.
Une tout petite résistance ou sein d’une plus grande.
Les deux parviennent à exister, auprès des deux rôles principaux, et sont d’une irréprochable justesse.
Johanna Boyé a quant à elle pleinement réussi sa mise-en-scène.
Sur un plateau resserré par le beau décor de Camille Duchemin, elle parvient à créer beaucoup d’espace.
Elle sait placer et faire bouger les corps de ses acteurs et faire en sorte que nous éprouvions ce sentiment d’espace. Ici, on n’étouffe pas.
La majeure partie de la pièce étant constituée de scènes à deux personnages, Melle Boyé propose de multiples solutions pour ne pas ennuyer ou lasser les spectateurs.
Tout ceci est fluide, léger, aéré.
Elle est parvenue également à donner également un côté onirique au spectacle, par l’utilisation de quelques tours de magie nouvelle, ce qui vient renforcer en quelque sorte le côté surnaturel de l’entreprise littéraire et artistique.
Et non, vous n’en saurez pas plus…
La musique de Mehdi Bourayou et les lumières De Cyril Manetta contribuent également à cette impression d’onirisme.
Nom de Freud !
Allez vous faire votre propre opinion quant à l’identité de ce visiteur-là...
Courez toutes affaires cessantes au Rive-Gauche assister à une représentation de cet incontournable spectacle de début de saison.
Croyez-moi !
9/10
Un véritable coup de poing !
En adaptant pour la scène le livre de Natacha Appanah décrivant une plongée dans l’enfer de la jeunesse mahoraise, Alexandre Zeff nous montre de façon on ne peut plus crue et sans concession aucune la réalité, la misère, l’abandon par les pouvoirs publics d’un département français.
Mayotte.
Le département français qui dégage le moins de richesses : PIB inférieur de 4 fois à celui du niveau national.
Le département français qui compte plus de 30 % de sa population active au chômage.
Le département français dans lequel le niveau de vie médian de ses habitants est 7 fois plus faible qu’au niveau national.
Le département français dans lequel seuls 32 % des plus de 15 ans sortent du système scolaire avec un diplôme qualifiant, contre 73 % en métropole...
Mayotte.
La France !
Moïse, peu après sa naissance, a été « donné » par sa maman mahoraise à une française blanche travaillant dans la maternité de Mamoudzou : ainsi, le petit aurait une vie assurément meilleure.
Pourtant, Moïse, quinze ans après, a déjà appuyé sur la détente, même doucement : il a tué.
Il va nous dire, cet ado, pourquoi il est passé à l’acte.
Dans l’un des plus grands bidonvilles du monde, sur cette île dévastée par la misère, dans ce gigantesque dépotoir surnommé « Gaza », il a croisé la route du caïd en chef, Ismaël-Saïd, plus connu sous le pseudo de Bruce-Wayne. (Je ne vous dis pas pourquoi, même si les lecteurs des comics Marvel doivent s’en douter un peu...)
Dans un spectacle d’une beauté formelle sidérante, époustouflante, Alexandre Zeff met donc en images, en sons, en paroles, en chorégraphies, en vidéos, cette heure et vingt-cinq minutes.
Nous allons assister à un spectacle total.
En entrant dans la salle de la Coupole du TCI, le ton est donné. Une violente lumière rouge nous attend.
Sur le plateau, la scénographie est composée d’une cellule de prison, qui se transformera également en local d’une association humanitaire, ou le repaire du roi de la pègre locale.
Cette cabane se trouve sur une sorte d’île au sein d’un bassin rempli d’eau.
Les comédiens évolueront donc à la fois au sec et dans l’élément liquide.
Cette eau pas forcément purificatrice produira de grandes éclaboussures, accentuant les mouvement des comédiens.
Sur différents rideaux de tulles, de très belles images vidéo sont projetées. J’ai été fasciné bien souvent par ce monde à la fois si onirique qui nous est montré, et la réalité tellement crue racontée.
Les comédiens ne vont pas nous laisser un seul instant de répit.
Mexianu Medenu dégage une impression de force brutale, presque bestiale, dans son rôle de caïd. Impitoyable, implacable, désespéré, sans aucune illusion.
Son personnage incarne le mal viscéral, ce mal généré par la situation sociale.
Un type qui nous dit ce à quoi l’abandon d’une population peut conduire.
Un type qui n’a plus aucune limite.
Le comédien est formidable, notamment dans une adresse au public, perché qu’il est au balcon.
Un grand rôle, et une épatante interprétation.
Alexis Tieno est Moïse.
Il parvient parfaitement à nous montrer la descente aux enfers de cet ado, qui ne peut pas s’extirper de cette gangue de détresse sociale.
Entre les deux, une scène insoutenable aura lieu. Une scène pourtant et hélas nécessaire, une scène difficile qui elle aussi nous décrit l’enfer.
Les autres comédiens sont eux aussi très investis et servent pleinement le propos.
Assane Timbo campe de bien belle façon ce policier, fonctionnaire de notre République, qui va nous dire la réalité mahoraise, tiraillé qu'il est entre son devoir de réserve et son désespoir envers le quotidien désespérant de l'île.
Il faut noter la très belle voix de Mia Delmaë, dans le rôle de la « maman » de Moïse. Elle interprète des mélopées déchirantes, des complaintes sans espoir...
La mise en scène d’Alexandre Zeff relève du domaine de la chorégraphie, tant tout ceci est précis, millimétré, que ce soit en ce qui concerne les affrontements verbaux, physiques ou encore les moments dansés.
De la très belle ouvrage.
A la batterie, Damien Barcelona distille ses coups sur la caisse claire comme des coups de feu.
Les envolées percussives de sa batterie dépeignent elles aussi la sauvagerie ambiante.
On aura donc compris que ce spectacle n’est pas de tout repos pour le spectateur.
Il est de ceux dont il faut un moment pour se remettre.
On sort du TCI en étant secoué, bouleversé, indigné, choqué, mais en ayant pris de plein fouet les images et les sons de cette injustice dont souffre ce département français.
Le théâtre, c’est fait pour ça, aussi. Prendre conscience.
En adaptant pour la scène le livre de Natacha Appanah décrivant une plongée dans l’enfer de la jeunesse mahoraise, Alexandre Zeff nous montre de façon on ne peut plus crue et sans concession aucune la réalité, la misère, l’abandon par les pouvoirs publics d’un département français.
Mayotte.
Le département français qui dégage le moins de richesses : PIB inférieur de 4 fois à celui du niveau national.
Le département français qui compte plus de 30 % de sa population active au chômage.
Le département français dans lequel le niveau de vie médian de ses habitants est 7 fois plus faible qu’au niveau national.
Le département français dans lequel seuls 32 % des plus de 15 ans sortent du système scolaire avec un diplôme qualifiant, contre 73 % en métropole...
Mayotte.
La France !
Moïse, peu après sa naissance, a été « donné » par sa maman mahoraise à une française blanche travaillant dans la maternité de Mamoudzou : ainsi, le petit aurait une vie assurément meilleure.
Pourtant, Moïse, quinze ans après, a déjà appuyé sur la détente, même doucement : il a tué.
Il va nous dire, cet ado, pourquoi il est passé à l’acte.
Dans l’un des plus grands bidonvilles du monde, sur cette île dévastée par la misère, dans ce gigantesque dépotoir surnommé « Gaza », il a croisé la route du caïd en chef, Ismaël-Saïd, plus connu sous le pseudo de Bruce-Wayne. (Je ne vous dis pas pourquoi, même si les lecteurs des comics Marvel doivent s’en douter un peu...)
Dans un spectacle d’une beauté formelle sidérante, époustouflante, Alexandre Zeff met donc en images, en sons, en paroles, en chorégraphies, en vidéos, cette heure et vingt-cinq minutes.
Nous allons assister à un spectacle total.
En entrant dans la salle de la Coupole du TCI, le ton est donné. Une violente lumière rouge nous attend.
Sur le plateau, la scénographie est composée d’une cellule de prison, qui se transformera également en local d’une association humanitaire, ou le repaire du roi de la pègre locale.
Cette cabane se trouve sur une sorte d’île au sein d’un bassin rempli d’eau.
Les comédiens évolueront donc à la fois au sec et dans l’élément liquide.
Cette eau pas forcément purificatrice produira de grandes éclaboussures, accentuant les mouvement des comédiens.
Sur différents rideaux de tulles, de très belles images vidéo sont projetées. J’ai été fasciné bien souvent par ce monde à la fois si onirique qui nous est montré, et la réalité tellement crue racontée.
Les comédiens ne vont pas nous laisser un seul instant de répit.
Mexianu Medenu dégage une impression de force brutale, presque bestiale, dans son rôle de caïd. Impitoyable, implacable, désespéré, sans aucune illusion.
Son personnage incarne le mal viscéral, ce mal généré par la situation sociale.
Un type qui nous dit ce à quoi l’abandon d’une population peut conduire.
Un type qui n’a plus aucune limite.
Le comédien est formidable, notamment dans une adresse au public, perché qu’il est au balcon.
Un grand rôle, et une épatante interprétation.
Alexis Tieno est Moïse.
Il parvient parfaitement à nous montrer la descente aux enfers de cet ado, qui ne peut pas s’extirper de cette gangue de détresse sociale.
Entre les deux, une scène insoutenable aura lieu. Une scène pourtant et hélas nécessaire, une scène difficile qui elle aussi nous décrit l’enfer.
Les autres comédiens sont eux aussi très investis et servent pleinement le propos.
Assane Timbo campe de bien belle façon ce policier, fonctionnaire de notre République, qui va nous dire la réalité mahoraise, tiraillé qu'il est entre son devoir de réserve et son désespoir envers le quotidien désespérant de l'île.
Il faut noter la très belle voix de Mia Delmaë, dans le rôle de la « maman » de Moïse. Elle interprète des mélopées déchirantes, des complaintes sans espoir...
La mise en scène d’Alexandre Zeff relève du domaine de la chorégraphie, tant tout ceci est précis, millimétré, que ce soit en ce qui concerne les affrontements verbaux, physiques ou encore les moments dansés.
De la très belle ouvrage.
A la batterie, Damien Barcelona distille ses coups sur la caisse claire comme des coups de feu.
Les envolées percussives de sa batterie dépeignent elles aussi la sauvagerie ambiante.
On aura donc compris que ce spectacle n’est pas de tout repos pour le spectateur.
Il est de ceux dont il faut un moment pour se remettre.
On sort du TCI en étant secoué, bouleversé, indigné, choqué, mais en ayant pris de plein fouet les images et les sons de cette injustice dont souffre ce département français.
Le théâtre, c’est fait pour ça, aussi. Prendre conscience.
8/10
Quand Charlie rencontre Alfie
Alfie, le surnom d’un certain Adolf…
« Je vais me payer Hitler !», s’exclame celui, qui assis derrière sa petite table, tape à la machine une première esquisse du scénario de son prochain film.
Nous sommes en 1939.
Le célèbre comédien au chapeau melon, petite moustache et canne fine en bambou travaille à un projet qui lui tient à cœur : son prochain film, dont il n’a encore pas trouvé le titre.
Ce dont il est certain, c’est de sa volonté de ridiculiser le führer nazi.
Ce qui n’est pas du goût de Sydney Chaplin, (interprété par Alexandre Cattez) le frère du comique, qui va émettre de sérieuse réserves, et va admonester Charlie, lui reprochant son jusqu’au boutisme et son esprit provocateur.
C’est d’ailleurs lui qui permettra au film d’avoir enfin son titre. Ce sera bien évidemment « Le dictateur ».
Nous sont également rappelées les étranges et troublantes similitudes entre ces deux hommes. La moustache évidemment, mais également le même âge, à quatre jours près…
Voilà en substance le premier acte de cette pièce en noir et blanc.
En effet, Cliff Paillé, le metteur en scène béarnais a voulu que ses comédiens et son décor nous rappellent (et c’est très réussi) qu’en 1939, la couleur n’est toujours pas apparue sur les pellicules cinématographiques.
Ce parti-pris fonctionne très bien.
Un troisième personnage va entrer en jeu, au cours d’un deuxième acte.
Il s’agit de Paulette Goddard, Miss Chaplin depuis 1936…
(C’est Swan Starosta qui interprète très subtilement ce rôle.)
Il y a de l’eau dans le gaz…
Miss Goddard reproche à son Charlot d’époux de trop travailler, de ne plus s’intéresser à elle… (Je rappelle que les deux divorceront dans trois ans…)
Et puis, au cours de la troisième partie, la plus passionnante à mes yeux, Chaplin s’adresse à son personnage.
Ce sera pour lui faire ses adieux.
En effet, c’est dans Le dictateur que Charlot apparaît pour la toute dernière fois.
Romain Arnaud-Kneisky, qui interprète le rôle principal, est alors bouleversant.
Ici, ce n’est plus à Hitler que Chaplin va s’adresser.
Son personnage de Charlie parle à son personnage de Charlot.
Le comédien entreprend alors d’endosser physiquement le rôle : il dépose de la colle sur la lèvre supérieure, se noircit les paupières ainsi que les sourcils, et se coiffe du fameux chapeau melon et finit par s'affubler de la petite moustache.
La ressemblance est parfaite, voire troublante.
La dualité des sentiments vis à vis de ce rôle encombrant sera exprimée de belle manière par Romain Arnaud-Kneisky, qui nous fait ressentir cette ambiguïté-là.
Le comédien va nous parler de résilience, également.
En effet, un autre parallèle entre les deux génies, celui du rire et celui du mal existe.
Leur jeunesse a été faite de souffrance, et surtout, de rejet.
Là encore, le parallèle sera encore troublant.
C’est donc un bien beau et très intense spectacle qui vous attend au Lucernaire.
Alfie, le surnom d’un certain Adolf…
« Je vais me payer Hitler !», s’exclame celui, qui assis derrière sa petite table, tape à la machine une première esquisse du scénario de son prochain film.
Nous sommes en 1939.
Le célèbre comédien au chapeau melon, petite moustache et canne fine en bambou travaille à un projet qui lui tient à cœur : son prochain film, dont il n’a encore pas trouvé le titre.
Ce dont il est certain, c’est de sa volonté de ridiculiser le führer nazi.
Ce qui n’est pas du goût de Sydney Chaplin, (interprété par Alexandre Cattez) le frère du comique, qui va émettre de sérieuse réserves, et va admonester Charlie, lui reprochant son jusqu’au boutisme et son esprit provocateur.
C’est d’ailleurs lui qui permettra au film d’avoir enfin son titre. Ce sera bien évidemment « Le dictateur ».
Nous sont également rappelées les étranges et troublantes similitudes entre ces deux hommes. La moustache évidemment, mais également le même âge, à quatre jours près…
Voilà en substance le premier acte de cette pièce en noir et blanc.
En effet, Cliff Paillé, le metteur en scène béarnais a voulu que ses comédiens et son décor nous rappellent (et c’est très réussi) qu’en 1939, la couleur n’est toujours pas apparue sur les pellicules cinématographiques.
Ce parti-pris fonctionne très bien.
Un troisième personnage va entrer en jeu, au cours d’un deuxième acte.
Il s’agit de Paulette Goddard, Miss Chaplin depuis 1936…
(C’est Swan Starosta qui interprète très subtilement ce rôle.)
Il y a de l’eau dans le gaz…
Miss Goddard reproche à son Charlot d’époux de trop travailler, de ne plus s’intéresser à elle… (Je rappelle que les deux divorceront dans trois ans…)
Et puis, au cours de la troisième partie, la plus passionnante à mes yeux, Chaplin s’adresse à son personnage.
Ce sera pour lui faire ses adieux.
En effet, c’est dans Le dictateur que Charlot apparaît pour la toute dernière fois.
Romain Arnaud-Kneisky, qui interprète le rôle principal, est alors bouleversant.
Ici, ce n’est plus à Hitler que Chaplin va s’adresser.
Son personnage de Charlie parle à son personnage de Charlot.
Le comédien entreprend alors d’endosser physiquement le rôle : il dépose de la colle sur la lèvre supérieure, se noircit les paupières ainsi que les sourcils, et se coiffe du fameux chapeau melon et finit par s'affubler de la petite moustache.
La ressemblance est parfaite, voire troublante.
La dualité des sentiments vis à vis de ce rôle encombrant sera exprimée de belle manière par Romain Arnaud-Kneisky, qui nous fait ressentir cette ambiguïté-là.
Le comédien va nous parler de résilience, également.
En effet, un autre parallèle entre les deux génies, celui du rire et celui du mal existe.
Leur jeunesse a été faite de souffrance, et surtout, de rejet.
Là encore, le parallèle sera encore troublant.
C’est donc un bien beau et très intense spectacle qui vous attend au Lucernaire.