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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
Laura Prince

Laura Prince

9/10
14
La grâce ! Purement et simplement !

Laura Prince a plongé le Duc des Lombards dans un véritable état de grâce.
Quel bonheur de découvrir une jeune chanteuse de jazz qui a des choses à dire et à chanter avec passion et talent, mêlant force et délicatesse, douceur et énergie.

Toute d’écarlate vêtue, Melle Prince nous invite au voyage.
Un voyage au Togo, le pays de ses racines.

Un pays de couleurs et de saveurs, nous dira-t-elle, celles du maïs grillé ou des plats concoctés par les femmes sur le marché.
Un pays de souvenirs : le sourire des enfants, la danse des balais nettoyant le sable devant les maisons, le chant de la pluie sur les tôles ondulées…

Un voyage musical et jazzistique.
Entourée de Zacharie Abraham à la conrebasse, Tilo Bartholo à la batterie, Alex Tran aux percussions et de Grégory Privat au piano, la jeune chanteuse va nous enchanter et nous envoûter.

Dans une filiation qui l’aurait fait rencontrer Nina Simone puis Sade ou encore Ayo, Laura Prince distille une musique mêlant jazz, world music et soul.
Une musique de paix, de sérénité intérieure.
L’album Peace of mine ne porte pas ce titre pour rien.

La voix ! Quelle voix !
Grâce à une voix chaude, claire, profonde, véloutée, grâce à une irréprochable technique vocale et à une impressionnante tessiture, la demoiselle nous attrape pour ne plus nous lâcher.
Nous voici pris pour notre plus grand plaisir dans ses rêts artistiques.

Que ce soit dans des compositions intimistes ou bien des titres plus musclés, le message délivré allie fond et forme des plus inspirées.

Les premiers titres, sur des arrangements de Grégory Privat laissent parfaitement s’exprimer la sérénité évoquée plus haut.

Voici Musical Inspiration.
« This is the story of a nation, it’s so high to get a solution... »
Le discours musical devient plus engagé et virulent.
Le morceau va démontrer une première fois le grand talent individuel des musiciens.

La progression mélodique et rythmique va nous emmener dans des contrées plus sauvages, plus organiques, notamment grâce à un solo hallucinant au piano électronique Nord lead.

Une belle chanson d’amour… « In your eyes, I can see the stars »
Les yeux de Laura Prince brillent, plus un mot dans la salle…

Hier, nous étions le 11 septembre. Un triste anniversaire…
Elle en parle… avec un petit moment de silence. Pour ne pas oublier.

Save me, avec un beau solo d’Alex Tran aux congas Latin Percussion comme il se doit.
Nous, nous serons divisés par la demoiselle en trois parties pour chanter avec elle.

Le public enthousiaste s’exécute avec grand plaisir.

Voici Amazonia, une ode à la forêt amazonienne, dans lequel Tilo Bertholo démontre sa grande technique notamment en « martyrisant » ses cymbales.

Et puis, voici le morceau qui a donné sont titre à l’album. Peace of mine.
Un hymne à la vie et à l’instant présent, un appel à vivre pleinement.

Un dernier titre très soul, un groove à quatre temps appuyé et profond.
And I think I wanna be with you…
Là encore, nous voici embarqués à chanter en chœur cette phrase musicale et à frapper dans nos mains.
On se lève, impossible de ne pas avoir envie de bouger, de danser, de vibrer.

Une véritable ovation salue le concert.
Des applaudissements nourris viennent dire toute l’admiration du public envers la jeune chanteuse, et la joie d’avoir fait une vraie et belle découverte musicale.

Retenez bien ce nom. Laura Prince.
La jazzwoman est assurément appelée à un bien bel avenir.
Quelque chose me dit que nous devrions la retrouver très rapidement dans les festivals de jazz de la saison à venir !
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Feuilleton Goldoni, Les Aventures de Zelinda et Lindoro

Feuilleton Goldoni, Les Aventures de Zelinda et Lindoro

9,5/10
18
Et 1, et 2, et 3 Carlo !

En matière de trilogie goldonienne, on connaît évidemment tous celle de la Villégiature.
Les aventures de Zelinda et Lindoro sont beaucoup moins jouées. Et c’est bien dommage.

1764.
Carlo Goldoni est à Paris depuis deux années, pour redresser la petite entreprise des Comédiens italiens.
Avec cette nouvelle trilogie, il va leur donner à jouer un texte très construit.
Alors qu’eux ne veulent entendre parler que d’un canevas sur lequel il pourront broder. Il doit s’exécuter...
Les trois pièces auront un très grand succès dans la capitale. A Venise, quelque temps après, ce sera un bide retentissant.

L’éloge de la langue française contenue dans l’un des trois opus ? Allez donc savoir...

En montant et en adaptant ces trois pièces, Muriel Mayette-Holtz va nous démontrer avec beaucoup d’intelligence et de subtilité sa très grande connaissance de l’œuvre.
Pour dépoter, ça va dépoter !

Ah ! L’amour !
Goldoni nous embarque dans sa vision, sa dissection quasi-sociologique de cette passion humaine.
Ou quand une passion très légitime devient pathologique.
Ah ! La jalousie qui fait que cet amour cède la place à la paranoïa !

Un couple de serviteurs dans une famille bourgeoise vénitienne.
Nous allons suivre pour notre plus grand plaisir les amours compliquées de Zelinda et Lindoro. (C’est un euphémisme...)

Ces deux-là vont se créer bien des tourments.



Quand le comique se dispute au pathétique (au sens premier du terme...)

La patronne du Théâtre National de Nice a donc adapté cette œuvre.

Assurément pour rester dans « l’esprit canevas » évoqué un peu plus haut.
Avec un texte aux petits oignons, modernisé, sur lequel les comédiens peuvent broder tout en se l’appropriant.

Nous sommes sur la corde raide de la Comédia dell’arte.
Goldoni veut et réussit à passer à autre chose que cette discipline italienne, mais ses comédiens ne l’entendent pas de cette oreille.
D’où cette mise en scène survitaminée, qui va nous emporter dans un maelström délicieux et hilarant.


Au fond, Lindoro, ce serait un Arlequin en pleine mutation.

Durant ces cinq heures qui passent beaucoup trop vite, j’ai retrouvé quant à moi l’esprit cartoonesque de Tex Avery et Chuck Jones.

Ici, la passion va passer avant tout par les corps.
Melle Mayette-Holtz va les faire vibrer, exulter, ces corps !

Ici, les comédiens vont courir, vont crier, vont s’attraper, se frapper, s’étreindre, vont s’attirer, se repousser, vont tomber, se relever, vont trépigner.
Le corps, dans tout ce qu’il a d’organique et de viscéral.
Le corps passionnel.
Le corps qui en dit long sur l’âme humaine.

L’ex-patronne du Français a réuni une troupe épatante de comédiens plus engagés les uns que les autres.

Emmenés par les irrésistibles Félicien Juttner et Joséphine de Meaux dans les rôles principaux, tous vont nous faire énormément rire.
Rire aux éclats, même, et souvent.

De nombreux moments déclenchent l’hilarité générale, comme par exemple cette scène de rasage ou cette autre scène de ménage quasi-surréaliste.

Mais ce rire-là n’est pas gratuit.
Dans cette écriture du dépassement (des valets essayent de s’émanciper de leur condition) et du déclassement (impossible de passer outre les barrières sociales) il s’agit pour nous de partager l’analyse au microscope de la société dans laquelle vit l’auteur.
En cela, ce spectacle en trois parties est également passionnant.

Néanmoins et parfois, le rire cède le pas à une réelle émotion.

Nous aussi sommes sur la corde raide : Zelinda-Joséphine et Lindoro-Félicien nous renvoient à nos propres expériences. On ne peut par moment qu’éprouver une forme de compassion envers eux.

Je n’aurai garde d’oublier de mentionner le beau parti-pris en matière de costumes, des costumes que l’on doit à Rudy Sabounghi : plus on avance dans la trilogie, et plus les costumes deviennent contemporains.
Le discours de Goldoni est d’une telle modernité !

Ovation finale, lors du dernier salut. Comme c’est mérité !


Ce spectacle est de ceux dont on parlera encore dans beaucoup d’années.
Un spectacle dont je pourrai dire « J’y étais ! »

Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
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My body is a cage

My body is a cage

10/10
14
J’sais pas c’qui y a-aaaaaa…. J’suis raplaplaaaaa… Ra-pla-pla !
Exténué, fourbu, lessivé, crevé…
En un mot comme en cent, fatigué !

C’est en effet de fatigue dont va nous entretenir Ludmilla Dabo, dans un remarquable et brillant spectacle écrit avec talent et passion, où le fond va disputer à la forme en matière de totale réussite.

La fatigue, parce que oui, il arrive à Melle Dabo d’être vannée.
Quand le corps se referme dans sa cage, comme chantait naguère Peter Gabriel…

Au cours de ce spectacle en très grande partie musical, elle va très intelligemment et très subtilement nous tendre un miroir cathartique : cette fatigue commune à nous tous, nous autres pauvres représentants du genre humain, appartenant à nos sociétés que l’on dit plus modernes les unes que les autres, qu’en savons nous vraiment, qu’en faisons-nous, qu’en tirons nous ?

Nous sommes conviés à partager une vertigineuse et passionnante réflexion sur le sujet.

Bienvenue dans ce cabaret féminin, dans lequel une DJ en top en lamé (la compositrice, chanteuse et comédienne Aleksandra Plavsic) joue le remix par Cosmo Vitali du Bateau blanc, de Sacha Distel.
Le ton est immédiatement donné : « le jour se lève, j’ai très mal dormi ! » sur une rythmique binaire de braise.

Les très nombreux projecteurs (coup de chapeau à l’ingé-lights Kévin Viard) illuminent le plateau.
Les girls apparaissent !
La paillette, nous voici !

Ludmilla Dabo et ses camarades de jeu nous embarquent dans tous les codes et les clichés du music-hall et des revues.
Maquillages outrés, robes moulantes, perruques imposantes, impossible de s’y tromper.
Ces personnages sont des artistes.
Ce sont également des femmes. Exclusivement. Nous comprendrons un peu plus tard.

Dans un abattage jubilatoire, grâce à une réelle vis comica, la meneuse de revue qu’est l’auteure du spectacle s’en donne à cœur joie.
Nous rions aux larmes à ses ruptures, à ses grands yeux faussement étonnés, ses double-takes, ses envolées discursives, ses railleries, ses rires sonores ou encore ses adresses au public.


Et puis la voix de Ludmilla...
Une voix ronde, chaude, profonde, grave, qui me provoque des frissons dans le dos à chaque fois.
Une voix sensuelle au possible.

« Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? » demande-t-elle au public. (Votre serviteur ne s’est pas fait prier pour répondre, ce qui a conduit à une improvisation épatante de la meneuse.)

Grâce à cette question, les comédiennes vont libérer la fatigue, la définissant, l’expliquant, en donnant des exemples parfois hilarants.
La rumba électrique « C’est le mal du travailleur » est à la fois drôlissime et empreinte d’une réelle acuité.


Car ce spectacle musical nous propose une vraie vision sociologique du phénomène.
Une sorte de carte mentale en 3D, qui va faire le tour des multiples tenants et aboutissants de la fatigue.

En évoquant également bien des paradoxes.

Travailler, c’est exténuant, mais ne pas travailler et essayer de trouver du boulot aussi.

Les autres girls sont toutes formidables.
Les chorégraphies millimétrées conduisent elles aussi à bien des fou-rires.
Toutes se dépensent sans compter. La sueur ruisselle, beaucoup de calories sont dépensées…

L’histoire de l’homme qui ne voulait plus se lever est racontée de façon impayable par Alvie Bitemo !

Et puis, vient la dernière partie, qui n’est pas la moins intéressante.
Le combat.

La lutte de nos sœurs pour revendiquer le droit à la fatigue, la dénonciation de la pression sociale, notamment et surtout subie par les femmes.
Etre fatiguée et l’assumer, être crevée et faire avec, sans rien cacher ni taire, sans avoir de comptes à rendre à personne. Ne plus être fragilisée parce qu’épuisée.
Etre lessivée pour mieux repartir à l’assaut du quotidien.

La forme change alors, le show dans le spectacle se termine, les strass et le glamour disparaissent, et le long monologue dit de façon magnifique par Anne Agbabou Masson fait qu’on entend voler les mouches dans la salle.

Une dernière chanson qui conclut en beauté, comme un message d’espoir, puis c’est le noir final.
Les applaudissements en rythme et les multiple bravi témoignent de l'enthousiasme et du très grand plaisir pris par les spectateurs.


Cette remarquable et on ne peut plus originale entreprise artistique est de celles qu’il ne faut absolument pas manquer !
Ruez-vous à La tempête.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !

Quant à moi, je vais me coucher...
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Saint-Exupéry, le mystère de l'aviateur

Saint-Exupéry, le mystère de l'aviateur

8,5/10
22
Comme un avion sans lui…

Arthur Jugnot et Flavie Péan ont joliment troussé une comédie douce-amère qui va nous en apprendre plus sur Antoine de Saint-Exupéry que bien des documentaires…

Si l’on vous dit « St-Ex », il y a de fortes chances que tout comme moi vos connaissances en la matière se résument à ces quelques mots : le Petit Prince, aviateur, romancier, aéropostale, désert, disparition en mer.

Mais à part tout ça, ce qui n’est certes pas rien, quoi d’autre ?

Le spectacle de ce soir va se charger, sans avoir l’air d’y toucher, et avec beaucoup plus de fond qu’il n’y paraît à première vue, d’éclairer plus avant notre lanterne.

Le spectacle débute par un retour d’enterrement.
La famille Rippert. Un père aux origines allemandes, une mère, un ado. Anton, l’ado.
Une famille qui vient de porter en terre son patriarche.

La communication papa-fiston est proche du zéro absolu.
A la suite d’une passe d’armes verbale où le ton monte, M. Rippert confisque le portable de son fils et propose de lui rendre à condition que ce dernier s’intéresse à l’homme Saint-Exupéry et à son œuvre. St-Ex, dont des photos, des cartes géographiques et des coupures de presse le concernant ornent les murs de la maison du grand-père décédé.

Va alors se succéder une série de tableaux mettant en scène les principaux épisodes de la vie de l’auteur du petit Prince. Ceux que l’on connaît, et les autres.

Dans une très belle scénographie de Juliette Azzopardi (je viens d’écrire un pléonasme) et Jean-Benoit Thibaud, à base de quatre pans dont deux centraux coulissants sur lesquels seront projetés des vidéos en image de synthèse très réussies, Arthur Jugnot met en scène sa petite troupe de comédiens de façon alerte et enlevée. Pas de temps mort, avec lui !

St-Ex, c’est Davy Sardou.
Sa première apparition en petit Antoine à la voix qui mue, déclenche immédiatement des rires dans la salle.
Son rôle, pas si évident que cela, l’oblige à placer le curseur à sa juste place : c’est une comédie, mais pour autant, pas question que tout ceci tourne à la pochade.

Nous suivons, tout comme l’ado Anton, son histoire, les débuts de sa passion pour l’aviation, l’apprentissage, la passation du brevet de pilote.
Derrière un petit cockpit en bois, le comédien nous fait immédiatement croire à son illustre personnage.

Toutes ces saynètes biographiques (sans aucun noir plateau, ce que j’apprécie tout particulièrement), se déroulent en alternance avec les scènes de la vie de famille.
Les relations père-fils vont progressivement et subtilement évoluer.

Tous les comédiens vont jouer de multiples rôles, avec des changements de costume ultra-rapides en coulisse.
La mécanique est parfaitement réglée et huilée.

Flavie Péant jour principalement le rôle de Consuelo Suncin Sandoval, qui deviendra Consuelo de Saint-Exupéry, l’épouse du romancier.
Avec un accent salvadorien à couper au couteau, Melle Péan ravit le public, notamment dans une scène chorégraphiée de tango, sauvage et langoureux à la fois.

Un qui va nous faire beaucoup rire, c’est Antoine Lelandais, qui va nous prouver une nouvelle fois son épatante vis comica.
Il interprète de multiples personnages, donc, avec des adresses au public, (et au décor, si si, je n’en dis pas plus), qui déclenchent l’hilarité, même à l’occasion de son personnage d’officier SS.
En mariachi, il est impayable !
De la belle ouvrage, M. Lelandais !

Le trio père-fils-mère est interprété par Pierre Bénézit, Laurence Porteil ou Caroline Santini (en alternance) et Lancelot Cherer.
Un trio qui fonctionne parfaitement.
On croit tout à fait à cet affrontement générationnel qui va évoluer de bien belle façon.

Car oui, à la fin de la pièce, nous saurons qui est ce grand-père que l’on vient d’enterrer.
Comme Anton, nous apprendrons les véritables relations de cette famille avec celui qui en 1944 ne reviendra pas d’un vol en F-5B-1-LO, bimoteur P-38 Lightning en version reconnaissance aérienne.

Le public en général et votre serviteur en particulier n’en mènent alors pas large.
Après avoir beaucoup ri (grâce également à deux icônes du cinéma et du rock n’roll... Là encore, je vous laisse découvrir), nous comprenons enfin.

Au final, après les applaudissements nourris, tout le monde sort du théâtre de très bonne humeur, en ayant appris tout plein de choses.
Oui, cette comédie est également fort réussie d’un point de vue pédagogique.

Vous aussi, venez donc vous envoyer en l’air au Splendid avec Davy Sardou, Flavie Péan et leurs camarades de jeu.
En tout bien tout honneur, évidemment...
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Jacques et son maître

Jacques et son maître

9,5/10
24
Quand Nicolas fait le Jacques !
Quand Stéphane se fait la malle en maître !
Quand Lisa ne nous sort pas de l’auberge !

Les yeux…
Ceux de Nicolas Briançon, lorsqu’une fois qu’il a posé sa brouette, se plante à l’avant-scène et nous scrute.
Des yeux pétillants, malicieux, vifs, qui nous disent à eux seuls tout l’amour et le besoin de théâtre du comédien et du metteur en scène qu’il est.
Une magnifique et inoubliable entrée en matière !

En 1971, Kundera éprouve le besoin d’écrire une « variation-hommage » autour du livre de Diderot « Jacques le fataliste ». Un roman qu’il « a voulu fêter ».
Selon lui, son livre « concentre tout ce que la France a perdu et refuse de retrouver ».

L’écrivain tchèque sait bien ce que signifie la perte.

Avec cette œuvre théâtrale, alors que lui-même retrouve une certaine liberté avec la fin de sa période tchèque, il va nous embarquer dans un sacré voyage.
Une sorte de quête vécue par deux personnages.
Un maître et son valet. Mais sait-on bien qui est qui ?
Ces deux-là savent-ils seulement ce qu’est l’objet de cette quête ?

Ce qui est certain, c’est que vont nous être contées au moins trois histoires.
Des histoires d’amour, de sexe, de plaisir… Des histoires de vie, en somme.
Des histoires prétextes à de multiples réflexions et digressions, de la part de ces deux-là, qui nous questionnent sur notre place ici-bas, sur les relations qui nous unissent, nous les femmes et les hommes, sur le bonheur, la liberté, la nostalgie, le souvenir.

Une vertigineuse mise en abîme de notre condition humaine en cette triste vallée de larmes.

Diderot, Kundera, même combat !

Cette pièce, Nicolas Briançon s’en est emparé et la défend depuis au moins vingt-trois ans, puisqu’il l’a montée pour la première fois en 1998, au théâtre de la Madeleine et à Hébertot.
Puis, ce fut en 2008 au théâtre 14, en 2012 à la Pépinière et en 2019 au Festival d’Anjou dont il était alors directeur.

C’est vous dire la connaissance qu’il en a.

C’est évidement le duo du titre sur lequel repose toute la mécanique dramaturgique.
Nicolas Briançon et Stéphane Hillel vont nous enchanter une nouvelle fois, purement et simplement.

C’est un véritable bonheur que de voir ces deux grands comédiens jouer au chat et à la souris, se renvoyer la balle, s’attirer, se repousser, restituer de façon jouissive ce texte fait de formules à l’emporte-pièce, de tirades percutantes ou bien émouvantes au possible.
Que d’émotions variées se dégagent de ce qu’ils nous donnent !

Ces deux-là nous font beaucoup rire. Je n’en finirais pas de vous raconter les moments drôlissimes, les situations parfois surréalistes, mais également les instants poignants ou troublants qui parsèment cette œuvre.

Leurs adresses au vrai maître de tout ceci, l’auteur en personne, sont jubilatoires.
Une autre réflexion est alors engagée sur l’écriture théâtrale et la dramaturgie, avec ou sans chevaux.

A son habitude, le metteur en scène Briançon nous démontre sa connaissance de la direction d’acteurs, et surtout sa capacité à placer à faire se déplacer des corps sur un plateau.
Ici, tout est millimétré. Chorégraphié.

Une mise en scène horizontale, mais également verticale, puisque sur trois niveaux, les personnages évoluent de façon fluide et véritablement chorégraphiée.
Il faut à ce propos observer le patron observer ses camarades de jeu, lorsque lui même, planté à l’extrême cour, ne joue pas. Révélateur ! Les yeux, encore et toujours !

La troupe de comédiens qui accompagne les deux personnages principaux est on ne peut plus cohérente.
Sur scène, on sent l’engagement et l’amusement de tous à interpréter tous ces beaux rôles. Certains même en jouent plusieurs.

Lisa Martino est une aubergiste « fort en gueule » et gouailleuse. De sa voix légèrement éraillée, lorsqu’elle la pousse un peu, elle nous raconte de fort belle façon l’histoire de Mme de la Pommeraye. Toute vêtue d’écarlate, (il faut rendre hommage ici à Michel Dussarat pour ses très beaux costumes), sa présence illumine le plateau.

Pierre-Alain Leleu interprète quant à lui deux aristos qui sont à l’amitié et à la vérité ce que l’ail est au baiser.
Deux interprétations aux petits oignons. Lui aussi nous fait beaucoup rire.

Tous sur scène sont irréprochables. Une grande cohésion se dégage.

Il fait noter également la très belle participation de Marek Czerniawski au violon et de Boban Milojevic à l'accordéon, qui avec leurs mélodies et chansons en droite ligne des Balkans, contribuent à la dimension poétique et nostalgique de l'entreprise.

C’est donc une heure et demie enchanteresse qui vous attend au Montparnasse.

Une ode à l’Ecriture et au Théâtre.
Une célébration de la Vie.
Un hommage aux imposants fessiers, mais pas forcément aux chaises. Aussi.

Courez toutes affaires cessantes voir (ou revoir) les trépidantes aventures de ce Jacques et de son maître.
C’est un mauvais poète qui vous le dit !
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