Ses critiques
1005 critiques
9,5/10
Par Toutatis et Bélénos réunis !
En voilà au Musée Maillol une belle exposition consacrée au dessinateur Uderzo !
Une année.
Voici une année qu’Astérie et Obélix sont définitivement orphelins de leurs deux papas, Albert Uderzo étant allé rejoindre au paradis des grands de la BD son pote René Goscinny.
C’était donc l’occasion de lui rendre hommage, en mai dernier, (la durée de l’expo a été prolongée jusqu’à la fin de ce mois d’octobre), dans ce bel accrochage de planches, de couvertures, de fac-similés, d’éléments biographiques ou bien encore de photographies rares.
Les murs sont blancs. La couleur du papier, la teinte de la planche qui va bientôt se remplir de crayonnés passionnants.
Les commissaires de l’exposition ont judicieusement et logiquement choisi de procéder par ordre chronologique.
Les éléments relatifs à l’arrivée en France du jeune Alberto, ses débuts sont évoqués.
Immédiatement, ce qui frappe le public, c’est la précocité de l’enfant en matière graphique.
Déjà, à 10 / 11 ans, on sent poindre ce trait précis, vif, alerte, avec une vraie perception du mouvement, du corps numain.
Sans oublier la prise en compte du lettrage. On remarque déjà dans les dessins de jeunesse la capacité d’Uderzo à placer un texte en relief dans les cases.
(Un peu plus loin dans l’exposition, un moment est consacré spécifiquement à ce travail sur les lettres.)
Ces dessins de la prime jeunesse sont à la fois très impressionnants et très émouvants.
Le temps passe, et voici les premiers vrais héros, Arys Buck, Prince Rollin et Belloy, tous ancrés dans le Moyen-âge.
Après la guerre, c’est le temps des dessins de presse dans France-Dimanche.
Avec tellement de détails, qu’il sera même soupçonné par les forces de l’ordre d’avoir participé à un braquage…
C’est vous dire la qualité des œuvres…
Et puis vient LA rencontre.
De celles qui changent une vie. De celles qui bouleversent votre existence pour toujours.
René Goscinny.
Cette rencontre déterminante à lieu en 1951.
L’alliance du dessin et de texte qui va déboucher sur un phénomène mondial, dix ans après.
Pour l’heure, c’est le premier héros en commun : l’indien Oumpah-pah.
Sont exposées six planches rares de la première version de ce véritable préquel d’Astérix.
Direction les cieux plus ou moins nuageux !
Voici la création des deux plus célèbres chevaliers du ciel, Michel Tanguy et Ernest Laverdure.
Nous nous rendons compte, à la relecture de ces planches consacrés aux deux pilotes de Mirage III, à quel point Uderzo peut vraiment tout dessiner.
Les dessins techniques des oiseaux de fer sont techniquement irréprochables : personne n’a pu déceler la moindre erreur !
Mais il lui faudra passez le crayon à son confère Jijé : impossible de continuer à dessiner les aventures de Tanguy et Laverdure : Astérix et obélix ont fait leur apparition. Le temps vient à manquer à celui qui est pourtant un bourreau de travail et qui ne compte pas ses heures.
Deux gaulois. Deux héros français.
Qui incarnent les valeurs et les codes de l’époque, tout en dynamitant les stéréotypes franchouillards.
Le petit et le gros. L’astérisque et l’obèle, les deux signes typographiques.
Mais il s’agit bien de l’influence de Laurel et Hardy qui préside à la création de ces deux figures incontournables du 9ème art.
Un impressionnant mur de couvertures en diverses langues vient nous rappeler l’universalité de ces deux personnages, connus dans le monde entier.
Et puis, un grand carton vient nous rappeler ce qui fait la spécificité « uderzienne » : l’équilibre du savant et du sérieux, la virtuosité de la courbe et le sens de l’apesanteur.
Un cadre épuré qui évite de le rendre érudit ou bavard.
Une place est faite également eux planches qui montrent à quel point le dessinateur de BD est aussi un passionné d’architecture : le Colisée, Rome, les théâtre et les thermes sont reproduits avec une admirable précision.
J’ai appris quant à moi un détail assez incroyable : Uderzo était daltonien.
Apres avoir colorié un jour un cheval en vert, il s’est aperçu qu’il valait mieux laisser cet aspect graphique à des coloristes. Lui, n’a jamais plus mis en couleur ses héros.
Un petit reproche peut être adressé aux organisateurs, comme me l’a fait remarquer une maman.
Les enfants sont munis d’un petit livret et d’un crayon pour eux aussi dessiner ou répondre à quelques questions.
Ce qui se révèle être au final très difficile : il n’y a pas de petites tables, et le sol est recouvert d’une moquette ce qui complique singulièrement la tâche des têtes plus ou moins blondes : le crayon perce le papier à la moindre pression.
Quoi qu’il en soit, il vous reste un bon mois pour découvrir ou redécouvrir l’univers du grand Albert.
On ressort du Musée Maillol avec une irrépressible envie de relire tous les albums évoqués dans les différentes salles.
En voilà au Musée Maillol une belle exposition consacrée au dessinateur Uderzo !
Une année.
Voici une année qu’Astérie et Obélix sont définitivement orphelins de leurs deux papas, Albert Uderzo étant allé rejoindre au paradis des grands de la BD son pote René Goscinny.
C’était donc l’occasion de lui rendre hommage, en mai dernier, (la durée de l’expo a été prolongée jusqu’à la fin de ce mois d’octobre), dans ce bel accrochage de planches, de couvertures, de fac-similés, d’éléments biographiques ou bien encore de photographies rares.
Les murs sont blancs. La couleur du papier, la teinte de la planche qui va bientôt se remplir de crayonnés passionnants.
Les commissaires de l’exposition ont judicieusement et logiquement choisi de procéder par ordre chronologique.
Les éléments relatifs à l’arrivée en France du jeune Alberto, ses débuts sont évoqués.
Immédiatement, ce qui frappe le public, c’est la précocité de l’enfant en matière graphique.
Déjà, à 10 / 11 ans, on sent poindre ce trait précis, vif, alerte, avec une vraie perception du mouvement, du corps numain.
Sans oublier la prise en compte du lettrage. On remarque déjà dans les dessins de jeunesse la capacité d’Uderzo à placer un texte en relief dans les cases.
(Un peu plus loin dans l’exposition, un moment est consacré spécifiquement à ce travail sur les lettres.)
Ces dessins de la prime jeunesse sont à la fois très impressionnants et très émouvants.
Le temps passe, et voici les premiers vrais héros, Arys Buck, Prince Rollin et Belloy, tous ancrés dans le Moyen-âge.
Après la guerre, c’est le temps des dessins de presse dans France-Dimanche.
Avec tellement de détails, qu’il sera même soupçonné par les forces de l’ordre d’avoir participé à un braquage…
C’est vous dire la qualité des œuvres…
Et puis vient LA rencontre.
De celles qui changent une vie. De celles qui bouleversent votre existence pour toujours.
René Goscinny.
Cette rencontre déterminante à lieu en 1951.
L’alliance du dessin et de texte qui va déboucher sur un phénomène mondial, dix ans après.
Pour l’heure, c’est le premier héros en commun : l’indien Oumpah-pah.
Sont exposées six planches rares de la première version de ce véritable préquel d’Astérix.
Direction les cieux plus ou moins nuageux !
Voici la création des deux plus célèbres chevaliers du ciel, Michel Tanguy et Ernest Laverdure.
Nous nous rendons compte, à la relecture de ces planches consacrés aux deux pilotes de Mirage III, à quel point Uderzo peut vraiment tout dessiner.
Les dessins techniques des oiseaux de fer sont techniquement irréprochables : personne n’a pu déceler la moindre erreur !
Mais il lui faudra passez le crayon à son confère Jijé : impossible de continuer à dessiner les aventures de Tanguy et Laverdure : Astérix et obélix ont fait leur apparition. Le temps vient à manquer à celui qui est pourtant un bourreau de travail et qui ne compte pas ses heures.
Deux gaulois. Deux héros français.
Qui incarnent les valeurs et les codes de l’époque, tout en dynamitant les stéréotypes franchouillards.
Le petit et le gros. L’astérisque et l’obèle, les deux signes typographiques.
Mais il s’agit bien de l’influence de Laurel et Hardy qui préside à la création de ces deux figures incontournables du 9ème art.
Un impressionnant mur de couvertures en diverses langues vient nous rappeler l’universalité de ces deux personnages, connus dans le monde entier.
Et puis, un grand carton vient nous rappeler ce qui fait la spécificité « uderzienne » : l’équilibre du savant et du sérieux, la virtuosité de la courbe et le sens de l’apesanteur.
Un cadre épuré qui évite de le rendre érudit ou bavard.
Une place est faite également eux planches qui montrent à quel point le dessinateur de BD est aussi un passionné d’architecture : le Colisée, Rome, les théâtre et les thermes sont reproduits avec une admirable précision.
J’ai appris quant à moi un détail assez incroyable : Uderzo était daltonien.
Apres avoir colorié un jour un cheval en vert, il s’est aperçu qu’il valait mieux laisser cet aspect graphique à des coloristes. Lui, n’a jamais plus mis en couleur ses héros.
Un petit reproche peut être adressé aux organisateurs, comme me l’a fait remarquer une maman.
Les enfants sont munis d’un petit livret et d’un crayon pour eux aussi dessiner ou répondre à quelques questions.
Ce qui se révèle être au final très difficile : il n’y a pas de petites tables, et le sol est recouvert d’une moquette ce qui complique singulièrement la tâche des têtes plus ou moins blondes : le crayon perce le papier à la moindre pression.
Quoi qu’il en soit, il vous reste un bon mois pour découvrir ou redécouvrir l’univers du grand Albert.
On ressort du Musée Maillol avec une irrépressible envie de relire tous les albums évoqués dans les différentes salles.
9/10
Est-il normal d’être anormal, ou bien est-ce anormal d’être normal ?
Vous avez trois heures…
Pauline Sales n’a eu besoin quant à elle "que" d’une heure pour nous proposer un spectacle intelligent, malin, spirituel et passionnant qui va questionner petits et grands sur la différence et la tolérance par le prisme d’une fable moderne et drôle.
Figurez-vous que la maîtresse a demandé à ses CM2 de s’imaginer en super-héros.
Lucas a choisi d’inventer Normalito, le super-héros qui rend les gens normaux.
Parce que c’est vrai, quoi, pas facile de vivre aux côtés des anormaux que sont les troubles dys, les enfants à Haut-Potentiel, ceux qui sont d’origine étrangère, les filles de la classe, les enfants de réfugiés, ceux qui sont très riches ou très pauvres...
En un mot comme en cent, ceux qui sont différents…
Comment exister, lorsque vous n’avez aucune différence particulière à mettre en avant ?
Voilà ce qu’il pense, Lucas…
Jusqu’à ce qu’il rencontre deux personnages singuliers…
Tout d’abord, il y Iris…
Une fille de sa classe, au QI époustouflant…
Une espèce de Fifi Brindacier surdouée, intelligente comme ça n'est pas permis...
Deux mômes aux antipodes l’un de l’autre, qui vont se lancer dans une sorte de voyage initiatique au cours duquel ils vont faire la connaissance de Lina, l’étrange dame-pipi de la gare centrale.
Pauline Sales met en scène cette pièce qu’elle a écrit en 2019.
Une écriture faite de vraies formules acérées, percutantes, drôlissimes, des formules qui vont déclencher l’hilarité.
Une écriture qui par ce registre va déclencher sans avoir l’air d’y toucher une vertigineuse réflexion.
Tellement d’actualité, cette réflexion, tant l’intolérance règne encore…
La mise en scène va être à la hauteur de l’écriture.
Lorsque nous rentrons dans la grande salle des plateaux sauvages, sur la scène trône une cuvette de WC, à jardin et à cour, trois portes fermées.
Il n’y a pas à s’y tromper, nous savons où nous nous trouvons.
Et pourtant, tout au long de cette heure, par le biais d’artifices scénographiques et dramaturgiques que je me garderai bien entendu de révéler, nous allons retrouver dans quantité de lieux différents.
Il y a là une vraie inventivité et un vrai et jubilatoire travail formel.
Il va y avoir du cartoon là-dedans, du Tex Avery, du Chuck Jones.
Nous n’allons vraiment pas nous ennuyer : pas un instant de répit, pas de baisse de régime, un rythme effréné tout au long de cette heure.
Oui, ça va pulser. Avec un impressionnant travail de changement d’accessoires et de costumes en coulisse.
Les six portes, qui vont claquer à tour de rôle, vont nous révéler bien des surprises.
Tout ceci est très réussi.
Et puis trois comédiens vont se répartir les six rôles de la pièce.
Des comédiens qui ne vont pas ménager leur peine, et qui vont nous enchanter.
Les deux jeunes sont interprétés par Cloé Lastère et Antoine Courvoisier.
Immédiatement, nous croyons à leur rôle d’élèves du CM2.
Chacun dans son personnage va nous ravir, et va nous réserver de grands moments.
Quelle énergie, quelle vis comica, quelle force comique émanent de ces deux-là.
Anthony Poupard est Lina, la dame-pipi.
Son interprétation force le respect.
Nous croyons tout à fait à son personnage. Il a su placer le curseur à l’exacte position.
Et puis, il y a la fin de la pièce, qui va nous plonger dans l’univers du cinéma en général, et dans une célèbre comédie sentimentale de Roger Mitchell en particulier. (Je n’en dis évidemment pas plus, et vous laisse découvrir…)
Là encore, tout ceci est très malin.
L’amour sauvera tout.
Une fois les lumières rallumées après le noir finale, une véritable ovation salue les trois comédiens.
Normal.
Petits et grands auront pris un immense plaisir à assister à ce magnifique moment de théâtre.
Gros succès à Avignon cette année, ce spectacle va partir en tournée.
S’il passe à côté de chez vous, n’hésitez surtout pas.
(La liste est sur le site mentionné ci-dessous.)
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Vous avez trois heures…
Pauline Sales n’a eu besoin quant à elle "que" d’une heure pour nous proposer un spectacle intelligent, malin, spirituel et passionnant qui va questionner petits et grands sur la différence et la tolérance par le prisme d’une fable moderne et drôle.
Figurez-vous que la maîtresse a demandé à ses CM2 de s’imaginer en super-héros.
Lucas a choisi d’inventer Normalito, le super-héros qui rend les gens normaux.
Parce que c’est vrai, quoi, pas facile de vivre aux côtés des anormaux que sont les troubles dys, les enfants à Haut-Potentiel, ceux qui sont d’origine étrangère, les filles de la classe, les enfants de réfugiés, ceux qui sont très riches ou très pauvres...
En un mot comme en cent, ceux qui sont différents…
Comment exister, lorsque vous n’avez aucune différence particulière à mettre en avant ?
Voilà ce qu’il pense, Lucas…
Jusqu’à ce qu’il rencontre deux personnages singuliers…
Tout d’abord, il y Iris…
Une fille de sa classe, au QI époustouflant…
Une espèce de Fifi Brindacier surdouée, intelligente comme ça n'est pas permis...
Deux mômes aux antipodes l’un de l’autre, qui vont se lancer dans une sorte de voyage initiatique au cours duquel ils vont faire la connaissance de Lina, l’étrange dame-pipi de la gare centrale.
Pauline Sales met en scène cette pièce qu’elle a écrit en 2019.
Une écriture faite de vraies formules acérées, percutantes, drôlissimes, des formules qui vont déclencher l’hilarité.
Une écriture qui par ce registre va déclencher sans avoir l’air d’y toucher une vertigineuse réflexion.
Tellement d’actualité, cette réflexion, tant l’intolérance règne encore…
La mise en scène va être à la hauteur de l’écriture.
Lorsque nous rentrons dans la grande salle des plateaux sauvages, sur la scène trône une cuvette de WC, à jardin et à cour, trois portes fermées.
Il n’y a pas à s’y tromper, nous savons où nous nous trouvons.
Et pourtant, tout au long de cette heure, par le biais d’artifices scénographiques et dramaturgiques que je me garderai bien entendu de révéler, nous allons retrouver dans quantité de lieux différents.
Il y a là une vraie inventivité et un vrai et jubilatoire travail formel.
Il va y avoir du cartoon là-dedans, du Tex Avery, du Chuck Jones.
Nous n’allons vraiment pas nous ennuyer : pas un instant de répit, pas de baisse de régime, un rythme effréné tout au long de cette heure.
Oui, ça va pulser. Avec un impressionnant travail de changement d’accessoires et de costumes en coulisse.
Les six portes, qui vont claquer à tour de rôle, vont nous révéler bien des surprises.
Tout ceci est très réussi.
Et puis trois comédiens vont se répartir les six rôles de la pièce.
Des comédiens qui ne vont pas ménager leur peine, et qui vont nous enchanter.
Les deux jeunes sont interprétés par Cloé Lastère et Antoine Courvoisier.
Immédiatement, nous croyons à leur rôle d’élèves du CM2.
Chacun dans son personnage va nous ravir, et va nous réserver de grands moments.
Quelle énergie, quelle vis comica, quelle force comique émanent de ces deux-là.
Anthony Poupard est Lina, la dame-pipi.
Son interprétation force le respect.
Nous croyons tout à fait à son personnage. Il a su placer le curseur à l’exacte position.
Et puis, il y a la fin de la pièce, qui va nous plonger dans l’univers du cinéma en général, et dans une célèbre comédie sentimentale de Roger Mitchell en particulier. (Je n’en dis évidemment pas plus, et vous laisse découvrir…)
Là encore, tout ceci est très malin.
L’amour sauvera tout.
Une fois les lumières rallumées après le noir finale, une véritable ovation salue les trois comédiens.
Normal.
Petits et grands auront pris un immense plaisir à assister à ce magnifique moment de théâtre.
Gros succès à Avignon cette année, ce spectacle va partir en tournée.
S’il passe à côté de chez vous, n’hésitez surtout pas.
(La liste est sur le site mentionné ci-dessous.)
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
9/10
Au « non » des pères et des fils…
Quand la génération des vieux n’a rien fait pour entraver le délitement sociétal.
Quand la génération des jeunes ne fait rien pour proposer un nouveau modèle.
Comment donc dans ces conditions, s’étonner, au sein d’un monde qui se détruit de l’intérieur, de l’émergence de courants nihilistes ou populistes ?
Et si le véritable terrorisme venait de l’intérieur, beaucoup plus que de l’extérieur ?
Deux questions d’une troublante actualité, non ?
Ces deux questions-là, fortes, essentielles, indispensables, Dostoïevski les a posées en 1872, dans sa Russie qui se prépare à de profonds bouleversements.
L’observateur quasi-sociologique de la société russe de cette fin du XIXème siècle a tellement appuyé là où ça faisait mal que le roman a suscité un tollé lors de sa parution finale.
Eric Ruf poursuit donc sa démarche d’ouverture de la Comédie Française aux grands metteurs en scène européens.
Après notamment Ivo Van Hove pour Les damnés, Thomas Ostermeir pour La nuit des rois, il a sollicité le metteur en scène belge Guy Cassiers, patron de la Toonelhuis d’Anvers, le principal théâtre de la ville et la plus importante compagnie flamande.
Guy Cassiers va nous démontrer son admirable capacité à mélanger les arts de la scène et toutes sortes de techniques vidéographiques pour parvenir à ses fins.
Ce que nous allons voir va se révéler être un passionnant mix entre théâtre et vidéo, chaque discipline alimentant artistiquement l’autre.
Nous entrons dans la salle Richelieu, et nous ne comprenons pas ce que nous voyons sur le plateau.
Au lointain, un immense pan fait de barres métalliques.
Au sol, trois éléments rectangulaires, surmontés d’un mât au bout duquel est fixé une sorte de boîte…
Nous allons savoir… La vidéo va nous faire comprendre.
Nous sommes à l’intérieur du Crystal Palace, un lieu fait de gigantesques verrières.
Les éléments rectangulaires vont s’élever pour surplomber le plateau : ce sont trois écrans, mobiles individuellement ou conjointement, les boîtes étant des projecteurs.
Guy Cassiers, grâce à ceci, a développé un vrai langage scénique et dramaturgique, avec une véritable grammaire technique.
Grâce à une mise en scène millimétrée (rarement l’expression aura été aussi appropriée), il parvient à nous montrer à l’écran des images pourtant filmées en direct mais que nous ne voyons pas sur scène !
Comme par exemple Hervé Pierre et Dominique Blanc de profil, se faisant face sur les écrans, alors qu'ils sont plantés devant nous, séparés d’une dizaine de mètres.
Comme par exemple encore Jennifer Decker et Stéphane Varupenne qui prennent le thé ensemble, se touchant, se serrant les mains, alors qu’eux aussi sont l’un à jardin, l’autre à cour.
Je vous laisse découvrir en détail sans rien déflorer du procédé, mais ce que nous voyons est non seulement troublant, mais nous montre comment cette société décrite est en pleine déliquescence.
On se parle sans se parler, on est ensemble sans y être.
Ca ne vous rappelle rien ?
Tout ceci témoigne d’un grand savoir faire technique (un grand coup de chapeau au concepteur video Bram Delafonteyne), mais également d’une grande réussite en matière de parti-pris dramaturgique.
Ou quand le signifiant est pleinement au service du signifié, grâce à ces images tournées en direct ou pré-filmées et intégrées à l’ensemble.
Du grand art.
Ce que nous allons voir, durant ces deux heures et vingt minutes que dure le spectacle témoigne d’une grande beauté formelle.
Les magnifique lumières de Fabiana Piccioli, (ah ! Ces fabuleux clairs-obscurs évocateurs, ah cette scène d’incendie !…), la scénographie et les costumes de Tim Van Steenbergen montrant eux aussi une société à bout de souffle confèrent à l’ensemble une magnifique identité visuelle.
Et puis, la Troupe. Avec un T majuscule.
Alors oui, Guy Cassiers a pu choisir sans trop prendre de risques parmi les sociétaires et pensionnaires des personnalités habituées au type de rôle qu’ils interprètent sur cette production.
Après tout, lorsqu’on dispose d’un tel vivier d’admirables comédiens et comédiennes, on aurait tort de se priver d’aller à l’essentiel.
J’ai beaucoup apprécié les prestations de Jérémy Lopez et Christophe Montenez.
Les jeunes personnages.
L’un en populiste implacable, pervers et manipulateur, l’autre en nihiliste convaincu, les deux comédiens nous livrent de sacrés moments d’interprétation.
Hervé Pierre et Dominique Blanc incarnent quant à eux les figures du passé. Les anciens complètement dépassés.
Melle Blanc nous fait bien rire, grâce à sa façon d’interpréter la subtile adaptation d’Erwin Mortier et la traduction très actuelle de Marie Hooghe.
Le reste des comédiens excelle à nous raconter les histoires de familles qui constituent le substrat du roman, paru tout d’abord en feuilleton, ceci expliquant cela.
La fin du spectacle, avec ce « morphing en direct » des visages de M. Pierre, Montenez et Lopez résume parfaitement le propos général.
Cette conclusion relève d’une sépulcrale et sombre beauté.
Vous l’aurez compris, il faut absolument aller se confronter à ces Démons-là.
Cet ambitieux spectacle, très abouti d’un point de vue technique et dramaturgique, est de ceux qui marquent les esprits et restent dans les mémoires.
Quand la génération des vieux n’a rien fait pour entraver le délitement sociétal.
Quand la génération des jeunes ne fait rien pour proposer un nouveau modèle.
Comment donc dans ces conditions, s’étonner, au sein d’un monde qui se détruit de l’intérieur, de l’émergence de courants nihilistes ou populistes ?
Et si le véritable terrorisme venait de l’intérieur, beaucoup plus que de l’extérieur ?
Deux questions d’une troublante actualité, non ?
Ces deux questions-là, fortes, essentielles, indispensables, Dostoïevski les a posées en 1872, dans sa Russie qui se prépare à de profonds bouleversements.
L’observateur quasi-sociologique de la société russe de cette fin du XIXème siècle a tellement appuyé là où ça faisait mal que le roman a suscité un tollé lors de sa parution finale.
Eric Ruf poursuit donc sa démarche d’ouverture de la Comédie Française aux grands metteurs en scène européens.
Après notamment Ivo Van Hove pour Les damnés, Thomas Ostermeir pour La nuit des rois, il a sollicité le metteur en scène belge Guy Cassiers, patron de la Toonelhuis d’Anvers, le principal théâtre de la ville et la plus importante compagnie flamande.
Guy Cassiers va nous démontrer son admirable capacité à mélanger les arts de la scène et toutes sortes de techniques vidéographiques pour parvenir à ses fins.
Ce que nous allons voir va se révéler être un passionnant mix entre théâtre et vidéo, chaque discipline alimentant artistiquement l’autre.
Nous entrons dans la salle Richelieu, et nous ne comprenons pas ce que nous voyons sur le plateau.
Au lointain, un immense pan fait de barres métalliques.
Au sol, trois éléments rectangulaires, surmontés d’un mât au bout duquel est fixé une sorte de boîte…
Nous allons savoir… La vidéo va nous faire comprendre.
Nous sommes à l’intérieur du Crystal Palace, un lieu fait de gigantesques verrières.
Les éléments rectangulaires vont s’élever pour surplomber le plateau : ce sont trois écrans, mobiles individuellement ou conjointement, les boîtes étant des projecteurs.
Guy Cassiers, grâce à ceci, a développé un vrai langage scénique et dramaturgique, avec une véritable grammaire technique.
Grâce à une mise en scène millimétrée (rarement l’expression aura été aussi appropriée), il parvient à nous montrer à l’écran des images pourtant filmées en direct mais que nous ne voyons pas sur scène !
Comme par exemple Hervé Pierre et Dominique Blanc de profil, se faisant face sur les écrans, alors qu'ils sont plantés devant nous, séparés d’une dizaine de mètres.
Comme par exemple encore Jennifer Decker et Stéphane Varupenne qui prennent le thé ensemble, se touchant, se serrant les mains, alors qu’eux aussi sont l’un à jardin, l’autre à cour.
Je vous laisse découvrir en détail sans rien déflorer du procédé, mais ce que nous voyons est non seulement troublant, mais nous montre comment cette société décrite est en pleine déliquescence.
On se parle sans se parler, on est ensemble sans y être.
Ca ne vous rappelle rien ?
Tout ceci témoigne d’un grand savoir faire technique (un grand coup de chapeau au concepteur video Bram Delafonteyne), mais également d’une grande réussite en matière de parti-pris dramaturgique.
Ou quand le signifiant est pleinement au service du signifié, grâce à ces images tournées en direct ou pré-filmées et intégrées à l’ensemble.
Du grand art.
Ce que nous allons voir, durant ces deux heures et vingt minutes que dure le spectacle témoigne d’une grande beauté formelle.
Les magnifique lumières de Fabiana Piccioli, (ah ! Ces fabuleux clairs-obscurs évocateurs, ah cette scène d’incendie !…), la scénographie et les costumes de Tim Van Steenbergen montrant eux aussi une société à bout de souffle confèrent à l’ensemble une magnifique identité visuelle.
Et puis, la Troupe. Avec un T majuscule.
Alors oui, Guy Cassiers a pu choisir sans trop prendre de risques parmi les sociétaires et pensionnaires des personnalités habituées au type de rôle qu’ils interprètent sur cette production.
Après tout, lorsqu’on dispose d’un tel vivier d’admirables comédiens et comédiennes, on aurait tort de se priver d’aller à l’essentiel.
J’ai beaucoup apprécié les prestations de Jérémy Lopez et Christophe Montenez.
Les jeunes personnages.
L’un en populiste implacable, pervers et manipulateur, l’autre en nihiliste convaincu, les deux comédiens nous livrent de sacrés moments d’interprétation.
Hervé Pierre et Dominique Blanc incarnent quant à eux les figures du passé. Les anciens complètement dépassés.
Melle Blanc nous fait bien rire, grâce à sa façon d’interpréter la subtile adaptation d’Erwin Mortier et la traduction très actuelle de Marie Hooghe.
Le reste des comédiens excelle à nous raconter les histoires de familles qui constituent le substrat du roman, paru tout d’abord en feuilleton, ceci expliquant cela.
La fin du spectacle, avec ce « morphing en direct » des visages de M. Pierre, Montenez et Lopez résume parfaitement le propos général.
Cette conclusion relève d’une sépulcrale et sombre beauté.
Vous l’aurez compris, il faut absolument aller se confronter à ces Démons-là.
Cet ambitieux spectacle, très abouti d’un point de vue technique et dramaturgique, est de ceux qui marquent les esprits et restent dans les mémoires.
9,5/10
1996 – Théâtre de Lorient.
Vingt-cinq ans !
Voici presque un quart de siècle, Marcel Bozonnet créait son adaptation et sa version de ce roman qu’écrivit Madame de la Fayette en 1678.
Un spectacle qu’il n’a jamais cessé depuis de jouer, ici et là…
Une sacrée romance entre un homme, un livre et la scène.
Une belle histoire d’amour entre l’immense comédien que l’on sait et la langue admirable du XVIIème siècle.
Un plateau nu.
Plus nu, ça ferait trop.
Au sol, un revêtement comportant trois zones, de couleur différente. Le belles lumières de Joël Hourbeigt les mettront en valeur en déclinant leur teinte tout au long de cette heure et vingt cinq minutes.
Un costume renaissance.
Chausses, hauts de chausses, pourpoint, petite cape.
« L’uniforme » de la noblesse à la cour d’Henri II puis de François II, époque à laquelle se déroule le roman.
Une voix. Et quelle voix !
Celle reconnaissable entre toutes du grand Marcel. Cette voix de basse qui peut s’envoler dans les aigus, lorsqu’il le faut.
L’ancien administrateur du Français, de 2001 à 2006, avait donc entrepris de relever ce beau défi : dire, interpréter, incarner seul en scène ce roman, adapté pour l’occasion par Alain Zaepfel.
Passer au gueuloir les mots délicats, précieux de l’auteure.
Oui, une sacrée gageure.
Qui depuis vingt-cinq ans donc, enchante tous ceux qui y ont assisté.
La princesse de Clèves, un roman historique.
Mme de la Fayette nous raconte une époque, nous décrit la cour royale française, les mœurs en vigueur, les us et coutumes de l’époque.
A cet égard, Marcel Bozonnet nous embarque véritablement dans ce XVIème siècle finissant.
Nous voici dans la salle de bal du Louvre, nous assistons à un tournoi, à une partie de jeu de paume, nous galopons avec lui dans la forêt de Coulommiers.
Le costume certes, y est pour quelque chose, mais c’est bien la façon de s’approprier les mots du roman qui fait que nous avons remonté le temps.
La princesse de Clèves, un roman psychologique.
Peut-être même le premier roman psychologique.
Là encore, nous sommes complètement envoûtés à suivre l’évolution des personnages, leurs passions et leurs affres.
Totalement captivant, celui qui se tient devant nous et qui va s’approprier l’entièreté de l’espace scénique pour ce faire, celui-là nous attrape dès les premières secondes pour ne plus nous lâcher.
Ses inflexions, sa palette d’intonation, ses subtiles changements de timbre, tout ceci ravit le public qui savoure le métier et le talent de ce très grand du Théâtre.
La princesse de Clèves, un roman précieux.
Mme de la Fayette est contemporaine de Melle de Scudéry, celle qui marquera l’apogée de ce courant. Elle aussi est donc marquée par ce style littéraire.
Marcel Bozonnet parvient admirablement à traduire cette préciosité par sa gestuelle, sa démarche, par ses poses figées, lorsque qu’il dit son texte.
Bras et index tendus vers le ciel, mains qui se serrent délicatement, 3ème position des pieds, chorégraphies très réussies, tout ceci contribue à illustrer le propos.
Au final, on ne peut qu’admirer une nouvelle fois cet homme de scène, à qui l’on doit tant.
Oui, admirer.
Si vous n’avez pas encore assisté à ce magnifique spectacle où forme et fond sont toujours autant au rendez-vous, ou bien si vous voulez revoir une fois de plus cette adaptation, laissez vos pas vous conduire à la petite salle du théâtre du Soleil.
C’est ce qu’a bien compris le professeur de littérature de ces khâgneux du lycée Paul Valéry qui n’ont vraiment pas boudé leur plaisir devant cette leçon de théâtre !
Vingt-cinq ans !
Voici presque un quart de siècle, Marcel Bozonnet créait son adaptation et sa version de ce roman qu’écrivit Madame de la Fayette en 1678.
Un spectacle qu’il n’a jamais cessé depuis de jouer, ici et là…
Une sacrée romance entre un homme, un livre et la scène.
Une belle histoire d’amour entre l’immense comédien que l’on sait et la langue admirable du XVIIème siècle.
Un plateau nu.
Plus nu, ça ferait trop.
Au sol, un revêtement comportant trois zones, de couleur différente. Le belles lumières de Joël Hourbeigt les mettront en valeur en déclinant leur teinte tout au long de cette heure et vingt cinq minutes.
Un costume renaissance.
Chausses, hauts de chausses, pourpoint, petite cape.
« L’uniforme » de la noblesse à la cour d’Henri II puis de François II, époque à laquelle se déroule le roman.
Une voix. Et quelle voix !
Celle reconnaissable entre toutes du grand Marcel. Cette voix de basse qui peut s’envoler dans les aigus, lorsqu’il le faut.
L’ancien administrateur du Français, de 2001 à 2006, avait donc entrepris de relever ce beau défi : dire, interpréter, incarner seul en scène ce roman, adapté pour l’occasion par Alain Zaepfel.
Passer au gueuloir les mots délicats, précieux de l’auteure.
Oui, une sacrée gageure.
Qui depuis vingt-cinq ans donc, enchante tous ceux qui y ont assisté.
La princesse de Clèves, un roman historique.
Mme de la Fayette nous raconte une époque, nous décrit la cour royale française, les mœurs en vigueur, les us et coutumes de l’époque.
A cet égard, Marcel Bozonnet nous embarque véritablement dans ce XVIème siècle finissant.
Nous voici dans la salle de bal du Louvre, nous assistons à un tournoi, à une partie de jeu de paume, nous galopons avec lui dans la forêt de Coulommiers.
Le costume certes, y est pour quelque chose, mais c’est bien la façon de s’approprier les mots du roman qui fait que nous avons remonté le temps.
La princesse de Clèves, un roman psychologique.
Peut-être même le premier roman psychologique.
Là encore, nous sommes complètement envoûtés à suivre l’évolution des personnages, leurs passions et leurs affres.
Totalement captivant, celui qui se tient devant nous et qui va s’approprier l’entièreté de l’espace scénique pour ce faire, celui-là nous attrape dès les premières secondes pour ne plus nous lâcher.
Ses inflexions, sa palette d’intonation, ses subtiles changements de timbre, tout ceci ravit le public qui savoure le métier et le talent de ce très grand du Théâtre.
La princesse de Clèves, un roman précieux.
Mme de la Fayette est contemporaine de Melle de Scudéry, celle qui marquera l’apogée de ce courant. Elle aussi est donc marquée par ce style littéraire.
Marcel Bozonnet parvient admirablement à traduire cette préciosité par sa gestuelle, sa démarche, par ses poses figées, lorsque qu’il dit son texte.
Bras et index tendus vers le ciel, mains qui se serrent délicatement, 3ème position des pieds, chorégraphies très réussies, tout ceci contribue à illustrer le propos.
Au final, on ne peut qu’admirer une nouvelle fois cet homme de scène, à qui l’on doit tant.
Oui, admirer.
Si vous n’avez pas encore assisté à ce magnifique spectacle où forme et fond sont toujours autant au rendez-vous, ou bien si vous voulez revoir une fois de plus cette adaptation, laissez vos pas vous conduire à la petite salle du théâtre du Soleil.
C’est ce qu’a bien compris le professeur de littérature de ces khâgneux du lycée Paul Valéry qui n’ont vraiment pas boudé leur plaisir devant cette leçon de théâtre !
10/10
On dirait le Sud…
Le temps (du concert) n’a pas duré assez longtemps.
Oui, une histoire du sud.
Quatre musiciens incontournables de la scène jazz française et mondiale issus des contrées proches de l’Espagne et de la Méditerranée.
Sylvain Luc, né à Bayonne
Thomas Bramerie, originaire de Bergerac, avec une enfance à Toulon
Stéphane Belmondo, issu de la terre hyéroise.
André Ceccarelli le Niçois.
Une histoire assez loin des terrils, en somme, même si l’une des pièces de ce soir sera interprétée en sol mineur.
Quatre potes, quatre frères d’instrument.
Quatre immenses musiciens que l’on ne présente plus.
Quatre copains qui aiment jouer ensemble. Jouer, s’amuser. Prendre du bon temps sur une scène et le faire partager.
Ce sera une nouvelle fois le cas.
Qu’écrire de plus que ce qui a pu être déjà écrit à leur égard ?
Faut-il même écrire, lorsque l’on est devant un tel quatuor ?
C’est Sylvain Luc qui ouvre le bal, avec les notes claires et limpides de sa demi-caisse.
Beaucoup de notes, une virtuosité qui ne laisse jamais de côté la sensibilité et l’émotion.
Et puis Monsieur Dédé se saisit de ses balais.
Thomas Bramerie tire ses premières cordes, Belmondo sur son tabouret de bar commence à souffler.
Le charme opère immédiatement.
Les nombreux aficionados dans la salle sentent bien qu’ils vont assister à un grand moment.
D’autant que les compositeurs des deux premiers titres ne sont pas des illustres inconnus : Miles Davis, John Coltrane, avec Invitation, dans une version presque funk.
Un sentiment d’une facilité déconcertante, d’aisance et de sérénité se dégage de ce que nous entendons et voyons.
Le swing délicat, précis, le shuffle aérien, éthéré, le groove profond, intense et appuyé.
Ou quand la technique individuelle n’est au service que du propos et du discours musical, allant jusqu’à se faire oublier au profit d’un tout unique et universel.
Comme une impression d’aller à l’essentiel, comme si chaque note de ces quatre-là ne pouvait qu’être jouée que de cette façon.
Comme un sentiment d’une totale et cohérente complicité.
Tout ceci est palpable. Une évidence.
Tous se connaissent depuis une lurette que d’aucuns qualifient de belle, tous ont déjà joué ensemble d’innombrables fois.
Davis encore, avec All Blues, « Ca se joue en trois temps, mais nous, on l’a fait à quatre temps », débriefera Stéphane Belmondo en grande forme. Sa façon de désannoncer les morceaux joués est impayable et drôlissime. Très grande forme, vous dis-je…
Et puis un « boléro langoureux ». Nous n’en saurons pas plus, mais la suavité de la trompette bouchée ravit les spectateurs.
Derrière ses fûts et ses cymbales, tel le lion d’âge mur au milieu de trois autres plus jeunes félins, André Ceccarelli savoure tous les instants.
Ah ! Ces frisés, ces cassures et ces breaks rythmiques, ces roulements, cette délicatesse et cette finesse uniques, cette « main gauche hallucinante », me confiait un batteur dans la salle...
L’un des plus grands drummers actuels fermera souvent les yeux, pour apprécier ce qu’il entend.
Ce sera notamment le cas pour cette reprise de la B.O. du film « Les choses de la vie » de Philippe Sarde.
Laissant seuls Sylvain Luc et Stéphane Belmondo s’exprimer, la légende de la batterie et Thomas Bramerie s’effacent, pour laisser la grâce envahir les lieux, les cœurs et les âmes.
Le merveilleux lyrisme des deux solistes va envoûter la salle entière qui retient son souffle.
Et pourtant, je peux vous assurer que ceux qui sont là en ont vu et entendu d’autres.
C’est magnifique, c’est totalement prenant, émouvant. Les larmes ne sont pas loin.
Thomas Bramerie, dont les lecteurs de ce site connaissent bien mon admiration envers lui, incarne une nouvelle fois l’élégance et l’époustouflante technique instrumentale de la contrebasse.
Comme à l’accoutumée, ses soli eux aussi très lyriques déclenchent des salves d’applaudissements.
On se quittera avec une bien belle reprise de « Ribbon in the Sky », d’un certain Stevie Wonder, l’occasion de se rappeler de ce bel album de M. Belmondo en 2004 consacré au célèbre pianiste et chanteur.
La conclusion est magistrale.
Oui, c’était trop court, mais tout le monde sort du Duc des Lombards en se disant « J’y étais » !
Merci beaucoup, Messieurs !
Le temps (du concert) n’a pas duré assez longtemps.
Oui, une histoire du sud.
Quatre musiciens incontournables de la scène jazz française et mondiale issus des contrées proches de l’Espagne et de la Méditerranée.
Sylvain Luc, né à Bayonne
Thomas Bramerie, originaire de Bergerac, avec une enfance à Toulon
Stéphane Belmondo, issu de la terre hyéroise.
André Ceccarelli le Niçois.
Une histoire assez loin des terrils, en somme, même si l’une des pièces de ce soir sera interprétée en sol mineur.
Quatre potes, quatre frères d’instrument.
Quatre immenses musiciens que l’on ne présente plus.
Quatre copains qui aiment jouer ensemble. Jouer, s’amuser. Prendre du bon temps sur une scène et le faire partager.
Ce sera une nouvelle fois le cas.
Qu’écrire de plus que ce qui a pu être déjà écrit à leur égard ?
Faut-il même écrire, lorsque l’on est devant un tel quatuor ?
C’est Sylvain Luc qui ouvre le bal, avec les notes claires et limpides de sa demi-caisse.
Beaucoup de notes, une virtuosité qui ne laisse jamais de côté la sensibilité et l’émotion.
Et puis Monsieur Dédé se saisit de ses balais.
Thomas Bramerie tire ses premières cordes, Belmondo sur son tabouret de bar commence à souffler.
Le charme opère immédiatement.
Les nombreux aficionados dans la salle sentent bien qu’ils vont assister à un grand moment.
D’autant que les compositeurs des deux premiers titres ne sont pas des illustres inconnus : Miles Davis, John Coltrane, avec Invitation, dans une version presque funk.
Un sentiment d’une facilité déconcertante, d’aisance et de sérénité se dégage de ce que nous entendons et voyons.
Le swing délicat, précis, le shuffle aérien, éthéré, le groove profond, intense et appuyé.
Ou quand la technique individuelle n’est au service que du propos et du discours musical, allant jusqu’à se faire oublier au profit d’un tout unique et universel.
Comme une impression d’aller à l’essentiel, comme si chaque note de ces quatre-là ne pouvait qu’être jouée que de cette façon.
Comme un sentiment d’une totale et cohérente complicité.
Tout ceci est palpable. Une évidence.
Tous se connaissent depuis une lurette que d’aucuns qualifient de belle, tous ont déjà joué ensemble d’innombrables fois.
Davis encore, avec All Blues, « Ca se joue en trois temps, mais nous, on l’a fait à quatre temps », débriefera Stéphane Belmondo en grande forme. Sa façon de désannoncer les morceaux joués est impayable et drôlissime. Très grande forme, vous dis-je…
Et puis un « boléro langoureux ». Nous n’en saurons pas plus, mais la suavité de la trompette bouchée ravit les spectateurs.
Derrière ses fûts et ses cymbales, tel le lion d’âge mur au milieu de trois autres plus jeunes félins, André Ceccarelli savoure tous les instants.
Ah ! Ces frisés, ces cassures et ces breaks rythmiques, ces roulements, cette délicatesse et cette finesse uniques, cette « main gauche hallucinante », me confiait un batteur dans la salle...
L’un des plus grands drummers actuels fermera souvent les yeux, pour apprécier ce qu’il entend.
Ce sera notamment le cas pour cette reprise de la B.O. du film « Les choses de la vie » de Philippe Sarde.
Laissant seuls Sylvain Luc et Stéphane Belmondo s’exprimer, la légende de la batterie et Thomas Bramerie s’effacent, pour laisser la grâce envahir les lieux, les cœurs et les âmes.
Le merveilleux lyrisme des deux solistes va envoûter la salle entière qui retient son souffle.
Et pourtant, je peux vous assurer que ceux qui sont là en ont vu et entendu d’autres.
C’est magnifique, c’est totalement prenant, émouvant. Les larmes ne sont pas loin.
Thomas Bramerie, dont les lecteurs de ce site connaissent bien mon admiration envers lui, incarne une nouvelle fois l’élégance et l’époustouflante technique instrumentale de la contrebasse.
Comme à l’accoutumée, ses soli eux aussi très lyriques déclenchent des salves d’applaudissements.
On se quittera avec une bien belle reprise de « Ribbon in the Sky », d’un certain Stevie Wonder, l’occasion de se rappeler de ce bel album de M. Belmondo en 2004 consacré au célèbre pianiste et chanteur.
La conclusion est magistrale.
Oui, c’était trop court, mais tout le monde sort du Duc des Lombards en se disant « J’y étais » !
Merci beaucoup, Messieurs !