Ses critiques
1005 critiques
9,5/10
Du pauvre hère à la fausse haire !
Ne nous cachez rien que nous ne saurions voir !
Ainsi donc, le voici, ce Tartuffe interdit dès la fin de sa première représentation, le 12 mai 1664, au Château de Versailles.
On le sait tous dorénavant, impossible de passer ces jours-ci à côté de l’info : sa majesté le XIVème le très chrétien censura en effet l’œuvre, au motif qu’il était hors de question de se faire d’un côté le chantre de l’orthodoxie catholique et de l’autre permettre à M. Poquelin de tourner en dérision les dévôts.
Grâce à l’universitaire Georges Forestier, LE spécialiste incontesténde Molière, et d’Isabelle Grellet, qui ont restitué finement cette première version, il a été possible pour Ivo Van Hove de travailler de façon assez unique.
Dame, ce n’est pas tous les jours qu’on vous propose de monter une pièce jouée une seule fois, et jamais à la Comédie-Française !
Cette version initiale, en trois actes, ne pouvait que convenir au metteur en scène, lui qui de toute façon n’apprécie pas le dernier des cinq parties de la version « autorisée » et sa fin très « fayote » envers le monarque…
Celui qui monta ici-même salle Richelieu Les damnés, puis Electre/Oreste ne va pas faire dans la dentelle.
« Son » Tartuffe sera un spectacle jusqu’au-boutiste, extrémiste, violent, sauvage, qui appelle un chat un chat.
Pas d’implicite, pas d’inférences.
Pour Van Hove, ce qui ce conçoit bien se montre très clairement, et réciproquement.
Même dans un environnement tout noir, comme le rideau fermé de la même couleur qui attend les spectateurs.
Durant presque deux heures, de vrais combats vont se livrer au sein d’une riche famille bourgeoise.
La religion sera seulement un prétexte : le metteur en scène belge nous montre un incroyable chaos familial, dans lequel toutes les relations se délitent, toutes les passions s’exacerbent en raison de la présence d’un pauvre type.
Ici, le sexe tient une part très importante, souvent vécu comme un autre combat lui aussi violent, parce que, qu’on le veuille ou non, c’est l’un des ingrédients très important du propos moliéresque.
Ce pauvre hère, ce mendiant, ce SDF, donc, dont nous allons avoir la chance de connaître le début de la relation délétère avec Orgon.
Une scène inhabituelle, jamais montrée, et qui pourtant se révèle ici être passionnante et ô combien porteuse de sens. Bien entendu, vous n’en saurez pas plus !
Des combats familiaux intenses, donc, symbolisés par l’installation d’un tatami immaculé, autour duquel les comédiens se salueront à moult reprises, à la façon des judokas.
Le procédé, même parfois un peu répétitif (comme certains effets visuels et sonores) ne laisse ainsi planer aucun doute.
Des combats « idéologiques » avec en meneuse Mme Pernelle tenante de l’ordre ancien (l’impressionnante et magnifique Claude Mathieu) face au Cléante plus « libéral », et des combats plus individuels.
Une nouvelle fois, Ivo van Hove a pu compter sur la brillantissime troupe des comédiens français (pléonasme, me direz-vous à juste titre), qui tour à tour par leur jeu et leur interprétation aigüe, intense, sur le fil, nous glacent, nous sidèrent, nous étonnent, nous passionnent, et nous font rire. Aussi.
Tous tirent le maximum de leur personnage, à la limite de la saturation. Comme si une urgence, un besoin de vérité retrouvée émanait en permanence de leur jeu.
Le patron de l’International Theater Amsterdam n’a pas son pareil pour créer un maelström sur un plateau.
Ici les corps humains sont traités de façon viscérale, physique, organique.
Les corps masculins et féminins sont mis à très rude épreuve, comme si notre humanité passait avant tout par la chair, en l’occurrence au propre comme au figuré !
Des corps qui sont soumis en permanence à de multiples tiraillements.
Une nouvelle fois, Van Hove sait peut-être comme personne installer l’exacte distance entre deux corps, au sein d’un très grand plateau.
Les scènes entre deux personnages, calculées au millimètre, précises au possible, sont celles qui à mon sens génèrent le plus de passion et de fascination.
L’affrontement entre deux être humains est ainsi exacerbé en permanence. (J’en veux par exemple pour preuve l’infime et très furtif mouvement de recul que Marina Hands esquisse face à son mari, nous faisant comprendre qu’elle est probablement battue.)
Comme à l’accoutumée, la scénographie et les lumières de Jan Versweyveld, les costumes d’An d’Huys participent eux aussi à la réussite de l’entreprise.
Grâce à ces deux grands artistes au côté du directeur d’acteurs, on sait dès les premières minutes que l’on va assister à quelque chose d’assez unique.
Cette fois-ci, c’est compositeur Alexandre Desplats qui signe une musique à la fois omniprésente et fortement discrète, avec deux grands procédés harmoniques : des nappes de cordes sombres, parfois angoissantes, et lors des rapports Tartuffe/Elmire, un piano éthéré, très réverbéré, qui lorgne du côté d’une sensualité troublante et ambigüe.
Là encore, de vrais parti-pris qui accompagnent parfaitement le propos général.
Et puis la fin. Et quelle fin...
Que l’on peut adorer ou détester, c’est selon. Qui en tout cas a le mérite de faire fonctionner notre matière grise et qui nous permet en tout cas de travailler intellectuellement : à nous d’imaginer la suite, ce qui se passe après que l’Hypocrite ait été démasqué.
La façon dont la famille va continuer de vivre, d’exister.
Ivo van Hove recadre cette famille-là d’une façon très contemporaine et très actuelle, avec une vision des nouveaux rapports familiaux modernes.
Une fin qui étonne et interpelle chacun de nous.
Il faut vraiment assister à ce Tartuffe-là !
On ressort du Français avec un regard « neuf » sur ce chef-d’œuvre du patrimoine théâtral.
Ne nous cachez rien que nous ne saurions voir !
Ainsi donc, le voici, ce Tartuffe interdit dès la fin de sa première représentation, le 12 mai 1664, au Château de Versailles.
On le sait tous dorénavant, impossible de passer ces jours-ci à côté de l’info : sa majesté le XIVème le très chrétien censura en effet l’œuvre, au motif qu’il était hors de question de se faire d’un côté le chantre de l’orthodoxie catholique et de l’autre permettre à M. Poquelin de tourner en dérision les dévôts.
Grâce à l’universitaire Georges Forestier, LE spécialiste incontesténde Molière, et d’Isabelle Grellet, qui ont restitué finement cette première version, il a été possible pour Ivo Van Hove de travailler de façon assez unique.
Dame, ce n’est pas tous les jours qu’on vous propose de monter une pièce jouée une seule fois, et jamais à la Comédie-Française !
Cette version initiale, en trois actes, ne pouvait que convenir au metteur en scène, lui qui de toute façon n’apprécie pas le dernier des cinq parties de la version « autorisée » et sa fin très « fayote » envers le monarque…
Celui qui monta ici-même salle Richelieu Les damnés, puis Electre/Oreste ne va pas faire dans la dentelle.
« Son » Tartuffe sera un spectacle jusqu’au-boutiste, extrémiste, violent, sauvage, qui appelle un chat un chat.
Pas d’implicite, pas d’inférences.
Pour Van Hove, ce qui ce conçoit bien se montre très clairement, et réciproquement.
Même dans un environnement tout noir, comme le rideau fermé de la même couleur qui attend les spectateurs.
Durant presque deux heures, de vrais combats vont se livrer au sein d’une riche famille bourgeoise.
La religion sera seulement un prétexte : le metteur en scène belge nous montre un incroyable chaos familial, dans lequel toutes les relations se délitent, toutes les passions s’exacerbent en raison de la présence d’un pauvre type.
Ici, le sexe tient une part très importante, souvent vécu comme un autre combat lui aussi violent, parce que, qu’on le veuille ou non, c’est l’un des ingrédients très important du propos moliéresque.
Ce pauvre hère, ce mendiant, ce SDF, donc, dont nous allons avoir la chance de connaître le début de la relation délétère avec Orgon.
Une scène inhabituelle, jamais montrée, et qui pourtant se révèle ici être passionnante et ô combien porteuse de sens. Bien entendu, vous n’en saurez pas plus !
Des combats familiaux intenses, donc, symbolisés par l’installation d’un tatami immaculé, autour duquel les comédiens se salueront à moult reprises, à la façon des judokas.
Le procédé, même parfois un peu répétitif (comme certains effets visuels et sonores) ne laisse ainsi planer aucun doute.
Des combats « idéologiques » avec en meneuse Mme Pernelle tenante de l’ordre ancien (l’impressionnante et magnifique Claude Mathieu) face au Cléante plus « libéral », et des combats plus individuels.
Une nouvelle fois, Ivo van Hove a pu compter sur la brillantissime troupe des comédiens français (pléonasme, me direz-vous à juste titre), qui tour à tour par leur jeu et leur interprétation aigüe, intense, sur le fil, nous glacent, nous sidèrent, nous étonnent, nous passionnent, et nous font rire. Aussi.
Tous tirent le maximum de leur personnage, à la limite de la saturation. Comme si une urgence, un besoin de vérité retrouvée émanait en permanence de leur jeu.
Le patron de l’International Theater Amsterdam n’a pas son pareil pour créer un maelström sur un plateau.
Ici les corps humains sont traités de façon viscérale, physique, organique.
Les corps masculins et féminins sont mis à très rude épreuve, comme si notre humanité passait avant tout par la chair, en l’occurrence au propre comme au figuré !
Des corps qui sont soumis en permanence à de multiples tiraillements.
Une nouvelle fois, Van Hove sait peut-être comme personne installer l’exacte distance entre deux corps, au sein d’un très grand plateau.
Les scènes entre deux personnages, calculées au millimètre, précises au possible, sont celles qui à mon sens génèrent le plus de passion et de fascination.
L’affrontement entre deux être humains est ainsi exacerbé en permanence. (J’en veux par exemple pour preuve l’infime et très furtif mouvement de recul que Marina Hands esquisse face à son mari, nous faisant comprendre qu’elle est probablement battue.)
Comme à l’accoutumée, la scénographie et les lumières de Jan Versweyveld, les costumes d’An d’Huys participent eux aussi à la réussite de l’entreprise.
Grâce à ces deux grands artistes au côté du directeur d’acteurs, on sait dès les premières minutes que l’on va assister à quelque chose d’assez unique.
Cette fois-ci, c’est compositeur Alexandre Desplats qui signe une musique à la fois omniprésente et fortement discrète, avec deux grands procédés harmoniques : des nappes de cordes sombres, parfois angoissantes, et lors des rapports Tartuffe/Elmire, un piano éthéré, très réverbéré, qui lorgne du côté d’une sensualité troublante et ambigüe.
Là encore, de vrais parti-pris qui accompagnent parfaitement le propos général.
Et puis la fin. Et quelle fin...
Que l’on peut adorer ou détester, c’est selon. Qui en tout cas a le mérite de faire fonctionner notre matière grise et qui nous permet en tout cas de travailler intellectuellement : à nous d’imaginer la suite, ce qui se passe après que l’Hypocrite ait été démasqué.
La façon dont la famille va continuer de vivre, d’exister.
Ivo van Hove recadre cette famille-là d’une façon très contemporaine et très actuelle, avec une vision des nouveaux rapports familiaux modernes.
Une fin qui étonne et interpelle chacun de nous.
Il faut vraiment assister à ce Tartuffe-là !
On ressort du Français avec un regard « neuf » sur ce chef-d’œuvre du patrimoine théâtral.
9/10
Faites des mômes, tiens !…
Bienvenue dans la chambre de Michelle et Michaël. Un endroit où souvent, on peut jouer à « on dirait qu’on serait un tel, on dirait qu’on jouerait ça"… Souvent, mais pas toujours...
Michelle et Michaël. Deux frère et sœur.
Qui se plantent devant nous. Pour dire, pour raconter…
Même s’ils ne sont pas d’accord sur le contenu de leur histoire, sur le comment la raconter, même s’ils se chamaillent, même s’ils se donnent quelques coups plus ou moins discrets.
Il était une pas si belle fois que ça…
Une histoire d’enfance.
D’enfances. Réelles et/ou fantasmées. A nous de faire le tri.
Dans cette pièce écrite en 2003 et créée à Londres au Théatre 503, Dennis Kelly nous invite à réfléchir sur la maternité, la filiation au sein d’un environnement social où la misère et la violence sont le lot quotidien des habitants en général, et des enfants en particulier.
De son écriture au scalpel trempé dans le plus corrosif des vitriols, l’auteur britannique va nous asséner un véritable coup de poing dramaturgique.
Il nous embarque en effet dans des enfances fantasmées, mêlant réalité la plus sordide et l’imaginaire le plus exacerbé.
Michelle et Michaël vont nous dire leur vision de leur enfance, une image idyllique confrontée et mise en abyme avec ce qu’ils ont vécu, ces traumas générés par la situation sociale ambiante.
Nous sont posées des questions fondamentales, grâce à une plume acide trempée dotée d’un humour à la fois féroce et noir : faire des enfants, d’accord, mais pourquoi, comment ?
Pourquoi naître, que faire d’une enfance dans un environnement dramatique ?
Au fond, ce bébé que va trouver Michaël dans une poubelle, et qu’il va prénommer Débris, c’est bien le symbole de cette enfance-là, de cette filiation non désirée.
A nous de démêler ce que nous allons voir et entendre.
Une chambre d’enfants, donc.
Un plateau entouré d’un tas d’objets, de jouets plus ou moins brisés.
Julien Kosselek et Viktoria Kozlova, comme à leur habitude, se sont emparés de ce texte à bras le corps.
(On se souvient ici des deux précédentes et formidables réussites de la compagnie Estrarre, un Macbeth « féminin » très réussi, et puissant Un dragon d’or de l’auteur allemand Roland Schimmelpfenning.
Ici, tout l’enjeu consistait à traduire sur scène cette écriture acérée !
Durant une heure et cinq minutes, j’ai eu l’épatant sentiment de me retrouver dans l’un des films de Danny Boyle, un autre britannique.
Oui, il y a du Trainspotting dans cette mise en scène.
Quelque chose de viscéral, une impression à la fois drôle et oppressante, fulgurante et délicate en même temps.
Les deux comédiens sont parfaitement parvenus à transposer le texte (écrit, par définition) pour en faire une sorte de fresque orale tragi-comique, à la fois fortement ancrée dans le réel et dans un fantasmatique univers.
Les deux sont totalement convaincants à imbriquer ces deux mondes.
Il y a quelque chose de l’urgence, du nécessaire à nous raconter tout ci.
On retrouve évidemment ici tout le travail mené par Julien Kosselek en matière de positionnement face aux spectateurs, sans filtre et dans détour.
Dire un texte, exprimer une parole, et ce, sans concession.
A cet égard, leur façon de jouer dans les deux premières scènes la mort fantasmée des deux géniteurs, cette façon est à la fois très subtile, très rentre-dedans et très drôle, il faut bien le dire également…
Je vous laisse bien entendu découvrir par vous-mêmes de quoi il retourne, mais ce que nous recevons pose d’emblée l’exacerbation des passions qui va régner dans le spectacle.
Une sacrée énergie va régner tout au long de ces soixante-cinq minutes.
Les deux comédien et comédienne ne ménagent vraiment pas leur peine.
Ils incarnent à eux deux tous les personnages plus hallucinés les uns que les autres : le père, la mère, «Onclhenry » ou encore Mister Smart-and-Smile.
Des projections de souvenirs d’enfance, un peu comme une séance de diapositives renforce le côté « fantasme » de tout ceci.
Dans ces moments, la poésie n’est jamais absente.
Les deux s’occupent également du côté technique de la dramaturgie : ils ont installé à cour une petite régie, pour lancer les images, les lumières ou bien encore les innombrables tubes anglais des années 80/90.
La musique tient en effet un grand rôle dans ce spectacle.
Ayana Fuentes Uno a composé pour le versant musical plus « noir » de l’entreprise artistique, des nappes de cordes synthétiques formant des pièces graves et sombres.
Ainsi donc, ce spectacle est de ceux qui interpellent vraiment.
On sort de la Reine blanche avec le sentiment d’avoir été confronté à une terrible réalité sociale grâce à une appropriation très aboutie et une mise en scène totalement réussies d’un texte très fort.
C’est un passionnant moment de théâtre, l’un de ceux qui vous secouent et dont on ne ressort pas indemnes.
Bienvenue dans la chambre de Michelle et Michaël. Un endroit où souvent, on peut jouer à « on dirait qu’on serait un tel, on dirait qu’on jouerait ça"… Souvent, mais pas toujours...
Michelle et Michaël. Deux frère et sœur.
Qui se plantent devant nous. Pour dire, pour raconter…
Même s’ils ne sont pas d’accord sur le contenu de leur histoire, sur le comment la raconter, même s’ils se chamaillent, même s’ils se donnent quelques coups plus ou moins discrets.
Il était une pas si belle fois que ça…
Une histoire d’enfance.
D’enfances. Réelles et/ou fantasmées. A nous de faire le tri.
Dans cette pièce écrite en 2003 et créée à Londres au Théatre 503, Dennis Kelly nous invite à réfléchir sur la maternité, la filiation au sein d’un environnement social où la misère et la violence sont le lot quotidien des habitants en général, et des enfants en particulier.
De son écriture au scalpel trempé dans le plus corrosif des vitriols, l’auteur britannique va nous asséner un véritable coup de poing dramaturgique.
Il nous embarque en effet dans des enfances fantasmées, mêlant réalité la plus sordide et l’imaginaire le plus exacerbé.
Michelle et Michaël vont nous dire leur vision de leur enfance, une image idyllique confrontée et mise en abyme avec ce qu’ils ont vécu, ces traumas générés par la situation sociale ambiante.
Nous sont posées des questions fondamentales, grâce à une plume acide trempée dotée d’un humour à la fois féroce et noir : faire des enfants, d’accord, mais pourquoi, comment ?
Pourquoi naître, que faire d’une enfance dans un environnement dramatique ?
Au fond, ce bébé que va trouver Michaël dans une poubelle, et qu’il va prénommer Débris, c’est bien le symbole de cette enfance-là, de cette filiation non désirée.
A nous de démêler ce que nous allons voir et entendre.
Une chambre d’enfants, donc.
Un plateau entouré d’un tas d’objets, de jouets plus ou moins brisés.
Julien Kosselek et Viktoria Kozlova, comme à leur habitude, se sont emparés de ce texte à bras le corps.
(On se souvient ici des deux précédentes et formidables réussites de la compagnie Estrarre, un Macbeth « féminin » très réussi, et puissant Un dragon d’or de l’auteur allemand Roland Schimmelpfenning.
Ici, tout l’enjeu consistait à traduire sur scène cette écriture acérée !
Durant une heure et cinq minutes, j’ai eu l’épatant sentiment de me retrouver dans l’un des films de Danny Boyle, un autre britannique.
Oui, il y a du Trainspotting dans cette mise en scène.
Quelque chose de viscéral, une impression à la fois drôle et oppressante, fulgurante et délicate en même temps.
Les deux comédiens sont parfaitement parvenus à transposer le texte (écrit, par définition) pour en faire une sorte de fresque orale tragi-comique, à la fois fortement ancrée dans le réel et dans un fantasmatique univers.
Les deux sont totalement convaincants à imbriquer ces deux mondes.
Il y a quelque chose de l’urgence, du nécessaire à nous raconter tout ci.
On retrouve évidemment ici tout le travail mené par Julien Kosselek en matière de positionnement face aux spectateurs, sans filtre et dans détour.
Dire un texte, exprimer une parole, et ce, sans concession.
A cet égard, leur façon de jouer dans les deux premières scènes la mort fantasmée des deux géniteurs, cette façon est à la fois très subtile, très rentre-dedans et très drôle, il faut bien le dire également…
Je vous laisse bien entendu découvrir par vous-mêmes de quoi il retourne, mais ce que nous recevons pose d’emblée l’exacerbation des passions qui va régner dans le spectacle.
Une sacrée énergie va régner tout au long de ces soixante-cinq minutes.
Les deux comédien et comédienne ne ménagent vraiment pas leur peine.
Ils incarnent à eux deux tous les personnages plus hallucinés les uns que les autres : le père, la mère, «Onclhenry » ou encore Mister Smart-and-Smile.
Des projections de souvenirs d’enfance, un peu comme une séance de diapositives renforce le côté « fantasme » de tout ceci.
Dans ces moments, la poésie n’est jamais absente.
Les deux s’occupent également du côté technique de la dramaturgie : ils ont installé à cour une petite régie, pour lancer les images, les lumières ou bien encore les innombrables tubes anglais des années 80/90.
La musique tient en effet un grand rôle dans ce spectacle.
Ayana Fuentes Uno a composé pour le versant musical plus « noir » de l’entreprise artistique, des nappes de cordes synthétiques formant des pièces graves et sombres.
Ainsi donc, ce spectacle est de ceux qui interpellent vraiment.
On sort de la Reine blanche avec le sentiment d’avoir été confronté à une terrible réalité sociale grâce à une appropriation très aboutie et une mise en scène totalement réussies d’un texte très fort.
C’est un passionnant moment de théâtre, l’un de ceux qui vous secouent et dont on ne ressort pas indemnes.
9/10
On a tous en nous quelque chose de celui-ci…
Celui-ci, qui le 2 août 1992, décide de disputer un match de tennis avec un ami.
Un match qui va occasionner une crise cardiaque fatale.
Celui-ci, c’est Michel Berger. Evidemment.
Ce jour-là, l’auteur-compositeur-interprète décède et rejoint le paradis blanc, faisant de fait prendre conscience à un petit groupie du pianiste âgé de six ans, onze mois et vingt jours de l’inéluctabilité commune au genre humain : la mort.
Solal Bouloudnine est ce petit garçon, voisin de villégiature de Celui qui chante et qui postule qu’il n’y a vraiment que l’amour qui vaille la peine.
La disparition du Prince des villes en général et de Ramatuelle en particulier va faire réaliser au petit Solal que tout à une fin. Même et peut-être surtout la vie.
Ce spectacle seul-en-scène Seras-tu là ?, est en quelque sorte un moyen d’exorciser cette angoisse générée ce jour-là.
Une manière de nous raconter ce traumatisme enfantin.
Où comment parler de façon hilarante et vertigineuse de la mort, de cette fin qui sous-tend un début et donc de fil en aiguille un milieu.
Oui, le comédien va nous faire beaucoup rire.
On connaît le proverbe québécois cité naguère par Philippe Geluck : « Le début n’est pas loin de la fin et la fin est très proche du début, surtout quand le milieu n’est pas ben long ! ».
Dans son spectacle, Solal Bouloudnine va illustrer cet adage de la belle province en tordant le cou à la linéarité temporelle.
Les trois actes vont donc se retrouver sens dessus-dessous, se jouant du temps, nous forçant à tout remettre en ordre par nous-mêmes.
C’est ainsi qu’il commence directement par la fin.
D’où le costume de tennisman de son personnage et cette partie qu’il dispute dans sa chambre d’enfants, dès lors que nous pénétrons dans la salle.
Ecrit conjointement avec ses deux metteurs en scène, Maxim Mikoljczak et Olivier Veillon, ce spectacle va faire fonctionner à plein régime nos zygomatiques.
Solal Bouloudnine ne va pas ménager sa peine, dans le b…. azar qui règne dans cette chambre de gosse, avec des tas de jouets des années 90.
Durant une heure et vingt minutes, il va raconter cette histoire personnelle qui rejoint l’histoire musicale et sociologique de notre pays, avec la perte de celui qui laissait passer les rêves.
Dans une mise en scène très fluide (j’aurais pu également « fluides » avec un « s »… Je vous laisse découvrir...), le comédien va arpenter avec une énergie magnifique le plateau, en interprétant une foultitude de personnages différents.
Parce que c’est jouissif de jouer plusieurs personnages sur un plateau de théâtre !
Des personnages qui vont chacun leur tour nous faire vivre les moments importants de l’existence de jeune Solal.
Des personnages plus ou moins déjantés, plongés dans des saynètes souvent hallucinées et dans des images d'archives ou de souvenirs personnels.
Nòus allons faire la connaissance d'une fonctionnaire irrésistible au sein d’un monde imaginaire dans lequel les parents peuvent choisir l’âge de la mort de leur bébé, d'une maîtresse en burn-out, de la bouchère bourguignonne du comédien, d'Emilie l’intermédiaire entre Solal et Anaïs, (je n’en dis pas plus) ou encore du coach de foot à la voix sponsorisée par Marlboro…
Le comédien les incarne, toujours en short et en polo plus ou moins blancs, en changeant un ou deux accessoires seulement. Et ça fonctionne.
Mais trois de ces personnages surpassent les autres !
Tout d’abord la maman de Solal.
Le comédien en fait un archétype de la mère juive, surprotectrice et qui est à la mauvaise foi ce que le poulet au citron est au shabbat.
Et puis surtout, le père chirurgien spécialiste du mou, et un rabbin grand connaisseur d’histoires.
Solal Bouloudnine les interprète tous les deux en prenant la voix, l’accent juif séfarade et les intonations de Gilbert Melki dans « La vérité si je mens » ou « Kaboul Kitchen ».
Ces deux personnages sont tout à fait réjouissants et génèrent de vrais fou-rires dans le public.
(la scène de l’opération de M. Benkemoun est à cet égard un sommet ! )
Seras-tu là ? , c'est également une ode à la chanson dite de variété.
Les chansons qui racontent en trois minutes des histoires qui restent dans notre tête, et pour les plus réussies dans notre patrimoine culturel.
De ce point de vue, cette entreprise artistique est également très réussie.
Ce seul-en-scène à nuls autres pareil est de ceux auxquels il faut vraiment assister. Le tonnerre d'applaudissements qui attend le comédien est à cet égard très significatif.
On ressort de ce Seras-tu là ? complètement revigoré et d’une certaine façon rassuré : la fin arrivera, certes, mais on a encore le temps…
Et sinon, vous allez bien à la selle, vous avez des gaz ?
Celui-ci, qui le 2 août 1992, décide de disputer un match de tennis avec un ami.
Un match qui va occasionner une crise cardiaque fatale.
Celui-ci, c’est Michel Berger. Evidemment.
Ce jour-là, l’auteur-compositeur-interprète décède et rejoint le paradis blanc, faisant de fait prendre conscience à un petit groupie du pianiste âgé de six ans, onze mois et vingt jours de l’inéluctabilité commune au genre humain : la mort.
Solal Bouloudnine est ce petit garçon, voisin de villégiature de Celui qui chante et qui postule qu’il n’y a vraiment que l’amour qui vaille la peine.
La disparition du Prince des villes en général et de Ramatuelle en particulier va faire réaliser au petit Solal que tout à une fin. Même et peut-être surtout la vie.
Ce spectacle seul-en-scène Seras-tu là ?, est en quelque sorte un moyen d’exorciser cette angoisse générée ce jour-là.
Une manière de nous raconter ce traumatisme enfantin.
Où comment parler de façon hilarante et vertigineuse de la mort, de cette fin qui sous-tend un début et donc de fil en aiguille un milieu.
Oui, le comédien va nous faire beaucoup rire.
On connaît le proverbe québécois cité naguère par Philippe Geluck : « Le début n’est pas loin de la fin et la fin est très proche du début, surtout quand le milieu n’est pas ben long ! ».
Dans son spectacle, Solal Bouloudnine va illustrer cet adage de la belle province en tordant le cou à la linéarité temporelle.
Les trois actes vont donc se retrouver sens dessus-dessous, se jouant du temps, nous forçant à tout remettre en ordre par nous-mêmes.
C’est ainsi qu’il commence directement par la fin.
D’où le costume de tennisman de son personnage et cette partie qu’il dispute dans sa chambre d’enfants, dès lors que nous pénétrons dans la salle.
Ecrit conjointement avec ses deux metteurs en scène, Maxim Mikoljczak et Olivier Veillon, ce spectacle va faire fonctionner à plein régime nos zygomatiques.
Solal Bouloudnine ne va pas ménager sa peine, dans le b…. azar qui règne dans cette chambre de gosse, avec des tas de jouets des années 90.
Durant une heure et vingt minutes, il va raconter cette histoire personnelle qui rejoint l’histoire musicale et sociologique de notre pays, avec la perte de celui qui laissait passer les rêves.
Dans une mise en scène très fluide (j’aurais pu également « fluides » avec un « s »… Je vous laisse découvrir...), le comédien va arpenter avec une énergie magnifique le plateau, en interprétant une foultitude de personnages différents.
Parce que c’est jouissif de jouer plusieurs personnages sur un plateau de théâtre !
Des personnages qui vont chacun leur tour nous faire vivre les moments importants de l’existence de jeune Solal.
Des personnages plus ou moins déjantés, plongés dans des saynètes souvent hallucinées et dans des images d'archives ou de souvenirs personnels.
Nòus allons faire la connaissance d'une fonctionnaire irrésistible au sein d’un monde imaginaire dans lequel les parents peuvent choisir l’âge de la mort de leur bébé, d'une maîtresse en burn-out, de la bouchère bourguignonne du comédien, d'Emilie l’intermédiaire entre Solal et Anaïs, (je n’en dis pas plus) ou encore du coach de foot à la voix sponsorisée par Marlboro…
Le comédien les incarne, toujours en short et en polo plus ou moins blancs, en changeant un ou deux accessoires seulement. Et ça fonctionne.
Mais trois de ces personnages surpassent les autres !
Tout d’abord la maman de Solal.
Le comédien en fait un archétype de la mère juive, surprotectrice et qui est à la mauvaise foi ce que le poulet au citron est au shabbat.
Et puis surtout, le père chirurgien spécialiste du mou, et un rabbin grand connaisseur d’histoires.
Solal Bouloudnine les interprète tous les deux en prenant la voix, l’accent juif séfarade et les intonations de Gilbert Melki dans « La vérité si je mens » ou « Kaboul Kitchen ».
Ces deux personnages sont tout à fait réjouissants et génèrent de vrais fou-rires dans le public.
(la scène de l’opération de M. Benkemoun est à cet égard un sommet ! )
Seras-tu là ? , c'est également une ode à la chanson dite de variété.
Les chansons qui racontent en trois minutes des histoires qui restent dans notre tête, et pour les plus réussies dans notre patrimoine culturel.
De ce point de vue, cette entreprise artistique est également très réussie.
Ce seul-en-scène à nuls autres pareil est de ceux auxquels il faut vraiment assister. Le tonnerre d'applaudissements qui attend le comédien est à cet égard très significatif.
On ressort de ce Seras-tu là ? complètement revigoré et d’une certaine façon rassuré : la fin arrivera, certes, mais on a encore le temps…
Et sinon, vous allez bien à la selle, vous avez des gaz ?
9,5/10
Elle qui l’aimait tant,
Le beau remplaçant de Saint-Jean…
Va donc, eh Bouffon !...
Les fidèles lecteurs de ce site le savent, je suis l’un des plus fervents fans du travail d’Emmanuel Besnault et de la compagnie L’éternel été.
Je leur dois l’une des plus belles version des Fourberies de Scapin à laquelle il m’ait été donné d’assister ! Et j’en ai vu, de ces Fourberies-là !
Eh bien, figurez-vous que je vais pouvoir réécrire la phrase ci-dessus en remplaçant « Fourberies de Scapin » par « Fantasio » !
Cette vision du chef d’œuvre de Musset est en effet une petite merveille théâtrale !
Emmanuel Besnault confirme s’il en était encore besoin sa capacité à adopter des parti-pris on ne peut plus judicieux, incisifs et cohérents. Sans concessions.
Comment, tout en mettant admirablement en valeur la langue de Musset, comment faire ressortir le côté burlesque de la pièce, et surtout comment magnifier le propos intrinsèque de l'auteur, à savoir montrer une jeunesse lassée des plaisirs faciles, de la vacuité du monde qui l’entoure, une jeunesse qui veut et va s’engager, prenant en main son destin ?
Voici ce à quoi que sont admirablement parvenus les membres de cette épatante compagnie.
Ce Fantasio-là, c’est exactement ce dont nous avons besoin en ce moment, c’est précisément une version « qui envoie le bois », qui « déménage », comme on pourrait dire dans le monde du rock’n roll, un monde qui figurera également sur scène.
Burlesques, certes, ces quatre-vingt minutes, mais également rock’n roll.
Une heure et vingt minutes de pure énergie, de mouvement, un tourbillon exaltant qui en permanence nous fait vibrer.
Le tout dans la magnifique scénographie du patron, (je pèse cet épithète magnifique) évoquant Venise, avec sa lagune, ses petites passerelles lors de l’aqua alta, les pontons et les poteaux bicolores pour les gondoles, les caves, les guirlandes lumineuses.
Sans oublier un petit castelet.
Oui oui, on trouve tout ceci sur la scène de la salle rouge du Lucernaire !
Le tout avec également les formidables et chatoyants costumes de Valentin Perrin. (Je donnerais cher pour me glisser un moment dans la très belle redingote faite de losanges à paillettes du héros!)
Le théâtre d’Emmanuel Besnault est un théâtre qui saisit pleinement l’importance du corps.
Le texte, certes, mais le corps avant tout!
Ici, les cinq comédiens ne vont pas ménager leur peine.
Les corps vont s’attirer, se repousser, les corps vont tomber, se relever, courir, sauter, avec toujours cette impression que le curseur est placé à son exacte position.
Des corps parfois anonymisés, grâce ici à un jeu de masques, avec notamment une scène d’exposition très réussie qui débute la pièce et qui donne le ton général de ce qui va suivre.
Fantasio, c’est l’épatant Benoit Gruel, qui campe un grand fou du roi.
Le comédien est impressionnant, à incarner ce jeune homme en nous faisant à chaque instant ressentir pleinement ce qui fait intimement fonctionner le personnage.
Il est à la fois très drôle (ses ruptures, ses gestuelles et mimiques chafouines, langoureuses, étonnées, ses poses de rock star nous enchantent) et à la fois très émouvant, notamment dans la magnifique scène d’enterrement du bouffon précédent, le fameux Saint-Jean.
Sa composition très aboutie nous fait également parfaitement comprendre la progression psychologique de son personnage.
Le passage de l’oisiveté et de la vacuité de l’existence vers une forme d’engagement en politique et de prise en mains de la res publica, tout ceci est ici très limpide.
De grands moments nous attendent également, grâce aux quatre autres comédiens.
Les duos ont particulièrement été soignés, avec les deux « couples » symétriques de la pièce.
Manuel Le Velly en Prince de Mantoue et Lionel Fournier dans le rôle du colonel aide de camp sont irréprochables. On est totalement en phase avec les motivations respectives de leur personnage, échangeant à qui mieux mieux leur costume.
Les deux nous font beaucoup rire, également.
Même chose chez les filles : Elisa Oriol en princesse Elsbeth minaudant et Deniz Türkmen ne donnent pas leur part au chat. Elles aussi, d’une justesse et d’un engagement total, nous ravissent.
Melle Türkem, avec un bonnet aux macarons empruntés à la Princesse Leïa est irrésistible !
Et la musique, donc !
Le quintet s’approprie de bien belle façon des titres des Doors, de Nick Cave, de David Bowie, de PJ Harvey ou des Stones, en changeant d’instruments en permanence.
Cerise sur le gâteau, Deniz Türkmen est une virtuose du Theremin, tirant de cet instrument avec des gestes fort gracieux des sons électroniques joliment éthérés.
Une ovation complètement méritée, des « Bravo !» sonores comme s’il en pleuvait attendaient hier les comédiens une fois les lumières rallumées pour les saluts.
Ne manquez surtout pas ce petit bijou !
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Let spend the night together !
Le beau remplaçant de Saint-Jean…
Va donc, eh Bouffon !...
Les fidèles lecteurs de ce site le savent, je suis l’un des plus fervents fans du travail d’Emmanuel Besnault et de la compagnie L’éternel été.
Je leur dois l’une des plus belles version des Fourberies de Scapin à laquelle il m’ait été donné d’assister ! Et j’en ai vu, de ces Fourberies-là !
Eh bien, figurez-vous que je vais pouvoir réécrire la phrase ci-dessus en remplaçant « Fourberies de Scapin » par « Fantasio » !
Cette vision du chef d’œuvre de Musset est en effet une petite merveille théâtrale !
Emmanuel Besnault confirme s’il en était encore besoin sa capacité à adopter des parti-pris on ne peut plus judicieux, incisifs et cohérents. Sans concessions.
Comment, tout en mettant admirablement en valeur la langue de Musset, comment faire ressortir le côté burlesque de la pièce, et surtout comment magnifier le propos intrinsèque de l'auteur, à savoir montrer une jeunesse lassée des plaisirs faciles, de la vacuité du monde qui l’entoure, une jeunesse qui veut et va s’engager, prenant en main son destin ?
Voici ce à quoi que sont admirablement parvenus les membres de cette épatante compagnie.
Ce Fantasio-là, c’est exactement ce dont nous avons besoin en ce moment, c’est précisément une version « qui envoie le bois », qui « déménage », comme on pourrait dire dans le monde du rock’n roll, un monde qui figurera également sur scène.
Burlesques, certes, ces quatre-vingt minutes, mais également rock’n roll.
Une heure et vingt minutes de pure énergie, de mouvement, un tourbillon exaltant qui en permanence nous fait vibrer.
Le tout dans la magnifique scénographie du patron, (je pèse cet épithète magnifique) évoquant Venise, avec sa lagune, ses petites passerelles lors de l’aqua alta, les pontons et les poteaux bicolores pour les gondoles, les caves, les guirlandes lumineuses.
Sans oublier un petit castelet.
Oui oui, on trouve tout ceci sur la scène de la salle rouge du Lucernaire !
Le tout avec également les formidables et chatoyants costumes de Valentin Perrin. (Je donnerais cher pour me glisser un moment dans la très belle redingote faite de losanges à paillettes du héros!)
Le théâtre d’Emmanuel Besnault est un théâtre qui saisit pleinement l’importance du corps.
Le texte, certes, mais le corps avant tout!
Ici, les cinq comédiens ne vont pas ménager leur peine.
Les corps vont s’attirer, se repousser, les corps vont tomber, se relever, courir, sauter, avec toujours cette impression que le curseur est placé à son exacte position.
Des corps parfois anonymisés, grâce ici à un jeu de masques, avec notamment une scène d’exposition très réussie qui débute la pièce et qui donne le ton général de ce qui va suivre.
Fantasio, c’est l’épatant Benoit Gruel, qui campe un grand fou du roi.
Le comédien est impressionnant, à incarner ce jeune homme en nous faisant à chaque instant ressentir pleinement ce qui fait intimement fonctionner le personnage.
Il est à la fois très drôle (ses ruptures, ses gestuelles et mimiques chafouines, langoureuses, étonnées, ses poses de rock star nous enchantent) et à la fois très émouvant, notamment dans la magnifique scène d’enterrement du bouffon précédent, le fameux Saint-Jean.
Sa composition très aboutie nous fait également parfaitement comprendre la progression psychologique de son personnage.
Le passage de l’oisiveté et de la vacuité de l’existence vers une forme d’engagement en politique et de prise en mains de la res publica, tout ceci est ici très limpide.
De grands moments nous attendent également, grâce aux quatre autres comédiens.
Les duos ont particulièrement été soignés, avec les deux « couples » symétriques de la pièce.
Manuel Le Velly en Prince de Mantoue et Lionel Fournier dans le rôle du colonel aide de camp sont irréprochables. On est totalement en phase avec les motivations respectives de leur personnage, échangeant à qui mieux mieux leur costume.
Les deux nous font beaucoup rire, également.
Même chose chez les filles : Elisa Oriol en princesse Elsbeth minaudant et Deniz Türkmen ne donnent pas leur part au chat. Elles aussi, d’une justesse et d’un engagement total, nous ravissent.
Melle Türkem, avec un bonnet aux macarons empruntés à la Princesse Leïa est irrésistible !
Et la musique, donc !
Le quintet s’approprie de bien belle façon des titres des Doors, de Nick Cave, de David Bowie, de PJ Harvey ou des Stones, en changeant d’instruments en permanence.
Cerise sur le gâteau, Deniz Türkmen est une virtuose du Theremin, tirant de cet instrument avec des gestes fort gracieux des sons électroniques joliment éthérés.
Une ovation complètement méritée, des « Bravo !» sonores comme s’il en pleuvait attendaient hier les comédiens une fois les lumières rallumées pour les saluts.
Ne manquez surtout pas ce petit bijou !
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Let spend the night together !
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9,5/10
Jusqu’à prof du contraire ! La littérature et l'amour nous sont essentiels !
Ce sont en effet deux professeures de lettres, et pas n’importe lesquelles, qui vont nous démontrer le postulat ci-dessus, ce lemme du je t’aime.
Ces deux profs très particulières, chacune à sa façon, sont nées de l’imagination d’Edwige Baily et de Julien Poncet, qui, un « beau » jour du printemps 2020, se sont rencontrés durant la mise à l’arrêt forcée du secteur théâtral, et se sont reconnus dans un besoin de créer cet objet théâtral unique et formidable.
Ces deux-là, durant cette heure et dix minutes que dure le spectacle, vont nous faire sacrément réfléchir à notre besoin d’appropriation des grands textes littéraires, tout en nous faisant beaucoup rire.
Melle Baily sera ces deux valeureuses enseignantes, qui se sont donné pour mission de prêcher, non pas dans le désert, (encore que, parfois…), mais dans différentes salles de classes, la passion et la nécessité de la littérature dans nos petites vies.
Ces deux profs de lettres vont nous enseigner tout ceci, à nous autres spectateurs-élèves, chacune à sa manière.
Tout commence après une traversée d’une espèce de spectre de la cour au jardin par une tonitruante entrée en scène de la comédienne, dans un espace scénique vide, à l’exception d’une table issue de l’UGAP, l’Union des Achats des Groupements Publics, de celles que l’on trouve par milliers dans les établissements scolaires de notre pays.
Et un seau. Ne l’oublions pas, ce seau très important
Au lointain, un mur noir, avec en son milieu une porte en bois.
Elle surgit, plutôt qu’elle ne pénètre sur le plateau, Edwige Baily !
Un roulé boulé, un cartable qui tombe des cintres, une pose sens dessus-dessous hilarante, la voici, cette première enseignante.
Elle se présente, et surtout nous fait prendre conscience de sa mission d'importance : « Faire de nous des honnêtes hommes ! »
De sa voix à l’accent bruxellois épatant et générateur immédiatement de drôlerie, elle va nous démontrer les vertus des belles lettres en nous racontant avec ses mots à elle, ses expressions contemporaines, ses double-sens, sa gestuelle époustouflante de cocasserie, la tragédie d’Antigone.
Rien que ça !
Pour déménager, ça va déménager !
Allant jusqu’à créer un véritable chaos sur le plateau, la comédienne est époustouflante !
Les personnages qu’elle fait incarner à son personnage, les Œdipe, Créon, Jocaste et consorts prennent vie devant nous de façon jubilatoire et passionnante.
Perchée sur la table, accroupie les jambes écartées, elle campe un inoubliable sphinx !
Qu’est-ce qu’elle est drôle !
Et puis, vient se greffer l’apparition du deuxième personnage.
L’autre professeure, militante des Lettres, enseignante qui n’hésite pas à prolonger les cours chez elle, afin de faire partager sa passion.
Et puis, de fil en aiguille, qui va tomber amoureuses de l’un de ses élèves et vivre un réel amour avec lui.
(Je vous vois venir, lecteurs ô combien au fait de notre actualité ! Non, cette professeure ne s’appelle pas Brigitte !)
L’élève se prénomme quant à lui Gabriel. (La référence à l’histoire vraie arrivée à Gabrielle Russier, en 1969, est alors évidente)
Edwige Baily alterne les deux personnages, avec des enchaînements explosifs et millimétrés.
Durant tout le spectacle, elle ne va ménager ni sa peine ni son énergie. Et ce, tout en nous disant un texte intense aux formules et aux images savoureuses.
Une réelle vis comica émane de sa personne.
Avec une vraie capacité à investir l’espace scénique, bougeant sans arrêt, dansant, bondissant, arpentant le plateau avec une gestuelle et des mouvements souvent exacerbés, provoquant les rires du public.
Je vous décrirais bien sa façon pour le moins surréaliste d’utiliser son tableau noir ou encore son seau, mais il me faut vous laisser découvrir par vous-mêmes tout ceci !
Au final, le propos de ce spectacle est tout à fait passionnant.
Il nous questionne sur la place de la littérature, avec ce besoin très humain d’avoir envie de recevoir des histoires en tous genres et de nous confronter avec des héros qui vont nous faire accepter notre propre réalité.
Ces histoires et ces héros qui nourrissent nos rêves et qui influencent nos propres existences, notre recherche de l’amour plus ou moins absolu, quoi que l’on puisse en dire et en penser.
A ce titre, ce propos est brillamment mis en évidence par cette entreprise artistique.
Tout comme est mis en évidence un réel et très bel hommage aux passeurs, à ceux qui transmettent cet amour des textes aux têtes plus ou moins blondes que l’institution scolaire place devant, et parfois avec eux.
Des enseignants qui font comprendre que l’Amour et la Culture sont notre lot et notre patrimoine communs, se jouant parfois de la morale et nous permettant très très souvent de rendre notre existence supportable.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner les très belles et très délicates lumières que l’on doit également à Julien Poncet qui met magnifiquement en valeur Edwige Baily.
Je vous conseille vivement cet intelligent et brillant spectacle. Une magnifique ode à la Littérature !
On ressort du Petit Montparnasse totalement enthousiasmé !
Ce sont en effet deux professeures de lettres, et pas n’importe lesquelles, qui vont nous démontrer le postulat ci-dessus, ce lemme du je t’aime.
Ces deux profs très particulières, chacune à sa façon, sont nées de l’imagination d’Edwige Baily et de Julien Poncet, qui, un « beau » jour du printemps 2020, se sont rencontrés durant la mise à l’arrêt forcée du secteur théâtral, et se sont reconnus dans un besoin de créer cet objet théâtral unique et formidable.
Ces deux-là, durant cette heure et dix minutes que dure le spectacle, vont nous faire sacrément réfléchir à notre besoin d’appropriation des grands textes littéraires, tout en nous faisant beaucoup rire.
Melle Baily sera ces deux valeureuses enseignantes, qui se sont donné pour mission de prêcher, non pas dans le désert, (encore que, parfois…), mais dans différentes salles de classes, la passion et la nécessité de la littérature dans nos petites vies.
Ces deux profs de lettres vont nous enseigner tout ceci, à nous autres spectateurs-élèves, chacune à sa manière.
Tout commence après une traversée d’une espèce de spectre de la cour au jardin par une tonitruante entrée en scène de la comédienne, dans un espace scénique vide, à l’exception d’une table issue de l’UGAP, l’Union des Achats des Groupements Publics, de celles que l’on trouve par milliers dans les établissements scolaires de notre pays.
Et un seau. Ne l’oublions pas, ce seau très important
Au lointain, un mur noir, avec en son milieu une porte en bois.
Elle surgit, plutôt qu’elle ne pénètre sur le plateau, Edwige Baily !
Un roulé boulé, un cartable qui tombe des cintres, une pose sens dessus-dessous hilarante, la voici, cette première enseignante.
Elle se présente, et surtout nous fait prendre conscience de sa mission d'importance : « Faire de nous des honnêtes hommes ! »
De sa voix à l’accent bruxellois épatant et générateur immédiatement de drôlerie, elle va nous démontrer les vertus des belles lettres en nous racontant avec ses mots à elle, ses expressions contemporaines, ses double-sens, sa gestuelle époustouflante de cocasserie, la tragédie d’Antigone.
Rien que ça !
Pour déménager, ça va déménager !
Allant jusqu’à créer un véritable chaos sur le plateau, la comédienne est époustouflante !
Les personnages qu’elle fait incarner à son personnage, les Œdipe, Créon, Jocaste et consorts prennent vie devant nous de façon jubilatoire et passionnante.
Perchée sur la table, accroupie les jambes écartées, elle campe un inoubliable sphinx !
Qu’est-ce qu’elle est drôle !
Et puis, vient se greffer l’apparition du deuxième personnage.
L’autre professeure, militante des Lettres, enseignante qui n’hésite pas à prolonger les cours chez elle, afin de faire partager sa passion.
Et puis, de fil en aiguille, qui va tomber amoureuses de l’un de ses élèves et vivre un réel amour avec lui.
(Je vous vois venir, lecteurs ô combien au fait de notre actualité ! Non, cette professeure ne s’appelle pas Brigitte !)
L’élève se prénomme quant à lui Gabriel. (La référence à l’histoire vraie arrivée à Gabrielle Russier, en 1969, est alors évidente)
Edwige Baily alterne les deux personnages, avec des enchaînements explosifs et millimétrés.
Durant tout le spectacle, elle ne va ménager ni sa peine ni son énergie. Et ce, tout en nous disant un texte intense aux formules et aux images savoureuses.
Une réelle vis comica émane de sa personne.
Avec une vraie capacité à investir l’espace scénique, bougeant sans arrêt, dansant, bondissant, arpentant le plateau avec une gestuelle et des mouvements souvent exacerbés, provoquant les rires du public.
Je vous décrirais bien sa façon pour le moins surréaliste d’utiliser son tableau noir ou encore son seau, mais il me faut vous laisser découvrir par vous-mêmes tout ceci !
Au final, le propos de ce spectacle est tout à fait passionnant.
Il nous questionne sur la place de la littérature, avec ce besoin très humain d’avoir envie de recevoir des histoires en tous genres et de nous confronter avec des héros qui vont nous faire accepter notre propre réalité.
Ces histoires et ces héros qui nourrissent nos rêves et qui influencent nos propres existences, notre recherche de l’amour plus ou moins absolu, quoi que l’on puisse en dire et en penser.
A ce titre, ce propos est brillamment mis en évidence par cette entreprise artistique.
Tout comme est mis en évidence un réel et très bel hommage aux passeurs, à ceux qui transmettent cet amour des textes aux têtes plus ou moins blondes que l’institution scolaire place devant, et parfois avec eux.
Des enseignants qui font comprendre que l’Amour et la Culture sont notre lot et notre patrimoine communs, se jouant parfois de la morale et nous permettant très très souvent de rendre notre existence supportable.
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner les très belles et très délicates lumières que l’on doit également à Julien Poncet qui met magnifiquement en valeur Edwige Baily.
Je vous conseille vivement cet intelligent et brillant spectacle. Une magnifique ode à la Littérature !
On ressort du Petit Montparnasse totalement enthousiasmé !