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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
Royan, la professeure de français

Royan, la professeure de français

9,5/10
9
Ouvrez ouvrez la cage aux grands maux…

La cage, celle de l’escalier de cet immeuble, dans laquelle pénètre une femme.

Trench coat, chemisier blanc, pantalon à pinces, petits mocassins. Un cartable de cuir dans une main, un sac de papier kraft dans l’autre

La cage mentale de cette femme, également.



Une prof.

Elle relève son courrier dans la boîte aux lettres, et soudain se fige.

Deux personnes l’attendent sur son palier, quelques étages plus hauts. Deux personnes qu’elle ne veut surtout pas rencontrer.

Deux personnes qu’elle a tout mis en œuvre pour les fuir, jusqu’à cet instant-même.

Les parents de Daniella, son élève victime de harcèlement, et qui s’est suicidée voici un mois en se défenestrant.

Un père et une mère qui cherchent des explications.

Daniella, qu’en tant que professeure, elle n’a pas su, pas pu, pas voulu aider lorsqu’il en était encore temps.

Pour autant, elle va s’adresser à ces trois figures absentes de la scène, mais ô combien présentes dans l’esprit de cette professeure de Français.


Tel est le point de départ de ce monologue, issu de volontés multiples.

Celle de Nicole Garcia, qui voulait retourner sur les planches, avec un texte contemporain.

Celle de Frédéric-Bélier Garcia, qui souhaitait travailler à nouveau avec Marie Ndiaye, au cours d’une quatrième rencontre artistique.

Celle de Marie Ndiaye elle-même, très intéressée de bâtir une fiction autour de Melle Garcia, et qui lui a proposé de choisir quelques mots : solitude, trahison, souvenir…



Une nouvelle fois, l’auteure, de sa plume intense et implacable, s’empare d’un sujet de société très actuel, en nous présentant un fulgurant et magnifique portrait de femme.

Nous allons assister à une vertigineuse introspection, une plongée quasi psychanalytique dans les domaines du conscient ou inconscient de cette femme.

Ce suicide la renvoie à son propre vécu, à ses propres dilemmes, à ses propres démons.

Ici, une certaine libération de la parole va faire en sorte de dresser par petites touches ce portrait fait d’images passées, de « confessions » et surtout de justifications.

Ce drame lui fait également revivre son propre parcours, d’Oran à Royan, un parcours qu’elle tente de nous reconstituer.

Cette parole adressée à un père et une mère sonne comme une Déploration mystique, qui, comme une sorte de prière profane, permettrait ainsi à l’âme de son élève de trouver la paix.

Une vraie lucidité, une vraie volonté de se livrer émane de ce magnifique personnage.

« Je ne suis pas une femme aimante. Ni une femme aimée », dit-elle à distance et sans les voir ni les regarder aux deux parents, et donc à nous autres spectateurs.



Elle pénètre côté jardin, dans la très belle scénographie de Jacques Gabel, qui a su faire de cet espace fermé et réduit qu’est une cage d’escalier un univers très ouvert aux dires et aux déplacements.

Une voix ! Et quelle voix !

A nulle autre pareille, immédiatement reconnaissable entre toutes.

Une voix grave, un peu éraillée, au débit assez rapide.

Celle de Nicole Garcia qui va incarner de façon puissante, saisissante, viscérale cette femme que ce drame oblige à plonger en elle-même.

Elle va purement et simplement nous sidérer. Au sens noble du terme.

Seule une immense comédienne peut se confronter à un tel texte, à un tel flot flamboyant de phrases et de circonvolutions narratives.

Melle Garcia réussit de façon magistrale à incarner par ce jeu de miroirs cette sorte d’étrange folie issue d’une perception on ne peut plus juste et clairvoyante de la terrible réalité.



La comédienne est bouleversante dans ce rôle qui met en lumière les pensées les plus intenses et complexes du personnage, son théâtre intérieur, et qui fait en sorte de nous confronter à notre propre mode de fonctionnement.

Il est impossible à un moment ou à un autre de nous projeter dans ce personnage.

Frédéric Bélier-Garcia a parfaitement réussi à mettre en scène sa maman, lui permettant de dire certes ce qu’elle a à dire, mais de la mettre pleinement en valeur dans ce grand espace scénique qu’est le plateau de l’Espace Cardin.

Cette espèce de périmètre de moquette orange est investie de façon très judicieuse.

Un autre parti-pris a été subtilement choisi, et que l’on rencontre de moins en moins dans les théâtres : un projecteur de poursuite souligne délicatement (on n’est tout de même pas au music-hall) les déplacements de la comédienne.

Ceci renforce cette impression de puissance verbale et narrative, soulignant la spécifique entreprise mentale que s’est fixé son personnage.


Dès le premier salut, une véritable ovation accueille Nicole Garcia, les « Bravo ! » fusent.

Quoi de plus mérité !

J’ai assisté hier à une magnifique et intense leçon de théâtre !
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Cecil L. Recchia, en concert au Bal Blomet

Cecil L. Recchia, en concert au Bal Blomet

10/10
10
​

Mon pays, ce n’est pas un pays, Gulliver !

Eux deux, je les aime ! Vraiment !

Les fidèles lecteurs de ce site le savent bien : je suis un fan inconditionnel du travail de Valérie Lesort, celle qui toute petite voulait fabriquer des monstres, et de Christian Hecq.

Une nouvelle fois, ces deux-là, ces deux fous-poètes merveilleux nous proposent un spectacle à nul autre pareil, une heure et demie de grâce, de poésie, de créativité, d’extraordinaire inventivité et d’humour ravageur.

Et de technique aussi.

En l’occurrence, celle du théâtre noir, inventé et théorisé par le belge (encore un !…) Alfred de Saint-Gennois (1857-1939), alias le Professeur Dicksonn, qui le premier eut l’idée d’adapter le tour de la boîte noire des prestidigitateurs à l’échelle d’une scène, en l’occurrence celle du théâtre Robert-Houdin.

C’est grâce à ce « tunnel noir » savamment éclairé (ou pas) qu’il est possible pour Melle Lesort et M. Hecq de nous montrer des personnages hybrides de 50 cm de hauteur (bien pratique pour des Lilliputiens), ou encore de permettre à des objets ou à des oiseaux de voler.

C’est avec cette technique qu’ils avaient déjà ravi le public de la Comédie Française avec leur version de 20000 lieues sous les mers, et surtout celui de l’Opéra Comique avec le délicieux spectacle Petite Balade aux enfers ou encore, toujours à l’Opéra Comique, Le cabaret horrifique.

Ici, à l’Athénée, Valérie Lesort a adapté le premier voyage de Gulliver.

Elle en a fait un savoureux et irrésistible moment qui prend la forme d’un épisode du Muppet-Show, cette émission qui constitue pour elle une inépuisable source d’inspiration.

Un invité humain dans un monde de marionnettes.

Cet invité c’est Gulliver, interprété par Renan Carteaux, qui sera également le narrateur.

Il a d’ailleurs le pouvoir de figer l’action, afin de faire avancer le discours narratif.

Les lilliputiens seront donc des êtres faits de la tête des comédiens et le corps de poupées animées.

Immédiatement, le public est conquis. Ce décalage d’échelle et cette disproportion corporelle sont les vecteurs des premiers rires dans la salle.

De savants maquillages, les petits costumes toujours aussi réussis de Vanessa Sannino (celui très sexy de la reine Cachaça est épatant… Je n’en dis pas plus…), tout ceci concourt à la poésie et au merveilleux.

Christian Hecq, artiste protéiforme, formé également à l’école du mime et du cirque, a une nouvelle fois su parfaitement faire bouger ces marionnettes-hybrides.

Ici, les gestes, les déplacements sont poussés à leur paroxysme, à leur état optimal.

Il y a quelque chose des grands artistes burlesques, dans cette façon de pousser chaque mouvement jusqu’au maximum.

Cette « optimisation » du geste et du déplacement provoque bien des rires dans la salle.

C’est ainsi que de très grands moments nous attendent, au royaume de Lilliput, dont les fils sont bien connus. (J’ai bien retenu l’insulte, Melle Lesort ! )

Un conseil de famille royale impitoyable, un banquet plantureux (et moi de me remémorer une nouvelle fois la formidable scène de la pomme, à l’Opéra Comique, dans le Domino Noir), une furieuse bataille navale au cours de laquelle les boulets pleuvent !), ou encore un incendie propice (sans jeu de mots…) à la disgrâce du héros, toutes ces scènes nous font beaucoup rire !

Il y a quelque chose de l’enfance dans tout ça. Une enfance qui ne se censure pas.

Les deux metteurs en scène nous proposent un monde où tout est possible, où il n’y a qu’à exercer son imagination pour enclencher telle ou telle situation : « on dirait qu’on ferait ceci », « on n’aurait qu’à dire que je suis untel »…)

Bien entendu, une autre réussite de l’entreprise est de proposer un spectacle à multiples lectures.
Il y a le conte pour les petits, mais il y a surtout cette histoire humaniste et philosophique écrite par Jonathan Swift, dans laquelle, sont évoqués le respect de l’autre, l’acceptation de la différence, le libre-arbitre de chacun ou encore la capacité de se faire entendre et d’avancer ses propres arguments.

Ce spectacle est également une comédie musicale, avec des chansons très réussies et des chorégraphies des marionnettes très abouties.

Et nous dans la salle d’avoir nous aussi envie de bouger en rythme avec elles.

Un coup de chapeau aux deux compositeurs Mich Ochowiak et Dominique Bataille !

Et puis la toute dernière scène ! La toute dernière image apparaissant dans un nuage de fumée !

Y aura-t-il une suite, un deuxième voyage de Gulliver ?

Une nouvelle fois, nous ressortons d’un spectacle de Valérie Lesort et Christian Hecq complètement subjugués.

Les deux artistes n’en finissent plus de nous plonger dans le monde du merveilleux.

Un monde à la fois poétique et débridé.

C’est drôle, c’est intelligent, c’est brillant !

Courrez toutes affaires cessantes à l’Athénée. Ce spectacle est un incontournable de cet hiver !

Ce ne sont pas les élèves de 5ème C du collège Sainte-Geneviève dans le 6ème arrondissement qui vous diront le contraire, eux qui comme moi ont passé une formidable et inoubliable soirée.
​
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Belles Amies

Belles Amies

8/10
11
Sont tombées dans la piscine, mais pas en pull-marine…

Elle sont surtout tombées l’une sur l’autre, dans la rue, par hasard.
Elles se sont reconnues…

Voici une vingtaine d’années, elles étaient les meilleurs amies du monde, des « jumelles inversées », des inséparables.

Et puis un silence radio de vingt ans...

Ces deux-là partagent encore néanmoins une passion aquatique pour la piscine et la natation.

C’est dans ce milieu propice aux confidences, aux révélations en tous genres, aux nécessaires explications, mais aussi aux non-dits, aux sentiments cachés qu’est le vestiaire que va se dérouler ce thriller psychologique.

Une grande leçon d’humidité, en quelque sorte...

Anne Cardona a écrit un face à face intense, une joute verbale, un combat des mots et des sentiments entre deux femmes.

Deux filles qui vont nous raconter leurs histoires respectives mais surtout leur histoire commune. Une singulière histoire.

Un spectacle qui confronte deux quarantenaires que tout ou presque oppose.

Tout comme dans le roman pratiquement éponyme de Maupassant, Bel-Ami, nous assistons ici à une sorte de descente irrémédiable vers l'abyme, après une époque très heureuse.

Une époque révolue et regrettée, un temps que l’on ne peut pas rattraper, malgré tous les efforts réalisés en ce sens.

Ce qui frappe les spectateurs, immédiatement après avoir pénétré dans la salle, c’est l’épatant décor qui nous est révélé.

Rien ne manque : le bassin, les mouvements de l’eau rendus possibles grâce à une projection vidéo, les lignes de flottaison, mais également les douches, les casiers et les petits bancs…

Impossible de faire semblant de ne pas savoir où va se passer la majeure partie de la pièce.

Cette belle et très réussie scénographie, nous la devons à l’autrice-comédienne et à Renato Ribeiro, le metteur en scène. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Et puis, nous faisons la connaissance des deux personnages.

Deux personnages diamétralement opposés, donc.

Gabrielle, plutôt introvertie, réservée, est artiste peintre.

Elle est célibataire. Elle nous révélera avoir été quittée par Mathieu. Nous saurons pourquoi, mais il faudra attendre les dernières vingt minutes du spectacle.

C’est Mademoiselle Cardona qui joue cette femme ambiguë.

La comédienne m’a fait une grande impression. Elle laisse planer durant la première heure une interrogation réelle sur sa vie actuelle, son existence, son histoire.

Elle parvient à nous faire ressentir un malaise latent.

Elle nous fait parfaitement supposer qu’une grande partie de ce qui est arrivé à ces deux femmes a généré nombre de ressentiments.

Un drame est arrivé, et des comptes sont encore à régler.

Agathe est l’exacte opposé.

Publicitaire, extravertie, à la recherche du temps passé et perdu, prête à se faire lifter…

Caroline Delaunay est cette femme-là, usant de tics de langage à la mode, ajoutant en permanence des « euuh » finaux là où il n’y a pas lieu d’en avoir, comme certaines jeunes et insupportables journalistes radio.

Tu comprends ce que je te dis-euuh, c’est vrai-euuh, mais oui-euuh…

Le grand enjeu pour les deux comédiennes, c’est de jouer ces deux rôles en nous faisant comprendre par petites touches puis par de larges à-plats les différences fondamentales de leurs deux caractères.

Dès les premières minutes, le défi est pleinement réussi.

En ce sens, il y a quelque chose de Pour un oui pour un non, de Nathalie Sarraute dans tout ceci.

Une femme du oui, une femme du non.

Je me suis demandé ce qu’il adviendrait si les rôles étaient inversés, comme à la création de la pièce ci-dessus en 1986, dans laquelle Jean-François Balmer et Sami Frey échangeaient parfois leur personnage...

Et puis les dernières vingt minutes arrivent.

La révélation des tenants et aboutissants de la brutale séparation de ces meilleurs amies.

Bien entendu, ne comptez pas sur moi pour vous révéler ce qui s’est passé, voici vingt ans.

Le ton change alors. Le drame éclate, terminant ce thriller dans une ambiance à la Stephen King.

Les projecteurs bleus prennent alors une teinte écarlate.

Et nous de comprendre…

Voici un moment de théâtre fort réussi.
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Christian Vander Trio

Christian Vander Trio

9,5/10
9
Christian Vander. Une légende.

Vander. Le mythique batteur, le musicien de tous les contrastes.

De la plus sauvage et puissante frappe sur les fûts de sa Canopus, à la plus délicate des caresses sur le cuivre des larges cymbales Zildjian cloutées.

A moins que ce ne soit le contraire.

Stéphane Portet, le patron des lieux, a eu la bonne idée d’inviter le leader de Magma à se produire dans le cadre des 40 ans du Sunset Sunside.

L’excellente idée, même.

Ce sera un concert en trio.

Le trio qui est au jazz ce que le quatuor est à la musique de chambre.

Une espace où chacun compte par lui-même, en tant qu’entité propre. Une forme où il n’y a ni accompagnateurs ni accompagnés.

Ce sera également un concert de retrouvailles avec deux grands jazzeux de la scène hexagonale, avec lesquels Vander n’avait pas joué depuis un petit moment.

Au piano Emmanuel Borghi, qui fut un important compagnon de route au sein des projets vandériens. Magma, bien entendu, mais également Offering et Alien.

A la contrebasse, un autre Emmanuel, Manu Grimonprez, qui lui aussi a tiré de nombreuses fois ses quatre cordes pour « le patron ».

Le concert de ce soir sera l’occasion de rendre hommage à deux compositeurs disparus.

Coltrane, bien entendu.

Coltrane, encore et toujours.

On sait évidemment l’importance de ce génie du jazz (j’assume le substantif « génie ») dans la carrière musicale et la vie personnelle de Christian Vander.

Ce dernier, à la mort du Trane, n’avait-il pas décidé de tout arrêter pour se « réfugier » en Italie ?

Hommage également à Michel Graillier, pianiste français qui lui aussi joua beaucoup avec le batteur, notamment au sein du groupe Alien, évoqué ci-dessous.

Nous retrouverons d’ailleurs dans la set-list de ce soir plusieurs titres tirés du disque éponyme, Alien, un enregistrement du concert à Antibes en 1983.

En combinaison noire, avec les éternelles griffes dorées en pendentif, Vander s’installe derrière sa batterie. Il jauge la salle de ses yeux bleus.

Et c’est parti pour The coaster, un titre composé par le tromboniste Grachan Moncur III.

Immédiatement, la complicité et la cohérence musicale entre les trois musiciens apparaît comme évidente. Ces trois-là se connaissent, sont heureux de jouer ensemble.

Christian Vander va nous ravir et nous encore nous époustoufler. A chaque fois, c’est la même chose.

Cet homme fait partie de ces musiciens – ils sont rares – totalement habités par ce qu’ils jouent, au point de quitter virtuellement la salle, pour se retrouver on ne sait où, mais en tout cas, dans un univers qu’il a fait sien.

Il n’est pour s’en persuader, qu’à l’observer attentivement.

Les yeux, le visage, passant de la plus féroce des expressions, tel un loup sauvage dans des transes hallucinées, à la plus intense béatitude dans les passages les plus délicats.

Je vous garantis que quand il vous fixe avec son regard menaçant, vous n’en menez pas large dans les premiers rangs du public…

Et puis bien entendu la phénoménale technique, (ah ces frisés, ces roulements, cette petite retenue caractéristique avant les coups assourdissants sur les cymbales!), une technique toujours unique à l’heure actuelle, influencée naguère par Elvin Jones.

Cet homme n’a toujours pas son pareil pour s’évader du rythme, cassant la pulsation initiale, pour s’affranchir de la mesure originale.

On se demande souvent comment, après de tels breaks, de telles cassures rythmiques, allant même jusqu’à insuffler un mouvement ternaire dans une composition basée sur une mesure à quatre temps, on se demande comment il peut « retomber sur ses pattes à chaque fois » .

Et pourtant, à l’admiration générale, notamment de nombreux batteurs dans la salle (et un peu aussi à leur désespoir en passant à leur propre pratique…), c’est toujours le cas.

Vander revient immanquablement, après s’être échappé un moment plus ou moins long de la convention de départ.

Il faut vraiment ressentir viscéralement la pulsation, le rythme dans tout son corps et son être pour arriver à ce rare état.

Deux titres interprétés avec Michel Graillier sur l’album évoqué plus haut : For Tomorrow, composé par McCoy Tiner, et surtout Dear Mac.

La cohérence du trio est totale. Chacun s’exprime avec un lyrisme que le grand nombre de notes à la minute ne parvient pas à étouffer.

Parfois, on a l’impression que Vander joue un solo durant tout le titre, tellement son époustouflante maîtrise de l’instrument transparaît.

Et puis Coltrane, donc !

Des tubes applaudis dès les premières mesures par les aficionados.

My favorite things, une version bouleversante de Naïma, Impressions, India…

Le batteur a fait siens ces morceaux, dont les thèmes interprétés avec beaucoup d’inspiration, de finesse et de précision par Emmanuel Borghi nous vont droit au cœur et à l’âme.

Nous aurons droit également à un magnifique Body and Soul, composée par Johnny Green, que Coltrane interprétait souvent, au point qu’on lui en attribue souvent à tort la paternité.

Emmanuel Grimonprez lui aussi nous sidérera avec des fulgurantes lignes de walking bass et un solo hallucinant, basé sur une technique de jeu en accords.

La technique, toujours au service du plus grand lyrisme du discours musical !

Un rappel. Equinox.

Coltrane, encore et toujours, à jamais, vous disais-je !

Une standing ovation salue les trois musiciens, emmenés par un Christian Vander en très grande forme.

Lui était déjà là, voici quarante ans, lors des premiers sets du Sunset Sunside.

Le concert de ce soir permettra à chacun de se dire : « J’y étais ! »
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Une télévision française

Une télévision française

9,5/10
10
Drames des années 80,
Mais drames surtout à TF1…

Oui, les années 80. Impossible de s’y tromper.
Le poster de France Gall et la photo de Denise Fabre au mur, les téléphones filaires à cadran rotatif et à trous l’attestent : nous voici retournés dans un passé encore assez proche, à la rédaction de TF1 faisant encore partie du service public.

Nous avions laissé Thomas Quillardet dans le cadre bucolique d’une prairie de la Cartoucherie de Vincennes, pour cette formidable spectacle que fut L’arbre, le maire et la médiathèque.

Voici que nous le retrouvons au Théâtre de la ville - Les Abbesses pour une passionnante et intelligente fresque dans laquelle il va évoquer certes cette chaîne d’info, mais dans laquelle il va surtout nous montrer les dérives d’une certaine forme de journalisme.

Cette pièce est en effet consacrée au journalisme.
Et quel meilleur vecteur pour évoquer le sujet que cette chaîne « mythique » qu’est TF1, qui appartient véritablement au patrimoine français, une chaîne que tout le monde regarde ou a un jour regardé ?

Sur le plateau évoquant la principale salle de rédaction de ce média audiovisuel, tout commence en 1987, à la veille de la privatisation d’une antenne du service public, bientôt annoncée par le gouvernement de l’époque.

A la rédaction du TF1 public, aucun journaliste n’est en mesure d’imaginer que dans quelques jours, il deviendra salarié du groupe Bouygues !

Tel est le point de départ de cette pièce.


Si des tensions règnent au sein des différents services, si des jalousies inévitables existent, si plusieurs visions du métier cohabitent, une certaine éthique règne néanmoins. Encore !

Thomas Quillardet à cet égard, fait dire à l’un de ses personnages une phrase essentielle :

« Nous ne sommes pas là pour jeter de l’huile sur le feu ! ».

Bien vu, non ?

Et puis, c’est le coup de tonnerre. Le groupe Bouygues et son patron « Francis » se voient confier par l’État la chaîne, suite à une audition devant le CSA promettant du théâtre, de l’opéra, de la culture en prime time.
Bien entendu, on sait ce qu’il en est des promesses : elles n’engagent que ceux qui les croient, ou qui feignent de les croire.

L’une des magistraux parti-pris de Thomas Quillardet, au sein de la très belle scénographie de Lisa Navarro, l’une des grandes réussites de cette ambitieuse entreprise artistique est de ne jamais nous montrer d’extraits ni captures vidéo de ce qui s’est passé à l’époque.

Cette pièce de théâtre est avant tout du théâtre !

L’auteur-metteur en scène s’est livré à un impressionnant travail de recherche et de consultations d’archives, et surtout, surtout, il est allé rencontrer et interviewer quantité de confrères journalistes qui ont vécu de l’intérieur ce bouleversement du PAF.

Tout reposera sur l’excellente petite troupe de comédiens.
Des comédiens qui interprètent quel que soit leur sexe ou leur apparence physique les principaux protagonistes de l’époque.

C’est ainsi qu’un grand barbu interprétera… Claire Chazal.
C’est ainsi qu’une comédienne à la taille de guêpe jouera le rôle de Francis Bouygues. (Sa façon de s’exprimer, de se dandiner comme le défunt modèle sont épatantes…)

C’est ainsi que la même autre comédienne jouera les rôles de Christine Ockrent ou de « Poivre », le fameux PPDA. (Ses imitations vocales et ses postures gestuelles sont absolument irrésistibles.)

Sur la scène, un rythme effréné règne.
Avec précision, telle une véritable chorégraphie, les onze comédiens n’arrêtent pas.
Un ballet très organisé se met en place, et l’on ressent parfaitement l’effervescence qui peut régner dans une salle de conf’.

Des petits éléments de scénographie apparaissent, disparaissent, de façon très judicieuse, afin de matérialiser les différents changements… Des logos, un portrait d'un président de la république, des petits fenestrons…. Je n’en dis pas plus.

La démonstration de Thomas Quillardet est édifiante et implacable.
Il nous montre de façon plus qu’évidente ce que cette privatisation a eu en terme de conséquences sur la façon même d’appréhender le métier.

Recherche à tout prix du sensationnalisme, préférence des sujets de proximité (on voit parfaitement comment émerge le journal franchouillard de Jean-Pierre Pernaut) à l’actu nationale et internationale, le cynisme érigé en valeur morale, les annonceurs publicitaires dictant le contenu éditorial de la chaîne, la course permanente à l'audience, j’en passe et non des moindres…

Et puis surtout, surtout, est finement analysée l’émergence en France de l’info en continu, avec ce qui aboutira au lancement de LCI, la chaîne qui mouline l'actu 24h/24.
L’information devient une lancinante machine à jeter de l’huile sur le feu, justement.
CQFD.

Les trois heures entracte compris de cette passionnante reconstitution sociologique, mais peut-être et surtout historique reconstitution historique, ces trois heures-là passent bien trop vite.


Ne manquez pas cette plongée dans cet univers impitoyable à la Dallas.
Ne passez pas à côté de ce spectacle totalement réussi, que ce soit sur le fond ou sur la forme !
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