Ses critiques
87 critiques
8,5/10
Comme toujours, chez Wajdi Mouawad, c'est la finesse, l'intelligence, la délicatesse, la profondeur, la puissance, l'intensité de l'écriture qui nous saisissent dès les premières minutes et ne nous lâchent à aucun instant des deux heures que dure ce spectacle.
Seul(s!) sur la scène du Théâtre qu'il dirige désormais, mis à nu au propre comme au figuré, Mouawad nous expose un récit qui est peut-être le plus intime qu'il nous ait jamais livré. Mettant en scène une relation entre un fils (Harwan, étudiant montréalais qui peine à conclure son sujet de thèse sur le metteur en scène Robert Lepage) et son père qui se retrouve brutalement plongé dans le coma, il nous engloutit au plus profond des relations intimes qui n'existent précisément qu'entre un père et son fils.
Mouawad comédien est hypnotique lorsqu'il explore les mots de Wajdi auteur. La mise en scène habile et judicieuse nous fait voyager d'un pays à l'autre, d'un espace à l'autre, d'une âme à l''autre...
Au final, si la question que pose Harwan résonne en nous : "Comment sait-on que l'on est en train de rater sa vie?" - un début de réponse pourrait être : "On ne peut pas avoir totalement raté sa vie si l'on a découvert le théâtre de Wajdi Mouawad".
A voir, donc, absolument.
Seul(s!) sur la scène du Théâtre qu'il dirige désormais, mis à nu au propre comme au figuré, Mouawad nous expose un récit qui est peut-être le plus intime qu'il nous ait jamais livré. Mettant en scène une relation entre un fils (Harwan, étudiant montréalais qui peine à conclure son sujet de thèse sur le metteur en scène Robert Lepage) et son père qui se retrouve brutalement plongé dans le coma, il nous engloutit au plus profond des relations intimes qui n'existent précisément qu'entre un père et son fils.
Mouawad comédien est hypnotique lorsqu'il explore les mots de Wajdi auteur. La mise en scène habile et judicieuse nous fait voyager d'un pays à l'autre, d'un espace à l'autre, d'une âme à l''autre...
Au final, si la question que pose Harwan résonne en nous : "Comment sait-on que l'on est en train de rater sa vie?" - un début de réponse pourrait être : "On ne peut pas avoir totalement raté sa vie si l'on a découvert le théâtre de Wajdi Mouawad".
A voir, donc, absolument.
8,5/10
Jean Personne travaille (fait semblant de vivre…) dans une redoutable société de conseil en stratégie. Ses missions consistent à restructuer les organisations ; elles aboutissent souvent à des licenciements.
Destructeur d’existences, lui-même est en pleine crise. Questionnement sur la place, révolte contre le système, incapacité à poursuivre ce jeu de dupes. Car il s’agit bien d’une comédie (dés-)humaine présentée derrière les parois de verre d’un open-space glacial. Chacun surveille les autres dans un système infantilisant et oppressant ; plus dure sera la chute…
La richesse de ce spectacle tient à la profondeur des propos de Falk Richter. De ce matériau de départ, Cyril Teste et son collectif construisent sous nos yeux une performance magistrale et sinistre. 2 caméras filment en temps réel 14 comédiens sur un plateau découpé en 8 espaces. Pas de changement de décor mais un film qui se monte sous nos yeux. Comme en écho aux paroles de Cyril Teste : « Nobody, c’est un opéra dont les caméras sont les instruments et les interprètes les acteurs ».
Opéra, performance filmique, théâtre potilique : une expérience à vivre absolument et intensément, quitte à poser un RTT !
Destructeur d’existences, lui-même est en pleine crise. Questionnement sur la place, révolte contre le système, incapacité à poursuivre ce jeu de dupes. Car il s’agit bien d’une comédie (dés-)humaine présentée derrière les parois de verre d’un open-space glacial. Chacun surveille les autres dans un système infantilisant et oppressant ; plus dure sera la chute…
La richesse de ce spectacle tient à la profondeur des propos de Falk Richter. De ce matériau de départ, Cyril Teste et son collectif construisent sous nos yeux une performance magistrale et sinistre. 2 caméras filment en temps réel 14 comédiens sur un plateau découpé en 8 espaces. Pas de changement de décor mais un film qui se monte sous nos yeux. Comme en écho aux paroles de Cyril Teste : « Nobody, c’est un opéra dont les caméras sont les instruments et les interprètes les acteurs ».
Opéra, performance filmique, théâtre potilique : une expérience à vivre absolument et intensément, quitte à poser un RTT !
7/10
Le décor très british n’est pas sans rappeler celui de The Servant qui s’installa dans la même salle du Poche-Montparnasse pour y connaître le succès que l’on sait. Même pays, même époque (lendemain de la seconde guerre mondiale), même violence crue dans les rapports.
Dans La Version Bronwning nous assistons à la chute d’un professeur de lettres classiques en fin de carrière. Nous sommes au début de l’été, les élèves attendent leurs résultats, l’un d’eux vient rattrapper un cours chez Andrew Crocker-Harris (alias « Croquignolle » pour ses élèves). Très vite le malaise s’installe. Davantage que la retraite, Crocker-Harris semble attendre la mort. Son épouse le déteste, le trompe, l’humilie. Et ce depuis des années. Sans doute depuis toujours. Ses collégiens le craignent et le dénigrent. Certainement depuis toujours.
La nouveauté, ce soir, c’est que la page doit se tourner : Crocker-Harris est contraint de faire le bilan de cette vie de misère.
Malgré l’interprétation bouleversante de Jean-Pierre Bouvier, cette histoire ne parvient pas à nous toucher totalement. Sans savoir pourquoi, on reste sur le seuil de cet intérieur anglais que l’on oubliera sans doute plus rapidement que celui de Tony et Barrett…
Dans La Version Bronwning nous assistons à la chute d’un professeur de lettres classiques en fin de carrière. Nous sommes au début de l’été, les élèves attendent leurs résultats, l’un d’eux vient rattrapper un cours chez Andrew Crocker-Harris (alias « Croquignolle » pour ses élèves). Très vite le malaise s’installe. Davantage que la retraite, Crocker-Harris semble attendre la mort. Son épouse le déteste, le trompe, l’humilie. Et ce depuis des années. Sans doute depuis toujours. Ses collégiens le craignent et le dénigrent. Certainement depuis toujours.
La nouveauté, ce soir, c’est que la page doit se tourner : Crocker-Harris est contraint de faire le bilan de cette vie de misère.
Malgré l’interprétation bouleversante de Jean-Pierre Bouvier, cette histoire ne parvient pas à nous toucher totalement. Sans savoir pourquoi, on reste sur le seuil de cet intérieur anglais que l’on oubliera sans doute plus rapidement que celui de Tony et Barrett…
8/10
Lorsqu’on s’installe dans la salle Jean Tardieu du Rond-Point – ils sont déjà là, les bougres…- on ne sait pas trop ce qu’on vient voir. On se souvient d’avoir été frustré la saison précédente : la blessure d’un des deux artistes avait entrainé l’annulation du spectacle. Blessé comment, pourquoi ? De quoi s’agit-il au juste ? Match de boxe ? Combat de coq ? Lutte endiablée ? Mise « à mâle » ?
Un Poyo Rojo c’est tout cela à la fois. Mais c’est par dessus tout une danse de vie. Une ode à l’amour, à la passion, à la miraculeuse relation qu’entraine une si forte proximité. Car ces deux-là se connaissent par cœur, à tel point que leurs corps s’attirent tels des aimants.
Dès les premières minutes, une douceur brutale règne sur le plateau. Alfonso Barón et Luciano Rosso se défient du regard, se jaugent tels des animaux avant d’enchaîner les figures, d’entrer dans la danse qui les mènera au combat. Mi-comédiens mi-danseurs, ils font de chaque micro parcelle de leurs corps un simple prodige.
Les prémices de ce spectacle inclassable se déroulent dans un silence total. S’il n’était couvert par l’écho de leur souffle court, on entendrait battre leurs cœurs à l’unisson.
Et puis d’un coup, des sons de radio s’en mêlent, crachotés par une chaine portative délicieusement old-school. Dès lors, les pas de danse de nos deux compères seront calés sur la programmation retransmise en direct. Quelle est la part d’improvisation ? Trouvent-ils l’inspiration à force de faire défiler les stations, alternant flash info, tubes disco et standards de la chanson française ? Ou bien cherchent-ils, à force de zapper sur les ondes, le morceau qui s’accordera le mieux au déroulé du spectacle ? Peu importe, seul le résultat compte : ils parviennent ainsi à nous intégrer totalement dans l’immédiateté de leur pas de deux. Peu à peu l’alchimie qui les unit gagne du terrain : l’énergie communicative d’Alfonso et Luciano se loge en chacun de nous et cela fait un bien fou !
Ils arrivent tout droit de Buenos Aires où ils jouent à guichet fermé depuis 2008, 3 raisons d’aller les découvrir au Rond-Point :
1 – Ils dansent comme des dieux ; dieux du stade, dieux de l’arène, dieux de la scène.
2 – Mais il serait réducteur de les classer dans la catégorie « danse contemporaine » : ils nous offrent un succulent moment de théâtre qui fait la part belle à l’improvisation.
3 – La jolie surprise tient au troisième personnage : une radio vintage qui nous connecte aux joies du direct…
Un Poyo Rojo c’est tout cela à la fois. Mais c’est par dessus tout une danse de vie. Une ode à l’amour, à la passion, à la miraculeuse relation qu’entraine une si forte proximité. Car ces deux-là se connaissent par cœur, à tel point que leurs corps s’attirent tels des aimants.
Dès les premières minutes, une douceur brutale règne sur le plateau. Alfonso Barón et Luciano Rosso se défient du regard, se jaugent tels des animaux avant d’enchaîner les figures, d’entrer dans la danse qui les mènera au combat. Mi-comédiens mi-danseurs, ils font de chaque micro parcelle de leurs corps un simple prodige.
Les prémices de ce spectacle inclassable se déroulent dans un silence total. S’il n’était couvert par l’écho de leur souffle court, on entendrait battre leurs cœurs à l’unisson.
Et puis d’un coup, des sons de radio s’en mêlent, crachotés par une chaine portative délicieusement old-school. Dès lors, les pas de danse de nos deux compères seront calés sur la programmation retransmise en direct. Quelle est la part d’improvisation ? Trouvent-ils l’inspiration à force de faire défiler les stations, alternant flash info, tubes disco et standards de la chanson française ? Ou bien cherchent-ils, à force de zapper sur les ondes, le morceau qui s’accordera le mieux au déroulé du spectacle ? Peu importe, seul le résultat compte : ils parviennent ainsi à nous intégrer totalement dans l’immédiateté de leur pas de deux. Peu à peu l’alchimie qui les unit gagne du terrain : l’énergie communicative d’Alfonso et Luciano se loge en chacun de nous et cela fait un bien fou !
Ils arrivent tout droit de Buenos Aires où ils jouent à guichet fermé depuis 2008, 3 raisons d’aller les découvrir au Rond-Point :
1 – Ils dansent comme des dieux ; dieux du stade, dieux de l’arène, dieux de la scène.
2 – Mais il serait réducteur de les classer dans la catégorie « danse contemporaine » : ils nous offrent un succulent moment de théâtre qui fait la part belle à l’improvisation.
3 – La jolie surprise tient au troisième personnage : une radio vintage qui nous connecte aux joies du direct…
9,5/10
L’Interlope, c’est le nom de ce cabaret qui nous accueille, lorsque le noir se fait. Un cabaret imaginaire, comme il en existait des dizaines, dans le Paris de l’entre deux-guerres, théâtre de la culture underground homosexuelle, où des femmes et des hommes travestis faisaient vivre un répertoire… pas toujours très délicat.
Point d’indélicatesse ici, tout est intelligence et sensibilité : Serge Bagdassarian, aidé par les arrangements toujours réjouissants de Benoît Urbain (qui œuvrait déjà dans les meilleurs cabarets du Français : Vian, Brassens, Ferré…), a choisi des titres d’époques différentes, parlant d’amour, de souffrance, de passion, de poésie, de vies… Quatre personnages, tout de suite attachants, nous embarquent avec eux à bord de ce cabaret formidable.La scénographie nous plonge instantanément dans les coulisses de l’Interlope – quelle belle idée d’avoir introduit les deux dimensions : la coulisse et ses angoisses, avant l’entrée en scène, flamboyante et lumineuse. Tout est extrêmement soigné dans ce spectacle qui passe trop vite : le jeu simple mais efficace des musiciens (piano/contrebasse), la direction des comédiens, sur scène comme au chant, les voix de ces comédiens (les précédents cabarets étaient parfois assez inégaux sur ce plan ; ici les quatre comédiens sont aussi de formidables chanteurs), le choix du répertoire et son agencement chronologique dans le spectacle, les textes écrits par Serge Bagdassarian qui révèlent des personnages tellement attachants…
Car c’est sans doute la grande trouvaille de cabaret : il s’y dessine en creux un portrait de quatre artistes, de différentes générations, qu’on est presque frustré d’accompagner sur un temps si court. Il y a là Axel (Véronique Vella), la directrice de l’établissement, âme de l’endroit, Camille (Serge Bagdassarian), la diva sensible et amoureuse, Pierre (Benjamin Lavherne), la meneuse érotique – marié par ailleurs à une femme – et Tristan (Michel Favory), le doyen, grave et émouvant.
Ce cabaret est une totale réussite : il renouvelle un genre qui semblait s’essouffler ces temps derniers au Français et place la barre très haut.
Gageons que le public va se presser en masse dans la petite salle du Studio-Théâtre, battre des mains, secouer les jambes, rire, pleurer… et vibrer au son de l’enthousiasmant Interlope.Et s’il ne vous fallait que 3 raisons pour vous convaincre d’y courir :
1 – C’est une proposition artistique totalement originale que nous offre la Comédie-Française, en ouverture de sa saison 2016/2017. Ce n’est pas si courant.
2 – À l’issue de l’une des chansons, Pierre (Benjamin Lavernhe) suggère qu’en ces temps de crise, cela ne ferait pas de mal aux gens d’’aller s’encanailler aux « Tuileries »… Sans aller jusque là, un peu plus d’une heure à l’Interlope est un remède garanti contre la morosité.
3 – Nouveau pari réussi pour Eric Ruf qui inaugure ainsi en fanfare, – et en plumes -, sa deuxième saison d’administrateur avec cette commande que Serge Bagdassarian s’est manifestement beaucoup amusé à honorer.
Point d’indélicatesse ici, tout est intelligence et sensibilité : Serge Bagdassarian, aidé par les arrangements toujours réjouissants de Benoît Urbain (qui œuvrait déjà dans les meilleurs cabarets du Français : Vian, Brassens, Ferré…), a choisi des titres d’époques différentes, parlant d’amour, de souffrance, de passion, de poésie, de vies… Quatre personnages, tout de suite attachants, nous embarquent avec eux à bord de ce cabaret formidable.La scénographie nous plonge instantanément dans les coulisses de l’Interlope – quelle belle idée d’avoir introduit les deux dimensions : la coulisse et ses angoisses, avant l’entrée en scène, flamboyante et lumineuse. Tout est extrêmement soigné dans ce spectacle qui passe trop vite : le jeu simple mais efficace des musiciens (piano/contrebasse), la direction des comédiens, sur scène comme au chant, les voix de ces comédiens (les précédents cabarets étaient parfois assez inégaux sur ce plan ; ici les quatre comédiens sont aussi de formidables chanteurs), le choix du répertoire et son agencement chronologique dans le spectacle, les textes écrits par Serge Bagdassarian qui révèlent des personnages tellement attachants…
Car c’est sans doute la grande trouvaille de cabaret : il s’y dessine en creux un portrait de quatre artistes, de différentes générations, qu’on est presque frustré d’accompagner sur un temps si court. Il y a là Axel (Véronique Vella), la directrice de l’établissement, âme de l’endroit, Camille (Serge Bagdassarian), la diva sensible et amoureuse, Pierre (Benjamin Lavherne), la meneuse érotique – marié par ailleurs à une femme – et Tristan (Michel Favory), le doyen, grave et émouvant.
Ce cabaret est une totale réussite : il renouvelle un genre qui semblait s’essouffler ces temps derniers au Français et place la barre très haut.
Gageons que le public va se presser en masse dans la petite salle du Studio-Théâtre, battre des mains, secouer les jambes, rire, pleurer… et vibrer au son de l’enthousiasmant Interlope.Et s’il ne vous fallait que 3 raisons pour vous convaincre d’y courir :
1 – C’est une proposition artistique totalement originale que nous offre la Comédie-Française, en ouverture de sa saison 2016/2017. Ce n’est pas si courant.
2 – À l’issue de l’une des chansons, Pierre (Benjamin Lavernhe) suggère qu’en ces temps de crise, cela ne ferait pas de mal aux gens d’’aller s’encanailler aux « Tuileries »… Sans aller jusque là, un peu plus d’une heure à l’Interlope est un remède garanti contre la morosité.
3 – Nouveau pari réussi pour Eric Ruf qui inaugure ainsi en fanfare, – et en plumes -, sa deuxième saison d’administrateur avec cette commande que Serge Bagdassarian s’est manifestement beaucoup amusé à honorer.