- En tournée
- En tournée dans toute la France
Nobody

- Quentin Ménard
- Elsa Agnes
- Fanny Arnulf
- En tournée dans toute la France
Dans un dispositif cinématographique en temps réel et à vue, Nobody nous fait assister simultanément à la projection du film et à sa fabrication.
Cyril Teste entaille en tension, avec humour et lucidité, la violence sourde d’un système qui infiltre nos structures intimes. Il décompose et réassemble l’oeuvre politique de Falk Richter et constitue un scénario inédit sur les dérives managériales et la déshumanisation au travail.
Jean Personne est consultant en restructuration d’entreprise. Intelligence, charisme et assurance sont de mise. Soumis aux lois du benchmarking, lui et ses collègues notent, évaluent, évincent à l’autre bout du monde comme de l’autre côté du couloir. Héros cynique d’un jeu dont il n’a pas le contrôle, à la fois acteur de l’éviction des autres et de sa déchéance, Jean perd pied et s’enfonce dans une torpeur où s’abattent ses peurs et les réminiscences de sa vie privée.
Nobody a été récompensée du Triomphe AuBalcon du Théâtre d'Idées (2016).
La critique de la rédaction : 7.3/10. Pour un public averti. Une pièce très dure. On en sort troublé, un peu secoué, avec le besoin d'en discuter.
Elle dresse un portrait pessimiste et bien sombre du monde du travail, ce qu'il est devenu au fil des années : productivité, culture du chiffre, évaluations personnelles ou devrions nous dire personal assessment. Elle évoque aussi les principes de management idiots et les théories fumeuses d'Outre Atlantique qu'on applique de manière systématique... En ne faisant plus les choses que de manière intéressée.
Ces consultants sont déshumanisés, leur esprit et leurs paroles formatées. Ils ne ressentent rien, sont absents, ne donnent plus de sens à ce qu'ils font, ne rient plus. Pire, ils oublient leur famille, leurs proches pour ce travail qui ne sert à rien ni à personne.
La voix off est celle qui nous a le plus perturbée. Elle reflète les maux d'un homme perdu qui subit sa vie derrière une carapace de jeune beau et brillant.
Nobody touchera d'autant plus ceux qui travaillent dans les grandes entreprises américaines (ce qui est notre cas). Pourquoi sommes-nous un autre nous même quand nous travaillons ? Sommes-nous vraiment à notre place ?
La pièce crée une distance propice à la prise de recul pour le spectateur car les comédiens jouent derrière les grandes vitres d'un open space. Ils sont filmés par des caméras qui les suivent à la trace et retransmettent les images en temps réel sur un grand écran au dessus de la scène. Le résultat est d'une esthétique remarquable avec des acteurs sublimés par la vidéo. On a été épaté par le jeu du héros et celui du formateur.
Attention aux âmes sensibles car le metteur en scène veut choquer pour faire réfléchir. Certains trouveront les scènes de sexe un peu gratuites. Mais elles ont beaucoup amusé les adolescents dans la salle. La professeur qui les avait amené ne s'attendait sûrement pas à ce que la pièce aille si loin !
En tout cas, Nobody met mal à l'aise, bouscule, fait rire et réfléchir. Elle donne envie de sortir du théâtre en courant pour aller changer le monde (du travail) !
C'est un Ovni dans le paysage théâtral, mais ce spectacle sera certainement une référence à l'avenir dans la performance filmique.
C'est la première fois que j'assiste à une "performance filmique" et je dois dire que, même s'il m'a fallu un petit temps d'adaptation, c'est très réussi.
L'atmosphère de la pièce, froide et totalement deshumanisée, m'a fait peur au départ. J'ai cru que je n'allais pas rentrer dedans. Mais le pari est réussi et on fini par être totalement captivé par cette ambiance.
Le texte est une excellente satire du monde du travail. Il en décrit parfaitement certaines absurdités, bien réelles, et en invente d'autres encore plus marrantes. Il nous fait rire, nous consterne, nous questionne. On en vient à se demander si ce parallèle entre des employés et le voyage initiatique d'un phoque n'aurait pas sérieusement pu exister dans une des ces entreprises d'aujourd'hui :D
Difficile d'exprimer ce qu'on ressent devant NOBODY... Ces employés sont robotisés, sans vies, ils sont absents mais pourtant ils nous absorbent.
Très beau travail de la part du collectif, on peut en tout cas les remercier de nous proposer cette expérience différente.
On a donc sur scène un grand rectangle, où l'on voit à travers des vitres un large open space dans une firme type américaine. Cette disposition scénique, qui m'a rappelée les blocs sur scène de 2666 par Julien Gosselin, marche merveilleusement bien. On est dans une vraie construction du 4ème mur, mais qui n'est pas du tout déplaisante. Les lumières très blanches et très claires qui illuminent ces bureaux blancs et noirs accentuent l'effet de vide, de froideur que nous transmet le texte de Falk Richter. Le décor sert à la performance filmique (à l'aide de deux cameramen), on passe d'une salle à l'autre facilement, les transitions sont naturelles et bien ficelées.
L'atmosphère est étouffante, pesante, on a devant nous un décor et des acteurs qui transpirent la froideur et l'inhumanité. Quoi de mieux pour représenter Falk Richter ?
Je suis sortie de cette pièce bouleversée, sans plus aucun repère ni aucune chaleur humaine environnante. J'ai mis bien une heure pour me remettre de ce choc. C'est avec une grande prouesse de Cyril Teste, et qui aboutit à remettre en question le système dans lequel nous vivons, et l'emprise du travail sur la vie privée, et sur la vie en général.
Petit bémol pour quelques acteurs qui parfois, ne m'ont pas paru justes.
Destructeur d’existences, lui-même est en pleine crise. Questionnement sur la place, révolte contre le système, incapacité à poursuivre ce jeu de dupes. Car il s’agit bien d’une comédie (dés-)humaine présentée derrière les parois de verre d’un open-space glacial. Chacun surveille les autres dans un système infantilisant et oppressant ; plus dure sera la chute…
La richesse de ce spectacle tient à la profondeur des propos de Falk Richter. De ce matériau de départ, Cyril Teste et son collectif construisent sous nos yeux une performance magistrale et sinistre. 2 caméras filment en temps réel 14 comédiens sur un plateau découpé en 8 espaces. Pas de changement de décor mais un film qui se monte sous nos yeux. Comme en écho aux paroles de Cyril Teste : « Nobody, c’est un opéra dont les caméras sont les instruments et les interprètes les acteurs ».
Opéra, performance filmique, théâtre potilique : une expérience à vivre absolument et intensément, quitte à poser un RTT !
Les rapports entre collègues sont passés au vitriol à travers la voix off de Jean Personne, le Nobody qui n'est qu'un pion au sein d'un système managérial "efficace" et totalement déshumanisé.
Ce qui est présenté dans les bureaux est également filmé, par des caméramans mobiles et discrets (nous les oublions vite), et montré en direct au-dessus du plateau.
Nous avons beaucoup aimé cette performance filmique et scénique.